«LES CONDITIONS DEFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
GESTION DES CONNAISSANCES»
Faculté Des Sciences Economiques et de Gestion
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«Les conditions d’efficacité du "knowledge Management" pour
l'entreprise dans un contexte de croissance informationnelle : une
analyse empirique de la gestion des connaissances»
Boualem ALIOUAT
Professeur
Université de Nice, Sophia Antipolis
Abstract
Aujourd’hui nous sommes tous conscients des enjeux de l’information dans
l’entreprise, pour ses compétences stratégiques et ses prises de décision. Les systèmes
d’information, la gestion des ressources humaines et le management stratégique sont
étroitement liés dans la coordination et la valorisation respective du knowledge
management, des compétences individuelles et des compétences organisationnelles.
L’approche de Nonaka et Takeuchi (1997) apporte au demeurant un socle fédérateur à
propos des processus de création de connaissances utiles à la construction des
compétences stratégiques d’entreprise. Cependant, au sein d’une organisation, des
informations, des connaissances, des savoirs et des savoir-faire disparaissent
régulièrement, ou sont détenus par des membres ne les utilisant pas alors qu’ils
pourraient être utiles à d’autres individus au sein de la même entreprise. C’est la raison
pour laquelle le « Knowledge Management », ou la gestion des connaissances, est
aujourd’hui partie intégrante de la stratégie des entreprises. Cette stratégie est fondée
sur la valorisation ou la fertilisation des ressources spécifiques génératrices de rentes.
Le Knowledge Management permet très exactement de capitaliser les connaissances,
les informations et les savoirs présents au sein de l’organisation, et de les mettre à la
disposition de tous les membres de l’entreprise. Les outils récurrents du Knowledge
Management sont généralement liés aux TIC, et plus particulièrement aux intranets,
aux groupwares, aux forums de discussion, …
Le partage des informations, des méthodes, des conseils, des connaissances dans
l’optique d’aider les individus dans l’acheminement de leurs objectifs, apparaît comme
une ressource éminemment stratégique. Mais, le knowledge management ne s’implante
pas du jour au lendemain et la mise en place de tous les outils se fait lentement et
progressivement. L’intérêt de cette analyse est de montrer comment plusieurs facteurs
s’articulent pour rendre le Knowledge Management efficace : l’implication du salarié,
la distinction, faite et communiquée, entre pouvoir et savoir qui permet la collaboration
interindividuelle, l’internationalisation de l’organisation qui permet une meilleure
collaboration du personnel, le choix de certains outils, et enfin le degré de
familiarisation avec les technologies de l’information et de la communication.
L’objet de ce travail reposant sur une analyse empirique est d’illustrer l’intérêt
stratégique du Knowledge Management dans les entreprises d’aujourd’hui et les défis
concurrentiels qui s’imposent à elles.
Colloque international sur: l'économie de la connaissance Boualem ALIOUAT
Novembre 2005
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INTRODUCTION
Peter F. Drucker affirmait déjà qu’une entreprise performante reposait avant tout sur un
bon système d’information. Ce dernier doit attirer l’attention des décideurs sur certains
points sensibles ou critiques dès qu’une dérive se manifeste. Toutefois, la gestion de
l’information ne se limite pas à réduire l’incertitude et éviter les effets de surprise. Elle
est aussi un instrument de valorisation des ressources et de construction de
compétences stratégiques, notamment sur la base de l’expérience (notamment le
« learning by doing » de K. Arrow), mais aussi des réseaux de compétences. La
caractère stratégique de la gestion des connaissances (de l’entreprise apprenante et
qualifiante) repose à la fois dans la valorisation des informations internes issues de
l’apprentissage et de l’audit permanent du degré d’adaptation de l’entreprise à ses
environnements (Dual monitoring), et des informations externes issues soit des
opérations de veille, soit des opérations d’intelligence stratégique et de benchmarking.
Ce processus s’articule en plusieurs points :
premièrement, l’entreprise anticipe les évolutions de l’environnement
utiles à ses développements stratégiques et organisationnels (Veilles
stratégiques) ;
elle audite ensuite en permanence ses modes de fonctionnement et ses
structures soit pour se conformer à des normes, soit pour
performer (Dual monitoring) ;
elle opère dans un troisième temps des actions d’intelligence stratégique
(Business intelligence) ;
elle benchmarke enfin les meilleures pratiques observées en externe et
les valorise en interne par une gestion des connaissances efficcace
(benchmarking et knowledge management).
Ce processus dynamique de l’entreprise étendue peut être schématisé de la manière
suivante :
Business Intelligence
Knowledge Management
Dual Monitoring
Veille
Corporate Task Force
Création
De valeur
« Best Practicies »
Mémorisation
des connaissances
Environnement
externe
Environnement
interne
Informations
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La gestion des connaissances, bien qu’elle soit à ses prémisses dans le monde des
entreprises, est aujourd’hui une question incontournable au sein de l’organisation et la
mise en place des Intranets est révélatrice de ce phénomène.
Après s’être longtemps basées sur le modèle dominant du taylorisme centré sur la
productivité et la rentabilité, les organisations ont aujourd’hui un raisonnement plus
fécond reposant sur la valorisation des connaissances, des savoirs et des savoir-faire
qu’elles possèdent ou souhaitent acquérir. Ainsi, ne considère-t-on aujourd’hui que
l’entreprise ne dispose pas uniquement d’un capital technique, financier et humain,
mais aussi d’un capital intellectuel, ressource stratégique de la firme. Cette vision plus
« ingéniérique » de l’entreprise, moins « matérialisante », fait de cette dernière un
véritable processeur d’informations. Les évolutions de l’industrie, le développement
considérable des services et la mondialisation de la concurrence ont certainement
accentué ce phénomène.
Le capital intellectuel d’une organisation ou, pour reprendre les termes de Didier
Pourquery (2001), « l’ensemble de ses connaissances », a tendance à se volatiliser dans
l’espace et dans le temps. Nous pouvons notamment observer cette tendance à travers
le turn-over des experts, les réductions d’effectifs ou les départs en retraite, qui
représentent pour Jean-François Ballay (2001) une perte marquée des compétences
individuelles. Cependant, il est essentiel d’ajouter à celle-ci la perte des compétences
collectives, l’oubli des connaissances, autant de faits qui font que le capital intellectuel
d’une entreprise se disperse rapidement.
Il nous semble par ailleurs important d’approfondir sur ce point l’un des éléments
essentiel des années à venir, à savoir les départs en retraite massifs des individus issus
du Baby Boom (le fameux Papy Boom qui se profile aujourd’hui).
Ainsi, dès 2006, plusieurs milliers de salariés nés après la seconde guerre mondiale
partiront à la retraite au sein des pays industrialisés. On considère qu’en 2010 un tiers
des cadres exerçant leur profession aujourd’hui auront quitla vie active. D’après une
enquête de la Cegos (2003) menée auprès de 150 directeurs des ressources humaines de
grandes entreprises, ce phénomène serait considéré pour 57% des entreprises
interrogées comme un choc démographique à court terme. 33% de ces sociétés vont
plus loin en ressentant une menace pour leur activité.
Le réel problème posé par ces nombreux départs est une perte des savoirs et savoir-
faire présents au sein des organisations, ce qui conduit à leur bouleversement et à une
nécessaire collecte des informations, connaissances, savoirs, compétences et savoir-
faire des individus concernés, car ce sont eux qui représentent le capital savoir de
l’entreprise.
En outre, il est important de constater que les savoirs inutilisés possédés par un individu
A peuvent être nécessaires à un individu B et que les individus ne se situent pas
toujours dans le même local ou dans le même pays.
Il parait, par ailleurs, important de noter que plusieurs personnes peuvent se trouver
face à un même problème et chercher une solution qui a déjà été découverte par le
passé : le résoudre à nouveau est une perte de temps et de productivité puisque sa
solution a déjà été identifiée.
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Il semble ainsi aujourd'hui essentiel pour les entreprises de gérer et de capitaliser les
connaissances, savoirs et savoir-faire présents en interne. L’importance de ce capital est
souvent supérieure à ce que l’on peut penser car il contribuerait fortement à apporter ou
consolider, selon Jean-Yves Bück (2003), un avantage concurrentiel à l’organisation.
De plus, certains auteurs tels Jean-Yves Prax (2000) estiment que le savoir est devenu
le moteur du développement de l’entreprise et c’est pour cette raison qu’il est
nécessaire de le capitaliser, de le « cultiver pour le faire germer, le faire fructifier ». Ce
concept est aujourd’hui perçu comme un enjeu essentiel et stratégique pour le futur des
organisations.
Nous pouvons remarquer à travers diverses études que nous ne sommes actuellement
qu’aux prémisses de la mise en place des démarches de gestion des connaissances. En
effet, d’après une étude du cabinet IDC, le marché du knowledge management devrait
atteindre en Europe de l’Ouest 4,2 milliards de dollars en 2006 contre 1,5 milliards en
2001.
En 2002, les compagnies américaines ont quant à elles dépensé selon Katherine Allen
(2004) 4,5 milliards de dollars dans des logiciels permettant de mettre en place ce
knowledge management. D’après une étude de la Harvard Business Review, 60% des
responsables de ces projets ont remarqué que le travail était meilleur après implantation
d’un knowledge management.
Cependant, le knowledge management connaissant aujourd’hui un effet de mode, cette
notion est très souvent abordée de façon incomplète puisque beaucoup oublient sa
dimension principale : la dimension humaine. Ainsi, si le knowledge management se
construit de plus en plus à partir des outils issus des technologies de l’information et de
la communication, Dominique Crié (2003) rappelle que sa composante principale, la
connaissance, réside au sein des individus et non pas dans la collecte des données ou
des informations.
La dimension humaine étant l’une des clés de cette démarche, il est dès lors plus facile
de comprendre que la mise en place d’une démarche de knowledge management ne
peut se faire sans difficultés. Un tel projet peut se heurter à la réticence au changement
ressentie par un certain nombre d’individus mais aussi par la volonté de ces individus
de ne pas partager leurs savoirs, connaissances ou information avec autrui, ce qui pose
une réelle limite à la gestion des connaissances. Cela nous amène donc à nous poser la
question de savoir comment la collaboration des salariés peut-elle être favorisée dans la
mise en place d’une démarche de knowledge management ?
Afin de répondre à cette interrogation, nous abordons les deux questions suivantes :
Que faut-il entendre par la gestion des connaissances et la collaboration,
et quels sont les liens qui unissent ces deux concepts ?
Quelles sont les limites opératoires du Knowledge Management ?
I. L’INTERET ET LES ENJEUX DE LA GESTION DES CONNAISSANCES AU
SEIN DES ORGANISATIONS
Les technologies de l’information et de la communication ont fait apparaître une
nouvelle forme de management au sein de l’organisation. En effet, celles-ci ont conduit
à des modifications dans la prise de décision et dans la conduite des activités des
managers. Ainsi, quelles que soient les technologies de l’information et de la
communication présentes au sein de l’entreprise, celles-ci conduisent selon Sandra
«LES CONDITIONS DEFFICACITE DU "KNOWLEDGE MANAGEMENT" POUR L'ENTREPRISE
DANS UN CONTEXTE DE CROISSANCE INFORMATIONNELLE : UNE ANALYSE EMPIRIQUE DE LA
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Bellier, Michel Kalika, Henri Isaac, Emmanuel Josserand, et Isabelle Leroy (2002) à
cinq modifications.
1- Tout d’abord l’information va être dématérialisée facilitant ainsi sa
transmission et sa disponibilité. Les Intranets vont par exemple rendre
l’information disponible au système d’information global de la société,
c’est-à-dire à l’ensemble de son personnel.
2- On va donc constater un accroissement de l’accessibilité puisque le
salarié en quête d’un renseignement aura plus de facilités à y accéder.
3- En outre, cet individu se verra proposer une plus grande diversité
d’informations puisqu’il aura accès aussi bien à des sources internes
qu’externes à l’entreprise.
4- Les technologies mises en place vont par ailleurs permettre une
indexation de l’information dans la mesure où un certain nombre
d’outils permettant de les classer par rubriques ont vu le jour.
5- Enfin, l’utilisateur ne va plus avoir un rôle passif mais un rôle actif afin
de structurer et diffuser l’information. On appelle cela l’information
interactive.
Les technologies de l’information et de la communication entraînent donc une nouvelle
gestion de l’information. Celle-ci se voit facilitée et permet de mettre en place au sein
des organisations des démarches de knowledge management.
I.1. Le concept de gestion des connaissances : le « knowledge »
Il est utile de définir ici ce qu’est le knowledge management et quels sont les différents
outils permettant de mettre en place une telle démarche. Ce concept n’est pas aisé à
définir dans la mesure où il est composé d’un grand nombre d’aspects.
La première difficulté est la traduction du terme anglais « knowledge ». Ce terme
anglais signifie en français à la fois connaissance et savoir, deux notions qui sont, bien
que liées, différentes.
Le problème qui se pose est que le terme « knowledge » utilisé dans l’expression
« knowledge management » signifie à la fois connaissance et savoir, deux notions
différentes en français, pas toujours dissociées, que nous allons nous attacher à
expliquer.
A. La connaissance
Il est essentiel de ne pas confondre données, informations et connaissances. Ce sont
trois notions différentes qui forment une chaîne que l’on peut schématiser d’après
l’analyse de Thomas Davenport et Laurent Prusak (1998) de la façon suivante :
Les données représentent ce que l’on a collecté. Elles sont objectives et de nature
quantitative ou qualitative. Ces données vont être interprétées par l’esprit humain, ce
qui va alors introduire un biais. C’est ce que l’on appelle une information.
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