Dans quelle mesure l’évolution de la demande explique-t-elle l’évolution de l’investissement ?
Repartira ou repartira pas ? L’investissement, depuis la fin des années 70 n’arrête pas de faire de faux départs. L’investissement immatériel et
l’investissement direct à l’étranger prennent une place croissante dans l’économie mais l’investissement matériel (flux qui permet de renouveler ou
d’accroître le stock de capital technique) reste le plus important. Il est vrai que la décision d’investir pour une entreprise est irréversible et que les
entrepreneurs aiment les risques calculés. Ainsi, la demande globale (biens de consommation de la part des ménages, bien de production des
entreprises et exportations, donc intérieure et extérieure), forte et durable des Trente Glorieuses était une garantie. Mais, l’est-elle encore
aujourd’hui ? Ne faut-il pas relativiser son rôle ?
Nous montrerons que, même si l’évolution de la demande reste un élément important expliquant l’évolution de l’investissement, elle n’est pas
suffisante, la décision d’investir étant influencée par de nombreux facteurs.
I/ l’évolution de la demande joue un rôle essentiel dans l’évolution de l’investissement.
A) La demande effective (vision keynésienne)
1. au niveau micro économique (doc 1)
La rentabilité future des investissements est liée à la demande anticipée en biens de consommation et en bien d’équipement. Les débouchés jouent
un rôle essentiel : si le chef d’entreprise sait qu’il pourra sans problème écouler la production supplémentaire qui résulte de son achat de capital fixe,
il prendra la décision d’investir.
2. au niveau macro : cercle vertueux de l’augmentation de la demande (doc 5)
- Pour répondre à une hausse de la demande, les entreprises investissent ; elles augmentent donc la demande par leurs commandes aux entreprises
de biens d’équipement, celle-ci générant une distribution de revenus qui viennent en grande partie nourrir la consommation donc favoriser
l’accroissement de la demande.
- Des années 30 aux années 60, c’était la demande intérieure qui était le facteur principal et cette demande, en grande partie, se confondait avec la
consommation des ménages. Avec l’ouverture croissante des économies, depuis 30 ans, la demande extérieure, quelque soit sa nature est devenue
fondamentale et influence l’activité des entreprises et donc leurs investissements.
B) L’accélérateur vérifie empiriquement le rôle de l’évolution de la demande.
1. principe :
A chaque période (ou presque) de l’augmentation de la demande, l’investissement s’accroît et de façon plus que proportionnelle. A l’inverse, quand la
consommation voit sa croissance se ralentir, l’investissement diminue encore plus : face à des débouchée de plus en plus étroits, les entreprises
vont alors adapter leur capacités de production.
2. dans les faits (doc 3)
En France, entre 1985 et 1990, le fort accroissement de la demande globale s’est accompagné d’une accélération de l’investissement des
entreprises (+ 8,2% par an en moyenne) et inversement, le ralentissement économique entre 1990 et 1994 explique la variations négative de
l’investissement. Sous le gouvernement Jospin (97- 2000), l’économie française a bénéficié d’une amélioration de la conjoncture internationale, ce
qui a favorisé la reprise de l’investissement.
Ainsi, quand les perspectives d’avenir sont optimistes, le pari de l’investissement productif est plus facilement assumé par les entreprises.
II/ Mais elle n’explique pas à elle seule l’évolution de l’investissement.
A) Il faut que certaines conditions soient remplies pour qu’une hausse de la demande entraîne une hausse de
l’investissement (sinon, même si demande augmente, l’investissement n’augmentera pas)
1. volume de la demande et capacités de production
il faut que la hausse de la demande soit soutenue et durable. Pour investir, il faut que les perspectives de profits (fonction également du partage de la
valeur ajoutée entre EBE et salaires) soient durables et suffisamment élevés. (doc 2 et 6). De plus, si l’entreprise sort d’une période caractérisée par
une évolution faible (voire négative) de la croissance, son taux d’utilisation des équipements sera alors nettement inférieur à 100% ; en cas de reprise
économique, au lieu d’investir, l’entreprise utilisera déjà en priorité toute sa capacité de production.
2. La situation financière des entreprises :
Une hausse de la demande ne suffit pas si une entreprise n’a pas les moyens financiers d’investir dans de bonnes conditions (cad qui ne menacent
pas son existence future)
- si l’entreprise a les capacités d’autofinancer son investissement, la décision d’investir sera plus facile à prendre ; la forte baisse du taux de marge
des entreprises françaises entre 1973 et 1985 s’est traduite par une nette diminution du taux d’investissement, d’autant plus que, sur cette période,
les taux d’intérêt réels avaient fortement augmenté, ne facilitant pas un financement de l’investissement par l’emprunt (effet de levier négatif)
- si l’entreprise est endettée, la priorité sera donnée au désendettement plutôt qu’à l’investissement (cas au début des années 90), d’autant plus si les
taux d’intérêt réels sont élevés, incitant alors les entreprises à des placements financiers (profits plus rapides et moins risqués que par
l’investissement).
B) Même si la demande se ralentit, il peut y avoir quand même investissement car certains investissements ne sont
pas liés aux variations de la demande.
1. au niveau national,
- Les investissements de productivité répondent à un objectif de compression des coûts :si le coût du travail augmente par rapport à celui du capital,
la tentation est grande de substituer du capital au travail pour diminuer les coûts de production. (doc 1)
- Les investissements immatériels ne sont pas liés directement à l’évolution de la demande mais davantage au progrès technique et à la nécessité de
gagner des marchés dans un contexte de concurrence accrue (part de l’investissement matériel dans l’investissement total diminue tandis que celle
de l’investissement immatériel augmente) (doc 2 et 4)
- Les investissements publics réalisés par les administrations répondent à d’autres motivations aussi bien économiques, sociales que politiques (doc
2) 2. développement des IDE
L’augmentation de la concurrence du fait de la mondialisation incite les entreprises à réorganiser la production dans le cadre de cette mondialisation
pour réduire les coûts de production (main d’œuvre ou matières premières meilleur marché, économies d’échelle). => le développement des IDE
n’est pas déterminé par celui de la demande mais vise à l’encourager.
Incontestablement et dans une large mesure, l’évolution de l’investissement dépend de la demande anticipée. Mais il faut aussi que
certaines conditions soient réunies comme par exemple l’absence de capacités de production inutilisées. Dans la pratique, on voit souvent coexister
une demande soutenue sans reprise de l’investissement et à l’inverse une poussée de l’investissement avec une croissance molle. L’investissement
dépend donc d’une multitude de facteurs et pas seulement de la demande.