des connaissances

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FERAY Christelle
Mémoire en Sciences de l’Information et de la Communication
PROCESSUS
COMMUNICATIONNELS
ET MANAGEMENT
DES CONNAISSANCES :
ANALYSE DES DISCOURS
PROFESSIONNELS
IUP Infocom 3ème année
Université Rennes 2
Année universitaire : 1999/2000.
Au milieu du 20 ème siècle ,Peter Drucker, célèbre théoricien américain, a montré
que le savoir était un facteur à part entière, différent des facteurs de production
traditionnels comme le capital, les hommes..
Le Knowledge Management est une approche consistant à structurer, à développer et
à partager le capital intellectuel des organisations, ce par le biais notamment des
nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Première partie :
Le contexte d’émergence du Knowledge Management : la révolution
informationnelle, l’économie de l’immatériel
Chapitre 1 : Les caractéristiques principales de l’économie de
l’immatériel
1.1 L’expansion rapide des nouvelles technologies de l’information et de
la communication
C'est l’une des caractéristiques de la révolution informationnelle + phénomène de
tertiairisation.
1.1.1 Les progrès techniques
plus accessibles, banalisation. La deuxième moitié des années 90 aura vu l’essor très
important des télécommunications et le début de l’ère Internet.
1.1.2 Les bouleversements induits
au niveau du processus de production, mise en place de réseaux qui changent notre
rapport à l’espace et au temps en abolissant les frontières entre pays mais aussi au
sein même des firmes.
Pascal Petit: cela institue une ère nouvelle, en premier lieu par la multiplication des
sources d’information + la sophistication accrue des processus de traitement de
l’information qui encadrent les prises de décisions des agents »1.
Les nouvelles technologies de l’information ont ainsi permis la multiplication des
sources d’information. Cela semble un avantage pour les entreprises afin d’obtenir
toutes les données concernant le marché. Cela peut également élargir la capacité de
jugement des êtres humains, qui peuvent agir ainsi en toute connaissance de cause.
Cependant, cette multiplication des sources d’information a aussi un revers : une
1
Ibid., p. 29.
2
masse d’information telle que l’on ne distingue plus l’information pertinente, celle
utile à la prise de décisions. Selon Pascal Petit, « l’abondance d’informations, à tous
les stades d’élaboration, requiert sans doute une évolution coordonnée, complexe
des processus individuels d’acquisitions et de traitement pour être pleinement
bénéfique »2.
1.2 L’information sur le devant de la scène
1.2.1 La place prépondérante de l’information
L’économie de l’information se caractérise aussi par un usage important et diversifié
, un nouveau traitement de l’information et des connaissances ainsi que de leur
diffusion et mode de circulation. Montée des connaissances et rôle accru des
savoirs: « nouvelle donne structurelle »3.
1.2.2 Les facteurs accentuant le processus
Cette évolution, cette prédominance de l’information s’inscrit dans le cadre d’un
phénomène de tertiairisation de l’économie mais aussi la mondialisation ainsi que
l’accumulation d’informations et de connaissances.
 La tertiairisation
 La mondialisation
la mondialisation et le développement des échanges. Ces deux éléments participent à
la diffusion massive des informations
 Les investissements immatériels
Chapitre 2 : La distinction révolution industrielle/révolution
informationnelle
2.1 Les différences
La révolution industrielle se caractérise par la spécialisation horizontale et verticale
« avec l’opposition fondamentale travail manuel/travail intellectuel »4 mais
également la standardisation, et la rigidité de la hiérarchie basée sur le modèle
mécaniste. A l’inverse, la révolution informationnelle se définit par la polyvalence ou
« polyfonctionnalité »5 cad « la combinaison chez le même salarié de fonctions
productives et de fonctions improductives »6. Mais également la flexibilité et enfin la
2
PETIT, Pascal, op. cit., p. 31.
Ibid., p. 17.
4
LOJKINE, Jean, op. cit., p. 66.
5
Ibid., p. 67.
6
Ibid., p. 68.
3
3
structure en réseaux décentralisés. Nouvelles modalités dans le travail plus
favorables au partage des connaissances ainsi qu’à leur capitalisation.
2.2 Une distinction aux limites floues (une interpénétration de l’ancienne
et de la nouvelle économie)
Certains voient à travers cette révolution informationnelle, la mise en place d’une
société postindustrielle où la production matérielle laisse place « à une économie
fondée sur le traitement de l’information »7. Mais poursuite de la production
matérielle, l’informationnel ne s’est pas substitué au matériel »8. « On assiste bien
plutôt à une interpénétration nouvelle entre information et production »9.
Relations entre les salariés de la production matérielle et les salariés chargés de
traiter l’information »10. Remise en cause de la division traditionnelle du travail.
Chapitre 3 : Pourquoi la valorisation du capital immatériel ?
3.1 Une nouvelle productivité basée sur le savoir, les compétences
Jean-Yves Prax: l’entreprise : « ses facteurs de productivité ne résident plus
seulement dans une croissance exponentielle de son capital physique et de sa force
de travail, mais dans des facteurs nouveaux et immatériels comme sa capacité
créatrice, son patrimoine de savoir-faire, son aptitude à résoudre collectivement les
problèmes, son anticipation des évolutions du marché »11.
Les nouvelles règles de la compétitivité conduisent à deux mots d’ordre : la
flexibilité et la réactivité. La mobilisation du savoir, des connaissances est devenue
une nécessité pour faire face à cette flexibilité.
3.2 L’accroissement de la complexité
3.2.1 Au niveau du monde, de la société
La deuxième moitié du 20ème siècle aurait été marquée par l’accroissement de la
complexité.
Il semble que l’évolution de notre monde va dans le sens de la complexification.
7
Ibid., p. 13.
Ibid., p. 44.
9
Ibid., p. 13.
10
Ibid., p. 10.
11
PRAX, Jean-Yves, Le guide du Knowledge Management, p. 1.
8
4
La complexité=l’incertain, l’imprévisible sur lequel nous n’avons aucune emprise, et
qui échappe à notre compréhension.
Pourtant on cherche à la gérer. Mais la complexité est t-elle gérable ? N’est-il pas
contradictoire de vouloir gouverner l’incertain, l’instable, qui par définition
échappent à l’entendement ? Il semble qu’il faut s’en accommoder.
3.2.2 Dans le cadre des entreprises
D’autres facteurs concourent à augmenter la complexité au niveau des entreprises.
Ainsi le phénomène d’individualisation de l’individu, qui souhaite exprimer ses
propres valeurs conduit à revoir les règles de management traditionnelles. Il faut être
attentif aux motivations des acteurs de l’organisation
Le passage d’une production de masse, de produits standardisés à une production
plus sélective, différenciée répondant aux attentes du consommateur devenu plus
versatile, a aussi remis en cause l’organisation scientifique du travail portée par le
Taylorisme et le Fordisme.
Autre facteur de complexité : l’interdépendance accrue de l’entreprise avec son
environnement. Les entreprises développent des accords de coopération ou bien des
réseaux d’alliances dans le but bien souvent de réduire les coûts des technologies
onéreuses ou pour l’échange de compétences
La complexification est liée à la mondialisation, provoquée et soutenue par les
progrès des moyens de transport et surtout les nouvelles technologies de
l’information et de la communication, liée à la circulation accélérée des informations
: les nouvelles technologies de l’information réduisent les distances spatiotemporelles. Il en découle un flot d’information continu qui rend difficile leur
assimilation par les acteurs concernés.
La clé de la réussite : anticiper, être visionnaire dans son domaine de compétence. Il
ne s’agit plus seulement de réagir face aux phénomènes mais d’aller au devant afin
de prévenir tous les risques.
3.3 Les autres facteurs
Cette attention, portée à la gestion collective des savoirs, est aussi motivée par divers
contextes
3.3.1 Le turnover du personnel
Capitalisation du savoir-faire pour faire face au départ de la main d’oeuvre d’une
entreprise, au turnover. Réel risque de perte, de fuite du savoir, surtout celui
potentiellement utile.
3.3.2 La mutation du marché de l’emploi
5
Avec la prolifération des contrats à durée déterminée, des missions d’intérim, du
temps partiel, du télétravail entraîne des modifications non négligeables. Selon
Louise Guerre : « les salariés et les membres d’une même équipe ne se retrouvent
plus en même temps sur le lieu de travail, alors que l’information, elle, doit être
accessible pour tous à tout moment »12.
Les 35 heures engendrent au sein des entreprises de nouvelles façons de travailler.
Cette réduction du temps de travail ne va pas s’appliquer de la même façon pour tous
les salariés. Cela va accroître la nécessité de mettre à disposition l’information, ce de
façon collective, afin que les membres d’une même équipe puissent travailler de
manière synchrone.
3.3.3 La recherche de qualité totale
Gage de crédibilité pour l'entreprise. Mais ceci nécessite du savoir-faire, La
normalisation AFNOR et ISO 9000 entraîne une formalisation des procédures. Pour
Anne Mayère « il s’agit de décrire ce que l’on fait, de mettre noir sur blanc les
modes opératoires, pour homogénéiser et optimiser les pratiques, et pour détecter les
écarts éventuels »13. On suit l’évolution permanente des procédures. D’une manière
implicite, il s’agit déjà dans ce cas d’une forme de gestion collective des
connaissances.
3.3.4 L’exigence de sécurité, de fiabilité
Le patrimoine cognitif se révèle également indispensable pour garantir la fiabilité
des opérations et la sécurité des personnes, de l’environnement: retour d’expérience,
management des connaissances, MKSM.
3.3.5 Le développement du management de projet et du travail en
réseau
équipes auto-gérées.
Dans le cadre du management de projet, le groupe élabore, suit la fabrication et
ensuite se dissout. La perte de ce savoir est une menace bien réelle.
Il est donc nécessaire de préserver la connaissance.
Le développement du travail collaboratif, du travail en réseau, en groupe de projet va
aussi conduire à la mise en oeuvre de compétences tranversales.
3.3.6 La nature même du savoir
12
GUERRE, Louise, Vers une information collective, Archimag, décembre-janvier 1999, n°120, p.
24.
13
MAYERE, Anne, loc. cit., p. 11.
6
Certaines connaissances de part leur nature immatérielle et individuelle encourent
aussi des risques. Cela concerne essentiellement les savoir-faire du fait de leur
caractère informel.
Chapitre 4 : Les conséquences sur le management et les ressources
4.1 Intérêt porté à l’intelligence des travailleurs
Cette économie de l’information tend à privilégier les travailleurs porteurs de valeur
ajoutée, disposant d’un certain nombre de compétences et de savoir-faire.
Jean-Yves Prax: spécificité de l’économie du savoir au niveau du facteur humain : «
L’économie matérielle postulait une séparation des fonctions, des postes et des
tâches, chacun étant affecté à une phase du processus de transformation de la
matière ou de production d’un service. L’économie du savoir, elle, suppose la
conjonction d’intelligences interactives, pousse les acteurs à échanger des
informations, à partager des connaissances, à privilégier, entre eux, non pas la
division du travail mais la multiplication des compétences »14.
4.2 Les nouvelles ressources stratégiques : les connaissances
Les connaissances deviennent la ressource stratégique à prendre en considération par
les entreprises, ressource susceptible d’offrir des avantages concurrentiels à
l’entreprise, ce, de façon durable. Le savoir-faire devient un vecteur primordial de
compétitivité et de pérennité pour l’entreprise. C’est ce qui apporte la valeur ajoutée
à un produit, à un service ou à un processus de travail.
Il semble nécessaire de gérer les savoir-faire, les compétences permettant de faire
face à des situations complexes.
Selon Lojkine, les dépenses consacrées aux investissements immatériels: la
révolution informationnelle pousse justement à en faire non pas des « coûts » à
réduire, mais des dépenses fixes à valoriser (formation, recherche, santé) pour être
plus efficaces »15.
L’intelligence collective, la capitalisation des savoirs et des connaissances comme
facteur stratégique, le Knowledge Management assure une certaine synergie de
l’ensemble..
14
15
PRAX, Jean-Yves, Le guide du Knowledge Management, préface.
LOJKINE, Jean, op. cit., p. 17.
7
Deuxième partie :
Eléments théoriques du Knowledge Management
Chapitre 1 : Approche conceptuelle du Knowledge Management
1.1 Généralités
Le Knowlegde Management est un terme anglo-saxon traduit le plus souvent en
français par Gestion des connaissances.
Recueil, la valorisation, et le partage des connaissances et parallèlement la remise en
cause de la gestion même de l’entreprise avec un bouleversement de son organisation
et de sa culture
Les enjeux de la capitalisation du savoir dépasse la seule mise en place d’une
mémoire collective ou documentaire. Cette démarche s’inscrit dans une logique
stratégique à long terme. Jean-Yves Prax: « le mot capitalisation doit être compris
comme cultiver pour faire germer, fructifier et non comme collecter, ranger et
conserver dans une armoire »16.
Cette nouvelle méthode aurait selon Jean-Louis Ermine, « pour intérêt de cristalliser
les objectifs autour de trois axes : la création de nouvelles connaissances
(développer les capacités d’innovation), la capitalisation des connaissances
disponibles (se connaître soi-même), le partage des connaissances (passer de
l’intelligence individuelle à l’intelligence collective) .
Le but du Knowledge Management est de passer d’une gestion des connaissances
plus ou moins ponctuelle à une approche plus globale.
Pour l’inscrire dans la durée et en tirer les bénéfices, il faut créer les mesures
d’accompagnement et d’encadrement pertinentes. Il ne s’agit pas de s’inscrire dans
une démarche instrumentale.
Le Knowledge Management ne peut se réduire au système d’information, de
documentation ou encore des ressources humaines (management des compétences)
même s’il est en interrelation constante avec ces derniers.
Pour Jean-Yves Prax, la démarche de Knowledge Management doit concerner
l’ensemble des acteurs de l’entreprise, et il ajoute que « l’objectif est que chacun
devienne à la fois consommateur et producteur d’informations »17.
16
17
PRAX, Jean-Yves, Le guide du Knowledge Management, p. 2.
Ibid.
8
1.2 Parallèle avec la notion de veille
Nous pouvons noter des similitudes avec le concept de veille, d’intelligence
économique.
Ces deux approches ont en commun de s’inscrire dans la même problématique. Que
ce soit la gestion de flux d’informations ou bien celle de flux de connaissances. Il
s ’agit de la gestion de flux cognitifs qu’ils soient internes ou externes à l’entreprise.
+ démarches d’anticipation.
Chapitre 2 : Les modalités du Knowledge Management
Derrière le Knowledge Management se cachent les vocables de savoir, savoir-faire,
organisation apprenante, retour d’expérience, mémoire d’entreprise.
2.1 Deux éléments de base : la connaissance et le savoir
2.1.1 Définitions
la connaissance correspond à de l’information, signifiante que dans un certain
contexte.
Le savoir de l’individu s’alimente à travers différentes sources, à commencer par
l’univers familial. Il s’enrichit par le biais de l’apprentissage à l’école mais aussi la
formation continue et pour reprendre les propos de Daniel Loubet « avec la
formation interne aux entreprises par transfert entre salariés. »18
Le savoir-faire, lui, peut-être compris comme l’habilité acquise par l’expérience, la
connaissance pratique appelée aussi connaissance tacite, la mise en oeuvre du savoir,
le passage à l’acte.
Il faut noter la diversité et la complexité des savoirs et surtout des savoir-faire à
l’oeuvre. En effet, ces derniers mettent en avant différents sens comme la vue,
l’odorat ou bien le toucher. Ces constituants des savoirs passent ainsi très mal par
une formalisation même des plus performantes.
Cela pose déjà ici une limite à la gestion optimale des connaissances.
2.1.2 Les systèmes classiques de représentation de la connaissance
 vision mécaniste et positiviste
18
Ibid.
9
Jean-Yves Prax : « la connaissance était comprise comme le « miroir du monde », un
monde vu comme une réalité objective et universelle que l’activité cognitive humaine
se chargeait de découvrir et d’expliquer »19.
 approche constructiviste
Cette approche s’intéresse comme le précise Jean-Yves Prax « à la dynamique de la
connaissance elle-même, c’est à dire au processus de création: toute perception,
imagination, émergence de sens est forcément historique, autobiographique, donc
individuée et subjective »20. Ici la connaissance dépend de la représentation de
l’individu. Cette dernière est variable suivant le contexte, la culture et les intentions
de l’homme.
Or elle correspond à la logique de entreprise qui ne cherche pas à prendre la vraie
décision (cas dans l’approche positiviste) mais interprète les faits. La stratégie de
l’entreprise se construit à partir d’une confrontation des subjectivités, des
représentations individuelles des différents acteurs qui la compose.
La connaissance non pas en tant qu’objet mais plutôt à sa dynamique. Elle n’est
jamais définitive mais se construit continuellement par intéraction entre la pensée et
l’action.
Les compétences sont contextuées et évolutives, l’organisation active doit pouvoir
générer une compétence collective et dynamique »21.
2.1.3 Les nouvelles formes de savoir
Ainsi la nouvelle connaissance n’est plus le savoir réducteur et simplifiant de la
science classique. Au contraire, elle cherche à respecter la complexité des
phénomènes et ne cherche pas à déterminer la vérité absolue mais expérimente sans
cesse pour trouver la solution la plus en adéquation avec les besoins de l’organisation
tout en étant entièrement tournée vers la pertinence et l’opérationnalité.
Autre spécificité à souligner : le savoir n’est plus individuel mais collectif. Ce sont
les organisations qui doivent être capable de penser, d’innover, d’apprendre
« d’organisation apprenante ».
2.2 Typologie de la connaissance, du savoir
2.2.1 Connaissance déclarative /connaissance procédurale
(connaissance explicite ou connaissance tacite)
19
PRAX, Jean-Yves, Le guide du Knowledge Management, p. 39.
Ibid., p. 40.
21
Ibid.
20
10
La distinction majeure concerne la connaissance formalisée, dite aussi explicite et la
connaissance tacite. Tout l’enjeu de l’ingénierie des connaissances est le passage du
tacite à l’explicite.
La connaissance explicite peut être transmise, sans perte d’intégrité, mais nécessite
un code standardisé, explicite, partagé.
La connaissance tacite est incommunicable par le langage »22. Deux formes
principales : la « connaissance de contexte » « connaissance pratique » (savoirfaire, à l’expertise. Cette dernière serait acquise par l’expérience). Difficulté de
transmission. Lla connaissance n’est plus séparable de son détenteur et de son
contexte d’utilisation ; elle ne peut dont être acquise qu’à travers des processus
d’imitation et d’expérimentation »23.
2.2.2 Connaissance individuelle / connaissance collective
Il convient aussi de distinguer la connaissance individuelle de la connaissance
collective. La connaissance individuelle est propre à l’individu, acquise dès son plus
jeune âge par le bais de la famille et tout au long de son cursus scolaire. La
connaissance collective peut être définie comme les connaissances partagées ou
distribuées entre différents individus d’une même entreprise. La problématique du
partage implique la nécessité de la mise en place d’un langage commun.
En aucun cas, la connaissance collective ne peut se réduire à la somme des
connaissances individuelles. Elle doit apporter une valeur ajoutée supplémentaire.
2.2.3 Une distinction variable dans le temps
Au sein d’une organisation, les savoirs se créent, se développent au contact d’autres
personnes et de leur expérience. Ce développement implique leur transmission entre
membres d’une organisation, d’un service et qui peut conduire à leur changement de
nature.
Nonaka l’exprime à travers quatre évolutions24 :
- du tacite vers le tacite : socialisation
- du tacite vers l’explicite : formalisation
- de l’explicite vers le tacite : intériorisation
- de l’explicite vers l’explicite : combinaison
2.3 Le contexte d’élaboration de la connaissance
2.3.1 L’innovation
22
Ibid., p. 18.
Ibid.
24
Ibid., p. 38.
23
11
L’innovation est productrice le plus souvent de connaissances vraiment pertinentes
pour l’organisation.
La routine est souvent un frein au processus d’innovation. Cette dernière découle
plutôt du chaos, de l’inattendu. Or, bien souvent, tout est fait pour éviter le chaos
dans les organisations.
A terme, il faut donc favoriser les ruptures de nos systèmes de pensée, développer
notre esprit critique et favoriser les initiatives en levant pour cela les freins
hiérarchiques.
2.3.2 L’essai/ l’erreur
L’erreur est souvent mal perçue dans nos sociétés, étant généralement proscrite de
nos systèmes de valeurs ou du système scolaire. Mais « l’erreur est la meilleure
façon d’apprendre ; l’enfant apprend par un processus répétitif de type essai-erreurconséquence. Aussi les organisations doivent prendre en compte les erreurs et les
considérer comme source potentielle d’apprentissage.
Selon Jean-Yves Prax « il faut que l’organisation encourage les initiatives, les
stratégies tâtonnantes afin de développer l’autonomie et la créativité »25. Et
également ne doit pas faire le choix de dissimuler les erreurs mais au contraire les
divulguer afin d’éviter leur réitération.
2.3.3 les autres sources : l’outil de production, le terrain ....
Les sources internes du savoir-faire:
 La documentation
 Le savoir-faire détenu dans la tête des différents acteurs
Les sources externes:
 La documentation des fournisseurs,
 Le savoir-faire des experts auxquels l’entreprise fait appel pour des missions bien
particulières et souvent ponctuelles.
 Les standards institutionnels: des préconisations, des recommandations, des
conseils ou même des règlements et des normes
issus des autorités
administratives ou de tutelle, des organismes publics ou privés, des associations
professionnelles »26. Les clients qui constituent une source de renseignements en
tout genre notamment sur la perception de la qualité des produits ou services. Il
faut « écouter, susciter, noter et classer tout ce qui peut « remonter » du contact
avec les clients »27.
25
Ibid., p. 170.
Ibid.
27
Ibid., p. 111.
26
12
Jean-Yves Bück y ajoute28 :
 la veille et l’intelligence économique
 la recherche-développement-innovation (déjà citée précédemment)
 la formation permanente et continue
 le système d’information
 l’expérimentation et le retour d’expériences
La capitalisation optimale du savoir passe ainsi par cette notion clé :
l’expérimentation
2.4 Quelques hypothèses de départ pour une meilleure capitalisation
Faire un état des lieux de la connaissance :déterminer qui fait quoi ? et surtout qui
sait quoi ? dans l’entreprise. Ce dans le but de mieux valoriser l’acquis.
Une bonne capitalisation semble être celle des connaissances à la fois les plus utiles
et les plus rares.
La constitution d’un capital intellectuel passe par la prise en compte d’un paramètre
important : l’obsolescence très rapide du savoirLe savoir est donc éphémère mais
alimente la connaissance, les progrès futurs.
Jean-Yves Bück, « on peut représenter la pérennité et la valeur d’un savoir-faire par
sa propension à être enrichi afin de satisfaire un besoin évolutif nécessitant un
renouvellement ou un développement de la connaissance acquise »29. Cela peut
sous-entendre qu’une connaissance initiale n’a de valeur que dans son utilité pour
l’élaboration d’un savoir futur.
L’ambition du management des connaissances est de formaliser des connaissances
relevant surtout de l’implicite afin qu’elles soient mobilisables et opérationnelles par
l’ensemble de l’entreprise. Tout en assurant leur renouvellement en mettant en place
des conditions favorables à la formation de nouvelles ressources immatérielles. Ce
que l’on pourra appeler l’organisation apprenante.
La capitalisation ne doit pas correspondre à une simple accumulation de
connaissances inexploitées car sans grand attrait pour l’organisation. Au contraire, la
mémoire de l’entreprise se veut active et organisée valorisant sans cesse le savoir, la
connaissance. Il ne faut pas envisager cette mémoire comme un stock mais comme
un flux, sans cesse alimentée.
Chaque projet de capitalisation sera propre à une entreprise, celle-ci ayant des
besoins bien particuliers. Elle se forgera elle-même une typologie bien particulière de
son savoir-faire. Ce dernier aura une valeur d’utilité différente suivant son usage.
28
29
BUCK, Jean-Yves, op. cit., p. 32.
Ibid.
13
les connaissances « émergent et sont mobilisées dans des contextes productifs précis,
spécifiques à chaque projet, de sorte qu’aucune méthode normative et unique de
gestion des connaissances ne peut se développer »30.
Troisième partie :
Les représentations liées au KnowledgeManagement et
leur approche critique
Chapitre 1 : Les discours des professionnels
1.1 Une floraison de consultants et d’offres logicielles
le Knowledge Management semble être l’aimant qui attire à lui des boîtes de
consultants et d’offres logicielles en tout genre. Le Knowledge Management apparaît
comme une véritable manne financière pour ces dernières en mal de débouchés. Sur
le terrain du Knowledge Management, trois types de sociétés s’affrontent :
 Les consultants proprement dit avec les « Big Five » en tête : Arthur Andersen,
KPMG, Ernst and Young
 les SSII (sociétés informatiques) et les éditeurs de logiciels
Cap Gémini, Microsoft les initiateurs de méthodologie comme REX, MKSM
1.2 Les cabinets de conseil
1.2.1 Andersen Consulting (voir annexe 1)
La société définit le Knowledge Management comme un moteur qui transforme les
idées en valeur ajoutée. C’est un processus d’acquisition, de création, de synthèse, de
partage, d’utilisation de l’information, des expériences afin d’atteindre les buts de
l’organisation avec efficacité.
La clé du succès sur le marché réside dans la façon dont on mobilise la connaissance.
De là, on peut espérer plus de compétitivité, d’innovation et d’efficacité.
Le Knowledge Management consiste en l’apport de l’information pertinente à la
bonne personne et ce au moment opportun.
30
BES, Marie-Pierre, La capitalisation active des connaissances : principes, contextes et obstacles,
Revue Gérer et Comprendre, Annales des Mines, décembre 1998, n°54, p. 42.
14
La bonne mise en oeuvre ne peut se faire sans un environnement culturel propice :
Elle soulève ainsi une problématique intéressante, la nécessaire instauration de la
culture du partage.Lla mise en oeuvre du Knowledge Management ne conduit pas à
un retour sur investissement direct, à un gain financier. Cela s’inscrit plutôt dans une
logique d’amélioration de certains services de l’entreprise ou de prévention du
risque.
1.2.2 Actionel (voir annexe 2)
Même logique. Elle considère qu’il faut « identifier les connaissances cruciales,
mettre en place les dispositifs organisationnels et techniques pour les rendre
accessibles et mobilisables dans l’action ». Elle ne se limite pas à une vision
purement instrumentale de la capitalisation des connaissances mais souligne la
nécessité de s’intéresser à l’organisation elle-même.
La connaissance est perçue comme processus dynamique et sa capitalisation ne doit
en aucun cas être rigide mais favoriser le partage et le renouvellement de la
connaissance.
l’incitation, l’instauration de la culture partage est une des clés du succès du
Knowledge Management sur le long terme.
1.2.3 Ernst and Young (annexe 3)
la gestion des connaissances comme un des facteurs clés de la performance d’une
entreprise. Vision dynamique de la connaissance : le savoir doit faire l’objet d’un
enrichissement.
La gestion des connaissances « en plus d’être un outil d’aide à la décision, est
également source d’innovation .
Les NTIC comme des outils permettant aux hommes de collaborer, de rechercher et
de partager de l’information. Elles déjouent les pièges du cloisonnement pyramidal
en permettant à tout acteur d’accéder au pouvoir de la connaissance. Au niveau
organisationnel, le passage de l’informatique aux technologies de l’information se
traduit par la mutation de l’entreprise taylorienne repliée sur elle-même vers
l’entreprise en réseau, ouverte sur ses partenaires fournisseurs et clients.
1.3 Les SSII et les éditeurs de logiciels
1.3.1 Cap Gémini (annexe 4)
Elle s’appuie sur la philosophie de Peter Drucker, un des pionniers du management
moderne. Ce dernier considère que le savoir est un facteur différent des facteurs de
production traditionnels comme les hommes, le capital, et sur quoi se fonde à
l’heure actuelle la compétitivité des entreprises.
15
L’attention portée au retour sur investissement est-elle vraiment pertinente ? Nous
verrons par la suite, que la démarche de Knowledge Management ne s’inscrit pas
dans une logique de retour sur investissement immédiat, concret mais sur le plus long
terme. Aussi n’y a-t-il pas un risque ici à tenir un discours survendeur, loin de la
réalité, de la pratique ?
Prise en compte du point de vue des salariés sur le sujet.
Le schéma récapitulatif de la démarche de AKM, intitulé La trajectoire AKM, met en
avant la vision à moyen terme. Or le Knowledge Management n’est-il pas un projet
qui s’élabore sur le long terme ?
Une réalité indissociable de la mise en oeuvre d’une démarche de Knowledge
Management : la nécessaire conduite du changement.
Deux tendances : d’abord la mise en avant des technologies mais aussi le facteur
humain comme moteur du Knowledge Management. Lle facteur clé de succès
consiste à faire adopter par l’ensemble de l’organisation une culture de l’échange,
de partage des savoirs et des savoir-faire et à instaurer une pratique « d’entreprise
apprenante ». Pour faire évoluer les mentalités et les attitudes il faut prendre en
compte à la fois des facteurs sociologiques, psychologiques et émotionnels. »
L’implication des acteurs de l’entreprise, l’instauration de la confiance.
L’information en tant que pouvoir : constitue une garantie « d’employabilité » pour
chacun ». « rien ne peut se faire sans une adhésion forte aux valeurs de l’entreprise,
sans l’acceptation du changement
1.3.2 Arisem (annexe 5)
éditeurs de solutions logicielles
Elle base son approche sur la nécessité de préserver le capital immatériel
Son approche sur le Knowledge Management s’appuie très concrètement sur la
technologie sans véritable prise en considération de la nécessaire conduite du
changement et des facteurs socio-culturels.
Suivant les acteurs, la perception du Knowledge Management n’est pas toujours la
même. Ils ne mettent pas en avant les mêmes priorités : soit la prise en compte de la
« tuyauterie » (les NTIC) soit la conduite du changement avec l’implication des
hommes. Le Knowledge Management peut ainsi s’inscrire dans deux logiques
différentes.
1.4 Les promoteurs de méthodologies comme le projet REX ou
MKSM
la société Euriware, spécialiste en systèmes d’information depuis 1990 et ayant
élargir ses connaissances depuis peu au secteur du conseil et de
l’infogérance.(annexe 6)
16
« identifier et collecter les expériences, les connaissances, les savoir-faire ; de
distribuer et valoriser ce capital immatériel pour la R&D, les études, l’exploitation ;
d’intégrer les informations et les expertises externes pour accroître les savoir-faire
et connaissances internes. »
Le projet REX est une méthode de capitalisation des connaissances et de
formalisation des retours d’expériences élaborée par Patrick Prieur pour le compte du
CEA.
Cette méthode a pour but de « préserver les savoirs et savoir-faire acquis pendant
les phases de conception et de mise en route des réacteurs nucléaires »31.
Cette méthode se base sur trois principes :
 l’analyse des besoins et l’identification des sources de connaissances de
l’organisation
 la construction d’Eléments de connaissances par l’interview d’experts de
l’organisation, l ’analyse de ses documents et l’interrogation de bases de données
existantes.
 la mise en place du système de gestion des connaissances.
Le procédé REX couvre toutes les étapes du cycle de la capitalisation de
l’expérience, depuis la capture jusqu’à la mise à disposition »32.
Les connaissances ainsi formalisées sont disponibles au sein d’un texte appelé
Elément de connaissance. On y retranscrit le contexte d’élaboration des
connaissances mais également le point de vue de l’auteur qui « est présenté sous
forme d’avis, de commentaire, d’interprétation, de recommandation
« le fait que le système fonctionne dans un environnement intranet permet un
enrichissement collaboratif autour de nouveau éléments de connaissance, des
discussions informelles dans les forums, puis une capitalisation au fil de l’expérience
et l’organisation d’une véritable mémoire active technique »33.
La méthode MKSM (Methodology for Knowledge System Management est le fruit
des travaux de Jean-Louis Ermine au Commissariat de l’Energie Atomique.
A ses débuts, cette méthode avait pour objectif la capitalisation des « connaissances
de chercheurs approchant de l’âge de la retraite.
Cette méthode élaborée en 1993, consiste en l’analyse des systèmes de
connaissances, ce pour parvenir à la conception d’un système de gestion des
connaissances pertinent et opérationnel.
 Phase 1 : délimitation du système sur lequel on travaille avec une cartographie des
connaissances.
31
PRAX, Jean-Yves, Le guide du Knowledge Management, p. 91.
Ibid.
33
Ibid.
32
17
 Phases 2 et 3 : analyse du contexte de mise en oeuvre de la connaissance (quelles
activités)
 Phases 4 et 5 : description de manière rigoureuse des savoirs et savoir-faire mis en
oeuvre dans le système de connaissance faisant l’objet de l’étude.
De cette modélisation résulte la mise en place d’un Livre de Connaissances (recueil
de connaissances). Ce dernier peut servir au partage, à la transmission ou la
capitalisation et la recréation de connaissances.
Comme REX, cette méthodologie procède par interviews des experts pour le recueil
des connaissances.
Chapitre 2 : Un discours survendeur
2.1 La maîtrise des savoirs : une préoccupation déjà ancienne
Anne Mayère: Ce qui est en jeu de manière renouvelée avec la gestion des savoirs,
c’est un changement d’échelle et de nature de son caractère « collectif » : l’objectif
est celui d’une maîtrise et d’une valorisation collectives des savoirs non plus
seulement au niveau des groupes ou collectifs de travail, mais au niveau de
l’entreprise dans son ensemble, compte tenu de ses stratégies et rationalités
spécifiques »34.
Jean-Yves Bück: la transmission de certaines traditions ancestrales relève d’une
certaine forme de capitalisation « qui, malgré ses rudiments, demeure
particulièrement efficace »35. Il prend l’exemple du compagnonnage où « la
connaissance se transmettait par l’expérimentation et les conseils prodigués
Aussi, le Knoweldge Management peut être perçu comme un « cadre structurant »
regroupant des démarches plus anciennes et disséminées au sein d’une organisation
comme la gestion des retours d’expérience, l’intelligence économique, le
management des compétences, l’innovation,
la mémoire d’entreprise, la
capitalisation d’expertise.
2.2 Quelle revalorisation de la place de l’individu dans l’entreprise ?
Ce sont les individus qui sont à la base de la création des connaissances.
Les individus sembleraient bénéficier de davantage d’autonomie et d’initiative que
par le passé, avec un renforcement de leur identité au sein de l’entreprise. C’est
l’attention portée aux relations humaines qui permet l’accroissement de la
productivité.
Anne Mayère: si « le nouveau modèle tend à accroître les capacités d’initiative
locale et les occasions de communication diversifiées, il est aussi porteur de tensions
34
35
MAYERE, Anne, loc. cit., p. 10.
BUCK, Jean-Yves, op. cit., p. 21.
18
fortes, du fait de la pression des objectifs à atteindre, d’une responsabilité accrue à
tous les niveaux,(...) et de ce que suppose la flexibilité réactive et innovatrice »36.
2.3 Quel apport des nouvelles technologies de l’information et de la
communication ?
2.3.1 Typologie des nouvelles technologies
Certaines technologies vont permettre de travailler directement sur le patrimoine de
connaissances et d’informations déjà disponible. D’autres vont chercher davantage à
privilégier les collaborations pour le partage et la transmission des connaissances.
 Internet
Vaste réseau de documents. Il facilite les échanges de communication de données, la
diffusion du savoir à différentes communautés, éloignées dans l’espace et dans le
temps. Encourage la participation de différents acteurs par le biais des forums. Or, la
collaboration est un des éléments clés pour la bonne marche du Knowledge
Management.
 Intranet
Il présente les mêmes spécificités qu’ Internet en terme de structure et de
fonctionnalité; les échanges ne se faisant qu’à l’intérieur d’un réseau privé, interne à
l’entreprise favorise le travail collaboratif, permet de partager et gérer des
connaissances.
 La GED
La GED (Gestion Electronique Documentaire) est le regroupement d’un ensemble de
techniques et de méthodes, ayant pour but de faciliter l’archivage, l’accès, la
consultation, la diffusion des documents et informations qu’ils contiennent. Ppermet
à l’utilisateur de retrouver l’information pertinente qui se dissimule au sein des
documents, indépendamment des acteurs et des situations. A cet effet la GED met en
oeuvre des descripteurs (structurés, en texte intégral, par concepts, par hyperlien
...) »37. La GED permet ainsi de passer d’une mémoire de travail qui est le propre du
groupware à une mémoire organisationnelle, regroupant tous les documents de
référence de l’entreprise et consultables par l’ensemble des acteurs de l’organisation.
C’est aussi une forme de capitalisation de la connaissance. Elle permet de structurer,
d’organiser l’information. Mais la structuration de l’information entraîne une perte
de la richesse informationnelle »38.
 Les agents intelligents
Logiciels capables d’offir une assistance informationnelle personnalisée à
l’utilisateur d’un ordinateur. Cette application permet à l’utilisateur de recevoir des
informations filtrées et triées selon ses propres critères d’attention. Cependant la
définition par l’utilisateur lui-même des filtres de sélection induit une certaine
36
Ibid., p. 15-16.
Ibid., p. 151.
38
PRAX, Jean-Yves, Manager la connaissance dans l’entreprise, p. 203.
37
19
catégorisation des réponses, empêchant par là même l’arrivée d’une réponse plus
surprenante.
 Le datawarehouse
Le datawarehouse (ou l’entrepôt de données pour la traduction française) correspond
à une mise en commun de toutes les données de l’entreprise afin d’établir un
instrument d’aide à la décision.
 Le groupware
 Le groupware ou collecticiel = méthodes et de techniques permettant à plusieurs
acteurs séparés ou réunis dans le temps et l’espace de réaliser un objectif
commun. Il facilite: le travail asynchrone, le travail à distance, la réutilisation
des données échangées, la communication de n personnes à n personnes, la
structuration des échanges (par thèmes, par projets), la traçabilité des échanges,
l’organisation des échanges selon des procédures Le workflow
Le workflow, littéralement « flux de travail » mais aussi désigné sous l’expression
« gestion électronique des processus » favorise la coordination des travaux collectifs.
« il ne se contente pas de mettre en relation les uns avec les autres ; il structure des
relations en faisant intervenir le bon acteur, au bon moment, et en faisant circuler la
bonne information à la bonne personne (notamment en limitant le bruit). En ce sens,
il crée une véritable dynamique de la connaissance organisationnelle »39.
2.3.2 Leurs avantages par rapport à l’informatique classique
Jean-Yves Prax « l’informatique classique avait pour finalité de « traiter » les
données (au sens data computing) ; les NTIC proposent un « lieu virtuel » facilitant
les échanges et de communication, c’est-à-dire favorisant l’enrichissement mutuel
des savoirs »40.
Au lieu de chercher à gérer, traiter et diffuser des données, elles se placent comme
facilitateurs de la communication, de la coordination et de la coopération entre les
acteurs, et par conséquent du processus de création de sens. Au lieu de chercher à
diffuser, elles tissent un réseau non linéaire et sans cesse renouvelé de liens
informationnels co-construits par les auteurs-lecteurs et les lecteurs-auteurs »41.
Les nouvelles technologies ne se posent pas comme outils de traitement de données
afin de déterminer la Vérité mais comme supports favorisant la coopération afin de
faire émerger du sens. On rejoint ici l’approche constructiviste de la connaissance.
2.3.3 Une fonction essentiellement de soutien des processus
communicationnels.
L’apport des nouvelles technologies de l’information et de la communication
concerne surtout l’abolition des contraintes de temps et d’espace.
39
Ibid., p. 137.
Ibid., p. 122.
41
Ibid.
40
20
Elles tendent à favoriser le travail collaboratif , condition sine qua non pour le
partage des connaissances
Mélissa Saadoun, « les individus agissent en parallèle et de manière simultanée à
partir de règles simples, pouvant faire émerger un comportement collectif intelligent
susceptible de résoudre des problèmes globaux qui se posent à la communauté »42.
Ils seront aidés dans leur action par les technologies de l’information, facteurs de
coordination des équipes pluridisciplinaires.
Ces technologies peuvent jouer un rôle d’assistance sans pour autant se substituer
complètement à l’humain. Ces outils collaboratifs sont d’une aide précieuse mais le
knowledge management ne se réduit pas seulement à eux. Il convient aussi d’aborder
la question de l’implication des membres de l’entreprise face à ce nouveau processus,
ce afin de contribuer à l’élaboration d’une mémoire vraiment interactive. Il ne faut
pas se limiter à une vision instrumentale de la démarche du Knowledge Management.
Or partager des connaissances engendre de nouvelles façons de travailler.
La collaboration, la culture du partage entre salariés est avant tout un défi managérial
et surtout d’ordre culturel.
Ainsi l’introduction de ces nouvelles technologies doit s’accompagner d’une
sensibilisation du personnel.
Aussi, il faut voir les nouvelles technologies comme une aide à la création du sens ou
à la prise de décision par l’homme et non pas un substitut de ce dernier.
Selon Lojkine : « il apparaît que les réseaux flexibles et interactifs appellent de
nouveaux rapports entre l’homme et la « machine » à informer : de « machine »
remplaçant et dominant les sujets humains, l’ordinateur pourrait devenir
« instrument » prolongeant l’intelligence humaine »43.
Jean-Yves Prax: les « NTIC doivent jouer davantage un rôle de facilitateur de la
confrontation des représentations subjectives plutôt que d’outil rationalisant des
algorithmes standards et stockant des procédures correspondant à une certaine idée
du vrai .
Chapitre 3 : Le Knowledge Management : un défi autant managérial
que culturel
3.1 Les résistances liées à la conduite du changement
Il existe souvent un temps d’adaptation avant que l’outil considéré entre dans les
moeurs.
3.2 Information = pouvoir
42
43
SAADOUN, Mélissa, En tout lieu, à toute heure, Archimag, décembre-janvier 1999, n°120, p. 26.
LOJKINE, Jean, op. cit., p. 19.
21
Il existe un risque probable de rétention de l’information « pour se faire valoir, parce
qu’on a très vite compris le caractère instrumental de ce savoir. Avec l’arrivée des
nouvelles technologies, les dirigeants et les cadres en particulier, ont peur d’une
remise en cause de leur statut.
Pour Jean-Yves Prax, « la solution est d’essayer par la formation, de faire
comprendre qu’il existe des mesures, des outils et des règles de sécurisation des
données qui donnent toute garantie aux producteurs de ces données »44.
3.3 Le poids de la hiérarchie
3.3.1 Spécificité de l’organisation hiérarchique de l’entreprise
capitaliste.
d’Herbert A. Simon: l’organisation hiérarchique est basée sur une structure tripartite
où s’articule les différentes prises de décision. Il s’agit de la division, selon Lojkine
entre : « les prises de décisions non programmées, réservées aux dirigeants ; les
prises de décisions programmées réservées aux cadres intermédiaires, chargés de la
gestion du quotidien ; les processus de base du travail (la fabrication, l’exécution),
réservés aux opérateurs exclus de toute prise de décision »45.
En France, le système hiérarchique se caractérise aussi par l’instauration d’une forte
distance sociale. Daniel Loubet « cette distance sociale se traduit, outre le mépris,
par un individualisme forcené et agressif ».46 Rien qui ne favorise ainsi la
collaboration et le partage des connaissances. Mais qui aurait au contraire, tendance à
renforcer la rétention de l’information.
Daniel Loubet, il est nécessaire d’accorder de l’attention à TOUS les acteurs de
l’entreprise même ceux au bas de l’échelle, détenteurs potentiels d’une expérience
inestimable pour l’entreprise
3.3.2 La hiérarchie, bassin de rétention de l’information
Or la mise en oeuvre efficace du Knowledge Management passe par la circulation
sans entrave de l’information. Ce qui risque à terme de bouleverser les rapports de
pouvoir traditionnels.
Cependant, même avec l’arrivée des NTIC et des actions de décentralisation dans les
entreprises les plus innovantes, la structure pyramidale du pouvoir est loin d’avoir été
remise en cause.
3.4 L’instauration de la culture du partage
44
Ibid., p. 204-205.
LOJKINE, Jean, op. cit., p. 122.
46
LOUBET, Daniel, op. cit., p. 54.
45
22
Pour Jean-Yves Bück « la culture du partage n’est pas encore une dimension
totalement intégrée dans la majorité des organisations françaises.
Au contraire d’un usage élitiste de l’information, il faut mettre en oeuvre des moyens
favorisant la collaboration et le partage des connaissances, facteur d’efficacité pour
les organisations.
Des équipes fondées sur la compétence de leurs membres peuvent favoriser un
meilleur partage de l’information.
L’organisation fondée sur le savoir devra ainsi instaurer des relations d’équilibre
entre ces différents acteurs, les mettre sur un pied d’égalité.
Et cette répartition des connaissances sera favorisée par la mise en oeuvre d’une
culture d’entreprise. Ce fonctionnement en réseaux ne peut marcher que si les
individus partagent un certain nombre de valeurs et ont un certain respect de l’apport
de chacun.
Au lieu d’entraver la circulation de l’information, les cadres auront un rôle accru
dans le management des projets, ainsi que pour objectif de faciliter les actions
communicationnelles. Et même si la gestion des connaissances avec le
décloisonnement organisationnel qu’elle entraîne modifie leurs anciennes
responsabilités comme la supervision, elle peut cependant ouvrir pour eux de
nouvelles perspectives, de nouveaux champs d’intervention. Les cadres peuvent
notamment aider les opérateurs à développer leurs facultés intellectuelles et enrichir
par ce biais, l’interactivité de leurs relations.
Toute mise en oeuvre efficace des NTIC et de la gestion des connaissances doit ainsi
passer par l’instauration de la confiance entre les différents acteurs concernés.
Henry Mintzberg place ses espoirs dans la mise en oeuvre d’une organisation dite
« adhocratique »47 (structure fluide fondée sur la tranversalité et l’organisation en
équipe). Dans un tel contexte, ce n’est pas l’autorité qui compte mais la
connaissance.
Cette nouvelle conception de l’organisation basée sur le partage des savoirs va établir
de nouveaux rapports de travail et modifier les relations au sein de la pyramide
hiérarchique. Anne Mayère estime que « sans pour autant faire disparaître les
conflits d’intérêt, elle les complexifie, les module ou les reformule du fait de la
redistribution induite des pouvoirs sur les savoirs, et des solidarités requises par ces
formes d’organisation.
47
MINTZBERG, Henry, Entretien avec Henry Mintzberg, Sciences Humaines, mars/avril 1998, n°20
(Hors-série), p. 16.
23
Chapitre 4 : Des idéologies qui demeurent ou comment faire du neuf
avec de l’ancien
4.1 Discours du dépassement du Taylorisme : un simple artefact ?
Certains parlent de société post-tayloriste voire néo-tayloriste. Or, dans certains cas,
s’éloigne t-on vraiment de l’idéologie du Taylorisme ?
Ainsi selon Lojkine, « il y a des traitements stéréotypés de l’information qui ne
permettent en rien de parler d’une véritable communication interactive, et
mutuellement enrichissante, impliquant créativité et autonomie critique des
émetteurs et des récepteurs de l’information »48.
En effet dans certaines situations, on a affaire à une circulation univoque et linéaire
de l’information qui, à la base est propre à l’organisation taylorienne (donneurs
d’ordre et exécutants) et l’organisation pyramidale (communication descendante).
N’y-a-t-il pas un risque à ne valoriser que le savoir des experts et de renforcer leur
position dominante et leurs privilèges au détriment du savoir des autres acteurs de
l’entreprise, considéré comme partie négligeable ?
Et ainsi de se retrouver avec une forte hiérarchisation des savoirs « qui oppose en
particulier des savoirs scientifiques ou d’origine scientifique, censés dire « la vérité
des choses », et des conceptions de praticiens, dominées par l’erreur et la
déraison »49 comme le souligne Anne Mayère.
Selon cette dernière, « les orientations en matière de gestion des savoirs peuvent
privilégier les réseaux d’experts ou les bases de connaissances.
4.2.1 Avec la codification, risque de retour à la rationalisation
instrumentale ?
Les technologies de catégorisation, de filtrage n’empêchent-elles pas, dans une
certaine mesure, la connaissance de se dynamiser et de s’enrichir ?
Nous pouvons effectuer un parallèle intéressant avec l’un des principes
fondamentaux du système de direction scientifique de Taylor, repris par Philippe
Bernoux dans son ouvrage La sociologie des organisations : « l’étude de toutes les
connaissances traditionnelles, leur enregistrement, leur classement et la
transformation de ces connaissances en lois scientifiques »50.
48
Ibid., p. 31.
MAYERE, Anne, loc. cit., p. 11.
50
BERNOUX, Philippe, La Sociologie des organisations, p. 65.
49
24
Certains promoteurs du Knowledge Management qui cherchent simplement à classer
et catégoriser les connaissances pour en tirer certains principes généraux et des
solutions standards, généralisables à un certain nombre de problèmes complexes, en
dehors d’un véritable renouvellement de la connaissance.
Philippe Baumard: Finalement, nous taylorisons la connaissance, en la désignant
comme une tâche. A terme, créer de la connaissance deviendra un impératif au même
titre que les objectifs de rentabilité.
4.2.2 Nouvelle forme d’aliénation de l’homme : son intelligence
On peut se demander si la logique de l’expropriation du savoir ne va pas revenir en
force. Comme les ouvriers autrefois avec le Taylorisme, aujourd’hui, l’homme peut à
son tour être dépossédé de son savoir par un observateur extérieur.
Au lieu d’une formalisation très rigoureuse des différents savoirs disponibles dans
l’entreprise, il faut développer des relations basées sur la confiance et où le partage
des savoirs apporte une véritable revalorisation des individus. Il faut établir un
nouveau mode de conception du travail où l’autonomie est reine afin d’obtenir
l’adhésion au processus du partage des connaissances.
Conclusion
Le Knowledge Management s’inscrit dans le cadre de l’économie de l’immatériel.
Cette dernière se caractérise notamment par le foisonnement d’informations de toutes
sortes. Cette prolifération des signes est accentuée par les NTIC qui entraînent
souvent une perte de sens. Retrouver l’information vraiment pertinente et
l’expression du sens finit par relever d’un véritable parcours du combattant.
La nécessité de préserver et de développer le capital intellectuel des entreprises, est
aussi une des priorités des organisations. Ces dernières évoluent dans un
environnement complexe où l’anticipation et la réactivité sont devenues des qualités
indispensables. Ce sont les compétences, les différents savoir-faire en leur possession
qui vont conditionner leur capacité à produire mieux. Et dans ce contexte, ce qui
importe réellement c’est la mise en oeuvre d’une intelligence collective qui permette
de résoudre les problèmes auxquels une organisation est confrontée, d’anticiper les
évolutions du marché. En effet, les compétences à mobiliser étant multiples, nous
sommes amenés à travailler en partenariat par le biais des réseaux et à développer un
savoir commun.
Le Knowledge Management, c’est avant tout une approche qui concerne les
organisations, le management des hommes. Tout d’abord parce que ceux qui
25
détiennent et qui produisent les connaissances sont en premier lieu les individus et
les réseaux d’acteurs.
Et qu’en situation de changement, les résistances viennent le plus souvent non pas de
la technique, mais plutôt de facteurs organisationnels et socio-culturels.
Aussi le Knowledge Management doit être considéré comme un véritable projet
d’entreprise et non comme la simple mise en place d’un outillage technologique.
Ce projet s’inscrit aussi dans une démarche systémique, en ce sens qu’il touche
l’ensemble des parties, pour concourir au progrès général de l’entreprise.
Cette démarche doit faire l’objet d’un accompagnement avec une véritable
sensibilisation des différents acteurs de l’entreprise. L’organisation doit devenir un
lieu de construction du sens, où chacun est un entrepreneur de la connaissance, à la
fois producteur et utilisateur.
Certains parlent de la réhabilitation de l’humain à travers sa connaissance. Nous
pouvons penser en effet que les hommes vont pouvoir partager leurs points de vue,
affirmer leur existence au sein de l’organisation. Pourtant nous pouvons émettre
aussi certaines réserves. La mise en place des groupes d’expression, des cercles de
qualité et autres modalités n’a apporté qu’une relative autonomie aux agents
concernés, car aux yeux de l’encadrement hiérarchique, ces derniers empiètaient sur
les domaines de compétence de la Direction Générale.
Et le Knowledge Management, ne va-t-il pas instaurer une nouvelle forme
d’aliénation de l’homme dans le sens où ce dernier pourra être dépossédé de son
savoir au profit de l’entreprise pour laquelle il travaille.
De plus certaines organisations peuvent continuer à ne privilégier que le savoir des
experts, le seul vraiment légitime à leurs yeux, au détriment des autres. Et ainsi
poursuivre la hiérarchie depuis longtemps instaurée, à savoir la priorité accordée aux
connaissances dites « scientifiques », celles qui sembleraient détenir la Vérité.
26
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Entretien avec Henry Mintzberg
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ISBN : 2-901323-73-1
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ZARIFIAN, Philippe
La Nouvelle Productivité
Paris : Edition L’Harmattan, 1990. 212 p. Collection Logiques Economiques.
27
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