De la gestion des connaissances à l`économie des

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De la gestion des connaissances à l’économie des connaissances
Monica Mallowan, Professeur agrégée en gestion de l’information à l’Université de Moncton
(Canada), Observatoire PROVIS, CE.RE.GE (EA 1722), membre du GRICODD.
Vincent Liquète, Professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de
Bordeaux (France), directeur adjoint Formation ESPE, co-responsable du GCCPA, IMS- Equipe
Cognitique et Ingénierie Humaine (CIH) UMR 5218 - CNRS, membre du GRICODD.
Lise Verlaet, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à
l’Université de Montpellier 3 (France), LERASS-Céric (EA 827), membre du GRICODD.
Le concept de « gestion des connaissances » trouve ses premières traces dans les propos de Taylor
(1911) à travers le management scientifique, soit la nécessité de capturer et mutualiser l’ensemble des
connaissances des employés afin que celles-ci profitent à l’entreprise sur le long terme, le but étant de
minimiser la dépendance d’une entreprise envers ses salariés. Déjà étaient abordées les notions de
capitalisation, de partage et de circulation des connaissances au sein de l’entreprise afin de créer de
nouvelles connaissances voire d’innover. Outre la dépendance d’une entreprise envers ses salariées,
l’objectif était de savoir comment les choses étaient réalisées et surtout comment les faire de manière
efficiente.
De nos jours, à l’ère de la société de l’information, le problème de la gestion de connaissances n’est
pas dans la collecte des informations - lesquelles nous mènent petit à petit vers l’infobésité (même
dans le contexte de l’entreprise) - mais dans la validation, le traitement et la diffusion des informations
pertinentes, à hautes valeurs ajoutées tant pour l’accomplissement d’une tâche que pour la prise de
décision stratégique pour l’organisation. Qui plus est, notre société est empreinte d’un certain
« bougisme » (Taguieff, 2001) et « nomadisme salarial » (Cliquet et Orange, 2002) qui, couplés à
l’effet du « papy-boom », entrainent une fuite des connaissances, des savoirs et des savoir-faire d’une
organisation. Il devient ainsi indispensable non seulement de capitaliser et de manager toutes les
connaissances de l’entreprise, mais aussi d’avoir une vision prospective des compétences et des
métiers à développer ou/et à acquérir pour rester concurrentiel.
Le numérique - et à travers lui tous les moyens de communication et les technologies collaboratives redessine la manière de diriger les organisations et corrélativement la culture des entreprises. Le
modèle hiérarchique pyramidal et rigide tend à laisser la place à un modèle horizontal et flexible
favorisant le partage d’information, les retours sur expériences, la construction collective du sens et
l’action collective « décloisonnée », l’énaction (Weick et Kiesler, 1979). Comme le souligne Moinet
(2011) il est nécessaire de « passer de l’information à la connaissance, du « savoir pour agir » au
« connaître est agir » ».
Ceci nous amène à considérer l’investissement immatériel d’une organisation, à savoir son capital
humain. Celui-ci devant être compris non pas comme cause de coût financier mais comme générateur
de valeur. Les réflexions menées lors de la Tribune Sciences Po de l’économie de l’immatériel 20132014 dirigée par Marie-Ange Andrieux (2014) font largement état de ce constat. Constat étayé par la
réalité économique (ibidem) : les investissements immatériels, constituant le cœur de la compétitivité
de l’économie de l’innovation et de la connaissance et dont les 2/3 concerneraient directement ou
indirectement le capital humain, dépasseraient les investissements matériels dans les pays
industrialisés.
Il s’agit donc de faire du « knowledge management » pour garantir une « knowledge economy ». En
ce sens le capital humain devient un facteur déterminant pour la compétitivité durable de
l’organisation. Il s’agit alors de s’interroger sur les meilleures pratiques managériales,
organisationnelles, communicationnelles et informationnelles de ce capital humain.
Articulé autour de trois axes, ce numéro de « Communication & Management » – revue qui fait partie
de la liste des « revues SHS - Sciences de l’information et de la communication AERES » – se propose
d’aborder, dans l’esprit de la durabilité, dont l’objectif est de soutenir le développement en cours, sans
compromettre le développement futur.
-
Un premier axe entend s’interroger sur les préoccupations et les motivations des organisations
ayant abouti sur le développement d’un dispositif de Knowledge Management (KM). Quelles
utilisations du KM : la relève, la performance, l’innovation, la R-D, la compétitivité, le savoirfaire traditionnel et émergent, la protection du capital immatériel, la capitalisation, etc. ? Est-il
toujours perçu par les organisations comme une approche de formation et de perfectionnement
interne visant l’apprentissage et l’adaptation en vue de l’amélioration de la performance
organisationnelle ? Les réflexions en cours voient le KM comme un processus social – qu’en
est-il de ses manifestations en milieu organisationnel, quelles formes et places occupent les
données, l’information, le document, la communication dans ce processus?
-
Le second axe s’intéresse à la mise en œuvre d’un dispositif de KM. Compte tenu des enjeux
de l’organisation pour développer un dispositif de KM, quelles stratégies informationnelles,
communicationnelles et documentaires sont à mettre en place pour créer de nouvelles
connaissances et générer l’action compétitive intelligente pour l’atteinte des objectifs
organisationnels? Quelles sont les nouvelles ressources organisationnelles dédiées au KM et
leurs fonctions, tâches, responsabilités, compétences, approches, les structures internes,
dispositifs, fonctions et tâches ? Comment capitaliser et actionner la mémoire de l’entreprise ?
-
Le dernier axe considère les effets inhérents au KM. Y a-t-il des réflexions de remise en
question du KM en vue de trouver de nouvelles manières de faire, dans le contexte des
changements de paradigme en cours, de nouvelles manières de capter, formaliser et
transmettre la connaissance organisationnelle? Les processus métiers ne sont-ils pas un frein à
l’innovation en stabilisant les rôles et les procédures ? Les dispositifs socio-techniques sont-ils
en mesure de produire de la connaissance ? Le Knowledge Management (KM) permet-il de
parvenir à une Knowledge Economy (KE) ?
Les propositions peuvent prendre la forme de réflexions théoriques, de revues de littérature, d’études
de cas, de bilans de projets applicatifs.
Références:
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2013-2014.
Dossier
Easybourse,
27
mai
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Date limite de soumission : 31 MARS 2015
SOUMETTRE UN ARTICLE (appel n°1 - 2015)
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