Éthique du logement - CSSS-IUGS

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Éthique du logement en
contexte de soins
Semaine de la recherche sociale
26 mars 2010
Jacques Quintin, professeur
Université de Sherbrooke
Introduction
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Exercice de clarification de l’éthique
Niveau personnel: décider pour soi
Niveau interpersonnel: décider pour autrui
Niveau institutionnel: décider pour tous
Conclusion: changement de langage
Introduction
• La question de l’habitation: vieille question
• Une réalité ontologique et une
construction sociale
• Milieu existentiel
• Milieu d’épanouissement (bien-être)
• Milieu de résistance (liberté)
Penser la complexité
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Un bien économique
Un lieu de vie
Un droit humain (sécurité, santé)
Une réalité sociale (effet sur la
communauté)
Logement et soins de santé
• La restructuration des services de santé
• Un virage du lieu de prestation des soins
• De l’hôpital et autres lieux institutionnels
vers le domicile
• Phénomène récent (après-guerre)
Éthique
• Ethos (εθος): habitudes, usages, mœurs
– Cicéron: « mœurs » mores = morale
• Èthos (ηθος): mœurs, manières d’être, lieu
d’hébergement, domicile
Éthique (suite)
• Comment j’habite mon monde, mon
environnement, ma relation avec autrui
• Ce n’est pas une théorie
• Qui dit quoi penser (morale)
• Ce n’est pas un savoir-pratique
• Qui dit quoi faire (déontologie)
• C’est une délibération ou une réflexion
• Sur la meilleure manière d’habiter le monde
• Sur la meilleure manière d’être
• Sur nos moeurs
Délibération
• Mûrir longuement une réflexion
• En vue de concevoir autrement
• Mûrir longuement une décision
• En vue d’une action
• Mettre en liberté (libérer): délivrance
• Délivrer (liber) quelqu’un d’une obligation
• Distance critique
• Devant la morale, le droit, la déontologie
Niveau personnel: décider pour soi
• Le logement comme sens
• Le critère du choix: le sens et non
l’efficacité (le bien-être)
• On n’habite pas un logement seulement
pour préserver notre bien-être
• On habite aussi pour des raisons
symboliques (sens)
Niveau personnel (suite)
• Aménager un logement
– C’est organiser sa vie
– C’est construire son identité
– Ce n’est pas seulement un lieu physique
– C’est une partie de nous-mêmes
Niveau personnel (suite)
• « Le domicile, ce n’est pas seulement un
endroit où l’on vit, mais c’est un concept
étroitement relié au sens de l’identité
personnelle, de la sécurité et de l’intimité »
(Preto & Mitchell, 2004)
• Exemple d’une patiente
Niveau personnel (suite)
Le logement: pas une fin en soi
Un moyen pour parvenir à une « vie
meilleure » (Aristote)
Une opportunité, une chance pour
s’accomplir comme être humain (Sen)
Avoir un logement implique que le locataire
s’engage dans des actions en faisant des
choix
C’est le début de la liberté et de la créativité
Niveau personnel (suite)
• Le sujet ne se guide pas selon des raisons
strictement instrumentales, mais selon des
valeurs (Weber, Boudon, Sen)
• L’efficacité n’est pas le seul critère de
choix (Sen)
• Les individus agissent souvent contre leur
propre intérêt (Sen)
• Ils pensent contre eux-mêmes et agissent
de manière désintéressée (Kant)
Niveau interrelationnel (décider
pour autrui)
• La présence des soignants à domicile:
répercussions multiple
• Le problème:
• de la confidentialité
• personnes qui participent aux décisions
• de l’exposition des soignants à des risques
compromettant leur sécurité
• de la médicalisation de la vie privée
• de l’envahissement du thérapeutique dans la vie
privée (entraînant une confusion entre la sphère privée et la sphère
thérapeutique)
Niveau interrelationnel (suite)
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Éthique: vise la vie bonne
La question du vivable et du raisonnable
Pas une question pro/contra
La question d’un agir responsable
• exemple: la consommation d’alcool
• Le raisonnable et le vivable: objet de
délibération, de discussion et d’un
dialogue
• Du « bien-être » à la « liberté »
Niveau interrelationnel (suite)
• Délibérer: le pouvoir de dire « non »
• La liberté commence par un « non »
• Non à quoi?
– L’interdit de penser.
• Exemple d’un patient
Niveau social et institutionnel:
décider pour tous
• Délibérer, c’est parler (de logement)
• Les mots utilisés ne sont pas toujours les
bon mots
• Trop souvent, on utilise des mots qui nous
enferment dans des problématiques que
nous avons nous-mêmes créées.
• Le libéralisme
Deux paradigmes
• L’utilitarisme
• Le déontologique
L’utilitarisme
• Se fonde sur le postulat que la motivation
de l’action repose sur les intérêts et qu’elle
a pour but de maximiser les gains
• Présuppose un acteur libre, conscient,
intentionné et calculateur dans l’analyse et
la défense de ses intérêts
• Suppose que l’acteur fait un choix éclairé
et que, librement et intentionnellement, il
agit en fonction de ses intérêts
L’utilitarisme (suite)
• La question: quelles sont les meilleurs
stratégies pour parvenir à atteindre mes
objectifs?
• Tout ce que l’être humain fait devient le
résultat d’un calcul
• Exit le don et la gratuité
• Le don et la gratuité ne sont pas des
caractéristiques d’une personne
rationnelle
L’utilitarisme (suite)
• Un même jeu de langage
• L’acteur social est celui qui défend ses intérêts:
proprio et locataires
• Deux groupes d’acteurs qui s’affrontent
sur le même terrain avec des intérêts
différents: la guerre (Hobbes)
L’utilitarisme (suite)
• Libéralisme
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Idée de compétition
Logement (problème individualiste)
Au mérite
Compensation avec la charité
• Nouveau paradigme
• Coopération
• Problème collectif
Le déontologisme
• Fondation des choix selon différents principes
(abstraits et universels)
• L’autonomie, la bienfaisance, la non malfaisance, la justice
• Critique du déontologisme
• Qu’est-ce qui est important?
– Les principes abstraits ou la personne devant moi?
• L’acteur moral répond à la vulnérabilité d’autrui
(Bauman, Levinas) et non à des principes ou à
des lois
Option: changer le langage
• Proposer un nouveau langage (Rorty)
• Deux types de délibération:
– Un débat de confrontation
– Débat: défense de ses intérêts
– Il y a un vainqueur et les autres, les perdants
– Le jeu de la compétition des intérêts et des
opinions
Suite
• Un débat pragmatique
– Il ne s’agit pas d’être pour ou contre
– Mais de savoir comment agir de manière
responsable
– Il s’agit d’être créatif en créant des
opportunités (Sen)
– Plus d’opportunités pour plus de créativités
– Plus de créativités pour plus d’opportunités
La démocratie
• Opportunité de créativité sociale
• Créativité collective où tous les individus
ont la possibilité de participer à la création
d’une meilleure société
• On n’agit pas de manière éthique pour ne
pas faire des erreurs ou pour agir de
manière défensive, mais pour créer des
choses plus humaines
Imagination
• Délibérer, c’est imaginer une monde dans
lequel il fait bon de vivre
• Éthique du logement passe par une
éthique de l’imagination
• L’imagination fait voir d’autres réalités,
d’autres possibilités de vie
Ouvrir l’avenir
• « Nous devons très sérieusement refuser
la possibilité qu’offre la vie humaine de
vivre sans avenir. Notre lot est de sans
cesse devoir maintenir ouvert l’avenir et
d’ouvrir de nouvelles possibilités »
(Gadamer)
Proposition
• Avant même d’habiter un logement, on
habite le langage
• Avant d’habiter un lieu physique, on habite
un espace imaginaire, un espace de
parole
• Sortir d’un modèle centré sur l’acteur pour
favoriser une perspective relationnelle et
un modèle d’auteur.
Suite
• Agir sur les structures sociales (règles,
systèmes) qui s’imposent à l’individu et qui
l’enferment dans des pratiques mortifères
• Une vraie éthique est une éthique de la
proximité (de la relation)
• Le défi: encourager la création d’espace de
proximité en termes de responsabilités
communes
• Le logement: pas un problème strictement
individuel, mais aussi collectif.
Conclusion
• Éthique du logement: créer un lieu dans
lequel il devient possible d’agir avec liberté
• Créer un espace humanisant
• Un espace de parole dans lequel nous
prenons une position d’auteur (de sujet)
Conclusion (suite)
• Sortir du libéralisme où le logement et la
sécurité du revenu sont une conquête à
l’intérieur d’une logique marchande
• Introduire les notions de gratuité, c-à-d
agir selon des valeurs qui n’apportent rien
au bien-être
Conclusion (suite)
• « Pour construire un monde différent, il est
encore plus nécessaire de narrer un autre
monde, élaborer et croire à une narration
de la société différente de celle qui est
racontée… Une définition différente est
fondamentale, car elle modifie la définition
et la perception du champ du possible et
de l’impossible défini par la narration
dominante » (Petrella)
Conclusion (suite)
• Parler d’habitation c’est parler d’un lieu qui
se fonde sur un non-lieu (u-topie), sur le
rêve qui désigne aussi un lieu idéal qui
permet de penser notre devenir (Petrella)
• Le possible ne doit pas être décidé par les
dominants, les experts, les savants, les
gestionnaires-technocrates
Conclusion (suite)
• « Il est temps de soutenir l’expression des
rêves qui projettent des visions et des
stratégies du devenir fondées sur l’amitié,
la solidarité et la justice, et donc sur la
coopération et l’égalité » (Petrella)
Conclusion (suite)
• Trois devoirs:
– Il faut sortir d’une rationalité instrumentale, la
rationalité qui sert à évaluer les moyens de parvenir à
une fin donnée, qui se traduit par l’efficacité maximale
– Il faut sortir d’une logique de la violence fondée sur la
rivalité, l’exclusion, l’élimination des concurrents et la
marginalisation des perdants
– Il faut reposer le sens d’une société: le sens du vivre
ensemble, le sens de la communauté humaine, le
sens du bien commun
In fine
• Avec la possibilité de dire non à ce qui
existe, et de proposer une multitude de
nouvelles possibilités de vie « La
discussion publique… est le moyen de
favoriser l’émergence de valeurs
communes et d’engagements » (Sen) en
autant que nous puissions créer de
nouveaux jeu de langage qui nous
permettraient de mieux penser notre
humanité
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