COLLOQUE INTERNATIONAL IRD agad

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COLLOQUE INTERNATIONAL IRD
AGADIR 12 – 16 Décembre 2005.
« L’eau comme révélateur de la crise multiforme en Algérie : aspects économiques et
impacts sociaux »
Nadji KHAOUA
LAREE/FSEG
Université d’Annaba
[email protected]
1
“L’eau a toujours hanté l’esprit des hommes. Des différents
symboles qu’elle suggère, le plus perceptible est celui du
mouvement et de la vie : les sources, les eaux courantes,
les vagues sont déjà des objets offerts à une vision
animiste du monde. La réalité dépasse de beaucoup cette
évocation. Si, depuis leur apparition dans les océans
primitifs, les êtres vivants participent plus ou moins au
« cycle de l’eau », c’est que, réciproquement, cette
substance conditionne leur existence : elle est le
constituant principal de leur organisme et de leur
nourriture. »
In :
Encyclopédia-Universalis (2004) – Paris – CD-ROM – Version 9.
Ce travail n’aurait pu voir le jour, en tous cas sous sa forme
présente, sans la collaboration acharnée et souvent polémique, mais stimulante de
Mme MERIEM KHAOUA-REMITA, biologiste et chercheuse en sciences de la vie et de
la terre.
2
Plan
Introduction : Eau, développement et pauvreté : tentatives de définitions
-a- Qu’est-ce que « l’eau » ?
-b- Le contenu du « développement »
-c- Approche de la pauvreté :
L’eau en Algérie :
1 – Approche économique :
1.1 – les réserves et la politique de prospection
1.2 – la production
1.3 – les pratiques de mobilisation :
1.3.1. – les besoins de l’industrie et des services
1.3.2. – les besoins de l’agriculture
1.3.3. – les besoins domestiques
2 – Analyse sociale :
2.1 – la consommation domestique
2.2 – l’eau et l’évolution du revenu national
2.3 – l’eau et la dynamique de la pauvreté
Centralité de la crise de l’eau et critique des politiques économiques :
1 – Analyse économique des politiques de développement
2 – Analyse prospective des impacts sociaux de ces politiques
Conclusion
3
Introduction : Eau, développement et pauvreté : tentatives de définitions
Avant d’accorder à la question de l’eau une centralité dans l’analyse des connections de la
disponibilité et de la répartition sociale ainsi qu’économique de cette ressource multi usages,
en relation avec le niveau et l’évolution de la pauvreté, il semble nécessaire de pouvoir
préciser sa définition et sa nature, en particulier lorsque le champ d’investigation concerne
un pays sous développé, tel que l’Algérie. En même temps, il s’agit aussi de clarifier le
contenu du concept de développement, et de préciser les relations liant
« développement économique» et « développement social ».
S’agit – il d’un même phénomène, prenant deux aspects : celui relevant strictement de
l’activité économique, avec celui irradiant les effets de celle-ci sur la société, avec ses
différences, ses couches sociales, leurs intérêts souvent conflictuels et divergents ?
S’agit-il d’un phénomène circonscrit, dans son évolution, ses pratiques et ses tendances,
dans la stricte sphère du changement technique ? La pauvreté en serait alors un effet
incident, comme presque un effet social fatal, que les politiques que conduisent les pouvoirs
tentent d’amoindrir, mais qu’elles ne sauraient éradiquer.
Ou bien relève – t – il beaucoup plus des choix sociaux, c’est – à – dire des choix
politiques, que se considèrent comme fondés de faire les groupes sociaux détenant le
pouvoir de décision et représentant ainsi « l’Etat », à chaque période nouvelle que traverse
le pays considéré ? La pauvreté en serait alors dans ce cas, une conséquence de choix
préalables, susceptibles d’être remis en cause, car ayant conduit à son émergence et à sa
diffusion sociale. « La pauvreté » ne peut être maîtrisée alors que si ces choix sont remis en
cause et remplacés par d’autres plus à même de concrétiser les objectifs généraux liés à la
diminution constante du niveau social de pauvreté.
« L’État », en Algérie, par son rôle d’arbitre dans les conflits d’intérêts qui font se
confronter en permanence les différentes couches sociales, n’oublie – t – il pas d’assurer un
minimum de vie aux populations les plus marginalisées économiquement et socialement, en
réformant ses choix économiques et sociaux ? Ce minimum de vie ne peut – il pas être
approcher à travers les niveaux de disponibilité de certaines ressources naturelles
socialement vitales, telle que l’eau ? Ce niveau de vie minimum, dans sa connexion avec la
disponibilité de l’eau pour les besoins humains, étant par nature en évolution dynamique
dans le temps, en fonction des évolutions économiques et sociales, ne soumet-il pas à une
révision constante les politiques économiques et les choix de développement en particulier
lorsque les objectifs de développement économique et social et de lutte contre la pauvreté,
annoncés à chaque période, sont loin d’être atteints comme dans le cas de l’Algérie ?
D’autant plus que dans le cas de ce pays, environ 70% de la population, c’est-à-dire 24
millions d’habitants, vivent à moins de 100 km des côtes qui s’étendent d’Est en Ouest sur
1200 km.
-a- Qu’est ce que « l’eau » ?
Ce questionnement est, méthodologiquement incontournable, au vu des phénomènes
conflictuels et parfois armés et violents, qui entourent la problématique de l’eau et sa
répartition, aussi bien entre groupes d’habitants et activités économiques dans les
différentes régions de l’Algérie, qu’entre pays et Nations au niveau international.
Au-delà de ses caractéristiques de « ressource naturelle », renouvelable dans certaines
de ses formes, dans le temps et au fil de la succession des saisons, il s’agit de saisir toutes
les particularités et les spécificités de « l’eau » qui en font d’elle une ressource naturelle
particulière, qui se distingue, aux yeux des collectivités sociales, de toutes les autres
ressources qu’offre la nature.
Plus d’une approche de l’eau peut être tenté :
--A--Tout d’abord, il est possible de la définir par sa nature : c’est une ressource naturelle,
caractérisée par sa faculté de renouvellement sous contraintes (prospections, recherches,
pollutions, infrastructures, etc. ), mais aussi par sa rareté, face à sa demande sociale et à sa
demande économique.
4
A ce titre, la priorité serait donnée à la préservation des sources de production et de
renouvellement de l’eau :
* Par la forestation des territoires, on contribue à favoriser l’augmentation du volume
annuel des précipitations d’eau de pluie ;
* Par la lutte organisée contre la pollution atmosphérique, on contribue à la pureté et à la
« potabilité » de cette eau de pluie ;
* Par la construction de barrages et de retenues collinaires, on contribue à capter une part
importante des eaux de surface ;
* Par l’établissement de stations d’épuration, on contribue à maximiser les volumes d’eau
potable et on diminue les possibilités de diffusion, par l’eau, des pollutions ;
*Par la lutte contre les pollutions des sols, on contribue à la préservation pour ensuite les
exploiter, des nappes phréatiques et de leurs potentiels hydriques.
--B--Ensuite, il est tout aussi nécessaire de définir l’eau à partir de sa triple caractéristique
d’être, en même temps :
-a- une ressource naturelle ayant une relative capacité de renouvellement, sous certaines
contraintes impliquant l’intervention de politiques spécifiques de protection de celle-ci face
aux différents types de pollution auxquels elle fait face ;
-b- un « bien public », dans la mesure où sa consommation sociale est vitale pour tout
individu au-delà du niveau de revenu dont il peut disposer ;
-c- un « bien marchand », car de plus en plus, la sphère du marché domine toutes les
transactions opérées sur toutes les catégories de biens et services, dont les biens issus des
ressources naturelles, l’eau précisément dans ce cas.
« L’eau est un élément vital pour les êtres humains. De tout temps, son accès fut l’objet de
conflits entre groupes sociaux, États ou nations. Si ces aspects n’ont pas disparu, l’eau est
devenue depuis un demi-siècle un enjeu pour de nouveaux pouvoirs (financier, industriel,
économique) dont l’objectif est d’en faire une simple marchandise. Nous sommes donc face
à un choix politique, un choix de société : l’eau doit-elle être un bien marchand ou doit-elle
être considérée comme un bien commun de l’humanité dans le cadre d’une société guidée
par les principes d’une économie solidaire et durable ? » (1).
-b- le contenu du « développement » :
Le concept de « développement » a été depuis plusieurs décennies (2) maintenant, au
centre des travaux de différents chercheurs. Parmi les conceptions qui ont laissé leurs
empreintes au niveau des pratiques économiques des Etats, on peut citer celle de W. W.
ROSTOW (3), qui considère que celui-ci est un processus s’organisant selon des étapes
ordonnées se déroulant de manière séquentielle dans le temps.
Le passage de l’une à l’autre ne se réalise que si la précédente s’est pleinement
concrétisée. Mais il fait lui-même référence aux critiques possibles à cette approche linéaire,
gommant les aspects sociaux et politiques du développement :
« One reason for the resistance to the stages approach is that it denies the statistical
analyst the easy use, in good conscience, of GNP per capita as a measure of growth. If the
degree of efficient absorption of technologies is taken as a basic measure of growth (as it
should be), one can have relatively rich and relatively poor countries at the same stage of
growth, depending on population/resource balances, export capabilities, tourism, foreign aid,
etc.”(4)
Plusieurs observations importantes, qui peuvent conditionner par la suite une relecture
actualisée du contenu conceptuel du « développement » peuvent être faites à la suite de
l’apport de W. W. ROSTOW.
-1- Association « ATTAC » : L’eau, bien commun de l’humanité.
Cf. www.attac.org
-2- les premiers travaux centrés sur le concept de développement datent des années cinquante.
-3- W. W. ROSTOW (1971) : The Stages of Economic Growth.
Cambridge University Press – London – G.B.
-4- W.W.ROSTOW. (1971):
Op.cit.
5
Ces observations peuvent être synthétisées dans les points principaux suivants :
-*- Il est manifeste que le développement économique et social est assimilé, selon ce qui
apparaît dans la citation ici mentionnée, à ses effets économiques directement mesurables
et quantifiables, tels que le niveau du Revenu National ainsi que celui du Revenu National
par habitant.
Or le développement ne peut-il être pensé qu’en fonction des possibilités de sa
quantification et de sa mesure ? N’y a-t-il pas d’autres aspects, peut-être se prêtant moins à
la mesure et à la quantification, qui lui donnent un sens plus réel et plus objectif, et qui
peuvent faire l’objet des réflexions des économistes ?
-*- La disponibilité, dans un pays donné, à fortiori lorsque ce pays est un pays sousdéveloppé tel que l’Algérie, à une période particulière de son évolution, d’un « Revenu par
habitant » plus ou moins élevé, ne pose-t-elle pas des questions sur les modalités pratiques
et concrètes de sa répartition sociale ? Ces observations montrent la nécessité d’une
relecture du concept de développement et son adaptation à la réalité de la question sociale
telle qu’elle se pose dans les pays où la « quête » du développement est toujours l’objectif le
plus important. Nous adoptons quant à nous, dans ce travail, la définition que propose
Philippe HUGON (2004) :
Le développement est un « processus endogène et cumulatif de long terme, caractérisé par
des progrès de productivité et un partage équitable de ceux-ci, permettant, avec des coûts
humains et environnementaux acceptables, à un nombre croissant de personnes de passer
d’une situation de précarité, de vulnérabilité et d’insécurité à une situation de plus grande
maîtrise de l’incertitude, des instabilités et de satisfaction des besoins fondamentaux grâce à
l’acquisition de droits, à la mise en œuvre d’organisations et d’institutions et de modes de
régulations permettant de piloter des systèmes complexes. » (1)
De cette définition du « développement », qui se veut adapté aux situations économiques
et sociales complexes des pays « en quête du développement » tels que l’Algérie, nous
pouvons déduire plusieurs éléments :
Ces éléments font jonction entre d’une part « l’économie publique », c’est-à-dire celle
évoluant sous la conduite et le contrôle, non pas du marché, mais de l’État, et d’autre part
« l’économie de l’environnement », entendue comme la soumission de la protection et de la
préservation des ressources naturelles, telles que l’eau, aux règles du marché (2). De ce fait,
peut émerger une analyse de cette catégorie de « biens », tels que l’eau, qui ne sont ni
seulement des « biens marchands », ni seulement des « biens non marchands ».
Ils sont en fait des « biens marchands » dans le sens où les critères qui président à leur
« connaissance » sont les critères que fixe le marché, mais ils sont en même temps des
« biens » qui ne peuvent souffrir une appropriation privée exclusive, car celle-ci exclue leur
appropriation sociale équitable alors qu’ils sont indispensables à la poursuite de la vie
humaine :
-1- Philippe HUGON (2004) : Apports des courants théoriques francophones en économie du développement.
XVème Colloque annuel du CEDIMES – Université Léopold SENGHOR –14 – 18 Mars – Alexandrie – Egypte – CD-ROM.
-2- Nadji KHAOUA et Nabila GHAFOURI (2005) : Economie de l’environnement et environnement de la quête du
développement : le cas de la région d’Annaba.
« Premières Journées Scientifiques de l’Environnement : les Stratégies et les Acteurs ».CREAD/INA – Alger – 1 § 2 /10/.
6
-c- Approche de la notion de « pauvreté » :
Il serait loisible de choisir certains des critères quantitatifs les plus communément admis
par les chercheurs et autres analystes au niveau mondial, pour décider d’une définition de la
« pauvreté » en relation avec ces critères préalablement fixés.
Mais faisant cela, cette démarche nous garantie-t-elle de définir la « pauvreté » de façon
objective, ce qui veut dire la définir non seulement par rapport aux critères de mesure des
différents aspects du niveau de vie, mais aussi en rapport aux valeurs sociales et culturelles
du pays objet de l’étude ?
Ainsi, il apparaît que la définition de la notion de « pauvreté » n’est pas seulement une
question qui s’achève dans la détermination des niveaux quantitatifs des revenus audessous desquels l’individu et le groupe sont considérés comme pauvres. En particulier, le
rapport de la pauvreté à l’eau en tant que ressource naturelle, en même temps que
marchandise, n’est pas seulement limité à la disponibilité et à la consommation de cette
marchandise, singulière par rapport à toutes les autres, car vitale quotidiennement en un
volume incompressible pour tout individu même s’il n’a aucun revenu.
Ce rapport contient aussi les questions liées à la disponibilité des réseaux de collecte, de
stockage, de traitement et de distribution géographique et sociale de cette eau. Il contient
enfin les aspects liés à la collecte des eaux usées, à leur traitement, etc…
Ainsi, les éléments que dévoile l’état de pauvreté, des individus et des groupes sociaux,
lui-même induit essentiellement par le niveau du revenu disponible, sont complexes et
pluriels. Ils ne se limitent pas au niveau du revenu disponible, même si ce niveau les met à
nu. En fait, ils interpellent le statut économique et politique des différentes catégories
sociales, en particulier les moins dotées en revenus, dans la politique générale et dans la
réalité de l’exercice par l’État de ses fonctions.
C’est en ce sens, selon nous, même si cela est de manière indirecte, que les
Organisations Internationales mettent en avant un certain nombre d’éléments (l’éducation, la
santé, le revenu, etc.) dont la somme, quantifiée et valorisée en dollars américain et audessous d’un certain seuil minimal, définit selon elles, le niveau de pauvreté (1).
-1- Programme des Nations Unies pour le Développement (2004) :
Rapport mondial sur le développement humain – New York.
7
L’eau en Algérie :
-1- Approche économique :
-1.1- Les réserves et la politique de prospection :
L’eau, ressource naturelle rare par essence et aux utilisations indispensables tant sociales
qu’économiques, se présente sous différentes formes.
Mais dans tous les cas, celle-ci manque cruellement et ce manque d’eau suit, sur le long
terme, une tendance régulièrement croissante : « Il faudrait disposer entre 15 et 20 milliards
de mètres-cubes par an, en réservant 70% à l’agriculture, pour parvenir à une sécurité
alimentaire satisfaisante. C’est un défi titanesque lorsqu’on sait qu’on mobilise à peine au
plus 5 milliards de mètres-cubes d’eau par an » (1).
Selon un des responsables de l’A.D.E. (entreprise publique de gestion des eaux
dénommée : Algérienne Des Eaux) dans la région Ouest du pays : « Nous arriverons à
assurer les 110 litres par jour et par habitant en moyenne que nous nous sommes fixé (en
deçà des 150 litres jour/habitant proposés par l’O.M.S.) lorsque nous aurons amélioré la
mobilisation de l’eau dans les barrages, lancé la production des eaux non conventionnelles
et achevé l’architecture d’un système de transfert des eaux interrégional ».
-a- l’eau de surface :
Elle est constituée par, d’une part les lacs, les rivières, les retenues collines et d’autre part
les barrages de différents types construits pour retenir, stocker et exploiter le maximum
possible des eaux fluviales et des précipitations.
Les réserves de cette eau dépendent ainsi directement des actions entreprises par les
pouvoirs publics en vue de capter, stocker, traiter et exploiter ce type d’eau.
Estimées à environ 15 milliards de m3 durant la période coloniale, les eaux de surface ne
renferment, actuellement, que 12,4 milliards de m3, selon les estimations les
plus autorisées (2).
En dehors du caractère semi-aride du pays dans sa plus grande surface, et de l’étroitesse de
la bande tellienne du Nord renfermant les principales réserves des eaux de surface dans six
bassins hydrographiques, il est légitime, au vu des données ci-dessus, de s’interroger sur
l’action des pouvoirs publics dans la prospection et la mise en place de nouveaux moyens de
captage des eaux de surface.
La comparaison, sur cette question, avec les pays voisins, en dehors des spécificités
climatiques de chacun d’eux, montre le chemin qui reste à parcourir pour l’Algérie.
-b- les nappes phréatiques :
Les données les plus anciennes qui concernent le potentiel hydrique des nappes
phréatiques de l’Algérie, s’accordent toutes sur l’énormité de ce
-1- Conseil National Economique et Social (CNES) (2000): « L’eau en Algérie : le grand défi de demain ». Avant-projet de
rapport – XVme Session Plénière – Alger.
-2- C.N.E.S. (2000) :
Op. cit.
8
potentiel, dont la seule limite est de n’être renouvelable que partiellement et sur le très long
terme.
En plus de leur potentiel énorme en eau potable, les nappes phréatiques ne se limitent
pas à celles existantes dans la bande telliènne du Nord du pays.
Certaines d’entre ces nappes ont été identifiées depuis la fin du XIXème siècle, sous les
vastes territoires du Sahara et ont donné lieu à diverses études et propositions d’exploitation,
jugées parfois excentriques à l’époque.
Les données les plus récentes montrent toutes que l’eau des nappes phréatiques en
Algérie, au-delà parfois des infiltrations polluantes qu’elles continuent de subir (comme dans
la région des Oasis à El-Oued), de la faiblesse des prospections entreprises pour connaître
de manière actualisée leur potentiel réel selon les régions, diminuent drastiquement et de
manière continue, en particulier dans certaines régions comme dans l’Ouest algérien, où le
manque d’eau potable pour les habitants accroît le niveau de pauvreté par toutes les
implications économiques, sociales, de santé publique et d’aménagement des territoires qu’il
continue d’entraîner.
Le déficit pluviométrique chronique, les forages sauvages et la surexploitation de la nappe
phréatique pour les besoins agricoles essentiellement, sont les principaux éléments à
aggraver le déficit permanent d’eau, en cette région de l’Ouest du pays. Seuls 21 000 mètres
cubes par jour sont mobilisés à partir des nappes phréatiques de toute cette région de
l’Algérie.
Ce manque drastique et chronique d’eau peut être illustré par le cas de la plus importante
« wilaya »(1) de l’Ouest, celle d’Oran, deuxième ville d’Algérie en nombre d’habitants, entre
autres. Celle ci compte 26 communes, dont seulement 15 ont une antenne de « l’Algérienne
des Eaux » (2). Sept autres communes s’approvisionnent en eau par citernes pour satisfaire
les besoins minimaux de leurs habitants et ne disposent pas de réseau de distribution d’eau
potable couvrant tous leurs résidents, alors que quatre communes restantes n’ont pas du
tout de réseau pour l’eau potable et leur situation en ce domaine est inconnue par les
pouvoirs publics.(3)
Quant aux nappes phréatiques dans leur globalité, elles ont souffert des dernières 25
années de sécheresse qui ont sévies en Algérie. L’épuisement de l’eau issue des multiples
forages anarchiques et des sources en est un signe les plus probants.
Ainsi, ni l’exploitation au rythme actuel des nappes, ni la cinquantaine de barrages, pour la
plupart envasés, encore en exploitation, ni sur ceux en cours de réalisation, ne suffisent pour
« que l’Algérie quitte le « panel » des 17 pays africains souffrant de stress hydrique – 700
millions de mètres-cubes de déficit en 2002 » (4), année référence de la rareté.
-1- Dans l’organisation territoriale algérienne, la « Wilaya » est similaire globalement à un département en France.
-2- Algérienne des Eaux ( A.D.E.) : Entreprise publique de gestion et de distribution de l’eau en Algérie.
-3- Les données de ce paragraphe concernant l’eau dans l’Ouest du pays ont été puisées auprès de la Direction de l
ll’Hydraulique de la Wilaya d’Oran, en septembre et octobre 2005.
-4- El Kadi Ihsene (2005) : Cette eau potable qui ruisselle vers le marché.
« El Watan » - Supplément économique hebdomadaire – Du 27 juin au 3 juillet – Alger – page 3
9
1.2 – La production :
La production de l’eau, même si elle peut prendre la forme de plus en plus dominante
aujourd’hui, d’une activité strictement économique, associe en fait d’autres éléments, dans le
cas réel de l’Algérie.
1.3 – les pratiques de mobilisation :
Les méthodes adoptées pour utiliser les volumes d’eau existants dépendent d’un certain
nombre de paramètres, tous liés plus ou moins à la nature des moyens mis en place, de
l’utilisation de cette eau et des objectifs attendus de celle-ci.
Le réseau de distribution est unique : un seul réseau distribue l’eau mobilisée (dont le
volume est toujours inférieur au volume potentiel d’eau existante), quelle que soit sa
destination finale. La différence se situe, d’une manière logique, dans la couverture des
coûts du mètre-cube d’eau distribuée, par le prix de ce mètre, selon qu’il est facturé aux
utilisateurs industriels, aux agriculteurs que l’on veut fixer sur leurs terres, ou au
consommateur individuel (l’individu, le ménage familial). Dans ce prix, le consommateur,
quel qu’il soit, paye actuellement les défaillances du système d’approvisionnement en eau à
l’échelle nationale. Ces défaillances ressortent surtout de la vétusté des réseaux d’adduction
qui entraîne une fuite phénoménale de près de 70% des volumes d’eau distribuée.
1.3.1. les besoins de l’industrie et des services :
Supposées consommer l’eau à son prix de marché, c’est à dire à un prix au mètre-cube
supérieur au coût total (production, traitement, stockage, distribution) de ce mètre-cube, les
industries et services n’ont jamais vu leurs besoins en eau réellement couverts. Ainsi,
certaines des activités de service les plus prometteuses en terme de création d’emplois et
d’essaimage sur l’ensemble de l’économie, faisant par-là reculer la pauvreté, sont totalement
bloquées dans leur essor parce que leurs besoins quotidiens en eau ne sont pas du tout
assurés, l’eau leur est rationnée et ne coule dans leurs robinets que 2 à 3 heures tous les 24
heures : Ceci, aussi incroyable que cela paraît, est le lot des infrastructures hôtelières
aujourd’hui, quel que soit leur rang. L’avant-projet de rapport du C.N.E.S. cité ci-dessus
confirme indirectement cela en relevant « les tensions fréquentes sur l’eau entre villes et
industries en raison d’implantations industrielles mal pensées ».
1.3.2. les besoins de l’agriculture :
Les activités agricoles, même si elles soufrent du manque d’eau au même titre que
l’ensemble des activités économiques en Algérie, se maintiennent difficilement, en particulier
grâce au hasard de la pluviométrie. Ainsi, certaines régions, en particulier au centre et au
Nord-est du pays, sont plus arrosées que d’autres et concentrent ainsi une plus grande
partie des activités de l’agriculture assurant un minimum d’emplois en majorité saisonniers,
et des revenus de subsistance aux paysans.
Cela n’empêche pas, « la disparition de certains vergers traditionnels, suite à des
prélèvements opérés sur les eaux d’irrigation » (1), au profit de l’alimentation en eau potable
des populations urbaines des centres-villes. La conséquence la plus importante qui en
découle et qui élargit socialement la pauvreté, surtout dans les campagnes, est « une
diminution très significative de la superficie irriguée équipée pour 1000 habitants, qui est
passée de 13 hectares en 1962 à 5,4 hectares en 1999 » (2).
-1- C.N.E.S. (2000) :
Op.cit.
-2- C.N.E.S. (2000) :
Op.cit.
10
1.3.3. les besoins domestiques :
La question de la satisfaction des besoins humains en eau potable pour l’alimentation et
l’hygiène des habitants, est celle qui dévoile le plus clairement l’état et le niveau de la
pauvreté dans la société algérienne d’aujourd’hui. En même temps, les évolutions rapides en
pire que connaissent ces éléments, indiquent une tendance certaine vers l’exacerbation des
conflits sociaux et leur massification à partir de l’indisponibilité croissante des volumes d’eau
potable requis, car cette ressource se transforme de plus en plus en une marchandise. Et en
tant que telle, de plus larges catégories de la population n’ont plus et n’auront plus les
moyens financiers de se l’approprier en fonction de leurs besoins incompressibles.
« En passant du tout-Etat aux multiples types de gestion privée, le secteur de l’eau en
Algérie est désormais inscrit dans le catalogue des produits marchands. Une nouvelle
politique est mise en place, et, tout autant que le secteur lui-même, la privatisation du
secteur public reste théoriquement en tous cas l’inévitable implication de l’entrée en scène
des opérateurs privés étrangers. La gestion ancienne ayant été mise au placard, le secteur
de l’eau, face à la rareté de ce liquide précieux dans le pays, est ainsi entré dans l’ère de la
libéralisation charriant déjà quelques nouveautés à son début, à savoir l’augmentation des
prix » (1) dans un pays où seuls environ 1/4 de la population exerce une activité rémunérée
et où le salaire moyen mensuel ne dépasse pas l’équivalent de 80 euros.
2 – Analyse sociale :
2.1 – la consommation domestique :
Comme on l’a noté plus haut, la consommation domestique d’eau potable pour les
besoins en alimentation et en hygiène corporelle dépend de deux types de facteurs, les
conditions techniques d’acheminement de l’eau aux habitants des villes et des campagnes et
les revenus distribués, tous les deux imbriqués de telle sorte qu’ils participent en même
temps dans la persistance et l’élargissement social de la pauvreté dans la majorité des
couches sociales dans le pays.
Ainsi, la consommation domestique d’eau est de plus en plus tributaire des niveaux de
revenus réels, soit pour les individus, les ménages ou les catégories sociales. Autant le
revenu perçu est faible ou inexistant pour cause, par exemple, de chômage, autant l’eau
consommée est insalubre mais surtout très insuffisante face aux besoins. Son caractère de
consommation incompressible oblige l’individu, la famille et toute la catégorie sociale à
sacrifier le peu de ressources de tout ordre dont ils disposent encore, y compris même
parfois leur dignité, pour acquérir de quoi épancher leurs soifs.
2.2 – l’eau et l’évolution du revenu national :
Au-delà des analyses quantitatives poussées, qui malgré leur intérêt, noient les
caractéristiques fondamentales des phénomènes étudiés surtout lorsqu’il s’agit comme dans
ce cas d’un phénomène éminemment complexe, à triple connotation sociale, économique et
donc aussi politique, quelles sont ces caractéristiques dans le cas du thème qui nous
occupe ?
-1- « El-Watan Economie »(2005) : hebdomadaire spécialisé – n°18 – Alger – page 1.
11
Une de ces caractéristiques fondamentales, qui imprègnent depuis toujours l’économie de
l’Algérie de son empreinte indélébile, est que celle-ci est uniquement mono-exportatrice de
matières-premières, les hydrocarbures, par lesquels elle s’est intégrée au commerce
international comme mono-exportateur et pluri-importateur. Le revenu national, dont ces
exportations d’hydrocarbures, avec ce qu’elles entraînent comme ressources fiscales et
para-fiscales, constituent la part la plus significative, n’a aucune source ou possibilité ni de
diversification ni d’élargissement dans les conditions actuelles que traverse l’économie du
pays.
Les incidences socio-économiques en sont immédiates et touchent toutes les catégories
sociales : du moment que le système économique existant ne produit pas de valeur au
même niveau que celui des exigences sociales et continue à vivoter sur la rente que dégage
le commerce extérieur des matières premières énergétiques, les possibilités de croissance
et de consolidation du revenu national, en fonction de la croissance et de la transformation
des besoins sociaux, sont quasi nulles. Tous les indices, que ce soit celui du taux de
chômage annuel, celui de la création d’emplois nouveaux permanents par an, celui du
volume des investissements nouveaux et de leur taux par rapport à la P.I.B. ou enfin celui du
volume des Investissements Directs Étrangers (hors hydrocarbures), etc. montrent que le
marasme économique, et donc social, de l’économie de l’Algérie, n’est pas prêt de diminuer,
bien au contraire. Ainsi, le revenu national ne s’améliorant pas sensiblement en dehors des
incidences hasardeuses du prix d’exportation des hydrocarbures, aujourd’hui positives mais
pouvant se retourner dans le futur, le revenu disponible par habitant stagne, s’il n’est pas
rongé par les différents types d’inflations existantes.
Ce revenu dans son plancher, pour ce qui est des emplois formels dont les contrats de
travail sont à durée indéterminée, ne dépasse pas l’équivalent de 80 euros.
Le paradoxe lié au faible revenu de la plupart des salariés, dans un pays riche de la rente
d’exportation de ses hydrocarbures (rente affectée à un « Fonds de Régulation des Recettes
Pétrolières », en dehors de tout contrôle transparent ou parlementaire et qui avoisinent en
septembre 2005 les 50 milliards de dollars américains courants) ne s’arrête pas là. En effet
la faiblesse du revenu minimum pour les emplois formels est un luxe d’un autre temps,
comparée à l’état des salaires versés, quand ils sont versés, par le principal employeur
aujourd’hui en Algérie : l’économie parallèle, présente dans tous les secteurs de l’économie
et dominant déjà beaucoup d’activités. Ces revenus mensuels informels, dont la contre partie
est une exploitation du travail en dehors de toute norme et de toute reconnaissance de
l’effort fourni par le travailleur, ne dépassent guère l’équivalent de 50 euros pour des rythmes
de travail hebdomadaire de plus de 50 heures, en dehors de toute couverture sociale, en cas
d’accident du travail de travail, de maladie professionnelle ou de licenciement.
Le montant de la facture de consommation d’eau potable, dans ces conditions, représente
un immense sacrifice dont les victimes s’interrogent pourquoi il n’est pas amoindri ou pris en
charge par les pouvoirs publics, vu leur état de pauvreté proche de la misère.
2.3 – l’eau et la dynamique de la pauvreté :
Ainsi, la crise de l’économie, avec ce qu’elle induit comme chômage, économie informelle,
baisse drastique des revenus disponibles, segmente la société algérienne et fait éclater les
catégories sociales, selon que celles-ci disposent, ou ne disposent pas, d’un revenu décent
leur permettant de satisfaire, selon les normes admises, leurs besoins incompressibles en
eau potable.
De plus en plus, autant la crise économique s’approfondit et touche une plus grande partie
de la population à travers le chômage et les pertes d’emplois dues à la libéralisation en cours
depuis 1990 (1), autant les revenus disponibles des individus et des ménages baissent.
-1- En 1990, a été promulguée la « Loi sur la Monnaie et le Crédit » dite loi « L.M.C. » qui constitue la première étape de
concrétisation des réformes libérales en Algérie.
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Ces revenus subissent de plein fouet un réel « effet de ciseaux » concentrant les impacts
en termes de pouvoir d’achat de l’effritement du taux de change du dinar (la monnaie locale)
et la faiblesse intrinsèque des revenus distribués qui sont inhérents à la faiblesse de la
productivité du travail dans le système productif national.
Dans ces conditions, plusieurs éléments se rejoignent et concourent au renforcement
d’une véritable dynamique de la pauvreté, accentuant par la les obstacles face à la
satisfaction des besoins incompressibles en eau potable des populations.
Car le prix de celle-ci devient de plus en plus prohibitif pour la majorité de la population,
compte tenu de l’évolution croissante de ses coûts de production et des objectifs, aujourd’hui
publiquement annoncés, de sa privatisation. En effet, pour l’A.D.E., « faire du service public
de l’eau une activité attractive et commerçante implique qu’il faille vendre le mètre-cube de
l’eau avec une marge sur son prix coûtant : - le coût du mètre-cube d’eau conventionnelle
(barrages, forages) revenait environ à 44 D.A. (dinars algériens)(1) avant les hausses des
tarifs de l’énergie. Il est vendu à 22 D.A. le mètre-cube en moyenne. Celui de l’eau dessalée
reviendra entre 80 et 100 D.A. selon les sites d’implantation qui déterminent la qualité de
l’eau mais aussi la facilité d’acheminement vers le réseau d’adduction » (2).
Qui peut maintenant, et qui pourra à l’avenir, subvenir de manière satisfaisante à ses
besoins en eau, compte tenu de l’état de l’emploi et du niveau des revenus distribués en
Algérie, tels que mentionnés ci-dessus ?
Centralité de la crise de l’eau et critique des politiques économiques :
1 – Analyse économique des politiques de développement :
Les réactions recueillies par les médias dans ces tous derniers jours, suite aux émeutes
qui sont survenues dans la ville d’Arzew, principal port d’exportation du gaz naturel algérien,
renseignent on ne peut mieux sur les échecs patents des politiques économiques suivies en
Algérie depuis 1980.
Ainsi, un jeune de 26 ans de cette ville secouée par des émeutes qui ont fait des morts et
des dizaines de blessés : « Je ne suis pas fier de ma condition. J’ai tenté des centaines de
fois de me débrouiller un boulot, mais ces gens-là (d’un hochement de tête, il désigne les
usines de la zone industrielle d’Arzew) ne veulent pas des personnes comme moi. Ils ont
toujours la réponse qu’il faut pour te couper tout espoir de trouver un travail. Aux exclus du
système éducatif, comme moi, ils nous demandent des diplômes. Aux jeunes universitaires,
ils demandent l’expérience. Enfin, pour ceux qui sont universitaires et expérimentés, ils
avancent le critère d’âge, sous prétexte que l’entreprise procède au rajeunissement de ses
effectifs pour préparer la relève »(3).
Plus que tous les discours et toutes les analyses, ces quelques phrases dites
spontanément résument on ne peut mieux la crise de l’économie algérienne, dont les
répercussions immédiates sont le chômage et la précarité pour des pans entiers de la
population.
Ne créant pas d’emplois à la mesure des demandes sociales, ces politiques de
développement commencées par des réformes de structure durant les années 1980 et se
poursuivant par une libéralisation graduelle de l’acte économique, pour toutes les
marchandises y compris l’eau, depuis 1990 (4), elles échouent à réaliser le moindre de leurs
objectifs, puisque ni les réformes de structure n’ont amélioré la productivité, ni la
libéralisation n’a conduit à un programme d’investissements conséquent dans les secteurs
de la production, principaux pourvoyeurs traditionnels d’emplois nouveaux.
-1-S’étant déprécié de plus de 1000 fois depuis le début des années 1980, le dinar vaut aujourd’hui 0,13 euro sur le
marché libre.
-2-El Kadi Ihsen (2005) :
Op.cit.
-3-A.S.A.(2005) : Émeutes de la ville d’Arzew : le calme revient.
« El–Watan » - quotidien – Alger – page 2
-4- La première loi prônant la libéralisation économique et financière, dite Loi de la Monnaie et du Crédit, a été
promulguée en 1990.
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2 – Analyse prospective des impacts sociaux de ces politiques :
Cette situation produit des effets économiques et sociaux qui s’enchaînent pour élargir
socialement la pauvreté, dont le critère de la satisfaction des besoins en eau potable n’en
devient qu’un révélateur parmi d’autres. Dans le même temps, l’inexistence ou la faiblesse
des revenus disponibles pour les catégories sociales marginalisées entraînent dans un effet
« boule-de-neige » incessant une pression toujours accrue sur les possibilités de
consommation de l’eau potable.
La question de la crise de l’eau, en particulier l’eau potable pour les besoins humains,
devient ainsi une question centrale dans l’approche globale de la crise structurelle de
l’économie et de la société en Algérie.
En effet, la pauvreté due au chômage et à la précarité des populations, couplée à la
marchandisation de plus en plus croissante, pour cause de libéralisme, de la ressource
naturelle dont l’eau, entraîne un moindre accès social à celle-ci.
Un cercle vicieux de la pauvreté s’élargit, car parce qu’elles sont de plus en plus pauvres,
les catégories sociales marginalisées sont rejetées hors des villes disposant de réseaux de
distribution d’eau potable et d’assainissement des eaux usées.
Ce faisant, les banlieues excentrées et les campagnes isolées où elles sont confinées
disposent encore moins de structures de distribution d’eau potable. Celle-ci, quand elle
existe, l’est toujours en quantité limité et fait l’objet de trafics la rendant encore plus chères
pour les pauvres. Quand elle résulte de leurs propres efforts de recherche de puits ou de
sources pour s’approvisionner, elle n’est ni traitée ni exploitée dans le respect du maintien
des capacités potentielles des nappes et des sources d’où elle est puisée.
Ainsi, l’une des principales ressources publiques, l’eau, dont le caractère de « bien
public » ne souffre d’aucun doute, n’a jamais été l’objet des politiques économiques
successives. En revanche, les objectifs de la libéralisation, ignorant le sous-développement
social et économique du pays qui impose des fonctions sociales et économiques à l’État à la
place du « tout marché » veulent rapidement englober le bien public « eau » et limiter sa
consommation à ceux des individus qui ont un revenu suffisant pour le consommer.
Conclusion :
Ne pouvant résulter d’une évolution imprévue et hasardeuse, la connexion entre la
question de la pauvreté, parce qu’elle s’élargit socialement à un rythme rapide, avec celle de
l’eau parce qu’il s’agit d’un « bien public », doublement singulier à cause de sa nature de
« bien de toute la collectivité » et en même temps ressource assurant la poursuite de la vie
humaine des individus et des groupes, qui sans cela ne pourraient vivre, est bien le résultat
de choix politiques des pouvoirs représentant les États, et ayant le monopôle de la décision
dans les pays du Sud comme en Algérie.
En effet, nous avons estimé, d’après les indications du prix de l’eau et du revenu minimum
distribué des individus ayant un emploi aujourd’hui en Algérie, la part du coût de l’eau pour
l’algérien moyen. L’estimation du coût de l’eau rapportée au revenu minimum mensuel
distribué (r.m.m.), au delà des discours politiques et des sophistications académiques
justificatrices des politiques en cours, dévoile la réalité de l’eau en tant que révélateur central
de la massification de la pauvreté au Sud, même dans les pays « Sud-rentiers » tels que
l’Algérie.
Cette estimation s’établit comme suit, quand on prend comme hypothèse une famille
moyenne composée de 07 personnes.
Critère de satisfaction des besoins en eau potable par personne :
- pour l’O.M.S.
= 150 litres/jour/individu.
- pour l’Etat algérien
= 110 litres/jour/individu
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-a- eau conventionnelle :
a1- prix du mètre-cube :
a2 – revenu minimum mensuel (r.m.m.) :
22 DA.
8 000 DA
a3 – Part du coût de l’eau/r.m.m.= de 40% à 60% selon soit le critère local de
satisfaction, soit celui fixé par l’O.M.S.
-b- eau (de mer) dessalée :
b1 – prix du mètre – cube
b2 – r.m.m.
44 DA.
8 000 DA
b3 – Part du coût de l’eau/r.m.m. = de 80% à 100% selon soit le critère local de
satisfaction, soit celui fixé par l’O.M.S.
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