« SITUATION DE CRISE » IFSI Bichat – 1ère Année Dr LEMOINE Bruno Didier [email protected] OBJECTIFS : 1. Identifier les concepts d’agressivité et de violence dans un contexte psychiatrique 2. Repérer : a. les signes annonciateurs d’une situation de crise b. les manifestations de la situation de crise (passage à l’acte, agitation, délire aigu, crise d’angoisse. 3. Identifier la notion de « situation de crise » en psychiatrie, en hospitalisation ou dans un secteur d’urgence 4. Repérer les différents moyens dont disposent l’équipe soignante et le psychiatre pour faire face à ces « situations de crises » I. IDENTIFIER LES CONCEPTS D’AGRESSIVITE ET DE VIOLENCE DANS UN CONTEXTE PSYCHIATRIQUE L’Agressivité : C’est un comportement visant (consciemment ou non) à nuire, humilier, contraindre, dégrader ou détruire. C’est donc un symptôme qui demande une intervention efficace, adaptée et organisée : il s’agit d’adopter un comportement approprié et de mettre en place des actions qui permettent d'éviter ou de limiter les manifestations violentes de la personne agressive Les Conduites Agressives : Sont des conduites qui imposent un dommage à l’autre (hétéro-agressivité) ou à soimême (auto-agressivité) : altération, privation ou souffrance. Elles sont si nuancées qu’il n’existe finalement que très peu de comportements humains qui peuvent être considérés comme dénués d’agressivité. 1 La Violence : C’est une situation d’interaction dans laquelle un ou plusieurs acteurs recourent (toujours) à la force pour agir, et manifestent une conduite agressive (de manière directe ou indirecte, contenue ou distribuée), en portant atteinte à un ou plusieurs autre(s) (à des degrés variables), 1. soit dans leur intégrité physique ou morale, 2. soit dans leur possessions, 3. soit dans leur participation symboliques et culturelles ; Cette réaction violente 1. Peut s’exprimer par un comportement verbal et /ou physique. 2. Elle peut être une réaction normale à une situation de contrainte 3. C'est son intensité et sa répétition qui pose problème. On peut donc appeler violence les comportements (CMPT) s’exerçant à l’encontre de personnes ou d’objets avec une intention et/ou une éventualité d’atteinte et de destruction. 1. Sont inclus dans la catégorie de violence : les CMPT individuels physiquement « hétéro-agressifs », jusqu’au meurtre les CMPT individuels sexuellement agressifs, jusqu’au meurtre les CMPT individuels « auto-agressifs », jusqu’au suicide 2. Par extension, on peut inclure : les CMPT de violence verbale les CMPT d’emprise, de harcèlement les CMPT de destruction matérielle les CMPT collectifs violents de toute nature Le passage à un acte violent présuppose donc chez la personne la rencontre de : 1. un Etat Psychique émotionnel, affectif et cognitif, d’un certain type, 2. et d’une Situation Contextuelle, facilitatrice ou activatrice. Différentes approches tentent de définir ce qu’est et d’ou vient la violence : Approche éthologique : 2 fonctions, conservatrice et destructrice Approche biologique : Absence de marqueur biologique spécifique ; L’hypothalamus aurait un rôle important dans les CMPT agressifs et ses inhibitions. Un déficit sérotoninergique entraînerait des manifestations agressives… Il existerait un rapport entre criminalité et chromosome Y surnuméraire. Pourtant les études portant chez des vrais jumeaux séparés à la naissance montrent des divergences d’évolution : tout n’est donc pas génétique. Les hommes sont plus agressifs que les femmes (en moyenne) : la testostérone a donc également son rôle à jouer dans tout ça. Approche de la psychologie sociale : Différentes théories tendent à démontrer que l’agressivité est un comportement qui s’acquiert et qui n’a rien d’instinctif. L’agressivité serait donc un comportement social appris. 2 Approche psychanalytique : Freud, Klein, Lacan, Bergeret, Laplanche et Pontalis ont émis diverses hypothèses sur l’agressivité. o Bergeret : « l’agressivité résulte d’une combinaison secondairement réalisée entre les dynamismes violents et les dynamismes érotiques ; la violence est alors devenue érotisée, puis entretenue comme telle, au lieu de se mettre au service des pulsions libidinales ». o Pour Freud, l’agressivité renvoie à la pulsion de mort. o Pour d’autres psychanalystes, l’agressivité ne serait qu’une réponse adaptative à la frustration et aux conflits psychiques. ___________________________________________________________________________ La question de la violence est inévitable, elle fait partie de la vie quotidienne. Aussi, qu’en est-il dans le cadre de la relation soignant-soigné ? Les soignants sont au quotidien confrontés aux CMPT violents de certains patients. Il est alors pertinent de réfléchir sur notre rôle et notre attitude dans le cadre de la relation soignant/soigné, c'est-à-dire dans ce rapport qui met en lien au minimum 2 personnes ayant pour raison ou pour objectif, majoritairement des soins. Notre mission en elle-même en tant que soignant étant d’accueillir, c'est-à-dire de rassembler. Nous ne sommes donc pas là pour empêcher la violence de s’exprimer, mais bien au contraire pour lui donner les moyens de se manifester de manière structurante et positive. Ainsi mise en perspective, la violence est non pas la simple projection d’une énergie interne mais une tentative plus ou moins réussie d’adaptation à l’environnement. C’est à partir de ce postulat que notre rôle et notre attitude prend tout son sens. L’acte violent, parce qu’il remet en cause l’intégrité physique et psychique de celui à qui elle est adressée, l’empêche de penser. Or il s’agit pourtant de réfléchir suffisamment afin de pouvoir assurer une prise en charge efficace. Il est donc primordial pour tout soignant, travaillant en psychiatrie ou ailleurs, de se préparer à ces situations, de façon à pouvoir les aborder le mieux armé possible. Le rôle du soignant face à la violence s’inscrit dans le cadre d’une gestion collective de la situation par l’ensemble des acteurs du soin, qui mobilise des stratégies de prévention, de concertation et d’organisation pour limiter le phénomène de violence, assurer la sécurité tant des autres patients que des professionnels et garantir la qualité des soins. 3 Deux hypothèses principales, d'ailleurs étroitement interdépendantes, peuvent être proposées pour aborder les problèmes de sécurité lors d’interventions psychiatriques dans des « situations de crise. » 1. La première hypothèse stipule que la propension à l'agir extrême ou dangereux n'est pas uniquement une propriété du patient, mais toujours relative à un contexte. Il s’agit là du contexte dans lequel ce comportement émerge, se maintient, et qui peut donc être influencé d'une manière qu’il amplifie ou restreint ce comportement. Certes, il existe des paramètres “intrinsèquement” liés au patient lui-même, et à ses singularités : la prise de toxiques, l'organicité de certaines pathologies psychiatriques, voire certains patterns psychodynamiques (abandonnisme par exemple) ou certaines transactions familiales apprises peuvent jouer un rôle décisif dans l'apparition et le développement du risque. Cependant, dans de nombreux cas, le contexte, c'est-à-dire l'ensemble des relations ici et maintenant entre le patient et son entourage (famille, proches, collègues, etc.) y compris les soignants qui interviennent, peut devenir une porte d'entrée utilisable, une ressource, pour obtenir un infléchissement positif et diminuer ainsi le risque de passage à l'acte. 2. La deuxième hypothèse stipule que la propension à l'agir extrême ou dangereux, est inversement proportionnelle à l'aptitude du patient et de son entourage à mettre en mots ce qui se vit et ce qui se passe Ceci vaut bien entendu aussi pour le mode d'intervention des professionnels. Symptôme et passage à l'acte représentent les deux faces d'un phénomène qui consiste à montrer plutôt qu'à dire. Dès lors, il s’agit pour les soignants de tenter de changer le contexte à risque dans lequel il peut leur arriver d'être pris, grâce à une intervention susceptible d'entraîner une bifurcation dans un sens davantage thérapeutique. Pour cela, les soignants ne doivent jamais perdre de vue 3 choses : 1. La Crise est une perturbation aiguë du fonctionnement interne du patient et de la famille. 2. Le manque ou l’absence de faculté d’adaptation entraînent un blocage se manifestant par des symptômes tels que l’agressivité ou la violence 3. L’aide à verbaliser est, dans ces moments, beaucoup plus importante que l’aide à solutionner. A l'opposé, les théories qui mettent l'accent sur l'individu source exclusive du problème, sont davantage déterministes. Elles comportent donc plus de risques de paralyser la pensée des professionnels et de les pousser ainsi davantage à l'inaction dans un contexte dangereux. Cette passivité peut maintenir ou provoquer le risque précisément redouté de passage à l'acte. 4 II. REPERER LES SIGNES ANNONCIATEURS D’UNE SITUATION DE CRISE Dans une situation de crise, l’agressivité et le passage à l’acte violent peuvent être conçus: comme l’expression (défensive ?) d’une souffrance incontrôlable mentalement, ou comme la réponse à une menace ou à une mise en danger éventuellement vitale. L’agent pathogène peut se trouver : aussi bien chez l’auteur de l’acte : trouble psychiatrique, que dans son environnement : situation pathogène incontrôlable par le sujet. On peut dire sur ces bases que les personnes à risque de passage à l’acte violent sont probablement plus celles qui souffrent : du cumul de troubles psychopathologiques (troubles de la personnalité, de l’humeur, psychotiques, addictifs, psycho-traumatiques etc.) et de difficultés sociales complexes : familiales (familles violentes et/ou négligentes, abusives, incestueuses, carencées), scolaires (échec scolaire), professionnelles (perte d’emploi), relationnelles et affectives (rupture des liens, isolement), toutes situations exposant à la marginalité et/ou l’exclusion. LE RISQUE DE CMPT VILOLENT, peut être évalué sur la base de l’existence : de Facteurs Psychopathologiques (au moment du passage à l’acte) et de Situations Contextuelles Dégradées. Parmi les Troubles Psychopathologiques principalement, on identifie : 1. les troubles psychiatriques eux-mêmes - états psychotiques avec syndrome hallucinatoire, délires de persécution, mystiques - troubles de l’humeur : trouble bipolaire, etc. La co-morbidité fréquente du trouble bipolaire avec d’autres troubles psychiatrique (trouble de personnalité, trouble anxieux ++) peut avoir des conséquences fréquentes en terme d’agressivité ou violence. - alcoolisme et toxicomanie 2. troubles de la personnalité de type antisocial, paranoïaque, borderline, passif-agressif, schizotypique, dépendant, évitant, en général intriqués. Les 4 dimensions de la personnalité associées au risque accru de passage à l’acte : le manque de contrôle des impulsions, la dysrégulation affective, la perturbation narcissique et le mode de pensée paranoïde. 3. exposition aux événements psycho-traumatiques et leurs effets, en termes de troubles anxieux, dépressifs, addictifs etc.. 4. les associations comorbides : Tb psy et/ou personnalité + dépendance addictive (principalement alcoolique) 5. les antécédents psychiatriques de l’enfance et de l’adolescence 6. les antécédents de passage l’acte 5 Parmi les Situations Contextuelles dégradée, on identifie Les carences thérapeutiques : 1. Le manque de rigueur clinique, 1. traitement inapproprié ou de durée insuffisante 2. changements de situation rapide et non accompagnés sur le plan thérapeutique 2. Toute situation imposée au sujet et perçue comme menaçante, mettant en jeu les mécanismes de perte de contrôle et lui imposant ainsi, vitalement pourrait-on dire, une réaction violente 5 Situations favorisent la survenue de violence : 1. L’attente : Celle-ci peut être liée à un manque de disponibilité. 2. La stagnation à un même endroit : 3. L’opposition de l’équipe aux exigences du patient : Il arrive de + en + que les patients aient des exigences de soins ou d’examens bien spécifiques. Parfois, ces actes ne sont pas nécessaires, ce qui peut entraîner une certaine frustration chez les personnes. 4. Le fait de déshabiller les personnes ou de pratiquer des soins invasifs : Cela amène les soignants à rompre la bulle protectrice du malade, à pénétrer son intimité, à le placer inconsciemment en position défensive face à un agresseur. 5. Les facteurs liés au personnel : Les soignants «sous tension » auront peut-être plus de difficultés à prendre le temps d’expliquer ou à donner des informations aux patients. Cette non-information de la nature des soins dispensés peut amener la personne à se sentir ignorée de l’équipe ou majorer son angoisse. Si les soignants ne se présentent pas, ils plongent le malade dans l’inconnu des professionnels gravitant autour de lui, diminuant ainsi ses repères, de même que le manque de suivi par le même infirmier, au sein du service. Eléments prédictifs d’un passage à l’acte violent à TOUJOURS RECHERCHER : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. Antécédent de comportements violents Port d’armes Facteurs sociaux Sexe masculin, jeunesse Toxicomanie/alcoolisme Refus de s’asseoir Incapacité à rester en place Sursauts et immobilisation avec ébauche de gestes de menace ou de défense Changements brutaux inexpliqués d’activité Menaces, insultes Voix modifiée (timbre, rythme) Tension musculaire UNE SITUATION DE CRISE EST ANNONCEE PAR LA SURVENUE D’ELEMENTS PREDICTIFS D’1 PASSAGE A L’ACTE DANS UNE SITUATION COMPORTANT UN RISQUE AVERE DE CMPT VILOLENT 6 ON DISTINGUE 5 ETAPES DANS LE MECANISME DE SURVENUE DE LA VIOLENCE : 1. La phase d’accumulation de la tension nerveuse, La personne se sent atteinte dans son intégrité. 2. Augmentation de la tension nerveuse, Apparition de troubles anxieux et d’agitation psychomotrice. 3. La personne voit les solutions à son problème diminuer au fur et à mesure, S’installe alors un état de panique ; la personne n’entend plus les soignants et ne leur répond plus. 4. C’est la phase de passage à l’acte. La personne extériorise sa frustration, élimine sa tension nerveuse et mobilise toute son énergie. 5. La phase de détente. La personne est vidée de son énergie et peut exprimer de façon plus ou moins importante des sentiments de honte ou des regrets LES DIFFERENTS MODES D’EXPRESSION DE LA VIOLENCE Pour pouvoir gérer la violence, il faut tout d’abord pouvoir la reconnaître, déceler les traits du comportement, les mots ou gestes qui caractérisent la violence : 1. L’expression verbale : insultes, cris, menaces, etc. 2. L’expression non verbale : attitude menaçante ou inspirant la peur, rejet ou ignorance de l’autre. 3. L’expression physique : auto-agressif ou hétéro-agressif 7 III. LES MANIFESTATIONS DE LA SITUATION DE CRISE 1. CLASSIFICATION 1. Conduites agressives Extériorisées de survenue brutale parfois imprévisibles : les PASSAGES A L’ACTE. On les distingue : Selon le mode d’expression comportementale : agressivité verbale ou physique Selon le degré d’inscription dans les règles du groupe social : o soit conduites inscrites dans le fonctionnement du groupe (chambres à gaz), o soit conduites qui transgressent le fonctionnement du groupe (conduites antisociales) Selon l’objet de la conduite : o soit l’autre (de façon directe ou indirecte), c’est l’hétéro-agressivité, o soit le sujet lui-même, c’est l’auto-agressivité. 2. Conduites agressives Intériorisées, Fantasmes agressifs, qu’on peut mettre à jour lors d’une psychothérapie psychanalytique ou par l’étude du dessin et du jeu chez l’enfant. 2. SIGNES CLINIQUE 2.1. CHEZ L’ENFANT & L’ADOLESCENT 1. Conduites hétéro-agressives : Polymorphes, à la fois moyen d’expression et de communication, décharge explosive d’agressivité, et réaction à une frustration. Trépigner, jeter les objets et frapper les gens : De 12 mois à 4 ans ; fréquent, avec une nette prédominance chez les garçons. Après 4 ans l’enfant a acquis de nouveaux moyens de s’affirmer, de réagir à la frustration grâce à la maîtrise du langage. La persistance de réactions agressives répétées est : - Soit le signe d’une immaturité du "moi" (carence affective précoce ou au contraire relation symbiotique avec la Mère) - Soit le signe d'un déficit instrumental ou sensoriel (retard de langage). Colère, rage du nourrisson : De 2 à 4 ans : Colères banales au moment où se manifeste un besoin d'indépendance et d'affirmation de soi. Si elles persistent et sont très fréquentes, elles peuvent être le signe soit d'une immaturité, soit chez l'enfant qui, souffrant d'une infériorité, trouve dans la colère un mode de compensation. On peut dire que l'agressivité de l'enfant se manifeste de façon privilégiée dans le jeu. Plus tard les réactions agressives se voient sous forme de bagarres, coups … 8 2. Conduites auto-agressives : Automutilations: se gifler, se mordre, se gratter jusqu'au sang, se cogner la tête … Cela peut se voir de façon passagère jusqu'à 2 ans, après c'est préoccupant. Suicide Conduites à risques = ordalie (rouler vite, faire le "clown" …) 2.2. CHEZ L’ADULTE 1. Conduites hétéro-agressives Isolées, de tels passages à l'acte correspondent à une décompensation brutale d'une structure normale de la personnalité trop mise à mal par l'environnement (expérience traumatique, fatigue, accumulation d'échecs…) : Agressivité, agitation sans but défini: crise clastique avec bris d'objet, réaction explosive de colère … Outre l'environnement d'autres éléments peuvent intervenir dans le déclenchement de ces crises (ivresse, crise d'épilepsie, toxiques …) Comportement anti-social grave, par exemple un crime passionnel (débordement affectif paroxystique …) Répétées, en lien avec des troubles de la personnalité. Au maximum les conduites agressives peuvent constituer un mode prévalent de relation à l'objet : Conduites anti-sociales chez les patients psychopathes (le psychopathe se situe en permanence dans l'agir, souvent du mauvais côté de la loi mais parfois du bon ; les traits de personnalité sont l'impulsivité, l'intolérance à la frustration, l'irritabilité … On note fréquemment quelques particularités telles que de nombreux tatouages, piercing, échecs scolaires et professionnels, polytoxicomanie, problèmes judiciaires …) Troubles du comportement chez les épileptiques Pervers Schizophrènes (dissociés et/ou délirants). L'agressivité peut faire partie du tableau. Cas de la héboïdophrénie qui est une forme de schizophrénie avec CMPT psychopathiques. Paranoïaques, pas de barrières, plus de limites (violence de certains hommes politiques, érotomanie) Névrosés agressent peu justement à cause de leur "surmoi". Maniaques (opposé des dépressifs) peuvent être très agressifs. 2. Conduites auto-agressives, conduites suicidaires : Isolées dans la majorité des cas : pas de structure psychopathologique particulière. Organisées, liées à une structure ou un épisode pathologique : Mélancolie (idées de culpabilités, indignité, auto-accusations, souffrance morale, ralentissement psychomoteur, asthénie, insomnie, anorexie) : risque suicidaire majeur. Dépression "névrotico-réactionnelle" comme chez tout à chacun (je l’espère). Il ne faut pas minimiser le risque suicidaire. Schizophrénie : passages à l'acte dans un contexte dissociatif ou délirant. Parfois répétée : automutilations (Trouble de la personnalité, schizophrénie, etc)e 9 LES PRINCIPALES SITUATIONS CLINIQUES 1. LA CRISE SUICIDAIRE C’est une crise psychique qui correspond à un moment d’échappement au cours duquel les moyens de défense de l’individu sont insuffisants et dont le risque majeur est le suicide du sujet C’est un état réversible et temporaire non classé nosographiquement La tentative de suicide est une des manifestations possibles de cette crise Facteurs de risques Facteurs primaires o troubles psychiatriques o ATCD personnels (de TS) o ATCD familiaux o communication d’une intention suicidaire ou une impulsivité Facteurs secondaires o isolement social o chômage o difficultés financières et professionnelles o évènements de vie négatif (maltraitance dans l’enfance, viols..) Facteurs tertiaires o sexe masculin o grand âge ou jeune âge o période de vulnérabilité, fragilité Diagnostic de la crise suicidaire Contexte de troubles dépressifs avérés ou autres pathologies psychiatriques (schizophrénie...) L’urgence absolue demeure celle de la mélancolie délirante Ne pas minimiser une pathologie co-morbide : toxicomanie, alcoolisme Eléments de diagnostics Contexte suicidaire qu’il faut évaluer : présence d’idées suicidaires, leur fréquence et leur conduite de préparation Signes de vulnérabilité : tout ce qui entoure l’histoire du patient : image de soi, sentiment sur ce qu’est sa vie, ses relations... Signes d’impulsivité Niveau de souffrance (ce qu’il ressent, isolement...) Degré d’intentionnalité Qualité de soutien de l’entourage familiale proche 2. ADDICTIONS Troubles et demandes en lien avec la consommation aigue ou chronique d’une substance toxique Intoxication aigue : Alcoolique : le patient peut présenter un état d’agitation. Toute intoxication éthylique aigue doit être examinée médicalement et être gardée en 10 observation ; surtout s’il y a existence d’une fonction de relation perturbée, de complications ou de pathologies psychiatriques associées Une fois dégrisé, un bilan psychiatrique (et parfois social) est systématique Drogues dures : ces intoxications sont de véritables urgences médicales avec risque vital 3. PLAINTES SOMATIQUES FONCTIONNELLES Le patient se présente aux urgences, porteur d’une plainte somatique qui se révèle fonctionnelle après examen : - HTA après un stress - migraine atypique - palpitations aigues - dyspnées aigues - ... 4. ANXIETE AIGUË & AGITATION AIGUËS Apaiser le sujet tout en laissant un abord possible pour préciser le cadre diagnostic de ce symptôme Apprécier la notion de dangerosité et la traiter sans héroïsme Mettre en place si nécessaire une contention Si possible : évaluation clinique médicale et psychiatrique Se faire préciser auprès de l’entourage comment à débuter l’agitation et quel discours avait le patient ATCD médicaux et psychiatrique du patient Prise de toxique (ou traitement médicamenteux) ou non L’examen psychiatrique doit se faire dans un lieu calme, en l’absence de ces accompagnants 5. LES PATHOLOGIES POST-TRAUMATIQUES Situation d’urgence, de catastrophe Le débriefing psychologique est nécessaire, à réaliser dans les heures suivantes la catastrophe. Le but : enrayer le déclenchement des troubles psychiatriques secondaires au traumatisme 11 IV. NOTION DE SITUATION DE CRISE L’URGENCE EN PSYCHIATRIE C’est une demande dont la réponse ne peut être différée. Il y a urgence à partir du moment où quelqu’un se pose la question. Elle nécessite une réponse rapide et adéquate de l’équipe soignante afin d’atténuer le caractère aigu de la souffrance psychique. On distingue 3 grandes catégories d’urgences psychiatriques : 1. Urgence Psychiatrique Pure : par décompensation d’une affection psychiatrique lourde (mélancolie, grand état d’angoisse, agitation délirante, etc), qui à l’évidence nécessite une prise en charge en milieu Ψ après élimination d’une affection organique ; 2. Urgence Psychiatrique Mixte : regroupe les malades qui présentent des manifestations organiques et psychiatriques simultanées : tentative de suicide, delirium tremens, etc, ; 3. Etats Aigus Transitoires c’est à dire les réactions émotionnelles intenses survenant sur un terrain psychologique vulnérable à la suite d’évènements, conflits et détresse très souvent vécus dans la solitude (TS, ivresse, etc,). C’est l’urgence dans laquelle le symptôme est d’apparence psychiatrique et la situation définie comme une crise à laquelle le soignant va devoir répondre. Ces urgences psychiatriques représentent 70% des interventions psychiatriques en urgence Nous retiendrons que l’Urgence Psychiatrique comporte : 1. un aspect d’urgence des pathologies psychiatriques, c’est l’urgence psychiatrique vraie. 2. un aspect de crise sans pathologie psychiatrique d’emblée repérable, c’est la Situation de crise LA SITUATION DE CRISE : Il ne s’agit pas encore de maladie psychiatrique diagnostiquée et évolutive : C’est une situation clinique marquée par une instabilité et une difficulté de porter un diagnostic sûr et définitif Elle répond aux critères suivants : 1. demande urgente et pressante 2. demande adressée à des personnes (soignants, etc…) ou à une structure identifiée Le symptôme dont va se plaindre le sujet est le plus souvent somatique; cette plainte va être considérée comme fonctionnelle par les médecins somaticiens et correspondre dans plus de 80% des cas à un réel problème d’urgence psychiatrique. L’expression symptomatique 1. est caractérisée par le paroxysme, l’excès, et l’explosion 2. se situe dans le champ de l’acte et non du dire 3. est bruyante et mobilisatrice pour tout le monde Ce caractère dramatique et explosif ne tolère pas une réponse différée. Des Facteurs Favorisant l’émergence de ces urgences psychiatriques. 12 URGENCE en Psychiatrie = Demande dont la Réponse ne peut être différée FACTEURS FOVORISANTS SITUATION DE CRISE URGENCE PSYCHIATRIQUE Fragilité des cellules familiales Etat Aigu Transitoire Sympt d’apparence psy Expression Intolérance à la différence Paroxysme, excès, explos° Acte >> Dire Augmentation de la violence Bruyant & mobilisatrice et précarité Explosion des liens sociaux Terrain psychologique fragile + Situation Mixte : Pure Pathologie Pathologie Psychiatrique Somatique Décompensée + Psy Mélancolie Angoisse aiguë Agitation aiguë Etat délirant TS DT REPONSE RAPIDE ET ADEQUATE de l’équipe soignante ATTENUATION DU CARACTERE AIGU DE LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE 13 IV. LES DIFFERENTS MOYENS DONT DISPOSENT L’EQUIPE SOIGNANTE POUR FAIRE FACE A CES « SITUATIONS DE CRISES » IV.1. OBJECTIFS Eviter l’affrontement direct et physique Intervenir rapidement et orienter CARACTERISTIQUES DE RESSOURCES DE LA STRUCTURE 3. Moyens et Techniques à mobiliser pour répondre aux situations de violence. Diffusés auprès des soignants et actualisés par l’institution Connus des soignants qui les appliquent 4. Formation des Soignants sur divers thèmes : 1. Reconnaissance des facteurs de risques prédictifs d’un acte violent 2. Techniques et interventions préventives qui limitent l’escalade de la violence 3. Organisation et la procédure d’appel a. Du renfort humain b. Du médecin de garde 5. L’Organisation de la structure de soin. L’équipe soignante doit faire preuve de : 1. Communication : Informer régulièrement le patient et ses proches du déroulement des soins 2. Coordination efficaces dans les actions des ses différents membres afin de permettre une intervention rapide et sécurisée 3. Evaluation des situations de violence 6. Soutien administratif et psychologique : mis à la disposition du personnel victime d’1 acte violent 14 CARACTERISTIQUES DE PROCESSUS PRISE EN COMPTE DU CONTEXTE PREVENTION DES RISQUES 1. S’informer des dispositions à prendre face à un comportement violent 2. Veiller à répondre aux besoins légitimes des patients pour prévenir les manifestations agressives des patients. EVALUATION DE LA DANGEROSITE 1. Avoir une Vision globale de la situation du patient et dépister : 1. les comportements précurseurs verbaux ou physiques du patient dans l’escalade vers un acte violent 2. les facteurs prédictifs augmentant l’occurrence d’un acte violent : abus d’alcool, de drogue ou sevrage, troubles mentaux, antécédents d’actes violents, peur ou refus de soin, douleur physique, détresse, histoire personnelle complexe 3. Recueil d’un minimum d’informations indispensables auprès des différents intervenants : Armes ? Animaux dangereux ? ATCD de passage à l’acte ? Délinquance connue ? Menaces envers de tiers ? Agression ? Différend interpersonnel précis ? Trouble mental connu ? 2. Distinguer 2 situations : a. Il y a 1 (des) comportement(s) précurseur(s) d’escalade vers 1 acte violent b. Il y a passage à l’acte 15 RISQUE DE VIOLENCE IMMINENTE : Les 5 points à ne jamais oublier Nous sommes face à une personne en souffrance Il s’agit d’agir dans l’intérêt de ce patient Tout retard à la prise en charge majore le risque de violence Ne pas mettre inutilement en danger l’équipe soignante En cas d’impossibilité d’approcher le patient, faire appel à l’équipe de renfort voire celle de sécurité de l’établissement Les 10 Lignes de Conduites à tenir : 1. Garder le calme & Contrôler ses propres émotions. L’agressivité d’un patient entraîne souvent (et naturellement) de la peur et de l'agressivité chez le soignant avec un risque accru de passage à l'acte de la part du patient. 2. Se rendre disponible et attentif : Mobiliser ses capacités d’écoute pour accéder au vécu émotif du patient. 3. Permettre au patient d’exprimer ses émotions et ses besoins. 4. Entretien & Examen Psychiatrique : 4. Permettre au patient d’exprimer ses émotions et ses besoins 5. Collecter le maximum d’informations concernant le patient et sa demande 6. Prendre le temps nécessaire pour comprendre la situation et savoir : qui est à l’origine de la demande d’aide, quel est le symptôme ou la situation d’appel, quels sont les 1ères observations de l’entourage 5. Analyser rapidement la situation : Etat clinique + Urgence ébauche de diagnostic 6. Evaluer le risque pour le patient lui-même, pour soi et son entourage proche (famille, autres patients, collègues…) 7. Elaborer un plan de soin avec l’équipe soignante, Ce plan vise à réduire l’anxiété ou l’agressivité du patient 8. La Prise de Décision Thérapeutique doit être rapide devant la dangerosité du tableau clinique (souvent hospitalisation sous contrainte). 9. Créer une Alliance thérapeutique qui permet de poursuivre le travail engagé sous d’autres formes et dans d’autres lieux 10. Orientation dans le dispositif de soins psychiatriques d’aval 16 VIOLENCES AVEREES Le contact, l’entretien, l’examen clinique ne sont pas réalisable et ne sont pas réalisés face à un passage à l’acte violent CONDITIONS PREALABLES & INTERVENTIONS Prévention 1. Application du Protocole d’intervention mis à la disposition de tous 2. Locaux adaptés Sécuriser la Situation : Les 10 Règles à Suivre 1. Ne pas rester seul : Intervenir avec l’aide nécessaire pour maîtriser la situation et limiter les conséquences physiques, psychologiques et matérielles, tant pour le patient à l’origine de l’acte violent, que pour les autres personnes présentes 2. S’assurer de la possibilité de mobiliser rapidement des renforts en cas de débordements : l’équipe soignante de renfort, agents de sécurité voire forces de police 3. Identifier les Intervenants 4. Recueillir des informations fiables 5. Isoler le patient (mais ne pas s’isoler soi-même) dans un endroit Calme Accessibles aux secours Ayant 2 issues possibles : Prévoir une situation qui peut dégénérer 6. Eloigner l’entourage & Eviter la présence de personnes perturbatrices 7. Eloigner les objets dangereux, coupants et contendants 8. Protéger le personnel et les patients 9. Solliciter le cas échéant la présence de tiers rassurants 10. Modifier si besoin le lieu d’intervention 17 PRISE EN CHARGE RELATIONNELLE 1. 2. 3. 4. 5. 6. Temps initial obligatoire de la prise en charge Amène fréquemment à solliciter le concours du psychiatre de garde Nécessite une équipe pluridisciplinaire préalablement formée Permet la plupart du temps de désamorcer l’agressivité Contribue à l’apaisement de la colère et à la restauration des capacités d’élaboration S’efforce de trouver une alternative au passage à l’acte Principes 1. Agir en binôme dans la mesure du possible 2. Identifier clairement le rôle de chacun 3. Attitude compassionnelle, calme, respectueuse 4. Une seule personne dirige les débats. Modalités 1. Respecter 4 précautions a. Patient rapidement isolé b. Regard dans les yeux évité (parfois perçu comme défi, persécution, agression) c. Se tenir entre le patient et la porte, celle-ci restant ouverte permettant sorite rapide ou arrivée des tiers d. Maintenir à distance les tiers n’intervenant pas dans la prise en charge 2. Se présenter verbalement et non verbalement comme un être non offensif 3. Se montrer patient et disponible a. Parler et rassurer le patient en crise, b. Eviter de brusquer (gestes, questions inutiles, moralisation) 4. S’entretenir avec le patient a. Recherche les facteurs de frustration, de trahison b. Rappeler le caractère médical et thérapeutique de la prise en charge c. Faire circuler les informations calmement d. Binariser l’information e. Anticiper l’information f. Tenter d’apporter des réponses adaptées g. Eviter l’escalade, la banalisation, la dramatisation 5. Anticiper le sabotage possible des rivaux 6. Rechercher si possible l’aide des proches (évite clivage et isolement) 7. Replacer les évènements dans le contexte, dans le vocabulaire du patient 8. Expliquer l’examen et les soins. a. Surveillance de la conscience, du pouls de la TA et respiration, b. Soins : glycémie capillaire, rechercher une haleine parfumée (alcool, toxique, solvants). 18 9. Ne pas tenter l’impossible 10. Ultimes Recours : Contention Chimique (sédation), voire Physique Erreurs à ne pas commettre 1. 2. 3. 4. 5. 6. Silences prolongés Contact intrusif Familiarités Menaces Critiques directes d’éventuelles idées délirantes Questions complexes A DISTANCE Participer ensuite à l’évaluation des interventions en termes d’organisation, de techniques, de moyens utilisés et de résultats, pour obtenir la sécurité TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX Principes Permet un début d’investigation clinique et paraclinique Limite la durée de la contention physique éventuelle Se limite à un nombre restreint de molécules Voie injectable IM si voie orale impossible Règle de prescription : avant toute prescription d’un traitement psychotrope : a. connaître l’anamnèse b. connaître les ATCD médicaux, chirurgicaux et psychiatriques c. notion d’allergie ou d’intolérance médicamenteuse d. un examen médical soigneux 6. La monothérapie est préférée à l’administration du plusieurs psychotropes 7. La prescription médicale d’antidépresseur, de lithium, de NAP est à proscrire dans le cadre stricte de l’urgence psychiatrique 1. 2. 3. 4. 5. Modalités pratiques Anxiété / Attaque de panique Sevrage éthylique Ivresse aiguë Accès maniaque BDA SCZ Agressivité, Agitation BZP : Valium, Lysanxia, Xanax Ou NL : Loxapac IM si échec et/ou agressivité NL : Loxapac 100 à 200 mg/J PO sinon IM NL Loxapac : 3 amp IM 19 CONTENTION PHYSIQUES Principes 1 Mise en œuvre rapide en cas d’échec de la prise en charge relationnelle ou d’agression 2 Prescription médicale immédiate ou différée 3 Décidée par un signal convenu, une parole entendue 4 Rôle de chacun, lieu et modalité préalablement définis 5 Associée à une sédation médicamenteuse 6 Dure le temps nécessaire à l’obtention d’une sédation médicamenteuse efficace 7 Répond aux exigences de traçabilité Modalités Dispositif fixé sur un lit ou un brancard 1. Laisser une alternative (quelques secondes) 2. Groupe de 5 intervenants autour du patient 3. Rapidité, fermeté, discrétion 4. Lit préparé (ceinture ventrale + membres) 5. Signal convenu 6. Rôle de chacun défini (chacun des 4 intervenants saisit un membre, le 5ème la tête 7. Maintien du contact rapproché SURVEILLANCE & ORIENTATION DU PATIENT Principes 1. Mise à l’écart au calme 2. Surveillance rapprochée (constantes vitales++) 3. Respect de l’intégrité physique et morale Modalités 1. Maintien dans le service dans la mesure du possible 2. Réanimation si atteinte des fonctions vitales 3. Admission directe en secteur psychiatrique uniquement Rôle du psychiatre 1. Implication précoce dans la prise en charge en collaboration avec l’équipe soignante 2. Intervention dès le retour de la conscience vigile et d’un minimum de coopération EXPLORATIONS A FAIRE EN URGENCE Glycémie capillaire & SaO2 sont systématiques Et plus en fonction de l’anamnèse et de l’examen clinique 20 ASPECTS MEDICO-LEGAUX Confidentalité / consentement 1. Recherchés dans la mesure du possible 2. Au second plan lorsque les circonstances l’exigent (priorité aux soins si péril imminent) Responsabilité 1. Risque de poursuites pénales à l’encontre du médecin si erreur diagnostique 2. Plainte possible à l’encontre du patient en cas de trouble physique ou neuropsychique 3. Irresponsabilité pénale du patient en cas de troubles psychiques ou neuropsychiques altérant le discernement et/ou le contrôle de ses act Signalement 1. Aux autorités judiciaires : possible si non respect d’une obligation thérapeutique 2. Indispensable si mise en péril de la vie d’autrui (menaces d’homicide, conduite alcoolisée CARACTERISTIQUES DE RESULTATS 1. Rapports soignants / soigné courtois et valorisants. 2. Contexte de soins non stressant tant pour le patient que pour les membres de l’équipe soignante 3. Le soignant a repéré les Facteurs de Risque clinique et tous signes d’agressivité. 4. Prise en compte de tous signes d’agressivité + mises en œuvre rapide d’actions 5. Le soignant sait comment se comporter face au patient présentant un comportement violent 6. Un dénombrement et une analyse des situations violentes sont réalisés 7. Des améliorations sont apportées au processus de gestion de ces situations. 21 PREVENTION DESAMORCAGE PATIENT VIOLENT ANALYSE DE LA SITUATION + EVALUATION DU RISQUE REPONSE ADAPTEE NON ADAPTEE APAISEMENT MAJORATION VIOLENCE CONTENTION PHYSIQUE ET CHIMIQUE 22 ORIENTATION Situation de Crise Prévenir, gérer, accompagner, reprendre " Quand Léon vient me serrer la main aujourd'hui, c'est sereinement que je réponds à son salut. Sans arrière pensée et cependant ... Jeune homme d'une vingtaine d'années, Léon a suivi une scolarité quasi normale à part le redoublement du Cours Préparatoire, et quelques troubles d'élocutions qui entraîneront quatre ans de suivi en orthophonie. Il décompense l'année de son bac professionnel, ce qui entraîne une première hospitalisation pour repli, inhibition et délire mystique. Un traitement par neuroleptique retard est instauré, doublé d'une prise en charge au Centre MédicoPsychologique à sa sortie. La deuxième hospitalisation pour troubles du comportement permet un réajustement du neuroleptique. Il sort avec un projet de stage à une centaine de kilomètres de chez lui. Il continue de voir son psychiatre qui le trouve plutôt bien. L'injection retard est arrêtée à sa demande depuis quelques mois lorsqu'il est transféré en Hospitalisation sur demande d'un Tiers, depuis Grenoble. C'est à ce moment-là que je fais sa connaissance. Physiquement, Léon n'est pas très grand, il est plutôt mince. A Grenoble, il errait et divaguait sur la voie publique, ne s'alimentait pas. Halluciné, il faisait des prières les mains peintes en rouge. Le diagnostic de schizophrénie hébéphréno-catatonique a été posé. Dans le service, il reste en pyjama. Il faut le protéger De ses hallucinations, des fugues. Mais peu importe le vêtement, rien ne l'empêche de se retrouver dans la piscine en ville pour tenter de s'y noyer ! Sauf un bassin vide. La course pour aller se jeter sous le train est arrêté par des soignants Ils sont présents encore quand il se saisit d'une paire de ciseaux pour la retourner contre lui. Au début de son séjour, il restait de longs moments prostré dans sa chambre. Son regard inquiétant nous indiquait qu'il était sous l'emprise du délire. Tout son corps tendu traduisait l'angoisse qui l'envahissait. Léon parlait peu, jetant des regards inquiets alentours Plus tard, il expliquera comment il contaminait les autres par la parole, sauf ceux qui étaient vaccinés, comme nous les soignants. Il exprime son délire par bribes. De façon peu précise parfois. Il ne se souvient pas, il cherche. J'ai moi-même eu du mal avec mes souvenirs. J'ai recherché la synthèse de l'hospitalisation sur les éléments de son délire. Idées de persécution, plaintes hypochondriaques, craintes de morcellement, empoisonnement ... J'avais oublié de nombreux points importants Je cherchais des notes où Léon s'exprimait sur la fin du monde. Il disait que tout le monde y passerait. L'annonce lui avait été faite par des statues immenses et effrayantes. Elles le menaçaient, brillaient, rayonnaient et l'éblouissaient. C'est tout ce qui me reste en mémoire Ce ne sont que quelques mots peut-être sans intérêt dans l'histoire de Léon mais ils sont très important pour moi. C'est peut-être à cause de ces statues qu'il m'a agressée. Un jour à midi, il prenait son repas à sa table. Il était le dernier. J'avais commencé à manger à mon tour en compagnie de deux stagiaires. Tout était calme. Nous échangions. Je pouvais voir Léon en face de moi, à quelques mètres de notre table. Soudain, il se lève, le bras en l'air armé de sa fourchette, hurlant : "Je vais te crever " - Je ne bouge pas dans un premier temps. "Qu'est-ce qui vous arrive ? " Il continue à avancer droit sur moi d'un pas rapide. Je peux apercevoir ses yeux exorbités. Son regard semble être sous l'emprise d'une hallucination. Ce n'est pas mon image qu'il voit. 23 Il ne doit pas entendre ma voix non plus. Il ne répond pas à ma question et répète : "Je vais te crever " Il est tout près, danger. Je me lève de la chaise à mon tour. Ca va très vite ensuite. Les stagiaires se sont éloignées d'environ deux mètres. Je recule devant lui. Je continue à parler. En vain, mes paroles n'arrivent pas à l'interpeller. J'ai déjà fait un tour de table. J'ai peur. Je fuis. J'évite, je mets de la distance entre cette arme improvisée et moi-même. Je me sens alors fragile, vulnérable et terriblement seul face à ce sentiment de peur qui me submerge. Je continue à parler dans le but de rétablir un contact. Qu'en est-il du soin à ce moment précis ? Je fuis mais je suis toujours autour de cette table pour un deuxième tour. Peut-être le temps de la réflexion nécessaire pour analyser la situation il faut le contenir physiquement puisque la parole ne suffit pas. Quelques secondes qui m'ont paru interminablement longues. Je demande de l'aide aux filles qui nous regardent, impuissantes. "Comment faut-il faire " Rapidement le contact physique s'établit : tenter de lui immobiliser les bras pour lui faire lâcher prise de la fourchette tandis qu'il porte des coups dans le vide et dans notre direction, le déséquilibrer et le mettre à terre allongé pour le contenir malgré son agitation psychomotrice, pas facile. Toutes nos actions sont simultanées pas très précises, ni coordonnées mais à trois nous y parvenons. Léon continue ses menaces verbales. L'agitation cède puis reprend. Je suis moi-même allongé sur lui, à terre, épuisée par la lutte mais je le contiens encore jusqu'à l'arrivée de deux collègues qui prennent le relais et relèvent Léon pour l'accompagner à sa chambre. L'agitation est terminée. Je me lève moi aussi pour retourner à table. Je me sens vidé, remué émotionnellement. De nombreuses questions parviennent à mon esprit sur le moment. Comprendre pourquoi, comment. Je n'étais plus en mesure d'y répondre. Quelle erreur avais-je commise ? La psychologue de l'unité est venue nous rejoindre à ce moment-là. Debriefing bienfaisant J'ai pu raconter l'épisode délirant, mettre des mots, préciser ma place à table. Il y avait du soleil. Une hypothèse a été énoncée concernant les statues brillantes. Il se peut que Léon m'ait pris pour l'une d'entre elles dans le contexte. Plutôt rassurante l'interprétation m'a permis de continuer les soins avec Léon. Elle m'ôtait un poids non négligeable celui de la culpabilité que je ressentais et me permettait enfin d'envisager la relation future avec moins d'appréhension. J'ai pensé un bref moment que j'avais été violent en pratiquant la contention à même le carrelage au milieu de la salle à manger. Non C'était du soin. Une relation de confiance s'établissait ou se vérifiait par ce contact. Comment me remettre en relation avec Léon L'aide apportée par mes collègues qui ont repris le passage à l'acte le jour même dans un premier temps, puis le lendemain en ma présence, a facilité la reprise de la relation. Echanges de paroles, la relation de soin semblait toujours présente. Aujourd'hui, je pense que cette tentative d'agression dirigée contre ma personne est bien minime par rapport à la violence que subissait quotidiennement Léon. J'avais pu me rendre compte en première ligne de l'angoisse massive qui s'exprimait dans ses yeux, sur son visage lors de l'explosion du délire. Quelle souffrance, quelle violence pour lui Quel combat pour ne pas mourir il devait mettre en actes par moments alors que parfois des impulsions le poussaient vers la recherche de la mort plutôt que d'affronter le délire ou la réalité dont il le protégeait. Aujourd'hui, Léon est stabilisé. Sorti de l'unité depuis longtemps, il est en voie de réinsertion et je le croise parfois quand il va prendre ses repas au restaurant Emmeraude, nous nous serrons la main, nous gardons le contact. " 24