A14 – Gestion des ressources humaines Séq 7. La fonction ressources humaines en mutation 7.1 Introduction L'organisation et la gestion des hommes sont des systèmes contingents : ils dépendent des conditions d'environnement (économiques et sociales) et de l'état des mentalités. Toute évolution longue -celle qui est indépendante de mouvements conjoncturels disparates- a eu et aura des conséquences sur l'organisation du travail, la structure des entreprises et les conditions d'emploi des collaborateurs. 7.2 Une nouvelle révolution industrielle Résumons rapidement les principaux changements de l'organisation de l'emploi et de la production. Nous ne retiendrons ici que les évolutions de fond qui concernent notre propos, c'est-à-dire qui ont une influence sur la gestion et l'organisation des hommes dans les activités productives. Le cadre le plus large est celui d'une nouvelle révolution industrielle au sens plein du terme. Elle se concrétise par des changements : - dans la qualité des emplois, traduite par la montée des emplois de services directs et indirects à la production ; - dans la composition de la valeur ajoutée des entreprises avec une part croissante de l'immatériel ; - dans la référence spatiale des entreprises : la mondialisation ; - dans le changement lui-même, traduit par l'accélération des évolutions, qui rendent indispensable le développement de la capacité à innover et à être flexible. Les systèmes de production doivent désormais opérer dans de " nouvelles logiques des activités industrielle ". Certains les ont opposés point à point à la logique taylorienne. Ces nouvelles logiques se caractérisent par quatre lignes d'horizon : - la capacité d'innover devient essentielle ; cela implique de gérer autrement les ressources humaines - la priorité est donnée à la qualité, sur la base de ce que les anglo-saxons appellent la non price competition. Les avantages commerciaux s'obtiennent par la fiabilité, l'importance des services périphériques et l'adaptation permanente des prestations à la demande ; - l'importance de la qualité des ressources humaines ; elle est devenue la ressource rare par rapport aux matières premières ou au capital ; - la qualité et la pertinence de l'investissement immatériel deviennent décisives. 1 A14 – Gestion des ressources humaines 7.3 La remise en cause des schémas tayloriens Un des changements majeurs des dernières décennies réside certainement dans la remise en cause progressive portée sur les schémas tayloriens en tant que modèle de référence de l'organisation du travail. Certes Taylor n'est pas partout voué aux gémonies : il règne encore dans une grande part de l'industrie et certains de demandent même s'il n'aurait pas tendance à progresser dans le secteur tertiaire. 7.3.1 La fin d'une vision mécaniste de l'homme au travail Dans le modèle taylorien, le travailleur doit être intégré à une organisation qui favorise l'accroissement de son rendement en lui proposant des tâches simples et en renforçant son encadrement. Le taylorisme repose sur un certain nombre de principes : La maîtrise des temps opératoires La maîtrise des méthodes de travail La prescription des tâches La sélection, la formation et le contrôle du personnel 7.3.2 La mise en cause de la notion de poste La notion de poste : - est prescriptive. Elle est sous-tendue par l'idée du one best way - est procédurale. Le poste se ramène à un certain nombre d'opérations à effectuer dans un ordre donné (gamme de production). - est individuelle. La performance globale est supposée être la somme des performances individuelles - suppose une stabilité Or : - la prescription est largement remise en cause - le caractère procédural est de moins en moins réaliste. Lorsqu'il s'agit de piloter un process très automatisé, il est difficile de structurer le travail en termes d'opérations à effectuer selon un ordre préétabli ; la performance dépend de la capacité de réaction face une panne ou un événement quelconque. C'est pour cela que la notion de compétence vient se substituer à la notion de poste. - Compte tenu de l'évolution de la nature du travail, la communication entre les salariés intervenant à différents niveaux de l'entreprise s'avère particulièrement importante. Le principe d'additivité des performances est remis en cause. - la stabilité temporelle est également une des dimensions les plus attaquées 2 A14 – Gestion des ressources humaines 7.4 Les nouvelles pratiques de la gestion des ressources humaines Des tendances lourdes sont perceptibles dans l'organisation et la gestion des ressources humaines. Elles sont perceptibles dans l'organisation et la gestion des ressources humaines. Elles sont très largement lisibles en Europe, et souvent au plan international. De nouvelles formes d'organisation du travail se sont développées ces deux dernières décennies. Le débat reste ouvert sur l'ampleur et la nature de ces transformations qui varient selon les secteurs et le type d'entreprises ; nous éviterons donc toute généralisation abusive. Néanmoins nous admettrons l'hypothèse, au moins pour les grandes entreprises, de l'émergence effective de nouvelles configurations productives transformant la nature du travail. Dans les entreprises engagées sur la voie du " post-taylorisme ", de nouvelles exigences apparaissent. La nature des compétences requises et les formes de mobilisation des ressources humaines (critères de recrutement, règles de mobilité…) se modifient. 7.4.1 Un changement technologique non-neutre Les entreprises ont remplacé les salariés les moins qualifiés par une main-d'oeuvre qualifiée à un rythme jamais atteint. L'augmentation est encore plus nette dans les années 1980-90. Cela est principalement dû aux évolutions technologiques qui requièrent une main-d'oeuvre plus qualifiée (skill-biased technical change). De nombreuses études montrent en effet que l'utilisation de salariés plus qualifiés est corrélée à la mise en oeuvre de nouvelles technologies et notamment les technologies de l'information Si l'utilisation des nouvelles technologies semble favoriser les salariés les plus qualifiés, il serait hasardeux d'avoir une conception déterministe des effets des changements technologiques sur les contenus du travail et la nature des qualifications requises. Il convient en effet de rester prudent par rapport à toute appréciation à caractère général sur une éventuelle phase de requalification ; les exigences en termes de compétences varient selon les postes, les produits, les processus, les marchés. 7.4.2 Nouvelles organisations et nouvelles formes de mobilisation des ressources humaines Ces dernières années, on a assisté à la mise en place de nouvelles formes d'organisation du travail et de la production. Ces évolutions présentent un nombre important de conséquences sur la nature de l'activité de travail des opérateurs. Elles entrainent le développement de la polyvalence et de la polyfonctionnalité. Le principe de la polyvalence suppose la possibilité d'affecter un même opérateur à des tâches ou des postes différents. La polyfonctionnalité résulte du regroupement de fonctions antérieurement séparées : la conduite de machines, le contrôle de la qualité, la maintenance de premier niveau, le lancement des approvisionnements... L'opérateur doit désormais assurer des fonctions dévolues jusqu'alors à d'autres salariés, dotés d'autres savoirs, d'autres expériences que les siennes : 3 A14 – Gestion des ressources humaines Les connaissances mobilisées dépassent alors celles de son poste de travail ; elles ne renvoient pas seulement aux technologies, produits et procès de transformation locaux mais à l'organisation de l'entreprise toute entière. 7.4.3 Une transformation de l'activité des opérateurs : l'importance des "compétences cognitives" Les nouveaux modes d'organissation entraînent un développement de la décentralisation et de la communication horizontale, un enrichissement et un élargissement des tâches des opérateurs et une accentuation du caractère collectif du travail liée à l'imprécision du travail individuel (gérer des aléas, résoudre des problèmes…) . On assiste également à la multiplication des tâches impliquant la manipulation de signaux, de symboles, de codes liés au suivi de la fabrication. L'essentiel du travail de l'opérateur consiste désormais à veiller au bon déroulement et à la continuité du processus de production. Il doit détecter les dysfonctionnements, gérer les pannes et les incidents. Alors que l'organisation tayloriste réduisait le travail à la répétition de tâches simples et prescrites, l'opérateur doit maintenant souvent faire face à des tâches complexes qui se caractérisent par la multiplicité, l'interconnexion et l'évolution des variables à prendre en compte et par le caractère aléatoire et surprenant des événements qui peuvent se produire. Par ailleurs, les salariés doivent faire évoluer en permanence leurs qualifications : ils doivent faire la preuve de capacités d’adaptation. 7.4.4 Le rôle croissant du diplôme dans les recrutements Ces évolutions conduisent à mettre l'accent sur le rôle du diplôme lors du recrutement. On note en effet un accroissement du niveau de diplôme des jeune recrutés dans les entreprises ayant adopté de nouveaux modes de production. Ce phénomène ne concerne pas uniquement quelques entreprises remarquables par leurs transformations technologiques ou organisationnelles, mais l'ensemble des professions. Ce phénomène s'interprète en partie comme la conséquence de l'émergence d'un besoin d'adaptabilité. Au-delà de la capacité immédiate à tenir un poste, c'est la capacité à s'adapter dans le temps qui est déterminante pour ces entreprises. Celles-ci cherchent donc à recruter les individus dont le " potentiel " est le plus élevé. 7.4.5 Un pilotage d'unités décentralisées et plus autonomes La gestion par projet ou le management transversal Depuis quelques années, pour répondre aux contraintes de flexibilité, de coûts et de qualité qui s'imposent à elles, les entreprises développent la gestion par projet, qui constitue sans doute la forme la plus avancée de l'organisation décentralisée. L'introduction de projets n'est pas sans incidence sur la gestion des ressources humaines. Un certain temps est nécessaire pour que la mutation culturelle qu'impliquent les projets soit intégrée par tous les acteurs de l'entreprise, et en particulier, par l'encadrement que cette organisation éphémère " désécurise ". La gestion par projet pose en outre de nombreux problèmes spécifiques : 4 A14 – Gestion des ressources humaines - en recrutement, puisqu'il s'agit pour des individus à fort potentiel de s'éloigner de structures où leur avenir semble assuré, - en formation, puisqu'il s'agit d'exercer un métier nouveau auquel ces personnes n'ont pas été préparées, - en évaluation des performances, en particulier en cas de conflits entre les structures fonctionnelles et les projets, - en réaffectation en fin de projet, Attributs généraux Globalisation Hyperflexibilité, adaptabilité Amélioration continue, innovation Tolérance pour l'incertitude Caractéristiques structurelles Structures plates Décentralisation Réseau Auto-organisation Frontières perméables Absences de frontières internes Frontières externes floues Cohérence entre structure et processus de travail Traitement de l'information Intégration des technologies de télécommunication Organisation électronique Conception des postes de travail Responsabilité des postes et des groupes (autocontrôle, intrapreneurship) Apprentissage continu, gestion par les compétences Travail interfonctionnel, par équipes Management Leadership sans contrôle : moins de directivité, d'évaluation, plus de communication, de travail en réseau Tolérance pour l'ambiguïté, confiance dans les individus 7.5 De l’administration du personnel à la GRH 7.5.1 Bref historique de la fonction ressources humaines a) L'émergence de la fonction L'industrie naissante utilisait une main-d'œuvre nombreuse et peu spécialisée. Vers 1880, l'organisation scientifique du travail (Taylor) est née. Il montre que l'on peut accroître l'efficacité du travail des salariés. Ses méthodes aboutissent à la parcellisation des tâches et à la spécialisation. Avec le taylorisme, le développement de la taille des organisations, les services du personnel apparaissent. Les activités principales de ces nouveaux services seront le recrutement, la répartition des tâches et les problèmes de performance des salariés. 5 A14 – Gestion des ressources humaines A cette époque, la gestion du personnel apparaît comme une gestion des postes. La notion de poste est une invention taylorienne avec ses quatre caractéristiques : elle est prescriptive, elle est procédurale, elle est individuelle, elle suppose une stabilité. La notion de poste, aujourd'hui mise en cause, conserve une grande importance en GRH. " On parle de poste à pourvoir, de description de poste et de formation au poste de travail ". Le terme est si usité qu'il apparaît comme naturel, neutre, atemporel et universel. b) Les trentes glorieuses (1945-1974) Cette période se caractérise par une application systématique des principes d'organisation du travail, de simplification du travail et des produits eux-mêmes, la hausse du pouvoir d'achat, du niveau de vie et de la consommation, le plein emploi et le manque de personnel qualifié. La période de 1945 à 1965 est marquée par l'accroissement de la population salariée. Il s'agit d'une population peu qualifiée et dont les attentes sont homogènes : accéder à la société de consommation et à un niveau de confort inespéré. Ces nouveaux salariés acceptent des horaires très élevés (48 heures) des contraintes et des nuisances dès lors qu'elles sont financièrement compensées. Le gain de pouvoir d'achat est l'essentielle revendication de cette période. Les négociations portent sur les taux d'augmentation du salaire fixe. Les entreprises développent des mécanismes de fidélisation (prime d'ancienneté, avantages sociaux…) La période de 1965 à 1975 est marquée par l'arrivée des " baby boomers " sur le marché du travail. Ils ont bénéficié d'un meilleur niveau de formation initiale et de confort. Leurs aspirations sont différentes de celles de leurs prédécesseurs. Les entreprises sont confrontées à une hétérogénéité des attentes de leurs salariés. c) La fonction face à la crise Dès 1974, les pratiques de GRH s'inscrivent dans un environnement externe perturbé par la permanence imprévue d'une crise. Les conséquences des mutations technologiques en matière d'emploi, de qualification, de conditions de travail sont considérables. Maintenir en permanence une adéquation qualitative et quantitative de l'emploi implique une politique dynamique, une gestion préventive, un effort de qualification et de formation… Cette période est marquée par la montée des incertitudes économiques : gestion plus serrée, prévisions et ajustements délicats. Réduction des perspectives de carrières, mise à mal du mythe promotionnel. Recherche de souplesse et de flexibilité. Assurer au moindre coût les marges de manœuvre. La croissance de la population reste forte ; l'arrivée des femmes s'accroît. Le départ à la retraite concerne les classes creuses. 6 A14 – Gestion des ressources humaines Séq 8. Gestion de l'emploi anticipation en GRH 8.1 Les modèles successifs de gestion de l'emploi Gestion prévisionnelle, gestion préventive, gestion anticipée, appliquée à l'emploi et aux compétences, autant d'expressions qui renvoient à une préoccupation centrale dans les entreprises, celle de l'anticipation. Depuis de nombreuses années, différents modèles ont été développés. Toutefois, ces modèles n'ont pas honoré toutes leurs promesses et régulièrement de nouveaux modèles émergent. Pourtant, la question de l'anticipation dans le domaine des RH reste plus que jamais d'actualité. Quelles sont les pratiques observables dans ce domaines ? De quelles logiques procèdent-elles ? Comment comprendre leurs apports et leurs limites ? Comment évoluentelles ? Vers quels nouveaux modèles de gestion de l'emploi ? Autant de questions que nous aborderons au cours de ce chapitre. Si la gestion prévisionnelle de l'emploi (GPE) fait beaucoup parler d'elle depuis les années 80, les préoccupations des entreprises en matière de prévision sont nettement plus anciennes. Un rapide éclairage historique permet de retracer la succession de différents modèles de gestion prévisionnelle en relation étroite avec les modèles développés en matière de stratégie d'entreprise. 8.1.1 Planification stratégique et gestion prévisionnelle Les principaux modèles proposés en 1960 reposent sur l'identification d'éléments clés : - diagnostic externe, - diagnostic interne : il fait l'inventaire systématique des ressources, moyens et capacités de l'entreprise, - détermination de toutes les capacités d'action, avec évaluation des avantages et inconvénients, risques et incompatibilités, - confrontation des actions possibles avec les objectifs généraux de l'entreprise Les premières tentatives sérieuses de modélisation portent sur la gestion prévisionnelle des effectifs et s'efforcent de calculer le nombre de personnes nécessaires à chaque niveau de qualification. Les premiers modèles élaborés sont donc principalement fondés sur une approche quantitative : ils se limitent à ce qui est calculable. Par exemple, ils s'efforcent de répondre à des questions du type " Que faut-il faire pour que la masse salariale soit maintenue à la valeur X. " 7 A14 – Gestion des ressources humaines 8.1.2 Le premier choc pétrolier et ses conséquences On peut dire que le premier choc pétrolier de 1973 va porter un coup fatal à toutes les démarches visant la prévision. La période de forte croissance est terminée : il ne suffit plus d'extrapoler les courbes disponibles pour appréhender l'avenir, celui-ci devient moins linéaire. Les années 80 voient réapparaître des approches de gestion prévisionnelles qui portent désormais sur les emplois et les compétences. Elles avaient été amorcées à la fin des années 70, après les vagues de licenciements successifs dans la sidérurgie, les charbonnages ou le textile. Les traumatismes provoqués par les "dégraissages" massifs dans ces secteurs expliquent largement le souci de entreprises de ne plus avoir à fair face à ce type de difficultés, et donc de prendre en compte les évolutions en termes de contenus d'emplois et de compétences requises. 8.2 Le schéma de base de la gestion de l'emploi Les différents modèles que nous venons de présenter s'appuient tous sur le même raisonnement. Nous allons maintenant expliciter ce noyau commun (le schéma de base). 8.2.1 Les principes de fonctionnement du schéma de base Il s'agit de mesurer, analyser et à réduire les écarts entre ce qui avait été prévu et ce qui est réalisé dans le but de prendre des mesures d'ajustement. La GPE transpose ce principe à la GRH : elle met en évidence des écarts entre l'évolution prévisible des ressources de l'entreprise et leur affectation aux emplois existants (besoins). Par ailleurs, elle détermine un horizon temporel, souvent fixé entre 3 et 5 ans, qui permet de se donner les moyens de préparer des évolutions pour éviter de réagir dans l'urgence. Le point de départ du fonctionnement du modèle est la situation donnée en l'instant t, concernant l'état des ressources humaines (effectifs, âge, ancienneté, qualification...) et les besoins de l'entreprise en emplois. Ensuite, en fonction de la prévision des besoins en emplois et de l'évolution probable des ressources à l'horizon fixé, on évalue les écarts pour envisager les mesures d'ajustement nécessaires. 8.2.2 Quelques outils élaborés à partir du schéma de base a) L'analyse des ressources disponibles Il s'agit de donner une représentation, la plus proche possible de la réalité, du potentiel humain disponible à la fois dans l'entreprise et sur le marché du travail. Cela doit permettre d'établir des diagnostics relativement précis sur au moins deux dimensions majeures : - les données démographiques : effectifs, âge, ancienneté, répartition par sexe, projections à court terme et moyen termes... - les qualifications et compétences disponibles : structures des qualifications, compétences disponibles et potentielles, situation du marché du travail... Différents outils permettent d'appréhender de façon précise les évolutions naturelles du personnel. Les pyramides d'âge et d'ancienneté donnent des représentations du devenir de la 8 A14 – Gestion des ressources humaines population par projection de la situation actuelle à un horizon déterminé. Les documents utilisés dans les procédures d'appréciation peuvent apporter des informations sur les parcours professionnels des salariés et donc sur les compétences acquises et sur leurs souhaits d'évolution et de formation. Les données du bilan social, dans les entreprises de plus de 300 salariés, peuvent être utilement mobilisées. b) La connaissance réelle et prospective des emplois Du côté des emplois, les analyses portent sur leur nature et leur configuration actuelles. Les outils élaborés permettent une connaissance précise et systématique qui souvent n'existait pas avant la mise en place d'une démarche de GPE. La définition des emplois types permet d'opérer des regroupements et donc d'identifier les proximités qui existent entre les activités des différents emplois-types. On peut les regrouper par familles professionnelles dans lesquelles on retrouve les emplois qui s'inscrivent dans le même champ d'activité ou qui correspondent, soit à une même finalité professionnelle, soit à une même technicité. Les familles professionnelles peuvent être représentées sous forme de cartes des métiers. Elles offrent une représentation visuelle des familles qui sont suffisamment proches pour permettre des passages de l'une à l'autre. 8.2.3 Les vertus du schéma de base : des apports fondamentaux utiles à la réflexion En premier lieu, le schéma de base de la gestion de l'emploi favorise une analyse précise de l'existant, c'est à dire aussi bien des ressources humaines dont l'entreprise dispose que des ses besoins en emplois. La GPE n'a cependant pas pour objectif premier de produire de telles données. Souvent, la plupart d'entre elles existaient déjà avant la mise en place de ce type de démarche, mais elle se présentaient de façon éparse, pour les besoins particuliers d'une division ou d'un responsable hiérarchique. L'intérêt de la GPE consiste à la fois à centraliser ces données et à les diffuser dans l'ensemble de l'entreprise. Elle permet donc une utilisation plus centralisé et plus rationnelle des données sociales dont dispose l'entreprise. Ce faisant, elle permet de réinterroger des pratiques qui semblent irréversibles. Par exemple, analyser finement une pyramide des âges pour en déduire les évolutions prévisibles peut amener à revenir sur une décision de bloquer tout recrutement de jeunes collaborateurs. 8.2.4 Les limites du schéma de base Elles ont plusieurs origine. Les premières découlent de l'anatomie même du modèle, qui ne peut fonctionner autrement que selon les principes qui ont présidé à son élaboration. D'autres sont plus indirectes ; elles sont dues à la rencontre d'une réalité différente de celle incorporer dans le modèle. Elles sont aussi à rechercher plus en aval, dans les usages et les instrumentations développées à partir du modèle. a) Des limites liées à l'anatomie du modèle Par exemple, on peut se demander comment sont définis les besoins en emplois à un horizon temporel donné. Il est de multiples exemples où les entreprises n'ont pas de définition précise d'une stratégie à 3 ou 5 ans, ou tout simplement n'ont pas de visibilité à plus de 2 ou 3 mois. 9 A14 – Gestion des ressources humaines Rien n'est moins naturel ni moins simple que de définir des emplois. Dans le temps, on peut créer des emplois nouveaux, redéfinir des emplois existants. La confrontation entre emplois et ressources ne peut donc se réduire à une simple liste de compétences. La réalité est bien plus mouvante que ne le laisse entrevoir le modèle. b) Un fonctionnement social réel sous-estimé La réalité sociale répond souvent à d'autres rationalités que celle prévue dans la logique du schéma de base. Le modèle est supposé s'appliquer indifféremment à toutes les catégories de salariés. Or, généralement les entreprises françaises procèdent à une gestion catégorielle de la maind'œuvre. Les cadres sont gérés différemment des non-cadre. Ainsi, un nombre important de personnes occupent dans des entreprises des fonctions d'ingénieurs, mais le fait de ne pas détenir le diplôme d'ingénieur, leur interdit de franchir le barrage pour obtenir le statut de cadre. En effet, dans la plupart des entreprises, seuls les titulaires d'un diplôme reconnu par la Commission des titres d'ingénieurs peuvent accéder aux fonctions d'ingénieurs. Dans cette situation, la présence simultanée en emplois et en ressources disponibles n'est pas pertinente. L'accès à la catégorie d'ingénieur fonctionne sur la logique spécifique qui est celle du diplôme. 8.3 L'émergence de la notion de compétence La notion de compétence a permis de faire évoluer les réflexions portant sur l'anticipation de l'emploi. Les raisons liées à la difficulté de la prévision favorisent le recours à la notion de compétence : puisqu'il devient de plus en plus difficile de prévoir les évolutions des emplois, le recours à la compétence, en mettant le projecteur sur l'individu, permet de raisonner de façon transverse à la notion d'emploi. L'important n'est plus tant de connaître les emplois futurs que d'identifier les compétences que les individus doivent maîtriser pour s'adapter et assumer l'exercice de métiers encore inconnus. La question devient celle de l'identification des compétences jugées indispensables pour assurer l'avenir. 8.3.1 L'identification des compétences Qu'est-ce que la compétence ? Comment l'analyser ? Comment la mesurer ? A ces questions simples correspond en fait un programme ambitieux. Les approches en terme de compétence butent sur le problème qui consiste à saisir objectivement la compétence. S'il s'agit de décrire les compétences requises par une activité donnée, il est relativement aisé de la décomposer en micro-activités élémentaires qui toutes concourent au résultat final. Ainsi, pour savoir faire du vélo, il faut savoir tenir en équilibre, freiner, se diriger et garder une direction. Lorsqu'il s'agit d'une activité plus complexe, devient rapidement difficile de rendre compte des compétences réellement mises en œuvre ; et notamment des compétences mentales (cf l'échec des systèmes experts). Le plus souvent, l'expert lui-même ne sait pas comment il procède, tant il a automatisé ses propres façons de raisonner (notion de tacit skills). 10 A14 – Gestion des ressources humaines Il s'agit donc d'inciter à la prudence. Il n'existe pas une et une seule méthode pour évaluer les compétences, mais une diversité de méthodes qui s'appuient chacune sur une définition particulière de la compétence. 8.3.2 Les méthodes de repérage et de codification des competences Dès lors que l'on se met en charge de définir des profils de compétences, on est frappé par la très large diversité des méthodologies d'approche et de mesure. C'est néanmoins autour du concept de "métier" que se font les évaluations les plus nombreuses et les plus riches. a) L'approche par le potentiel estimé Diffusée par des cabinets de conseils américains (Hay-Mc Ber) cette approche reste minoritaire en France. Cherchant à définir les caractéristiques pouvant prédire le niveau de performance d'un individu, cette approche englobe des éléments aussi disparates que les comportements, les aptitudes, les savoirs ou les traits de personnalités. Elle est surtout utilisée sous l'angle de la sélection, soit pour le recrutement, soit pour la gestion des carrières. b) L'approche par les savoir-faire opérationnels Plutôt que de connaître les connaissances et les traits de personnalité des individus, cette approche s'attache à repérer, par l'observation, ce que les individus sont capables effectivement de mobiliser dans un contexte de travail donné. Très pragmatique, cette approche présente l'inconvénient de déterminer des savoir-faire très liés aux situations de travail, de sorte qu'il n'est pas toujours possible d'élaborer un pronostic de la performance dans des contextes différents. 8.3.3 Les méthodes de repérage et de codification des competences e) l'approche des compétences individuelles par le " métier " Le recensement du capital d'expertise passe par un bilan et par la fixation d'objectifs, la cible de métier. L'approche par le métier et ses quatre composantes fournit un cadre commode au recensement des compétences individuelles. Chaque salarié se positionne sur quatre paramètres : les savoirs, les savoir-faire, les savoirêtre et les savoir-évoluer. 8.3.4 Gestion anticipée des compétences et stratégie a) la démarche En quoi la GAEC (gestion anticipée des emplois et des compétences) constitue-t-elle une évolution des modèles antérieurs de gestion prévisionnelle ? Les modèles de gestion classiques de la GPE proposent une vision étroite des ressources humaines comme devant s'adapter à une stratégie définie en amont. Aujourd'hui, les conceptions de la stratégie ont considérablement évolué. La stratégie s'élabore de plus en plus en termes de compétences. Il s'agit de repérer les compétences clés de l'entreprise et de faciliter leur développement. On observe un revirement par rapport à des pratiques plus anciennes qui s'efforcent d'adapter les ressources, en particulier les individus, à une stratégie définie a priori. 11 A14 – Gestion des ressources humaines Lorsque l'on a dessiné de façon claire la situation des compétences actuelles et les cibles à atteindre, la définition des ajustements s'impose. Ils s'opèrent à la fois au niveau individuel et collectif. b) une synthèse des analyses quantitatives et qualitatives L'ensemble des analyses quantitatives et qualitatives des effectifs et des compétences n'a qu'un seul objectif : faire apparaître les déséquilibres potentiels suffisamment à temps pour entreprendre des politiques de régulation permettant de les atténuer ou de les faire disparaître. Les cinq types de déséquilibres apparaissent dans le tableau suivant. Il n'est pas impossible qu'ils soient simultanés dans les cas les plus graves. Les trois premiers concernent les déséquilibres quantitatifs des effectifs : situations de pénurie, existence de sureffectifs ou déséquilibres structurels. Les deux autres sont afférents aux compétences : situation d'incompétence en cas d'évolution rapide des métiers et/ou démotivation dans les cas de surqualification sur les postes. 8.4 Du modèle de la qualification au modèle de la compétence 8.4.1 De la rémunération du poste… Dans la plupart des entreprises, la hiérarchisation des salaires procède d’une hiérarchisation des postes. Dans ce cas, les postes sont évalués les uns par rapport aux autres et, globalement, les personnes exerçant un emploi similaire perçoivent la même rémunération. 8.4.2 … à la rémunération de la personne La période actuelle est marquée par une volonté de tenir compte de l’individu et de ses compétences dans les rémunérations. L’Accord A Cap 2000 conclu au sein de l’industrie sidérurgique est sur ce point exemplaire et marque la volonté de fonder l’ensemble du système de gestion des RH sur la compétence. La question est de savoir s’il convient de rémunérer la personne plutôt que le poste. De nombreuses entreprises et certaines branches professionnelles ont élaboré des systèmes composites : ils tentent de tenir compte simultanément des exigences de l’organisation, c’est à dire des emplois et de la façon dont les personnes tiennent ces emplois. 8.4.3 Des modes d’évaluation différents Dans le modèle de la qualification : il s’agit pour les partenaires sociaux d’organiser des négociations collectives autour des classifications de postes liées à des échelles de rémunération garanties par des conventions collectives. Elles sont centrées sur l’acquisition de connaissances généralement validées par un niveau de diplôme. Elles induisent que l’acquisition de savoirs constitués suffit pour occuper un poste donné avec une probabilité assez forte de réussite. Le modèle de la compétence : il s’agit souvent d’une négociation individuelle entre le salarié et l’employeur aboutissant à une mise en cause ou au réaménagement des classifications. La compétence n’est liée ni à un corps, ni à un grade, ni à un diplôme ; elle se vérifie sur le 12 A14 – Gestion des ressources humaines terrain, dans la pratique professionnelle. La compétence n’est pas pérenne, elle évolue dans le temps et dans l’espace. 8.4.5 Le rôle déterminant de la motivation des agents dans la mise en oeuvre des compétences La maîtrise de connaissances, savoir-faire et aptitudes est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour être compétent dans un domaine donné. Pour être compétent, il faut par ailleurs : accepter de mobiliser effectivement ses ressources et pour cela y trouver un intérêt, les mobiliser dans la bonne direction, c’est-à-dire vers une performance acceptée (les objectifs individuels et ceux de l’organisation n’étant pas obligatoirement convergents). Le rôle de l’encadrement est déterminant dans la motivation de l’agent. 8.4.6 Le développement des compétences : l’importance du contexte organisationnel Dans le modèle de la compétence, il s’agit d’apprendre dans et par l’organisation : le cadre organisationnel constitue un contexte délibérément conçu pour faciliter et stimuler les démarches d’apprentissage. 8.4.7 Les risques de blocage Certains points de vigilance sont à souligner : l’accès aux dispositifs de formation la possibilité d’accéder à des tâches plus complexes la contextualisation pose le problème de la reconnaissance des efforts La logique compétence doit s’accompagner de règles du jeu et d’un contrôle négocié de ces règles. Dans les faits, on constate de nombreux blocages. Certaines entreprises soumises à des contraintes budgétaires importantes limitent la reconnaissance des potentiels des salariés. Faute de pouvoir dispenser les formations ou les promotions attendues, elles reculent les échéances. Ainsi, contrairement au principe annoncé, le fait d’acquérir toutes les compétences ne conditionne pas automatiquement le passage à un niveau supérieur. Seuls certains salariés sont sélectionnés pour respecter l’accroissement autorisé de la masse salariale. 13 A14 – Gestion des ressources humaines Séq 9. La flexibilité des ressources humaines 9.1 Introduction On a vu que la prévision et l'anticipation (et surtout la planification) deviennent de plus en plus difficiles. Les entreprises sont sommées de s'adapter dans un laps de temps toujours plus court à des évolutions (technologiques, commerciales, sociales…) toujours plus rapides. Contraintes de renoncer à la prévision, elles doivent développer au maximum leur " flexibilité ", c'est-à-dire, leur " aptitude à s'adapter aux changements, qu'ils soient liés aux fluctuations de la demande ou aux conditions de la production ou de la concurrence " . En d'autres termes, là où gestion prévisionnelle cherche avant tout à tout prévoir pour limiter au maximum les ajustements en situation d'urgence, la gestion de la flexibilité a pour vocation de faciliter au maximum des ajustements rapides et permanents à des situations non prévisibles. Les entreprises ayant pris conscience que ce qui était accidentel, voire dysfonctionnel (l'aléa, l'imprévu), est devenu la norme, multiplient les tentatives de développement de la flexibilité. Si les entreprises sont obligées de devenir flexibles, c'est surtout parce que leurs contraintes et leur environnement changent profondément. 9.2 Fluctuation de l'activité et ajustement du travail Aujourd'hui, un des problèmes fondamentaux de la GRH consiste à ajuster de façon optimale la quantité de travail aux fluctuations de l'activité. Dans les secteurs où la demande connaît des variations saisonnières, la régulation est généralement assurée par les fluctuations de stocks. Cependant, les stocks créent des risques et des coûts. Les besoins de souplesse, de rapidité de réaction face aux évolutions de la demande conduit à rechercher d'autres moyens. Dans d'autres cas, la demande n'est pas stockable. Il faut produire vite pour y répondre.......................................... Si la demande varie, il en résulte une variation de la production qui à son tour induit une -ci emprunte indifféremment la forme d'une et/ou de la durée du travail H, L étant par définition égale à EH. Faisons l'hypothèse qu'augmenter E induit un coût de recrutement et d'intégration, le travail change de statut ; de variable, il devient facteur quasi-fixe. La nature des ajustements s'en trouve modifiée. On a vu que la prévision et l'anticipation (et surtout la planification) deviennent de plus en plus difficiles. Les entreprises sont sommées de s'adapter dans un laps de temps toujours plus court à des évolutions (technologiques, commerciales, sociales…) toujours plus rapides. Contraintes de renoncer à la prévision, elles doivent développer au maximum leur " flexibilité ", c'est-à-dire, leur " aptitude à s'adapter aux changements, qu'ils soient liés aux fluctuations de la demande ou aux conditions de la production ou de la concurrence " . En d'autres termes, là où gestion prévisionnelle cherche avant tout à tout prévoir pour limiter au maximum les ajustements en situation d'urgence, la gestion de la flexibilité a pour vocation 14 A14 – Gestion des ressources humaines de faciliter au maximum des ajustements rapides et permanents à des situations non prévisibles. Les entreprises ayant pris conscience que ce qui était accidentel, voire dysfonctionnel (l'aléa, l'imprévu), est devenu la norme, multiplient les tentatives de développement de la flexibilité. Si les entreprises sont obligées de devenir flexibles, c'est surtout parce que leurs contraintes et leur environnement changent profondément. 9.2.1 Le travail comme facteur de production quasi-fixe Un facteur de production quasi fixe n'est pas un facteur de production quasiment fixe, mais un facteur intermédiaire entre facteur variable et facteur fixe. Selon W. Oï, un facteur quasi-fixe est un facteur dont les coûts d'emploi totaux sont en partie variables et en partie fixes. Dans notre cas, les coûts variables sont les salaires et les coûts fixes sont les coûts de recrutement et de formation consentie en début de période d'emploi. Les modalités d'ajustement de la quantité de travail dépendent crucialement de la fonction de salaire w(H). L'hypothèse usuelle est la suivante : il existe une quantité H* pour laquelle la fonction de salaire w(H) est minimale. Pour H supérieur à H*, le salaire croît plus que proportionnellement (recours aux heures supplémentaires au taux majoré) ; il s'ensuit que w/H est également croissant. Pour H inférieur à H*, la rigidité à la baisse du salaire total, alors même que le volume des heures utilisées diminue, induit une remontée de w/H. 9.3 Visite guidée dans l'univers de la fléxibilité Commençons par un rapide panorama des pratiques pouvant entrer en ligne de compte dans une politique de gestion de la flexibilité. En fait, la flexibilité est souvent définie par rapport (et en opposition) à un référentiel considéré comme porteur de rigidités multiples. Ce référentiel peut être résumé comme l'emploi affecté à un individu salarié, fortement réglementé, exercé à temps plein dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée sur le site de l'entreprise et rémunéré selon des modalités issues de la négociation collective ou de la législation en vigueur. Est ici remis en cause la " société salariale " qui est en fait un phénomène récent . Il s'agit donc davantage d'une flexibilisation des ressources humaines qui consiste à remettre en cause tout ou partie des composantes de ce référentiel. 9.3.1 L'emploi salarié et ses avatars Il existe une multiplicité de situations dans lesquelles l'individu ne figure pas nécessairement dans l'effectif salarié de l'entreprise pour laquelle il travaille : il possède bien entendu un contrat de travail, mais celui-ci ne le lie pas à l'entreprise à laquelle son travail est vraiment destiné. C'est par exemple le cas dans le cadre de l'interim : l'individu est mis pour une durée précise à la disposition d'une société cliente par son employeur (la société de travail temporaire qui l'a recrutée pour la mission). C'est le cas aussi lorsque l'on a affaire à la soustraitance : l'entreprise contracte avec une société qui va effectuer pour elle un certain nombre d'activités qu'elle réalisait auparavant elle-même. La sous-traitance : Pratique fort ancienne, la sous-traitance se développe actuellement, tout comme l'interim, surtout sous la forme d'une externalisation de la main-d'œuvre : des fonctions, ou des activités, auparavant réalisées par des salariés de l'entreprise sont confiées, par l'intermédiaire d'un contrat commercial, à une autre entreprise. 15 A14 – Gestion des ressources humaines La sous-traitance s'est beaucoup développée dans les années 80 pour des activités telles que l'entretien et le nettoyage de locaux, la maintenance de matériels informatique… Vues comme des activités à faible valeur ajoutée ou sans lien avec le cœur de métier de l'entreprise, ces activités étaient aisément transférables vers l'extérieur. Dans les années 90, la sous-traitance en vient à concerner des activités de plus en plus diverses (telles que la comptabilité de l'entreprise) et de plus en plus liées au métier même de l'entreprise. De même, de nombreuses sociétés cherchent à conclure, notamment avec leurs cadres, de nouveaux types de relations contractuelles leur permettant de diminuer leurs coûts salariaux : contrats de franchise ou de concession (pour la commercialisation et la distribution des produits), parrainage (proche de l'essaimage ; l'entreprise aide son salarié à développer ou à créer une nouvelle activité à l'intérieur ou à l'extérieur de la société originelle)… La réduction du temps de travail La réduction du temps de travail semble aller dans le sens de l'histoire puisqu'elle n'a cessé de progresser depuis le milieu du 19ème siècle : d'une durée de travail annuelle égale à 3041 heures par salarié en 1831, on est passé à 1649 heures en 1989. La réduction du temps de travail passe également par la promotion du temps partiel. Longtemps considéré comme un enjeu à tonalité purement social, le temps partiel est depuis les années 80 considéré de plus en plus comme un enjeu économique, c'est-à-dire une forme de flexibilisation permettant de mieux répondre aux besoins des entreprises (notamment dans les secteurs du commerce et de la distribution). L'aménagement du temps de travail Là encore, les modalités selon lesquelles elle peut s'effectuer sont multiples : semaine de 4 jours, temps partiel " scolaire ", temps de travail annualisé, horaires flexibles. - partage d'un même poste pour deux salariés - salariés partageant leur temps entre plusieurs employeurs (on parle alors de temps partagé et de pluriactivité si les tâches remplies sont différentes d'une entité à l'autre) . La loi a également mis en place des instruments tels que la préretraite progressive ou le compte-épargne temps qui vont dans ce sens. La préretraite progressive permet à des salariés de plus de 55 ans de quitter progressivement leur emploi (au maximum 5 ans) : sur toute la durée de leur convention signée entre l'employeur et l'Etat, l'horaire total ne doit pas excéder 50% du temps plein. 16 A14 – Gestion des ressources humaines Le compte épargne temps donne la possibilité (si un accord d'entreprise a été signé dans ce sens) de bénéficier de temps libre indemnisé (en vue de leur permettre de prendre un congé de longue durée). 9.3.2 La raréfaction de l'emploi à durée indéterminée Les chiffres se multiplient pour faire état de la montée de formes d'emplois que l'on peut qualifier de précaires parce qu'elles rompent avec le modèle traditionnel d'emploi. Ainsi, le contrat à durée indéterminée ne devrait pas rester encore très longtemps la forme d'emploi majoritaire puisque les flux actuels de création d'emplois lui sont défavorables : l'embauche directe en CDI ne représente plus aujourd'hui qu'une entrée sur six dans l'industrie, une sur cinq dans le tertiaire et une sur trois dans la construction. En dehors des classiques CDD et intérim, la flexibilisation par précarisation peut aussi passer par des formes de travail s'inscrivant dans la volonté de l'Etat d'inciter les entreprises à intégrer ces populations particulièrement touchées par le chômage. Ceux qui en bénéficient sont certes liés à l'entreprise par un contrat de travail, mais seulement pour la durée du contrat, souvent limitée dans le temps. On pense notamment " aux contrats de travail particuliers " ou " emplois aidés " (contrats de qualification, d'orientation, d'adaptation, contrats initiative emploi, emploi-solidarité) ouvrant droit aux employeurs à un certain nombre d'avantages (exonération de charges et de taxes, rémunérations inférieures au SMIC, aides de l'Etat…). 9.3.3 La fin de l'unité de lieu Nombreuses sont également les situations où les salariés d'une seule et même entreprise se trouvent éclatés dans plusieurs lieux, voire travaillent dans des lieux totalement extérieurs à la firme. On parle dans ce cas là de " télétravail " (ou travail à distance). Il peut s'agir de travailleurs à domicile (le cas le plus fréquent) ou de travailleurs rattachés à un " bureau de voisinage " (l'entreprise supprime un long trajet à ses salariés en leur fournissant un bureau proche de leur domicile, même s'il se situe loin des locaux de l'entreprise), de travailleurs nomades (comme par exemple les commerciaux munis de portables qui n'ont plus besoin de passer au bureau qu'une fois par semaine) ou même de travailleurs " satellites " ouverts dans des zones à moindre loyer ou à moindre coût du travail. 9.3.4 Un processus d'individualisation/collectivisation La flexibilisation peut être obtenue en remettant en cause les rigidités nées des frontières traditionnelles entre ce qui relève de l'individuel et ce qui relève du collectif. On assiste de ce fait à un complexe mouvement à travers lequel s'individualisent un certain nombre de pratiques de GRH alors que d'autres, dans le même temps, deviennent davantage collectives. L'organisation du travail devient de plus en plus collective, alors que la gestion des salariés se fait, elle, de plus en plus individualisante. Dans le même temps, on assiste à un mouvement d'individualisation partielle de la gestion des salariés, et en particulier des rémunérations. Alors qu'auparavant une très large proportion des composantes de la rémunération étaient collectives, chaque individu voit une part croissante de sa rémunération s'individualiser, voire se personnaliser. 17 A14 – Gestion des ressources humaines 9.3.5 Une poussée vers la déréglementation La flexibilisation des ressources humaines se heurte fréquemment au droit du travail français. Celui-ci, par son action de réglementation a tendance à freiner ou empêcher le recours à des formes de flexibilité portant sur l'un ou l'autre des aspects évoqués précédemment. C'est pourquoi le patronat multiplie les demandes d'assouplissement ou d'abrogation de certaines dispositions légales. Ce fut le cas pour la suppression de l'autorisation administrative de licenciement (obtenue en 1986). La pression continue sur de nombreux thème, notamment sur la remise en cause du SMIC, sensé favoriser l'embauche de jeunes. On peut également noter les demandes allant dans le sens de l'extension des conditions de recours au contrat à durée déterminée, de la baisse ou de l'exonération des charges sociales ou de l'élargissement des horaires d'ouverture pour les magasins (bras de fer en 1995 entre Virgin Mégastore et l'inspection du travail). 9.3.6 Quelques typologies classiques de la flexibilité Le salarié ou l'emploi " totalement flexible ", c'est à dire dont la situation combinerait toutes les formules que nous avons évoquées précédemment n'existe pas : l'entreprise devra choisir les éléments de flexibilité en fonction de sa situation et de ses contraintes propres. Néanmoins, si on devait récapituler les développements précédents, on retiendrait que l'employeur peut potentiellement jouer sur les points suivants : 9.3.7 Quelques typologies classiques de la flexibilité Il serait possible de dresser le portrait de l'entreprise flexible en mettant l'accent sur les différentes populations dont serait composée une entreprise qui utiliserait toutes les formes de flexibilité. 9.4 Les différents usages de la flexibilité Il est une illusion couramment répandue selon laquelle une entreprise peut indifféremment choisir n'importe quel type de flexibilité et les a toutes à sa disposition. Nous souhaitons au contraire insister sur le fait qu'un certain nombre de facteurs vont venir orienter ou limiter le recours à certaines de ces formes pour une entreprise donnée. L'important n'est donc pas de connaître toutes les techniques possibles et imaginables de flexibilisation de la main-d'œuvre mais bien de savoir si elles sont adaptées. 9.4.1 Des incompatibilités Il faut tout d'abord souligner le risque qu'il y a à faire coexiste différentes populations dans une même entreprise : concentrer la flexibilité sur certaines populations (équipe de week-end, équipes fixes de nuit, saisonniers, intérimaires…) peut résoudre à court terme un certain nombre de problèmes de production, mais risque à plus long terme de créer de nombreux clivages. La cohésion de l'organisation peut ainsi souffrir de telles situations. De même, on peut insister sur l'incompatibilité qui existe entre la flexibilité interne (fondée sur la souplesse organisationnelle et de nouvelles technologies de 18 A14 – Gestion des ressources humaines production) et flexibilité externe (caractérisée par le recours à des moyens extérieurs à l'entreprise - sous-traitance, intérim - ou par la réduction des effectifs). 19 A14 – Gestion des ressources humaines Séq 10. Rénumérations 10.1 Introduction La question de la rémunération se trouve au cœur de la relation qui lie un employeur et ses salariés. Elle constitue la partie explicite du contrat de travail : le salarié perçoit un salaire en contrepartie de l'exécution d'un travail. Toute entreprise est donc amenée à gérer des salaires et en particulier à résoudre la question de leur hiérarchisation : comment l'élaborer ? Sur quels critères ? Comment tenir compte de la nature du travail effectué ? De la compétences des personnes ? 10.2 Les fondements de la rénumération 10.2.1 La base du système de rémunération Une alternative simple : la personne ou l'emploi Faut-il payer l'emploi tenu, c'est-à-dire les exigences déterminées par l'organisation du travail, ou la contribution que chaque personne apporte au fonctionnement de l'entreprise ? Autrement dit, faut-il payer l'emploi ou la personne qui tient le poste ? Dans la plupart des entreprises, la hiérarchisation des salaires procède d'une hiérarchisation des postes. Considéré comme l'unité de base du système organisationnel, le poste correspond souvent à un besoin précis dans une organisation du travail conçue à partir de la définition des tâches les plus élémentaires. Dans ce cas, les postes sont évalués les uns par rapport aux autres et, globalement, les personnes exerçant un emploi similaire perçoivent la même rémunération. Néanmoins, les systèmes en vigueur permettent une certaine souplesse : à chaque poste est en général attribuée une fourchette de rémunération qui indique les niveaux extrêmes et qui permet donc de différencier les salaires et les individus en fonction de leur performance. Evolution historique des classifications Un rapide récapitulatif historique permet de voir comment ont évolué les pratiques dans le domaine de la classification, en particulier comment se déplace le balancier entre le personne et le poste. Entre 1919 et les années 70, on peut distinguer trois grands types de classifications : - les classifications de type Parodi sont apparues dans la plupart des branches industrielles classiques après 1945. Elles consistent en l'établissement d'une simple liste de dénominations de postes, sans description précise. Une grille de coefficients salariaux accompagne cette liste. - les classifications de type " fonction publique aménagée " stipulent que " l'accès aux postes est explicitement soumis à des conditions de diplôme et que l'ancienneté est reconnue comme un critère de promotion systématique ". - les classifications en critères classants sont plus récentes. Les classifications sont fondées sur l'énonciation et l'évaluation des critères et les accords portent sur des 20 A14 – Gestion des ressources humaines procédures d'évaluation des postes et non sur le classement des postes qui en découle. C'est pourquoi elles sont peu sensibles aux changement technologiques et à ceux de l'organisation du travail. La résurgence du débat La période actuelle est marquée par une volonté de tenir compte de l'individu et de ses compétences. Les conditions organisationnelles ayant évolué, certaines entreprises ont commencé à remettre en question la notion de poste, jugée trop restrictive et ne correspondant plus à la réalité du travail effectué. Cette prise de conscience les a conduites à rechercher quelle base pourrait rendre compte des exigences nouvelles des situations de travail auxquelles les salariés doivent faire face. La notion de compétence est apparue comme répondant à ces besoins. Ce débat récurrent autour de la question de savoir s'il convient de rémunérer la personne plutôt que le poste soulève un certain nombre de questions de fond. Elaborer des systèmes de rémunération suppose que l'on se donne des critères d'évaluation, et que l'on détermine, parmi les différentes possibilités, l'élément sur lequel celui-ci va porter. Objets faisant référence à la personne -capacités (ex : fonction publique) -potentiel (diplôme) -compétence Objets faisant référence au poste -poste (ou fonction ou emploi) -travail exécuté (rémunération à la pièce) -tâche (ex : expert indépendant) 10.3 Les questions classiques en matière de rénumération Lorsque la question des fondements du système de rémunération a été résolue, l'entreprise n'est pas parvenue pour autant au bout de ses difficultés. Avant d'aborder la question des choix possibles, en particulier pour aborder une politique de rémunération, il est important d'attirer l'attention sur l'aspect financier de la question des rémunérations, à travers la notion de masse salariale. La masse salariale est en effet l'élément déterminant de l'équilibre social et de l'équilibre financier des entreprises. Sa maîtrise se révèle souvent être la condition de la survie de l'unité. La masse salariale apparaît comme une variable stratégique économique et sociale fondamentale dans les entreprises et plus particulièrement dans les unités de taille moyenne. 10.3.1 La masse salariale : définition, contraintes, maîtrise La masse salariale désigne les sommes financières que l'entreprise consacre à la rémunération de ses salariés, c'est-à-dire les salaires bruts versés (salaires nets et charges sociales " ouvrières ") et les charges patronales qu'elle supporte. Maîtriser l'évolution de la masse salariale est une nécessité pour l'entreprise, à la fois en raison des sommes financières couramment en jeu, et des mécanismes spécifiques qui tendent à différer les effets attendus de toute décision. Les variations de la masse salariale Plusieurs éléments peuvent en effet faire varier la masse salariale : 21 A14 – Gestion des ressources humaines - des éléments liés à sa composition : le niveau des salaires individuels, le niveau des effectifs, la structure de qualifications ; - - des décisions ponctuelles prises antérieurement qui produisent des effets d'inertie dont il faut tenir compte. S'il est aisé d'imaginer les effets des variations de la composition de la masse salariale sur son niveau, les effets d'inertie méritent d'être explicités. Il faut identifier et mesurer le coût des décisions prises au cours de l'année écoulée ainsi que leurs effets. Le principe est le suivant : on dégage l'incidence des variations de charges sociales puis on mesure successivement l'impact de quatre groupes de facteurs qui déterminent la masse salariale : - les variations d'effectifs : impact des entrées et sorties - - l'évolution des structures : incidence du poids des différentes catégories de salariés - - l'incidence des mesures générales d'augmentation - - les mesures individuelles et la noria : effets des remplacements des salariés partants 10.3.2 Les différents systèmes de rémunération Le salaire fixe Par définition, il consiste à verser une somme fixe en échange du travail effectué. Le plus souvent, il s'agit d'un salaire au temps. Cependant, même sans introduire à proprement parler de variation dans la rémunération, la plupart des entreprises disposent de systèmes qui prévoient la possibilité de rémunérer différemment un même emploi dans une fourchette jugée raisonnable, afin de différencier les salariés. La méthode Hay par exemple prétend qu'une fourchette de 40%, c'est-à-dire 20% de part et d'autre d'une valeur médiane, est souhaitable. Avec l'évolution des formes organisationnelles, les salariés sont amenés à exercer diverses activités qui sortent largement du cadre étroit du poste de travail. Il est donc nécessaire de disposer d'ensembles plus larges, avec des frontières moins rigides, afin de fixer plus librement les rémunérations. La détermination de " fourchettes de rémunérations " consiste à préciser un salaire minimum et un salaire maximum jugés acceptables pour un même emploi. La zone ainsi définie est alors positionnée relativement aux emplois voisins de façon à rendre les recouvrements possibles. Le passage à des fourchettes élargies permet une plus grande souplesse dans la gestion des salaires. C'est l'approche du " broadbanding " . Le salaire individualisé Malgré les modalités très diverses que recouvrent les pratiques d'individualisation des salaires, il s'agit toujours de faire dépendre une partie plus ou moins large de la rémunération des apports productifs du salarié à l'organisation. De nombreux systèmes ont été utilisés pour rémunérer le personnel en fonction de la quantité de production réalisée. Le système de salaire au pièce est très simple. Pour une pièce ou un travail donné, un salaire est déterminé (S). La rémunération totale (R) est obtenue en multipliant le nombre de pièces produites et acceptées comme bonnes (p) par le salaire S R=p*S 22 A14 – Gestion des ressources humaines Ce système est très stimulant. Il implique cependant un contrôle strict de la qualité. En effet, la qualité du produit mais aussi la santé et la sécurité du travailleur peuvent être sacrifiées à l'augmentation de la rémunération. L'évolution l'organisation de la production et les exigences qualitatives ont conduit à l'abandon des salaires au rendement dans la plupart des entreprises . La prise en compte de critères liés à la qualité de la production se fait sous la forme de prime d'objectif. La pratique la plus courante aujourd'hui est celle du salaire au mérite, quel que soit le sens exact que recouvre ce terme. Il est essentiellement appliqué à la catégorie des ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise) et à celle des cadres. Le premier choc pétrolier a eu pour conséquence de freiner la croissance. Les entreprises qui avaient jusque là l'habitude de procéder à des augmentations générales systématiques et conséquentes, ont été contraintes de revoir leurs pratiques car elles n'en avaient plus les moyens financiers. Les pratiques de variabilisation et d'individualisation se sont donc beaucoup développées durant cette période. Elles reposent sur deux principes : - le développement de l'individualisation réversible, sous forme de primes ou de bonus, ...remis en question chaque année ; - - le développement de multiples avantages matériels qui ne constituent pas un salaire à ...proprement parler mais représentent des gains réels de pouvoir d'achat. - ....... 10.3.3 La rémunération variable collective et différée L'importance des compléments que sont l'intéressement, la participation et l'actionnariat salarié résulte d'une longue histoire. Dans un contexte où le salaire progresse peu, les éléments périphériques constituent plus qu'un dérivatif. L'intéressement Par définition, l'intéressement est conditionnel et aléatoire. Dans sa philosophie, il suppose que l'entreprise fasse des bénéfices et qu'il existe un accord sur la part distribuée aux travailleurs. Malgré les divergences sur son apparition exacte, il semble que l'intéressement ait donné lieu à quelques expérimentations dès l'entre-deux-guerres, voire au 19ème siècle. Laissé à l'initiative de l'employeur, l'intéressement est aujourd'hui régi par la loi. La participation La participation est une prime versée par l'entreprise lorsque celle-ci fait des bénéfices. Soucieux de proposer une autre alternative que celle entre rémunération du travail et rémunération du capital, les pouvoirs publics ont élaboré en 1967 une formule permettant à tous les salariés de recevoir une part des bénéfices de l'entreprise. L'épargne salariale Le plan d'épargne d'entreprise (PEE) Comme l'intéressement, le PEE est facultatif. C'est un plan d'épargne ouvert auprès de l'entreprise sur lequel le salarié peut verser les primes de participation et d'intéressement, et effectuer, éventuellement des versements complémentaires. Dans ces deux derniers cas, l'entreprise peut apporter une contribution et augmente ainsi l'épargne. Les sommes ainsi épargnées sont bloquées au minimum pendant cinq ans Les fonds communs de placement entreprise (FCPE) 23 A14 – Gestion des ressources humaines Parmi les modalités de placement, les FCPE prédominent. Dans plus de la moitié des sociétés, la seule modalité de placement de l'épargne salariale proposée est un ou des FCPE. Epargne salariale et retraite Dans les années 90, le débat sur l'avenir des retraites par répartition et le développement de l'épargne salariale ont accru l'intérêt pour les mécanismes de " fonds de pension " sur les modèles britanniques ou allemands. Le souhait de renforcer l'épargne à long terme à travers des mécanismes de capitalisation favorise l'épargne salariale orientée vers la retraite. On assiste ainsi à la création de passerelles entre l'épargne salariale et un système d'épargne à plus long terme. Le développement de l'actionnariat salarié Dans les années 80 et 90, de nombreuses initiatives ont été prises pour développer l'actionnariat salarié ; notamment les options de souscription ou d'achat d'option (stock options). les stock-options Toute société cotée en bourse est libre d'accorder à ses cadres dirigeants de telles options, en les faisant éventuellement bénéficier d'une décôte. L'objectif des stock-options est d'intéresser ceux qui en bénéficient à la bonne marche financière de l'entreprise. Ce mécanisme permet à certain d'accroître fortement leur revenu… si l'action prend effectivement de la valeur. Car il est par définition réversible. .Pour les grandes entreprises, l'objectif est d'accroître la rémunération de leurs dirigeants à moindre coût grâce aux allégements de charges sociales et fiscales et d'éviter les augmentations individuelles de salaires, difficilement réversibles. Le but affiché est également de fidéliser ces dirigeants ou de les récompenser. développement de l'actionnariat salarié L'actionnariat salarié C'est la possibilité pour les salariés d'acheter des actions de l'entreprise à des conditions privilégiées (jusqu'à 20% en dessous du cours), notamment lors d'une augmentation de capital, de la privatisation ou de l'entrée en bourse. L'intérêt de l'actionnariat salarié pour l'entreprise est de faire adhérer les salariés à la stratégie de l'entreprise. D'autre part, face au poids des fonds de pension nord-américains dans leur actionnariat, les entreprises s'intéressent aux actionnaires salariés qui n'ont ni les mêmes préoccupations financières, ni le même horizon de placement que les gestionnaires américains. En effet, la plupart d'entre eux ont logé leurs actions dans des FCPE ce qui les oblige à bloquer leurs titres pendant 5 ans. Actionnaires fidèles, ils s'intéressent à la création de valeur dans la durée. 10.3.4 L'élaboration des politiques de rémunération La notion de rémunération globale Comme nous l'avons dit plus haut, élaborer une politique de rémunération consiste à faire des choix : vent-on attirer et fidéliser du personnel qualifié ? Veut-on développer la motivation des salariés ? Veut-on développer la flexibilité ? Autant de choix qui correspondent à des objectifs en fonction desquels seront rendus les arbitrages nécessaires. De façon générale, il s'agit de mettre en place des pratiques qui garantissent la flexibilité économique tout en 24 A14 – Gestion des ressources humaines assurant une implication suffisante des salariés. Cette double exigence peut être résolue par le recours à la notion de rémunération globale. Celle-ci englobe tous les périphériques qui peuvent être utilisés par les entreprises. La pyramide des rémunérations représente les différentes composantes de la rémunération globale. Le mix du système de rémunération Sur la base de la rémunération globale, élaborer un mix consiste à combiner les outils disponibles en fonction de choix bipolaires : part fixe / par variable, versement différé / immédiat, rétribution monétaire / non monétaire. L'observation des pratiques managériales atteste l'utilisation conjointe de différents éléments pour servir l'objectif d'incitation. Il en est ainsi des sotck-options et autres formes d'actionnariat, des " non cash incentives ". L'entreprise raisonne aujourd'hui en terme de rémunération globale et recherche la composition optimale de ce mix. On peut aussi donner le choix aux salariés. Il n'est pas sûr en effet que les choix de l'entreprise conviennent à tous. Certains salariés peuvent être attachés à un bon système de prévoyance par exemple ; d'autres préféreront ne recevoir que de l'argent, immédiatement. Donner à choisir parmi différentes formules pré-établies est couramment nommé " effet cafétéria ". Lorsque l'on parle de rémunération, c'est donc bien la notion de rémunération globale qui est à prendre en compte. Bien que l'entreprise cherche à réduire le coût direct du travail, les sommes engagées dans ces périphériques ne sont pas négligeables. De même, dans une perspective d'évaluation comparative des rémunérations entre entreprises, il est indispensable de tenir compte de la rémunération globale perçue par chaque salarié. Elle varie en effet de façon sensible entre catégories professionnelles, les cadres étant les grands bénéficiaires de ces pratiques. Pour conclure nos développements sur la notion de rémunération globale, on peut la présenter comme articulant deux variables complémentaires en termes d'objectifs - recherche de flexibilité et recherche d'implication des salariés - afin d'en tirer les formules les mieux adaptées. Rémunération globale : concilier incitation et maîtrise des coûts Les entreprises se voient en effet contraintes de définir une structure de rémunération globale qui correspond aux besoins de limitation des coûts. Elles se trouvent confrontées à une situation a priori paradoxale : obtenir une plus forte contribution des salariés tout en minimisant la masse salariale. Les attentes des salariés en matière de rémunération tendent à évoluer. S'ils attachent toujours une grande importance au niveau de leur salaire, ils deviennent avec l'âge notamment, de plus en plus exigeants à l'égard des autres composantes de leur rémunération. Ainsi, les salariés français sont-ils de plus en plus demandeurs de couvertures sociales complémentaires. Une utilisation accrue des différents éléments de la rémunération indirecte (PEE, participation au capital, avantages en nature…) répond donc à leurs attentes. Par ailleurs, les avantages divers répondent à une autre logique que les salaires et les primes. Les " non cash incentives " traduisent par exemple un mode de reconnaissance de la contribution de chacun à la marche de l'entreprise. 10.4 Rénumérations et stratégies d'entreprise 10.4.1 Contraintes et objectifs stratégiques de la rémunération globale Parler de gestion stratégique des rémunérations, c'est prendre en compte trois éléments essentiels : l'impact économique du système de rémunération, le comportement des salariés 25 A14 – Gestion des ressources humaines et l'équilibre de l'organisation. Ces éléments constituent un ensemble de contraintes qui limite la marge de manœuvre de l'entreprise. Pour optimiser son choix, l'entreprise a tout intérêt à définir en premier lieu l'impact recherché par la politique de rémunération : veut-on préserver absolument l'équité interne ? Doit-on plutôt tenter de redresser une situation financière difficile ? A-t-on besoin de redynamiser et remotiver le personnel après un événement difficile ? Autant de questions auxquelles il conviendra de répondre aussi précisément que possible Une politique de rémunération globale comporte un dosage équilibré, adapté aux spécificités de l'entreprise, de composantes permettant de répondre à certains objectifs. Le choix des critères pertinents doit refléter les orientations stratégiques et les valeurs de l'entreprise. 10.4.2 Nouvelles configurations organisationnelles et rémunérations L'équilibre de l'organisation constitue un élément clé de la gestion des rémunérations. On peut donc s'interroger sur les conséquences des transformations actuelles sur les systèmes de rémunération. L'une des difficultés à résoudre repose dans la mise en cohérence du système de rémunération avec l'organisation. L'arbitrage entre incitations individuelles et incitations collectives a tout intérêt à tenir compte des enjeux organisationnels. Les incitations collectives sont souvent jugées, peut-être hâtivement, comme peu efficaces sur le plan de la motivation, car elles n'opèrent pas de distinction entre ceux qui déploient de réels efforts et se qui se contentent de faire le minimum (problème du free rider de la théorie des jeux). Il y a pourtant une contradiction évidente à vouloir motiver les individus à travailler en équipe, et, en même temps, choisir de récompenser la contribution individuelle. 10.4.3 Stades de développement de l’entreprise et système de rémunération Adapter la politique de rémunération de l’entreprise à ses particularités et aux objectifs recherchés permet de comprendre pourquoi deux entreprises équivalentes peuvent adopter des politiques de rémunération radicalement différentes. De même, les différentes phases du cycle de vie de l’entreprise (croissance, maturité, déclin) donnent généralement lieu à des systèmes de rémunération différents. Dans la phase de croissance, l’entreprise aurait tendance à utiliser un salaire fixe plus bas pour ainsi conserver suffisamment de « cash flow » et investir dans le développement de nouveaux produits, à avoir une part d’incitatifs plus grande pour motiver et inciter à la productivité. Dans la phase de maturité, les différentes composantes de la rémunération s’équilibrent. La rémunération fixe et les avantages sociaux augmentent et la part d’incitatifs diminue quelque peu. On accorde plus d’importance à l’équité interne et à l’évaluation des emplois. L’émergence de règles et de procédures formalise le système. 26 A14 – Gestion des ressources humaines Séq.11 La motivation et l'incitation au travail 11.1 : L'efficacité incitative des rémunérations L'efficacité des performances des entreprises passent par la mobilisation de leurs ressources humaines. Toute la difficulté consiste néanmoins à motiver les salariés et les inciter à déployer leurs efforts. Aussi convient-il de s'interroger sur le rôle que peuvent jouer les rémunérations dans la poursuite de l'objectif d'incitation à la performance. Par le biais de quels mécanismes la rémunération peut-elle induire des accroissements d'effort et de productivité ? Quels sont les systèmes de rémunération à même de susciter et soutenir l'effort des salariés ? La théorie économique, dans ses développements récents, offre des réponses à ces questions. Telles sont les approches que nous présenterons dans ce premier temps. Il s'agit d'étudier les liens entre rémunération, effort et performance en insistant sur le rôle spécifique joué dans le processus incitatif par le niveau et le mode de fixation du salaire, par les primes de performances individuelles et collectives et enfin par la structure de rémunération globale. 11.1.1 : Théorie du salaire d'efficience : le pouvoir incitatif du niveau de salaire La théorie du salaire d'efficience recherche les effets du niveau de salaire sur l'effort et la productivité des salariés dans les situations où le contrôle de leurs actions est malaisé. Elle suppose un lien positif entre le niveau de salaire et le niveau de l'effort du salarié, connu sous le nom de " relation d'efficience ". Les modèles de " tire-au-flan " placent la menace et la sanction (licenciement et chômage) au centre du mécanisme d'incitation. De hauts salaires vont se substituer, en partie du moins, au contrôle hiérarchique. Ils favorisent le développement d'auto-contrôle des salariés et engendrent des économies sur les coûts de surveillance et d'encadrement. La pertinence d'une telle stratégie est d'autant plus marquée que l'entreprise est de grande taille. Dans ce cas en effet, le contrôle est plus difficile et plus onéreux. Dans ces modèles, la menace du licenciement, la crainte du chômage et la perte de revenu qui lui est associé tiennent une place centrale pour assurer l'incitation des salariés. Les deux facteurs d'incitation -l'incitation par la menace et l'incitation monétaire- se renforcent l'un et l'autre. Le versement de salaires élevés constitue un facteur aggravant des pertes subies en cas de licenciement. La menace d'une menace crédible de licenciement va accentuer l'ampleur de la sanction et de la perte financière qui lui est associée. 11.1.2 : Théorie des contrats à paiement différé : l'inscription temporelle du pouvoir incitatif du salaire La théorie des contrats à paiements différés constitue une seconde alternative au salaire d'efficience. La prise en compte d'une dimension temporelle dans le mécanisme d'incitation offre des perspectives intéressantes, en soulignant la nécessité d'inscrire dans la durée l'analyse du pouvoir incitatif des rémunérations. 27 A14 – Gestion des ressources humaines L'idée est qu'un profil de rémunération croissant avec l'ancienneté permet de motiver les salariés sur plusieurs périodes. Différer le paiement de la rémunération apparaît comme un moyen d'inciter les salariés à déployer leurs efforts à moyen et long terme. Cette pratique incitative est d'autant plus justifiée qu'une vérification continue de la performance ne peut être réalisée. En début de carrière, le salarié touchera un salaire inférieur à sa valeur productive. Après un certain temps passé dans l'entreprise, il recevra en revanche un salaire supérieur à sa productivité, à condition de ne pas avoir été surpris à flâner. Le salarié a tout intérêt à ne pas quitter l'entreprise afin de bénéficier de la rente qui lui est accordée en fin de carrière. A la menace de licenciement, s'ajoute la promesse d'un accroissement de revenu dans le futur. Toutes deux découragent le salarié d'adopter une stratégie de moindre effort. 11.1.3 : La théorie des tournois : le pouvoir incitatif du mérite relatif pour l'attribution des primes ou des promotions La théorie des tournois envisage les situations où l'employeur est confronté à plusieurs salariés dont il est possible de comparer les performances relatives. Le principe du tournoi consiste à récompenser les plus méritants par une prime qui s'ajoute au salaire de base ou par une promotion. La compétition entre les salariés est ici utilisée comme instrument d'incitation. La mise en concurrence des individus est un moyen de stimuler leurs efforts. Le vainqueur du tournoi est défini en fonction de son résultat, relativement à celui obtenu par un ou plusieurs de ses collègues et non selon le niveau absolu de son résultat. Un tel système, fréquemment retenu pour l'attribution des commissions aux commerciaux (challenge du meilleur vendeur du mois, concours du pizzaïolo le plus rapide…) pourrait éventuellement être adopté comme méthode de distribution sélective de stock-options ou d'avantages en nature. 11.1.4 : La théorie des tournois : le pouvoir incitatif du mérite relatif pour l'attribution des primes ou des promotions La promotion à un échelon hiérarchique supérieur constitue une autre issue possible du tournoi. La hiérarchie des salaires devrait produire sur les salariés le même effet incitatif qu'une élévation de salaire. Néanmoins, une promotion étant rarement réversible, elle offre à l'entreprise moins de souplesse qu'une prime. Que la compétition conduise à l'obtention d'une prime ou d'une promotion, le principe du tournoi permet de satisfaire le besoin d'estime des salariés. Pouvoir être reconnu par l'employeur et par les pairs comme le " meilleur " peut jouer un plus grand rôle sur la motivation que le montant du gain associé à la " victoire ". Dans certains cas, l'utilisation de tournois doit pourtant se faire de manière prudente. Lorsque l'organisation de l'entreprise est caractérisée par une coordination horizontale et que les activités productives nécessitent de la part des salariés des efforts de coopération, l'émulation peut devenir contreproductive. Aucun des salariés engagés dans la compétition ne trouvera en effet de l'intérêt à venir en aide à ses collègues. Bien que stimulante, la mise en concurrence des salariés risque d'être peu profitable au maintient d'un bon climat social. 28 A14 – Gestion des ressources humaines 11.1.5 : Pouvoir et efficacité incitative des primes collectives : le problème du passager clandestin Dans le cadre d'un système de rémunération sur un critère de performance collective, la rémunération individuelle dépend en partie des efforts déployés par les collègues de travail. La stratégie optimale pour l'entreprise et pour les salariés (qui maximise les gains collectifs et individuels) est la coopération entre salariés. Mais les systèmes d'intéressement comportent a priori un risque, celui que les salariés adoptent un comportement de " resquilleur " ou de " passager clandestin ". Chacun peut en effet bénéficier de l'appartenance au groupe (possibilité de toucher une prime) sans pour autant consentir à déployer ses efforts. De plus, l'employeur ne peut pas juger de la contribution de chaque salarié à la performance collective, si bien qu'en l'absence de contrôle de l'action individuelle, chacun est tenté de minimiser ses efforts. L'intéressement favoriserait donc les comportements individualistes, qui rendrait le système de rémunération inefficace du point de vue incitatif. Aussi, la coopération entre salariés est-elle une condition essentielle à l'efficacité de l'intéressement ; chacun doit consentir à fournir un niveau d'effort suffisant pour que l'objectif global requis pour l'attribution de la prime soit atteint. 11.2 La motivation et la satisfaction au travail La mobilisation du personnel ne se réduit pas à l'effet incitatif des rémunération. Il convient donc de s'interroger sur les facteurs profonds de la motivation et de la satisfaction de l'homme au travail. Le problème de la motivation de l'homme au travail ne s'est posé qu'assez tardivement : jusqu'aux années 1920, les études sur le travail étaient surtout d'ordre physiologique et portaient au mieux sur les conditions matérielles du travail et de leur influence sur le rendement et la productivité. Il y a donc une soixantaine d'années que les chercheurs ont commencé à étudier des questions comme la satisfaction, le moral, l'attitude des hommes au travail, le comportement des groupes de travail, les types de supervision ou de direction, les modes de participation des employés aux décisions qui les concernent… Ces travaux ont été impulsés par les travaux d'Elton Mayo, fondateur de l'Ecole des Relations Humaines, grand courant qui a critiqué l'organisation hiérarchique et taylorienne du travail. 11.2.1 : Elton W. Mayo : l'école des relations humaines Elton W Mayo (1880-1949) est considéré comme le fondateur de la sociologie en milieu industriel, et notamment du Mouvement des Relations Humaines. Les idées générales développées par l'Ecole des relations humaines peuvent être résumées de la façon suivante : - L'organisation doit tenir compte, non seulement de l'enchaînement logique des opérations, mais aussi du désir des travailleurs ; l'organisation humaine ne se confond pas avec l'organisation technique ; 29 A14 – Gestion des ressources humaines - Il existe toujours une organisation informelle à côté de l'organisation formelle ; - une des tâches essentielles du management est de créer une coopération entre les travailleurs et d'intégrer chaque travailleur dans son groupe ; - Le management doit davantage mettre l'accent sur la responsabilité que sur le contrôle Les experiences d'Hawthorne visaient à définir les motivations réelles des travailleurs à accomplir de meilleures performances. La direction, décida de faire un effort sur l'amélioration des conditions de travail, tout en vérifiant leur relation à la productivité à partir de deux groupes témoins. En améliorant les conditions d'éclairage d'un seul de ces groupes, on s'était rendu compte que son rendement s'était élevé de façon exceptionnelle, mais qu'il en était de même dans le cas du groupe pour lequel l'éclairage était resté inchangé. Un chercheur eut alors l'idée de diminuer l'éclairage du groupe expérimental. Résultat encore plus inattendu : la productivité continuait à augmenter dans les deux groupes. Poursuivant l'expérience, Mayo modifie successivement les conditions de travail près d'une dizaine de fois : réduction du temps de travail, temps de repos variés et octroi de primes. Mayo observe alors que la production augmente chaque fois qu'un changement intervient. La seule explication est d'une part, que les employés ont obtenu énormément de satisfaction dans leur travail en réalisant qu'elles formaient des équipes homogènes d'individus solidaires et, d'autre part, que chacune s'est sentie valorisée.On appelle ainsi " effet Hawthorne " le fait que les gens réagissent positivement au fait que l'on s'occupe d'eux pour améliorer leur situation, surtout s'ils sont dans une faible position dans l'entreprise. 11.2.2 : La hiérarchie des besoins de A. Maslow La plus connue des théories de la motivation est la théorie de la hiérarchie des besoins d'Abraham Maslow (1908-1970). Abraham Maslow a montré que le comportement d'une personne était commandée par le niveau de ses besoins non encore satisfaits. Dans ce sens, la motivation qui pousse un individu à agir dans l'entreprise doit être reconnue si l'on veut utiliser à son égard un style de direction adéquat. Il a classé les besoins humains en cinq catégories. Ces besoins sont hiérarchisés en ce qui concerne leur apparition. Ce n'est que lorsqu'une catégorie de besoins est satisfaite que la catégorie suivante fait son apparition. De plus, les besoins physiologiques et les besoins sociaux primaires sont limités, de telle sorte qu'ils ne constituent plus des sources de motivation positive pour l'individu chez lequel ils sont satisfaits. Au contraire, les besoins " supérieurs " (sociaux et personnels) sont illimités ; ils sont donc une source de motivation permanente pour les individus. 11.2.3 :La classification de F. Herzberg Frederick Herzber a classé les sources de satisfaction des individus en deux catégories : - les facteurs d'hygiène ou de maintenance sont relatifs à l'environnement de travail : rémunérations, œuvres sociales, relations sociales, facteurs d'ambiance, bonnes conditions de travail 30 A14 – Gestion des ressources humaines - les facteurs de motivation sont relatifs au contenu du travail : initiative, autonomie, responsabilité, variété, possibilité d'évolution professionnelle Pour les cadres, si les facteurs dits de maintenance ne sont pas présents, entraînent une forte insatisfaction mais qui, s'ils ne sont pas assurés, ne suscitent pas pour autant une satisfaction. Ainsi, il ne sert à rien d'améliorer les conditions de travail pour motiver ; toutefois, leur détérioration risquerait d'entraîner des départs de l'entreprise. Les facteurs d'hygiène ne jouent pas un rôle positif mais seulement un rôle négatif. Au contraire, les facteurs de motivation jouent un rôle essentiellement positif. Ils sont la principale source des satisfactions durables. Pour que la satisfaction augmente, il faut que les facteurs de motivation interviennent. De sa théorie, Herzberg tire des implications pratiques très importantes et largement diffusées dans les entreprises industrielles et de services. Quelle que soit l'intention " généreuse " des politiques sociales de certaines entreprises, elles seront sans effet sur la motivation des salariés, tout au plus maintiendront-elles un climat social stable. Mobiliser les ressources humaines suppose une capacité à promouvoir des facteurs véritablement valorisants. Les facteurs de dissatisfaction peuvent facilement être éliminés et cela fait partie des revendications normales des travailleurs. Par contre, les facteurs de satisfaction sont plus difficiles à établir. La motivation du personnel ne peut résulter que d'une action réelle et profonde sur l'organisation des tâches. Au lieu de rationaliser et de simplifier le travail pour accroître la productivité, il faut enrichir le travail en incluant les facteurs de motivation. Il s'agit de donner au subordonné des tâches plus complexes, plus de liberté et de responsabilité 11.2.4 :La théorie de l'équité Herzbeg et ses collaborateurs ont découvert que le sentiment d'injustice faisait partie des causes d'insatisfaction les plus fréquemment invoquées à l'égard du travail. Quelques chercheurs ont fait de ce désir de justice ou d'équité le point central de leur théorie. La théorie de l'équité est axée sur les sentiments qu'un individu éprouve quant à la manière dont il se sent traité, par comparaison avec les autres. Cette théorie repose principalement sur l'idée que les individus comparent leur situation avec celle des autres pour vérifier qu'ils sont traités de façon équitable. Cette théorie est fondée sur une comparaison entre deux variables : les apports et les résultats. Les apports représentent ce qu'un individu apporte dans un échange (présence, formation, expérience antérieure, ancienneté, efforts…) ; les résultats résument ce qu'il obtient de cet échange (rémunérations, avantages sociaux, privilèges de fonction, promotion, responsabilité, conditions de travail…). Selon la théorie de l'équité, les individus attribuent une certaine valeur à leurs divers apports et aux résultats. Après avoir estimé un ratio des apports et des résultats, en ce qui les concerne, ils comparent ce ratio à ceux des autres personnes se trouvant dans la même situation ou dans une situation comparable Le sentiment d'injustice se manifeste lorsque les coefficients des résultats obtenus ne sont pas égaux pour tous. Par exemple, supposons qu'une personne travaille avec plus d'acharnement que ses collègues, termine toutes ses tâches en temps utile, ce que les autres ne font pas, tout en recevant les mêmes primes que les autres. L'employé trouve ses apports supérieurs à ceux de ses autres collègues et pense qu'il devrait recevoir une augmentation plus importante. 31 A14 – Gestion des ressources humaines L'individu peut alors entreprendre différents types d'action pour réduire ce sentiment : - les personnes peuvent modifier leurs apports soit en les augmentant soit en les diminuant - elles peuvent tenter de modifier leurs résultats (rôle des syndicats) - elles peuvent chercher à quitter l'organisation - elles peuvent biaiser l'importance de leurs propres résultats et apports en les déformant mentalement ; - elles peuvent déformer les résultats et les apports d'autrui - elles peuvent adopter un autre groupe de référence Malgré ses limites, la théorie de l'équité est très utilisée par les managers notamment par les spécialistes des rémunérations pour établir la grille des salaires. 11.3 Différents styles de management Le style de direction doit s'adapter aux motivations des personnes, à leurs traits de caractères, à la nature des tâches à effectuer. 11.3.1 : McGregor : théorie X contre théorie Y Douglass McGregor pense que la manière dont une organisation est dirigée résulte directement de la conviction de ses dirigeants. "Derrière chaque décision de commandement ou d'action, il y a des suppositions implicites sur la nature de la nature humaine et sur le comportement des hommes". Douglas Mac Grégor a montré que les différents types de direction sont inspirés de deux conceptions de l'homme qualifiées de " théorie X " et " théorie Y ". Le terme de Théorie X définit l'ensemble des postulats qui ont prévalu dans les théories classiques du management depuis Taylor et Fayol. La théorie X suppose que la plupart des hommes sont paresseux, qu'ils n'aiment pas le travail, qu'ils ont besoin d'être dirigés et qu'ils sont incapables de prendre des responsabilités. La Théorie Y postule au contraire que les individus ont, en réalité, psychologiquement besoin de travailler, qu'ils désirent s'accomplir personnellement et exercer des responsabilités. 11.3.2 :R. Lickert : le management participatif Selon Likert, le principe des relations intégrées (les relations entre les membres d'une organisation intègrent les valeurs personnelles de chacun), est un principe majeur de l'organisation : chacun doit se sentir important et nécessaire au sein de l'entreprise. Pour qu'une organisation soit efficace, il faut abandonner la relation man-to-man (homme contre homme) et adopter une forme d'organisation par groupe. Il distingue quatre catégories de systèmes de management : 1) le style autoritaire-exploiteur : le management par la peur et la contrainte ; la communication part du sommet, les décisions sont prises et imposées par le niveau supérieur 2) le style autoritaire-paternaliste : les informations qui remontent de la base sont principalement celles qui sont susceptibles de "convenir" au patron ; les décisions sont prises au sommet de la hiérarchie. 32 A14 – Gestion des ressources humaines 3) le style consultatif : la direction s'efforce de communiquer avec ses employés, cette communication s'effectuant dans les deux sens ; les décisions importantes sont encore prises au sommet de la hiérarchie. 4) le style participatif : la direction fait participer les employés à des groupes de travail capables de prendre des décisions ; elle fixe des objectifs à atteindre et travaille étroitement avec les employés ; la communication s'effectue facilement dans les deux sens, verticalement et horizontalement. 11.3.3 : Un essai de classement des styles possibles : Tannenbaum et Schmidt Pour Lickert, le style participatif est plus efficace que tous les autres et doit être promu. Certains auteurs se sont néanmoins montrés moins normatifs. C'est ce qu'ont montré Tannenbaum et Schmidt en indiquant qu'entre deux bornes de nombreuses solutions existent. Il n'existe donc pas un seul type de direction tranché, mais toute une variété de styles en fonction des domaines et des personnes. Le schéma proposé par Tannenbaum et Schmidt fait ressortir plusieurs cas plausibles depuis le despotisme absolu du chef, jusqu'à la liberté d'action totale accordée aux subordonnés. 11.3.4 : L'évolution des pratiques de travail De nombreuses tentatives ont été faites pour adapter le travail à l'homme : - étude des facteurs d'ambiance : lumière, acoustique, température hygrométrie, ... - études d'ergonomie : elles conduisent à redéfinir les caractéristiques des outils, des équipements, du poste de travail (disposition des cadrans, des écrans, des manettes…) en vue de réduire les efforts physiques ou nerveux, d'accroître la sécurité et le rendement. - étude des rythmes de travail : aménagement des horaires, détermination de la fréquence et de la durée des pauses. Tous ces travaux portent sur l'environnement de travail sans forcément remettre en cause le principe de parcellisation des tâches posé par Taylor. D'autres innovations, plus ou moins radicales doivent également être notées : - l'élargissement des tâches consiste à réduire la parcellisation du travail en allongeant le cycle opératoire. Cet allongement est obtenu en regroupant plusieurs travaux confiés auparavant à des ouvriers différents. - l'enrichissement des tâches consiste à confier aux exécutant des travaux de préparation et/ou de contrôle de leur activité. L'élargissement et l'enrichissement des tâches provoquent des transformations importantes dans l'entreprise : une réorganisation des services et de leurs relations ; une modification des rapports humains (le rôle des contremaîtres et des chefs d'ateliers évolue du commandement vers l'animation d'une équipe de travail. 11.4 : L’influence des rémunérations sur la motivation et la satisfaction au travail 33 A14 – Gestion des ressources humaines 11.4.1 : La synthèse du modèle de Porter et Lawler Le modèle de Porter et Lawler propose un système d’explication du processus qui conduit une récompense, telle que le rémunération, à devenir motivante. 11.4.2 : Conditions pour que les rémunérations soient motivantes : 1) Les employés doivent attacher une valence positive élevée aux rémunérations ; 2) Ils doivent croire qu’une bonne performance est réellement suivie d’une rémunération élevée : - le lien entre contribution et rétribution doit être explicite - le salarié doit donc connaître les modalités de mesure de sa contribution. - l’information sur toutes les composantes, monétaires et non monétaire de sa rétribution doit être communiquée - le salarié doit effectivement percevoir la rétribution méritée Or, ces points sont devenus plus complexes dans les années 90. Les composantes de la rétribution se sont multipliées. Cette complexité croissante rend délicate l’évaluation par le salarié de sa rétribution globale. Il doit simultanément prendre en compte des éléments fixes et d’autres variables, des éléments collectifs et d’autres individualisés, des éléments immédiats et d’autres différés, des composantes monétaires et d’autres non monétaires, des rémunérations et du temps libre. 11.4.3 : Les tests empiriques et leurs résultats Ce modèle a été testé en France afin de tester l’influence respective des différents éléments de la rétribution globale sur la motivation. Les principaux résultats de cette étude sont les suivants : 1) Les éléments de la rémunération qui déterminent la satisfaction ne sont pas nécessairement ceux qui déterminent la motivation. 2) Les effets de la rémunération fixe et de la rémunération flexible sont bien distincts - Dans la rémunération directe, la partie fixe peut motiver et satisfaire, lorsqu’elle est individualisée. Ces le cas lorsque les augmentations de la rémunération fixe tiennent compte des performances du salarié et de l’équité interne et externe - En revanche, la rémunération variable et de la rémunération différée ne motivent pas et n’accroissent pas la satisfaction au travail. - De même, l’efficacité des avantages divers est discutable 34 A14 – Gestion des ressources humaines Séq 12. Le recrutement et l'intégration des salariés 12.1 Introduction Lorsqu'un besoin de main-d'œuvre se déclare dans une organisation, elle a le choix entre recruter à l'extérieur sur le marché du travail et trouver au sein de sa structure la ou les personnes nécessaires. Recruter et intégrer des collaborateurs dans l'entreprise est un processus coûteux. La question se pose alors immédiatement de l'intérêt que l'entreprise peut trouver une relation stable avec ses salariés. Mettre en place une gestion des carrières, c'est implicitement reconnaître qu'il est utile, voire indispensable, d'assurer une certaine stabilité du personnel. Il s'agit de limiter les conséquences néfastes du turn over Il est néanmoins nécessaire que la main d'œuvre soit mobile au sein de l'entreprise de façon à pouvoir s'adapter dans des délais raisonnables aux besoins de l'entreprise. Nous analyserons donc les multiples pratiques de mobilité qui existent dans les entreprises. Nous nous interrogerons enfin sur l'évolution des conditions dans lesquelles se sont développées les pratiques de gestion de la mobilité, et sur leurs effets actuels : peut-on encore parler de carrière ? Comment évoluent les pratiques dans ce domaine, en particulier au regard des exigences économiques actuelles ? 12.2 Le coût du recrutement et de l'intégration des salariés 12.2.1 Le coût du recrutement Tout au long d'un processus de recrutement, plusieurs personnes de l'entreprise ou extérieures ont un rôle effectif et y consacrent un certain temps, ce qui implique des coûts. Ces coûts prennent en compte trois éléments : 1) les coûts correspondant au temps passé par les divers acteurs, d'après les salaires. 2) les coûts correspondant à des frais directs facturés : frais d'annonces, honoraires de cabinets conseils, frais de voyages des recruteurs, location de bureaux… 3) les coûts correspondant à des frais de fonctionnement administratifs des services de recrutement : médecine du travail, matériels de test… 12.2.2 Les coûts d'adaptation et de formation Le coût de recrutement analysé précédemment ne constitue qu'une partie du coût d'entrée dans l'entreprise d'une nouvelle personne. Il faut également prendre en compte les coûts de formation et d'adaptation. 12.2.3 Les coûts d'adaptation et de formation Une diversité de pratiques de formation Au sein de l'entreprise, on peut considérer comme relevant de la formation toute action ou toute situation, dont le résultat est de produire un accroissement de compétences. Les 35 A14 – Gestion des ressources humaines méthodes d'acquisition de compétences forment un continuum de situations : de la formation la plus formelle (dans une salle de cours) à l'apprentissage sur le tas. 1) La formation théorique hors de l'emploi : dans des écoles ou les organismes de formation. 2) L'apprentissage sur le tas (learning by doing) : le salarié développe ses compétences par l'exercice normal de son activité de travail. 3) La formation dans l'emploi (on the job training) : afin de dépasser les limites de l'apprentissage sur le tas, l'entreprise peut organiser un accompagnement du salarié dans le but d'optimiser les effets potentiellement formateurs du travail (tutorat ou parrainage). 12.3 La fuite de la main d'œuvre : le turn over et son coût 12.3.1 Le départ : un moyen d'obtenir une " promotion " Le panel APEC fait ressortir le lien entre mobilité et promotion pour les cadres. 12% des cadres ont été promu en 1996. Le pourcentage atteint 46% pour ceux qui ont changé d'établissement. Part des cadres ayant eu une promotion Parmi les cadres 1995 1996 Ayant changé 28 46 d'établissement Ayant changé d'entreprise 18 15 Ayant changé de service 6 15 Ayant changé de fonction 50 51 Ensemble du panel 11 12 Il apparaît que changer de fonction est la manière la plus efficace d'obtenir soit une promotion, soit une augmentation de salaire. Sur les 11% de cadres ayant obtenu une promotion, 50% avaient changé de fonction et 6% de service. Quant aux 50% qui avaient obtenu une augmentation de salaire, les pourcentages étaient respectivement de 59% et 41%. 12.3.2 Le turn-over : un dysfonctionnement grave Du point de vue de l'entreprise, le turn-over (ou la rotation du personnel, c'est-à-dire le nombre de départs vers l'extérieur) est un dysfonctionnement coûteux. La mesure du turn-over Le taux de rotation est le principal indicateur du turn-over. Il se calcule à partir du rapport suivant : Taux de turn-over = L'importance du phénomène peut varier selon les catégories de personnel ; aussi le calcul du taux de rotation sera conduit selon différentes sous-population (ouvriers, employés, cadres ; population administrative, commerciale, technique ; par unité géographique ; par sexe, ancienneté, nationalité…) Le simple examen de cet indicateur permet de dégager, avant toute étude plus poussée, les causes les plus significatives de turn-over ; par exemple : 36 A14 – Gestion des ressources humaines - un taux de rotation élevé de population de faible ancienneté révèle les problèmes ...d'intégration des nouveaux entrants ; - des résultats sensiblement différents par établissements pour les mêmes catégories ...traduisent les problèmes locaux de relations sociales ou l'impact des conditions ...d'environnement. L'information de l'entreprise sur les causes de départ La fonction ressources humaines doit mettre en place les moyens qui lui permettront d'avoir une connaissance aussi affinée que possible des causes de départs. Le départ volontaire du salarié de l'entreprise est le résultat d'une décision où deux éléments jouent un rôle primordial. 1) le facteur d'adhésion C'est la dimension qui mesure le plus ou moins grand attachement du salarié à son entreprise. 2) le facteur d'opportunité Cette dimension mesure l'attrait que représente la société pour le salarié compte tenu des offres ou des sollicitations qu'il peut recevoir de l'extérieur. 12.4 Les pincipaux déterminants des trajectoires professionnelles 12.4.1 Les différentes formes de mobilité - la mobilité verticale, ou promotion : Elle caractérise les évolutions hiérarchiques des individus dans les organisations. Elle s'exprime au sein d'une même fonction, ou d'un même métier. - la mobilité horizontale, dite aussi fonctionnelle ou professionnelle : Elle désigne le passage d'une fonction, ou d'un métier à un autre, sans changement de niveau hiérarchique. - les filières promotionnelles : Elles indiquent les successions de postes qui permettent d'acquérir une qualification croissante et d'obtenir une qualification. - le modèle du marché interne : Le Marché Interne remplit des fonctions de sélection, de formation et d'incitation. Les arguments classique en faveur de la cascade de mobilités sont la réduction d'erreur de sélection, la stimulation de l'effort par l'offre de carrière, l'apprentissage sur le tas, les pénuries de main-d'œuvre qui incitent à produire en interne les qualifications. 12.4.2 La carrière comme contrat implicite La gestion des carrières apparaît souvent comme l'expression la plus achevée de la gestion de la mobilité. Il est important de réfléchir aux raisons qui peuvent expliquer le développement de la notion de carrière : en quoi l'entreprise est-elle intéressée à développer la stabilité des salariés ? En quoi les salariés sont-ils prompts à rechercher des opportunités de carrière ? Le personnel d'encadrement constitue souvent le principal bénéficiaire de politiques de gestion de carrières formalisées et organisées. De nombreux travaux ont depuis longtemps mis en évidence le clivage existant en France entre cadres et non-cadres. Sur la période des années 60 aux années 80, on peut considérer la carrière comme un contrat implicite entre l'entreprise et les cadres. En raison d'une certaine pénurie de main-d'œuvre qualifiée, les entreprises ont été amenées à fidéliser ce personnel, qu'elles avaient souvent eu du ma à recruter, tout en exigeant de lui une forte implication. La contrepartie de cette implication s'exprimait sous la forme de carrière. 37 A14 – Gestion des ressources humaines 12.4.3 Les freins à la mobilité On peut faire référence à une tendance fréquente dans les entreprises, et sans doute renforcée dans les périodes de difficultés économiques, d'accorder une importance capitale à la sécurité de leur fonctionnement, ce qui freine la mobilité. Sentant sur eux la pression permanente de la performance, les responsables cherchent à s'encadrer des collaborateurs les plus sûrs, donc souvent les plus expérimentés et familiers des responsabilités et des missions qui leur sont confiées. Ils seront réticents à encourager la mobilité de ces collaborateurs comme à en accueillir de nouveaux. On peut également constater que l'absence de formalisme peut se révéler dommageable à la mobilité. En effet, une culture orale conduit à capitaliser les savoir-faire et les expériences collectives d'un service dans les têtes d'un nombre restreint de collaborateurs. Il arriver même que parfois un individu possède à lui seul l'essentiel des données et des procédures nécessaires à la réalisation d'une mission. Ce qui constitue un frein à la mobilité. 12.4.4 La nécessité de définir une politique de mobilité Les pratiques de mobilité ne peuvent se manifester spontanément. Elles supposent qu'une politique ait été préalablement définie. La mobilité n'est pas une fin en soi, mais un moyen au service d'un objectif à définir, un instrument de gestion permettant de résoudre certaines contraintes. En outre, la mobilité ne saurait être la réponse unique à tout type de problèmes. Il n'est pas de même nature de chercher à réduire la routine des salariés et d'améliorer la souplesse de fonctionnement d'une entreprise. Dans le premier cas, une simple rotation des emplois des emplois pourrait suffire, alors que dans le second, le développement d'une mobilité professionnelle peut se révéler indispensable. Une politique de mobilité a donc d'autant plus de chance de donner les résultats escomptés qu'elle s'accompagne d'outils efficaces. 12.4.5 Présentation de quelques outils de gestion de la mobilité Ces outils peuvent être évalués selon deux critères : leur propension à éliminer les freins à la mobilité et leur capacité à produire des enjeux positifs pour les salariés en reportant sur l'entreprise une partie des risques liés à la mobilité. 12.4.6 Présentation de quelques outils de gestion de la mobilité ¨ des outils de stimulation de l'initiative individuelle Ils visent à développer la motivation des salariés vis-à-vis de la mobilité. Ils s'efforcent surtout de combler leur manque d'information sur les possibilités réelles et objectives de mobilité :les bourses de l'emploi, les cartes des métiers, les forums métiers, les cellules d'orientation. ¨ des outils à l'initiative de l'organisation - les revues de personnel ou comités carrière : Ces instances réunissent différentes responsables hiérarchiques au sein d'une même direction, ou d'un département. Elles sont amenés à prendre des décisions en cohérence avec les besoins à long terme de l'entreprise. - les cellules de gestion des hauts potentiels. - les cellules de reconversion : Elles fonctionnent dans les entreprises qui sont amenées à reconvertir des groupes de salariés dont les emplois sont menacés. Leur rôle essentiel est d'organiser l'apprentissage et l'acquisition de compétences nouvelles. 38 A14 – Gestion des ressources humaines - les organigrammes de remplacement : Ils consistent à imaginer, pour les postes clés de l'organigramme, les personnes susceptibles de remplacer les titulaires en place, à plus ou moins long terme. On s'efforce ainsi de repérer les " remplaçants immédiats " qui pourraient tenir le poste au pied levé, puis ceux qui pourraient être pressentis moyennant une certaine formation. 12.5 La carrière : notion d'avenir ou du passé ? Aujourd'hui, on observe des tentatives de valorisation de " carrières horizontales ", fondées sur la mobilité fonctionnelle, qui tendent à s'imposer comme alternative à la carrière traditionnelle. 12.5.1 La carrière : une notion à l'épreuve Un nombre croissant de salariés n'est plus concerné par la notion de carrière : Soumis à un mouvement parallèle de diminution du nombre de niveaux hiérarchiques (organigrammes plats, structures projets et autres changements organisationnels équivalents) les salariés voient les possibilités de carrière, au sens traditionnel, se réduire sensiblement pour laisser place à la mobilité horizontale. L'idée de carrière suppose une stabilité de l'emploi, une bonne rémunération, un avenir professionnel relativement tracé et prévisible. Or ces conditions sont de plus en plus difficiles à réunir. Les opportunités offertes aujourd'hui ressemblent davantage à des obligations, sans assurance aucune de retour. Puisque l'entreprise n'est plus en mesure de garantir la carrière au nom de laquelle elle exigeait une adhésion totale, le salarié est renvoyé à sa propre responsabilité. Sommé de se prendre en charge, de définir lui-même son propre projet, le salarié doit se comporter comme un acteur autonome et responsable. Pour la plupart des salariés du secteur privé, les parcours en " dents de scie " deviennent monnaie courante. Les parcours prennent l'allure de lignes brisées, faisant succéder des périodes de nature différentes sur des durées variables. 12.5.2 De nouvelles perspectives pour la notion de carrière Le débat sur la carrière apparaît fortement clivé : l'organisation qui naguère offrait des possibilités de carrière, est aujourd'hui amenée à y renoncer et l'individu " consommateur " de ces parcours ascendants est invité à se prendre en charge lui-même. Entre responsabilité de l'entreprise et responsabilité du salarié, le choix n'est peut-être pas aussi exclusif. D'aucuns affirment que la carrière est morte ou devient l'apanage d'une minorité tellement restreinte numériquement qu'il n'est plus nécessaire de s'y attarder longuement. D'autres, soutiennent qu'une forme de carrière décline mais que d'autres emergent. Ils nous invitent à réfléchir aux modèles de carrière dont nous sommes porteurs et à nous interroger sur la pertinence de ces modèles implicites par rapport aux contextes auxquels nous sommes confrontés. 39 A14 – Gestion des ressources humaines 12.5.3 De nouvelles perspectives pour la notion de carrière : entre responsabilité organisationnelle et responsabilité personnelle La carrière, dispositif de construction de compétences Classiquement, les carrières sont conçues comme des parcours entre des cases d'un organigramme qui formalise les emplois requis par la structure. Cette carrière est principalement conçue comme ascendante ou verticale. L'employeur joue un rôle fondamental dans le pilotage de la carrière. Les possibilités de déploiement de cette forme de carrière sont liées au nombre de niveaux hiérarchique que comporte l'organisation. Dans les nouvelles formes d'organisation, chacun est appelé à exercer des responsabilités techniques, commerciales, financières, administratives, des responsabilités d'entrepreneurs. Il ne s'agit pas d'une organisation hiérarchique incarnant le projet d'un leader, mais plutôt d'une association de professionnels qui se regroupent et s'organisent de façon à augmenter le développement de leur potentiel. L'élimination des rapport hiérarchiques constituant la caractéristique distinctive de ce type d'organisation, la notion de carrière comme progression hiérarchique y perd toute consistance. Ces carrières plus horizontales que verticales requièrent des combinaisons de compétences techniques, commerciales et relationnelles. 12.5.4 De nouvelles perspectives pour la notion de carrière : entre responsabilité organisationnelle et responsabilité personnelle La métaphore de la pollinisation La Sillicon Valley a donné lieu à une nouvelle métaphore, celle de la pollinisation. La Sillicon Valley connaît des taux de mobilité très élevés. Les idées circulent entre les différentes unités de ce bassin d'emploi grâce à la mobilité des personnes ; le dynamisme et la créativité des entreprises de la région tiennent à cette intense circulation, laquelle favorise la diffusion rapide des meilleures technologies. Cette mobilité repose sur un fonctionnement social qui fait du milieu professionnel une communauté d'apprentissage. Ainsi, un certain nombre de lieux de rencontres informels sont identifiés : clubs sportifs, bars, restaurants… Ce sont des lieux de mise en contact de ceux qui montent des entreprises avec ceux qui peuvent être intéressés par ces opportunités. Réputations et contacts interindividuels sont considérés comme des modes de cooptation plus efficaces que les démarches classiques par annonces ou les procédures de publication des postes à pourvoir. L'accès aux réseaux sociaux est donc un élément déterminant de la carrière dans ces univers aux organisations volatiles. 12.5.5 De nouvelles perspectives pour la notion de carrière : entre responsabilité organisationnelle et responsabilité personnelle Carrières organisationnelles et carrières nomades Au cours des dernières années, les théoriciens de la carrière ont pris conscience du contexte implicite organisationnel des carrières professionnelles. Ils ont alors élaboré le concept de boundaryless careers qui peut être traduit par carrières nomades. Ces travaux relatent les bouleversements du travail et leurs répercussions sur les trajectoires professionnelles. Ces nouvelles carrières transverses aux frontières organisationnelles ne doivent plus être considérées comme des accidents de parcours mais comme des réponses 40 A14 – Gestion des ressources humaines stratégiques des individus et des entreprises aux mutations actuelles. Les individus sont amenés à construire leur propre carrière, hors des normes institutionnelles, selon leurs propres critères de réussite. Ils accumulent du capital humain qu'ils valorisent auprès d'autres employeurs ou dans l'auto-emploi. Il s'agit alors d'avoir une vision élargie de la compétence : outres les savoirs et les savoir-faire opérationnels traditionnels (know how), les " nomades " utilisent également des compétences relationnelles (know whom). 12.5.6 La construction sociale des potentiels La question de la carrière concerne également la détection et la sélection de ceux qui sont considérés comme les plus susceptibles de constituer la relève des dirigeants de l'entreprise. Ils s'agit de repérer ce qu'on appelle les hauts potentiels. La typologie de Evans, Laurent et Doz s'inscrit dans une perspective de comparaison internationale et montre que les pratiques de GRH ne sont pas indépendantes des environnements sociétaux dans lesquels les organisations sont immergées. Les schémas suivants permettent de visualiser les contrastes entre les modèles nationaux dégagés. Soulignons qu'il s'agit de faits stylisés et que ces modèles ne prétendent pas rendre compte de toute la diversité des pratiques au sein d'un même environnement national. Ce qui importe, c'est de jouer sur la comparaison pour dégager les questions clés permettant de caractériser un dispositif de détection-sélection-développement des potentiels : - quelles tranches d'âge prioritaires : période des études ou toute la vie professionnelle ? - quels critères de ...opérationnelles ? - où et comment se font la détection et la sélection : à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise - quels acteurs ont une influence déterminante ? qualité : performances scolaires ou performances 12.5.7 La construction sociale des potentiels Le modèle latin Le modèle latin confère une place centrale au diplôme : celui-ci détermine la position d'entrée, la trajectoire salariale et conditionne fortement le jugement de potentiel. Le modèle allemand Le modèle allemand accorde une place plus importante au dispositif de l'apprentissage, lequel n'interdit aucunement l'accès aux niveaux les plus élevés de l'entreprise. Le modèle japonais Le modèle japonais se caractérise par des recrutements de cohortes (ou vagues annuelles d'embauches) au sortir de l'université. La formation générale acquise au cours des études est complétée par un cursus approfondi au sein de l'entreprise qui amène le nouvel embauché à faire des stages successifs dans les différents services. 41 A14 – Gestion des ressources humaines Le modèle anglo-hollandais Le modèle anglo-hollandais se distingue par un recrutement relativement moins élitiste et souvent moins centralisé que les autres modèles. 42