
Première L - Lecture analytique des PASSANTES d’Antoine POL 
 
 
PREMIER AXE : L’ELOGE DES FEMMES INSAISISSABLES 
 
Le  registre  du  texte  est  un  registre  épidictique :  il  montre  par  l’emploi  du  seul 
verbe « dédier » (vers 1) que ce poème est un éloge des femmes, mais un certain type de 
femme,  la  femme  mystérieuse,  insaisissable.  L’utilisation  du  pluriel  dès  le  premier  sizain, 
accentué  par  l’adverbe  « toutes »,  insiste  sur  la  volonté  de  généraliser.  Cette 
généralisation permet au poète de décliner les situations de rencontre manquée. L’éloge se 
poursuit pendant quatre strophes sur une structure identique : la répétition de « à 
celle(s) »  fait  de  cet  ensemble  une  seule  phrase.  Les  trois  derniers  sizains  intensifie  la 
leçon de la  rencontre manquée et se  focalise davantage sur  les sentiments masculins que 
nous analyserons plus tard. Pour percer le mystère de ces femmes fascinantes, Antoine Pol 
en  créé  des visions  éphémères  et  les  place  dans  des  situations  qui  génère  une 
distance :  
- dans la strophe 2, le symbole de la distance est la fenêtre qui permet d’élaborer une 
image  lointaine,  une  coupure  avec  un  autre  espace :  il  faut  imaginer  un  homme 
frappé  par  une  image  vite  disparue  (l’opposition  « apparaître »  / 
« s’évanouit »). La notion de « silhouette » renforce l’incapacité à approfondir cette 
vision, d’autant que ce terme rime avec « fluette » (un corps fragile). La fenêtre est 
un espace d’intimité observée. 
- dans  la  strophe  3,  le  symbole  de  la  distance  est  le  voyage,  circonstance 
emblématique  de  l’expérience  du  passage.  Une  communauté  de  voyageurs  est  par 
définition  une  communauté  de  hasard.  L’opposition  « compagne » / 
« descendre »  évoque  la  distance  de  deux  destins.  L’homme  ne  peut  retenir  la 
femme qui suit son « chemin ». Le véhicule du voyage (notons que Pol reste évasif 
pour alimenter le rêve du lecteur : s’agit-il d’un train, d’un bus ?) est un espace clos 
utilitaire et passager. 
- dans  la  strophe  4,  le  symbole  de  la  distance  est  le  mariage :  « un  être  trop 
différent » enferme la femme dans un lien subi. L’opposition est frappante entre 
« heures grises » (ce qu’elle subit) et « folie » (ce qui  la rend heureuse pour 
un instant). L’espace de la mal mariée est un espace fermé au bonheur. 
 
Ces  trois  strophes  racontent  de  petites  histoires  quotidiennes  et 
fonctionnent  comme  un  approfondissement  de  l’échec :  dans  la  strophe  2,  la 
femme est juste aperçue (« une seconde à la fenêtre), dans la strophe 3, la femme est 
une compagne avec qui on parle (« « qu’on est seul peut-être à comprendre »), dans 
la strophe 3,  la femme s’est trompée de destin en épousant un homme qui  ne la  rend 
pas  heureuse  et  elle  livre  ce  destin  malheureux (« la  mélancolie  d’un  avenir 
désespérant »). Ces trois situations offre une gradation ascendante de la  perte du 
bonheur. Notons que ces femmes sont souvent perçues par un élément symbolique de 
leur être, d’où les synecdoques du vers 10 (silhouette) et du vers 14 (yeux). 
 
Dans les strophes 5, 6 et 7, Antoine Pol utilise un champ lexical de la distance propre 
à rétrécir la portée de ces moments de rencontre. C’est l’aspect furtif qu’il veut mettre 
en valeur (« épisodes », « bonheurs entrevus », « fantômes »). 
Ce qui  frappe le lecteur, bien sûr, reste le pouvoir magique de  capter l’attention et 
l’amour des hommes. Elles sont insaisissables, à cause de cette distance, mais elles 
sont  saisissables  par  leurs  atouts (« gracieuse »  au  vers  11,  « la  métaphore  du 
« charmant  paysage »  au  vers  14)  et  par  une  promesse  d’amour  fantasmatique 
(cœurs, baisers, lèvres).