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Introduction à la Psychologie Clinique
Prof. Dr. Ariane Bazan
Année 2008-2009
II. LES TROIS TEMPS DE LA CLINIQUE
LA RENCONTRE
Ethique : science qui traite des principes régulateurs de l’action et de la conduite morale. Les
questions centrales sont : « Que dois-je faire ? Comment dois-je afir ? Comment dois-je vivre ? »
Définition :
1. Le clinicien s’engage à entendre les cas individuels des sujets dans leur singularité
2. Le travail clinique repose sur l’échange linguistique dans le respect de la complexité de ce
langage
3. Le clinicien s’engage dans un rapport interpersonnel avec le sujet donc le but est de
faciliter l’échange linguistique, de faciliter en particulier le dire du sujet.
Rencontre d’humain à humain, on est tous des humains et on se pose tous les mêmes questions
existentielle, on a tous les même angoisses, “on est tous dans le même bâteau”.
La rencontre clinique vise à ouvrir à l’autre un espace favorable à l’articulation d’un appel
ou d’une demande. Quelqu’un vient voir s’il y a un espace d’ouverture, on ne vient pas avec une
demande précise.
L’ouverture de l’espace de rencontre relève d’une éthique soutenue par une conception de ce qui
fait la condition humaine. On est conscient de la condition humaine.
1.1 La Condition Humaine
1.1.1 La notion de ‘normalité’
1.La normalité est la santé
Ces définitions de la normalité proviennent d’un article américain de 1973.
La normalité est l’absence de symptômes pathologiques.
Le symptôme : Qu’est-ce que c’est ?
o Définition statistique: phénomène déviant de la norme quant à la fonction ou
caractère distinctif d'un état fonctionnel anormal définition « circulaire », on
définit la normalité par rapport au symptôme et le symptôme par rapport à la
normalité.
o Définition médicale: manifestation subjective d’un trouble, tel qu'exprimé par le
patient
La norme serait l’absence de trouble ou de maladie.
Or:
o « La santé est un état de bien être total physique, social et mental de la personne
et non la simple absence de maladie ou d'infirmité » Définition de l’organisation
mondail de la santé donc même pour le domaine purement médical, l’absence de
maladie ne suffit pas à définir la santé. Cela est à nuancer car le bien être total
n’est le cas pour personne.
o Pour la santé mentale, la définition peut même se retourner. L’absence
d’émotion tel que l’angoisse peut être un signe de problème psychique.
o « Rien n’est jamais acquis à l’homme » Aragon
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La norme serait cet ‘état de bien être total physique, social et mental’.
Or:
o Freud: « Ce que je peux faire de mieux est de transformer votre misère
névrotique en malheur humain ordinaire. ». On ne peut pas rendre les gens
heureux, c’est le pessimisme de la psychanalyse.
Le symptôme autre définition :
o Définition générale(celle du dictionnaire): ce qui manifeste, révèle ou permet de
prévoir un état ou une évolution.
o Définition psychosociologique: la façon particulière dont un individu trouve sa
place dans le monde et règle son rapport à celui-ci
le symptôme est ce par quoi le sujet se manifeste, ce par quoi il révèle sa subjectivité, (ce
par quoi il manifeste sa singularité, choix de vêtement, de parole…) l’organisation subjective
et particulière de son appareil psychique. La normalité ne peut pas être l’absence de
symptôme car ça voudrait dire une absence de sujet. Si on efface toute subjectivité, c’est la
normalisation de l’espèce humaine.
La normalité est l’absence de symptômes pathologiques.
Le symptôme autre définition :
o Définition analytique: le symptôme offre un tel bénéfice primaire. Le symptôme
est implémenté dans le sujet car il a un certain avantage.
o Étymologie: du grec ‘sympiptein’, ‘rencontrer
o Le symptôme est l’endroit l’on rencontre l’autre, la subjectivité de l’autre
se manifeste. La phobie, l’anxiété permet de mobiliser l’entourage, le symptôme
est un lieu de rencontre. Le symptôme devient contre productif et provoque une
souffrance thérapie
2.La normalité est la moyenne
La normalité est ce qui se situe dans la moyenne d’une distribution normale d’une
conception du psychisme humain traduites en critères chiffrables. Difficile de mettre le
psychisme en chiffre.
2 problèmes :
Le premier :
Comment traduire le psychisme humain en critères chiffrables?
Pour les dimensions de la matière (extension, poids, volume):
o Mesure directe
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o Mesure par rapport à un référence externe stable. Il existe un mètre de référence au
musée de l’homme à Paris.
Pour les caractéristiques psychiques:
o Mesure indirecte: on assume (suppose) que les réponses, qui sont de l’ordre du
comportement, ont un rapport plus ou moins stable et fiable par rapport à ces
caractéristiques. On donne des questionnaires au sujet. C’est très différent par
rapport à une mesure avec un mètre.
o Mesure par rapport à une référence interne et parfois changeante. Par exemple,
l’anxiété de la population en chiffre est très changeante, de plus il faut être plus
intelligent aujourd’hui pour être dans la norme. ex. la ‘Weschler Adult Intelligence
Scale’ (la WAIS)
La normalité est une mesure de non-différence avec l’autre. Cette normalité est très
instable: elle varie avec le groupe et avec le temps. Ex. l’effet Flynn pour le QI: il se
pourrait donc que ce qui était normal avant l’an 2000 ne le soit déjà plus….
Le deuxième :
Si le normal est une mesure de non-différence avec l’autre, il semble absurde de se servir
du normal pour la clinique. Car la clinique est un accueil à la différence.
Cette moyenne n’est pas toujours la situation la plus ‘heureuse’ (ou la moins éloignée du
‘malheur humain ordinaire’):
o Ex. le médicament le plus utilisé aux Etats-Unis en 2005 est un antidépresseur ,
o Ex. quelques 7,5 milliards de pilules ont été avalées en 2008 en Belgique
L’essence même du travail clinique consiste en l’accueil de l’altérité, puisqu’il s’agit là de
la notion même de rencontre. Il faut s’ouvrir à l’autre, ce qui est radicalement différent,
tomber de ses repères car on est pris par quelque chose qu’on ne connaît pas.
3. La normalité est l’idéal
Les normes cliniques sont données par un groupe de caractéristiques idéales.
Quels sont ces normes idéales, comment les déterminer? Qui va établir les idéaux ?
o Ces normes varient (très largement) avec le temps et la culture.
Jones [1879-1958], psychiatre anglais: critère de bonheur: ‘être ‘libre de
toute anxiété’ (1931) mais on aurait plus de désir et donc de but pour faire
les choses; Bettelheim [1903-1990] psychanalyste et pédagogue américain:
l’anxiété est là force motrice humain.
’70-’80: l’authenticité, la spontanéité et l’assertivité. « Tout ceux qui se
rebellent sont anormaux ». « Sois spontané » : très contradictoire.
Qu’est-ce qui est le plus pathologique ? L’indifférent qui fait tout ce qu’on
lui dit ou celui qui se rebelle, qui ne se laisse pas faire. La protestation est
une force vitale.
o Si ces normes varient qui les détermine dans le cadre clinique?
Le clinicien en position de maître, de ‘moraliste’: il ‘juge’ le patient par
rapport à ces idéaux et son ‘manque à gagner’. C’est assez violent, on
impose une norme et on établit de point à gagner pour arrivé à un état
donné.
Szasz [°1920], psychiatre et psychanalyste américain: « Toute règle, toute
norme de santé psychique crée une nouvelle catégorie de malades
mentaux. »
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Par exemple un psychotique (qui ne peut pas regarder dans les yeux), on
lui met comme idéal de pouvoir regarder les gens dans les yeux avant de
pouvoir progresser dans les autres domaines. Qui est-on pour imposer
cela ? On ne doit pas demander au patient d’être raisonnable.
La clinique redevient un ‘traitement moral’:
o L’attention se détourne de l’histoire du sujet.
o La ‘thérapie’ devient une instruction: le patient est instruit de ce qu’il lui
appartient de faire.
o Le résultat, le terme, de la thérapie est présenté comme constituant la thérapie.
o « Vous devez être plus sure de vous » aliénation au discour du psy, ce n’est pas
désirable.
Il y a aliénation du patient au discours du clinicien.
o ex. aliénation du public aux discours psychologisant. Beaucoup de livre à succès
en psychologie, autorité comme avant la religion. Parfois l’autorité est nécessaire
en psychiatrie aussi mais pas par le psychologue.
Cette vision traduit un discours pédagogique:
o L’éducation exige des normes et des idéaux, ainsi qu’un discours de maitre. Rôle
du parent mais c’est différent en clinique
o La clinique n’est pas une (ré-)éducation.
4. La normalité est un processus
La normalité est un processus qui évolue dans le temps: la normalité est évaluée à l’échelle
de l’évolution de l’individu.
Non essentialiste (pas essentiel à saisir) et cliniquement utile.
o ERIKSON, psychanalyste américain, 20°s: une théorie du développement
psychosocial avec à chaque étape une crise à résoudre
Deux observations:
o Le développement n’est pas un processus qui n’attend qu’à se dérouler: il est
fonction de l’environnement:
Environnement biologique
‘La référence’ psychologique est fonction de la culture
o Psychologues d’une ‘deuxième génération’ peuvent être amenés à l’utilisation du
cadre théorique développemental de façon contraignante: ex. KÜBLER-ROSS. La
première génération décrit sur papier tout le travail effectué mais celui-ci ne peut
pas être repris par la génération suivante car ça na pas de valeure hors contexte,
c’est trop contraignant d’essayer d’appliquer le même plan.
5. Conclusions
La ‘normalité’ en psychologie clinique est ou bien absurde (santé), ou bien sans utilité
(moyenne), ou bien encore dommageable (idéal). Elle est aussi très variable dans le temps et
l’espace.
La norme est une donnée culturelle.
o La folie entant que déviation de la norme est une donnée culturelle. Le critère
pour le retirement de l’individu de la circulation sociale est ce que
l’organisation, la dynamique, de cette société-là à ce moment-là peut
supporter d’altérité, de différence, de dérangement. ex. de la psychose.
Qu’est-ce qu’on peut supporter qui est différent ? Si le lien sociale est faible, on ne
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supporte pas ce qui range. Lorsque le lien social est fort, on est moins vite
dérangé.
o Dans la rencontre clinique, la question de ce qui est socialement ou non
supportable n’est pas l’enjeu et donc la question du normal ne s’y pose pas.
Éthique de la clinique: la seule référence est la souffrance du patient et la façon dont il
s’adresse au clinicien. Seule la demande du sujet compte et non les exigences ou requêtes de
tiers. On ne va pas la mesurer, la question que pose le patient est la référence.
1.1.2 Le propre de l’homme ou la spécificité humaine
Ce que les hommes ont en commun et différent des animaux.
1. Le langage articulé
La condition humaine est liée à la maîtrise d’un langage articulé.
Les enfants sauvages : Tôt après la naissance, ils sont abandonnés et élevé par les animaux
(principalement des louves)
o Victor de l'Aveyron [° vers 1790] Lucien Malson : Les enfants sauvages, mythe et
réalité
o Amala et Kamala, deux fillettes-louves indiennes, découvertes en 1920. La seule
émotion qu’elles ressentent est la peur.
o « Les enfants sauvages se conduisent comme des bêtes, se languissent de leur
compagnie, paraissent leur devoir la vie. C'est pourquoi leur mystérieuse
existence passée et leur profonde déréliction quand on les contraint à la socialité
fascinent encore aujourd'hui ceux d'entre nous que le destin a rendus incertains
de quelque propre de l'homme que ce soit. »
L’expérience de l'Empereur Frédéric II de Hohenstaufen au XIIIe « Sans appel à la vie par la
parole de l'autre, la mort est vite au bout du chemin » Si on ne parle pas aux bébés humains,
quelle langue vont-ils parler ? Sans aucune influence de l’extérieur ? Auncun bébé ne parle
jamais et ils finissent par mourir.
Le langage gestuelle des sourds-muets. C’est un langage articulé, la motricité fine des mains
et de la machoire font appel aux mêmes zones dans le cerveau.
La différence entre le langage humain et des systèmes langagiers chez les animaux: la
métaphore (les animaux ne font pas de métaphore)
2. Le psychosexuel
Le sexuel a un statut différent pour l’humain que pour l’animal.
Différences éthologiques : Desmond Morris ‘Le singe nu’ : Il décrit la façon d’être des
humains comme s’il était à l’extérieur.
o Maturité reproductive (vers 12-14 ans) bien avant la maturité cognitive (vers 18-
23 ans) et l’émancipation (l’autonomie) Pour les animaux, les maturités sont
toutes en même temps. L’accouchement est difficile pour la femme car le cerveau
est très grand mais il doit encore se développer ex-utéro.
o Une sexualité non-reproductive
L’érotisation de zones du corps de tout le corps qui ne sont d’ordinaire
pas impliquées dans une sexualité reproductive.
L’érotisation des seins de la femme La fonction serait l’attachement
du couple. Pour favoriser le lien, il y a aussi la position du
missionnaire, différente de la position des animaux, les seins
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