Diagnostic des laryngites chroniques

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Diagnostic des laryngites chroniques
Author : dr-jahidi
I. Definition interets.
On appelle laryngite chronique, toute inflammation chronique, diffuse non tumorale, non spécifique de la
muqueuse du larynx.
Cette affection est intéressante à plusieurs titres :
*
elle constitue un motif fréquent de consultation.
*
Son diagnostic est laryngoscopique.
*
Elle comporte un risque de transformation maligne surtout au niveau des cordes vocales.
* Elle nécessite un bilan rigoureux, pouvant aller jusqu’à la laryngoscopie directe en suspension pour
ne pas ignorer un cancer sous-jacent.
Après un rappel anatomique de la corde vocale, nous nous intéresserons au diagnostic positif, différentiel
et étiologique des laryngites chroniques.
II. RAPPEL ANATOMIQUE
Le larynx a un triple rôle:
- Respiratoire: c’est le lieu de passage de l’air vers la trachée.
- De protection des voies aériennes trachéo-bronchiques.
- Phonatoire par la vibration des cordes vocales.
C’est cette dernière fonction qui sera principalement perturbée.
La corde vocale est un épaississement de la membrane fibro-élastique du larynx tendu entre l’angle
rentrant du cartilage thyroïde en avant et l’appophyse vocale de l’aryténoïde en arrière. Le plan des deux
cordes vocales délimite la glotte et divise le larynx en 3 étages: sus glottique, sous glottique et glottique.
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De forme prismatique à base externe et bord libre interne, la corde est blanc nacré et mesure 18 à 22 mm.
Elle est constituée de trois portions.
*
Portion postérieure cartilagineuse (appophyse vocale de l’aryténoïde).
*
Portion moyenne fibreuse (ligament thyro-aryténoïdien inférieur).
* Portion antérieure fibro-élastique constituée par le ligament de BROYLE inséré au dessous du
ligament thyro-épiglottique, directement sur le cartilage thyroïde. Cette zone d’insertion antérieure
correspond à la commissure antérieure.
- La face supérieure plane constitue dans sa partie externe le plancher du ventricule laryngé, dont le
plafond répond à la face inférieure du ligament thyro-aryténoïdien supérieur (ou bande ventriculaire) qui
surplombe la corde vocale.
- La face inférieure constitue la partie supérieure de la sous glotte.
- La face externe répond à la couche interne du muscle thyro-aryténoïdien inférieur.
Appareil musculaire.
La corde vocale est animée par le jeu de l’aryténoïde mobilisé par les muscles laryngés.
*
Les muscles constricteurs de la glotte:
- le muscle thyro-aryténoïdien inférieur: il constitue par sa couche interne le
muscle vocal.
- le muscle thyro-aryténoïdien supérieur.
- le muscle crico-aryténoïdien latéral dans l’espace para et sous glottique.
- les muscles inter aryténoïdien.
Les muscles constricteurs de la glotte sont innervés par le nerf récurent.
* Le groupe dilatateur de la glotte. Constitué par le muscle crico-aryténoïdien postérieur inséré sur la
face postérieure du chaton cricoïdien et innervé à la fois par les nerf laryngé supérieur et inférieur
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* Le groupe tenseur des cordes vocales. Constitué par le muscle crico-thyroïdien innervé par la branche
externe du nerf laryngé supérieur.
La muqueuse:
Elle est faite d’un épithélium pavimenteux stratifié non kératinisé qui repose sur un chorion riche en
fibres élastiques, constituant l’espace décollable de Reinke permettant l’ondulation muqueuse lors de la
phonation. Son innervation sensitive est assurée par le nerf laryngé supérieur.
III. DIAGNOSTIC POSITIF.
Il est laryngoscopique.
Les circonstances de découverte.
*
Essentiellement devant une dysphonie chronique évoluant depuis un mois ou plus.
*
Plus rarement, la découverte se fait fortuitement.
Les signes fonctionnels.
- Tous les types de dysphonie, portant sur le timbre ou sur l’intensité peuvent se rencontrer, mais
l’enrouement est le plus fréquent: il s’agit d’une voix râpeuse, éraillée, avec fatigabilité anormale
surtout en fin de journée, voire épisodes d’aphonie sans tendance à la régression complète et devenant
progressivement permanent.
- Parmi les signes associés, le hémmage ou raclement répété de la gorge est le plus fréquent et le plus
significatif ; une sensation de corps étranger, sécheresse pharyngée, dysphagie, et plus rarement une
dyspnée peuvent exister témoignant de lésions extra glottiques ou très exubérantes.
Au plan épidémiologique cette affection touche dans plus de 90% des cas
l’homme fumeur entre 45 et 55 ans.
Face à un tel tableau; l’examen clinique est centré sur la naso-fibroscpie:
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* Elle remplace avantageusement la laryngoscpie indirecte et l’épipharyngoscopie. Elle est mieux
supportée et ne nécessite qu’une anesthésie locale. Elle permet dans le même temps l’examen d’une
fosse nasale, du rhinopharynx, de l’oropharynx, de l’hypopharynx et du larynx.
* On obtient une image non inversée de: la base de la langue, de l’épiglotte, de la margelle laryngée,
des cordes vocales, des sinus piriformes et de la paroi pharyngée postérieur.
* La mobilité des cordes vocales est appréciée en faisant respirer (elles s’écartent) puis dire i ou é (elles
se rapprochent).
On découvre ainsi différentes lésions: Les laryngites rouges ou blanches avec fréquemment des formes
mixtes. Elles siègent préférentiellement sur les cordes vocales puis dans les vestibules.
Les laryngites rouges :
* La laryngite catarrhale chronique est une rougeur diffuse du larynx et rosé des cordes vocales, qui
gardent une muqueuse régulière et un affrontement correct. Les capillaires cordeaux sont parallèles au
grand axe des cordes, signe de bénignité. Il s’y associe une hypersécrétion muqueuse.
* La laryngite pseudo-myxomateuse se caractérise par un épaississement considérable de la muqueuse de
la corde vocale qui est soulevée par un oedème translucide, son bord libre venant tomber dans la lumière
glottique.
* La laryngite pachydermique rouge donne des cordes vocales boudinées, fermes, avec une muqueuse
rouge et épaisse parfois parsemée de granulations, s’affrontant mal en phonation et recouvertes de
sécrétions épaisses. Les capillaires peuvent être regroupés en îlot.
Les laryngites blanches :
* La leucoplasie est la variété plane, en taches de bougie, blanc nacré, sans limite nette, sur muqueuse
normale ou inflammatoire.
* La pachydermie blanche ou kératose est la forme exophytique, grisâtre, bien limitée, dure à la
palpation avec une surface très irrégulière.
* La papillome corné de l’adulte se rapproche de la kératose. La masse est bourgeonnante avec des
spicules caractéristiques.
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Parmi ces aspects, on distingue:
- Des formes classiquement bénigne: La leucoplasie, La laryngite pseudo-myxomateuse et catarrhale.
- Des formes dangereuses : les formes hypertrophiques et surtout la pachydermie.
IV. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
A) Les formes bénignes :
Relèvent en premier lieu d’un facteur favorisant irritatif qui va être recherché par un :
Interrogatoire minutieux. Qui recherchera
*
Des facteurs endogènes locorégionaux
- Une infection rhino-sinusienne chronique: la rhinorrhée postérieure, évoquée devant une toux nocturne,
un hemmage avec des crachats permanents peut entraîner ou aggraver l’irritation laryngée.
- Une infection bronchopulmonaire chronique (asthme, bronchite chronique, tuberculose, sarcoïdose)
- Un RGO qui provoque des irritations chroniques nocturnes.
*
Des facteurs endogènes généraux
- Des troubles métaboliques tel le diabète.
- Une hyperthyroïdie ou hyper-androgénie.
- Une avitaminose A source de kératinisation.
*
Des facteurs exogènes
- Un surmenage vocal d’origine professionnel (chanteur, enseignant, camelot...)
- Un tabagisme supérieur à 15 cigarettes par jours. Le tabac joue un rôle primordial dans la genèse des
laryngites chroniques par le biais de la nicotine qui altère l’épithélium de recouvrement de la muqueuse
et induit une inflammation chronique, puis par les goudrons qui induisent des lésions dysplasiques.
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- Une inhalation chronique de produits irritants industriels: poussières de
laine de verre et de vapeurs. Elles auraient le même effet que le
tabac.
ciment, d’amiante, de
- Un éthylisme chronique cofacteur inflammatoire du tabac.
- Une intubation trachéale prolongée, qui peut induire une inflammation laryngée, voire des
granulomes à la partie postérieure des cordes vocales.
- Enfin, on cherchera une irradiation cervicale.
Examen clinique.
*
Examen des fosses nasales et du cavum : est réalisé par rhinoscopie antérieure au spéculum, puis
postérieur au miroir laryngien. Il recherche une inflammation (sinusite) une obstruction nasale chronique
car la ventilation buccale qu’elle entraîne provoque une dessiccation de la muqueuse laryngée car
l’air n’est plus
réchauffé ni humidifié.
*
Examen endobuccal à l’abaisse langue : apprécie l’état dentaire, inspecte la
amygdales.
*
langue et les
L’examen régional : consiste à réaliser un otoscopie bilatérale, palper les points.
sinusiens, les aires ganglionnaires cervicales et la thyroïde.
*
L’examen général : apprécie l’état général, le poids , la température.
Examens complémentaires
Ils sont demandés en fonction des circonstances et des signes cliniques
- radiographie des poumons, EFR, IDR à la tuberculine.
- radiographie des sinus en cas de suspicion de sinusite.
- NFS, VS, CRP, qui détectent un syndrome infectieux ou inflammatoire.
- bilan biologique endocrinien en cas de signes cliniques évocateurs.
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- fibroscopie et PH-métrie oesophagienne en cas de signes de RGO.
B) les formes dangereuses.
* Une vidéo-laryngo-stroboscopie est réalisée. Elle permet une étude dynamique de la voix, en
objectivant les anomalies vibratoires laryngées. Une disparition de l’ondulation muqueuse d’une corde
vocale doit faire craindre une infiltration.
* Une laryngoscopie directe en suspension (LDS) sous A.G. est alors impérative. Elle permet grâce
au microscope opératoire et l’optique rigide, un examen rigoureux de l’ensemble du larynx après
déplissement des replis muqueux. Elle repère les formes minimes invisibles à l’oeil nu, les zones d’hyper
vascularisation et les zones suspectes hypovibrantes à la stroboscopie. Elle permet le palpation des lésions
qui recherche une infiltration ou un saignement au contact de mauvais pronostic; puis on réalise des
biopsies in situ ou des gestes thérapeutiques soit micro chirurgicaux, soit au laser CO2.
* le prélèvement doit respecter certaines règles. Il est effectué sans infiltration et plutôt au bistouri
ou aux micro ciseaux qu’aux pinces emporte-pièce. Il doit être suffisamment profond pour emporter la
basale et le chorion superficiel sans léser le ligament vocal. L’exérèse de la totalité de la lésion est réalise
chaque fois que c’est possible, accompagné de plusieurs biopsies en périphérie. Il s’agit donc
d’un pelage biopsie exérèse.
*
L’étude anatomo-pathologique de la pièce opératoire la classe en 3 stades:
- Stade I : hyperplasie avec ou sans kératinisation de l’épithélium
- Stade II : hyperplasie avec atypies cellulaires.
- Stade III : hyperplasie avec carcinome in situ.
Dans tous les cas la membrane basale est respectée.
V- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Au terme de ce bilan, on peut éliminer:
* Un cancer laryngé par son aspect induré et saignant au contact par une rigidité de la zone concerné
et bien sûr par l’étude anatomo-pathologique qui montre un dépassement de la basale.
* Une dysphonie fonctionnelle, qui correspond à un forçage vocal soit par surmenage, soit sur
obstacle (nodule, polype...)
*
Les pathologies acquises ou congénitales du larynx: kyste intracordal, palmure, sulcus glottidis,
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synéchie, papillomatose.
*
Les laryngites chroniques spécifiques: tuberculose, syphilis, sarcoïdose, amylose.
*
Les tumeurs laryngées bénignes: kystes, laryngocèles, chondromes, papillome corné de l’adulte.
VI CONDUITE A TENIR
* Les laryngites hypertrophiques rouges présentent généralement un stade I ou II. Elles dégénèrent en
cancer épithélial dans environ 18% des cas.
* Les kératoses constituent un véritable état précancéreux. La possibilité d’un carcinome in situ justifie
une exérèse globale d’emblée.
* Le délai de transformation maligne n’est pas connu. Il est raccourci lorsque l’exposition tabagique
ou professionnelle se poursuit. Il faut donc conseiller une éviction du tabac et supprimer les facteurs
infectieux régionaux. Ensuite, une surveillance régulière est instaurée un mois plus tard puis tout les 3
mois avec laryngoscopie indirecte systématique et laryngoscopie directe avec pelage et biopsies à la
moindre anomalie observée ou modification de la voix. l’utilité d’une vitaminothérapie A pour
normaliser la kératinisation est discutée.
VII. CONCLUSION
Toute dysphonie durable en dehors d’une inflammation régionale surtout en présence de facteurs
favorisants impose un examen du larynx et une laryngoscopie directe au moindre doute. Une surveillance
régulière s’impose pour les laryngites chroniques hypertrophiques qui peuvent dégénérer.
La micro chirurgie laryngée est essentielle, tant pour le diagnostic que pour le traitement.
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