PHI 6545 – Éthique et politique - Centre de recherche en éthique

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PHI 6545
Éthique et politique
Ryoa Chung
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Jugements sur l’économie et philosophie morale
Amartya Sen
Xavier Landes
22 février 2005
Paradigme économique dominant : comportement purement intéressé de l’agent
Discussion de l’économie du bien-être (BE) pouvant être définie comme « une approche libérale
(régulation par le marché) qui cherche à réaliser un optimum social et qui admet un certain degré
d’intervention de l’État pour corriger les dysfonctionnements du marché (…) »1
Deux propositions classiques de l’économie du bien-être : comportement individuel intéressé et
jugement sur l’état social donné en fonction de l’utilité
Critère ultime : l’optimum de Pareto (OP)
Thème général : césure entre l’éthique et l’économie imputable au critère utilitariste
d’optimisation symbolisé par l’OP
 But de Sen : se débarrasser de l’héritage utilitariste et ré-éthiciser l’économie
I – OP et économie
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A – OP
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Quelques définitions :
 Utilité (U) : satisfaction subjective retirée de la consommation d’un bien (≈valeur d’usage)
 Utilitarisme : doctrine stipulant que le but de l’économie est de maximiser l’utilité pour
chaque agent ou pour la société dans son ensemble
 Optimum de Pareto (OP) : situation d’équilibre dans laquelle on ne peut augmenter l’utilité
d’un individu sans abaisser celle d’un autre
Économie moderne : « histoire du rétrécissement de l’économie du BE » (p.33)
Comportement intéressé + OP = sanctification du principe d’efficacité
« Théorème fondamental de l’économie du BE » repose sur une mise en relation de l’OP et de
l’équilibre de marché en concurrence pure et parfaite
 distorsions dans la fixation des buts sociaux (1) et dans la compréhension de l’individu (2)
OP utile pour la compréhension des phénomènes économiques
 mais peu éclairant lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques publiques du fait de problèmes
d’information
Difficultés émergent lorsque celui-ci se mue en but ultime d’une société
 thématique de la redistribution des revenus sous l’angle de la notion d’avantage
 si l’avantage ne peut être traduit sous forme d’utilité alors l’OP perd de sa pertinence
B – Critique de l’utilitarisme
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Notoriété de l’OP a directement dépendu du statut de l’utilitarisme dans l’économie traditionnelle
du BE
OP = seul critère utilitariste qui perdure = motif pour lequel Sen ne cesse de s’y attaquer
 Sen s’en prend à la fois au processus de maximisation comme fin de la société mais
également à l’utilitarisme comme théorie éthique (cf. typologie p.37)
Attitude de Sen demeure ambiguë à l’égard de la théorie du BE
II – Action et éthique
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Basculement argumentatif annoncé par deux remarques :
 Réussite d’une personne ≠ niveau d’utilité (U) de cette personne et de son degré BE
 U = mauvais critère d’évaluation du BE
Alain Beitone, Christine Dollo, Jean-Pierre Guidoni, Alain Legardez, Dictionnaire des sciences économiques, Paris,
Armand Colin, 1991, 1995, p.114.
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A – Dichotomie Action/BE
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Dualité irréductible entre Action et BE du point de vue éthique
 « Cette dichotomie disparaît dans un modèle où la motivation se fonde exclusivement sur
l’intérêt personnel, où l’action de la personne doit être entièrement consacrée à son propre
BE. » (p.40)
Action : ce qui donne de la valeur (au sens large) => question de l’objectivité de cette valeur
BE fait face à un important problème tenant à la difficulté de l’évaluer
 « le BE n’est pas la seule valeur » (p.45) surtout assimilé à l’U
 « l’U ne représente pas correctement le BE » (Ibid.)
B – Amorce du débat entre conséquentialisme et conception déontologique
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Typologie p.37 : le conséquentialisme est directement visé
 Si les conséquences des politiques publiques sont difficiles à évaluer ou les comportements
individuels à expliquer, notamment quant aux gains ou pertes d’U ou de BE, il reste à savoir
de quelles manières comprendre la réussite d’un individu et concevoir les moyens adéquats
pour la favoriser.
 Égalité est présente derrière nombre d’arguments de Sen
 Objectif qu’il s’assigne : « savoir si la meilleure façon de décrire l’avantage dont jouit une
personne est de considérer ce qu’elle fait » (p.45)
 Inégalité comme surcroît de capacité d’action, de liberté
 Liberté se mue en moyen de réintroduire des considérations éthiques dans l’économie
 Surtout que les droits et libertés n’ont figuré qu’au rang de moyens en vue d’une finalité « plus
haute » dans les discours utilitaristes
 « Cette tradition particulière s’est transmise à la phase postutilitariste de l’économie du BE,
centrée sur l’efficacité » (p.47)
 Théoriciens des droits et libertés se sont opposés à la dérive « mécaniste » de l’économie
utilitariste dans son entreprise de faire de l’U, de l’efficacité ou du BE l’horizon de la vie en société
 Cependant « le caractère inadéquat du comportement intéressé peut aussi s’avérer grave
dans les théories morales qui mettent l’accent sur les droits et libertés » (p.53)
 Exemple de Nozick
 En fait, pour Sen, si la théorie des droits et libertés (liberté négative) est insuffisante pour
rendre compte du comportement des agents ainsi que de leurs raisons d’agir, cela signifie
alors que l’approche déontologique pure est incapable de dépasser la marginalisation de
l’éthique
 La notion de liberté positive serait plus apte à contribuer à réconcilier éthique et économie (citation
pp.53-54)
 Est-ce le manque d’effectivité quant à l’égalité que Sen reproche aux théories des droits et
libertés?
 Difficile à comprendre dans le contexte du libéralisme politique depuis une trentaine d’années
 Plus fondamentalement, Sen semble suggérer qu’en se dégageant de l’éthique/morale, l’économie
se serait limitée à la plus simple efficacité comptable et aurait imposé sa compréhension de
l’homme
Hormis l’amorce d’une réflexion sur et d’une défense de la capacité réelle des individus à mener leur
vie comme bon leur semble, c’est-à-dire en posant des actes qui parfois ne possèdent de valeur que
transmise par leur propre volonté, il est souvent difficile d’apercevoir clairement jusqu’à quelles
conclusions pratiques pourraient mener l’argumentation de Sen.
Il subsiste un aspect peu clair dans sa pensée, une dimension téléologique rémanente dans ses
réflexions. La mobilisation d’une compréhension positive de la liberté couplée à la référence à la
place qu’occupait dans des sociétés marquées par l’hétéronomie morale l’éthique ne va pas sans
provoquer un léger trouble. En particulier, l’articulation de ce versant « moral » avec l’insistance de
Sen sur les capacités individuelles ne paraît guère évidente.
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