Plc1 décembre 2004
CORRIGE DU SUJET D’ÉCRIT 2
( par G.Orsi)
sujet : Quels bénéfices et inconvénients les élèves peuvent-ils retirer d’un enseignement
mixte garçons et filles en EPS ? Vous tirerez les conséquences didactiques et
pédagogiques de votre analyse.
Ce corrigé comprend deux grandes parties :
- une partie liée à des considérations générales (pour dépasser le cadre strict du
sujet posé et faire en sorte que les références puissent servir à d’autres sujets
du même genre)
- une partie méthodologique centrée davantage sur le libellé du sujet et à son axe
possible de traitement
Justificatif du sujet - sur la forme : je reprends la formulation des années précédentes à
savoir une notion centrale (ici la mixité). Je précise la demande (bénéfices, inconvénients
et conséquences).
- sur le fond : conformément à la thématique « activité de l’élève »,
j’envisage le problème de la mixité en me plaçant du point de vue de l’élève qui la
pratique (et non pas, ce que l’on voit très souvent, du point de vue de l’enseignant ).
Enjeux :
Le débat sur la mixité est revenu l’an dernier au devant de la scène, comme du reste la
question du collège unique. La question du « vivre ensemble » est annoncée comme un des
piliers fondateur de la future loi d’orientation via le rapport Thélot, en même temps
d’ailleurs que la question du « socle commun »de connaissance, de la culture commune.
On voit donc que la question de la mixité est au carrefour de plusieurs problématiques,
celles qui touchent au respect des différences comme à la place de l’individu dans le
groupe, celles qui touchent aux savoirs communs à l’ensemble des élèves comme aux
capacités de chacun à les appréhender.
Quand on parle de mixité en EPS (procédure d’enseignement qui consiste à s’adresser
simultanément aux élèves des deux sexes) on est alors placé à ce carrefour d’analyse là :
Comment à la fois être attentif à la réalité des différences de rapport au savoir et garder
l’ambition républicaine de culture commune ? C’est bien la difficulté centrale aujourd'hui
que de prendre en considération cette diversité sans renoncer à construire de la culture
commune, et cette question là est bien posée quand on cherche à faire cours
simultanément aux garçons et aux filles de sa classe. Il faut préciser que la question de la
mixité renvoie certes à la gestion de l’hétérogénéité des élèves, mais que la question du
rapport des filles au savoir possède une spécificité culturelle, s’inscrit dans une histoire,
des mentalités. La différence des sexes n’est pas une différence comme les autres
(A.Davisse dit qu’elle est aussi celle de « l’oppression des femmes »).
1. CONSIDERATIONS GENERALES
Du côté de l’élève : Je reprendrai, en partie les analyses d’A. Davisse (voir fichier
correspondant). Il y a bien sûr des différences à constater. Des différences de sexe, ça
d’accord… mais derrière les différences de sexe ? On a trop longtemps pensé dans notre
discipline comme dans les autres, que lorsqu’un élève ne réussit pas quelque chose, c'est
par manque de moyens. Ainsi, lorsque les filles jouent moins bien statistiquement que les
garçons au Volley Ball, c’est parce qu’elles ont moins de moyens, qu'elles ont des
difficultés perceptivo décisionnelles… Dans cette perspective liée « aux ressources », il
existe des arguments (CM hétérogénéité), en particulier au chapitre « adolescentes et
adolescents » qui montrent bien à quel point à certaines périodes de leur vie filles et
garçons développent leurs propres identités (sexuelle, biologiques, musculaires…)
Cela dit, bien sûr qu’il y a des résultats bruts qui s’imposent, et qui font que les filles en
EPS sont souvent données comme « moins bonnes « (au bac plus de 1 point de différence
et en tennis de table : plus de 4 points !) Mais cette conception passe complètement à côté
des raisons d’agir. Pour l’essentiel, dit A. Davisse, si les filles ne se précipitent pas sur
les balles de volley, c'est parce que ça ne les concerne pas. Elles ne sont pas a priori
acquises à l'idée de jouer "contre", or nous faisons comme si était acquis quelque chose de
très en amont de la pratique du volley qui est la nature profonde de l’activité d’opposition.
On est sur un malentendu didactique extrêmement fort du point de vue du sens des
activités proposées La question des motifs d’agir des élèves, des mobiles, est essentielle, (
Bernard Charlot, Elisabeth Bautier et Jean Yves Rochex, construisent le concept de
rapport au savoir, cf. Ecole et savoirs dans les banlieues et ailleurs, A. Colin éd. 1992).
J’ai déposé sur le site le résumé d’un ouvrage de B. Charlot (« Du rapport au savoir »),
développant cette question (Ecrit 2. Thématique N° 6)
Au fond, faire le pari de la mixité c’est faire celui de la diversité (et non pas seulement du
droit à la différence), c’est d’abord une diversité du rapport au savoir et donc du désir
d’apprendre, des raisons de s’investir dans le champ de l’activité qui est proposée (j’ai
placé le CM sur le sens, vous comprenez pourquoi)
Si on partage ce point alors on mesurera l’importance de celui que suit sur le pseudo-
déterminisme social des femmes (et qui conduit à nier tout enseignement mixte en EPS):
-En France, les 2/3 des licences sportives sont détenues par des hommes ; les filles sont
moins nombreuses à faire du sport et en font moins souvent dans les milieux sociaux les
moins favorisés(Source MJS. 2002)
Les causes ?
Une explication caricaturale est parfois avancée : le monde sportif est organisé autour de
la compétition et les femmes très majoritairement SEMBLERAIENT chercher autre chose
Or ceci est une représentation sommaire, elle fait l’impasse sur d’autres difficultés, elle
cantonne les femmes à des modèles sociaux dominés par l’homme, évacue le problème des
temps et des espaces de pratiques pas toujours adaptés à la demande féminine…Exit donc
la mixité (le sport aux garçons et aux filles… autre chose).
Bien au contraire, il n’y pas de déterminismes sociaux (les femmes n’aimeraient pas la
compétition, préfèreraient le step, les activités hygiénistes…) ; A force de s’entendre dire
que le sport n’est pas fait pour elles, elles peuvent finir pas s’en convaincre, « je suis une
fille donc je n’aime pas le sport, donc je suis mauvaise etc…). Elles risquent de se
conformer aux attentes de leur entourage fondées sur les rôles sociaux de sexe (on retrouve
la même chose en math : il est dit que les filles seraient plus littéraires et les garçons
scientifiques. Ces attentes conduisent finalement davantage les garçons dans une
dynamique de travail et de progrès vis à vis des maths, ce qui tendrait à confirmer le
préjugé de départ mais ce qui est erroné). On est au cœur des stéréotypes sexués. Cela
prouve simplement qu’il n’y a pas d’égalité homme/femme au niveau de l’éducation, de la
vie professionnelle, de l’accès au loisir. Revendiquer l’éducabilité des filles (par les
garçons ?) c’est revendiquer le droit à la mixité.
Du côté de la culture :
La culture commune ne vise pas à ce que tout le monde fasse en tout point pareil, mais que
tous et toutes aient suffisamment d’activité en commun, c'est pourquoi, si on joue au
volley on joue contre (et non avec) et on compte les points. Comme dit A.Davisse, si on
ne les compte pas de la même manière que dans les clubs de volley, cela n'a pas
d'importance. On n’est pas du tout obligé de copier les modèles de la fédération de volley,
mais il faut rentrer dans le champ culturel du rapport d’opposition et si on n’y rentre pas
alors on n’est pas " initié(e) "au volley. Les éternelles débutantes c’est ça, ce ne sont pas
des filles qui n’ont pas les moyens de jouer au volley, ce sont des filles pour qui, du point
de vue de l’imaginaire, l’adversaire n’est toujours pas construit.
La référence culturelle n’est pas une référence sportive au sens de la copie des modèles
fédéraux (cette copie n’est d'ailleurs pas non plus à l’avantage des garçons qui s'y
enferment trop), mais une référence culturelle au sens anthropologique. Comme le dit Paul
Goirand, il s'agit de comprendre pourquoi ,depuis des siècles, les hommes (et plutôt les
hommes que les femmes) essayent de se mettre sur les mains, de créer du vertige, de
s’affronter sans se tuer (c’est la définition même du combat mais aussi de certains sports
collectifs parce que s’il n’y a pas la règle, il y a la mort).
Du côté des procédures
Je reviens sur les enjeux de la mixité : si la question de la culture commune devient l’objet
d’un débat plus sensible aujourd’hui (rapport Thélot) c’est sans doute parce que l’exigence
de démocratisation a pris le pas dans notre société de plus en plus préoccupée par la
persistance du noyau dur de l’échec scolaire. Ce qui doit guider la réflexion engagée dans
ce devoir est donc la reprise de ce processus de démocratisation et d’égalité de tous les
élèves face aux savoirs. C’est en donnant du pouvoir (moteur) aux élèves et en
particulier aux filles qu’on se donne les moyens d’atteindre ces objectifs.
A ce sujet A. Davisse clame que si le « vivre ensemble » est important (et en particulier
dans le cadre d’une reconnaissance au droit à la reconnaissance de l’autre sexe) elle
revendique aussi l’exigence de « l’apprendre ensemble » (grâce justement à la
coéducation, à l’ajustement des contenus, des démarches d’apprentissages adaptées aux
différences de sexe). J’ai déposé un certain nombre de référence là dessus (notamment les
articles didactiques revue Contre Pied n°15 et Revue EP.S)
J’ai également placé deux enquêtes récentes (Davisse et Cogérino)sur le site qui mettent
bien en avant les préoccupations et les difficultés rencontrées par les enseignants d’EPS
pour mettre en œuvre la mixité. A la grande majorité, les enseignant trouve que la mixité
engendre des valeurs socialisantes. Mais la difficulté apparaît dès lors qu’ils cherchent les
moyens à opérationnaliser cet objectif. Aussi, volontairement ou non, on comprend
pourquoi quand on parle de mixité, 4 types de stratégies apparaissent chez les enseignants
:
Soit, ils opèrent une séparation entre filles et garçons (non mixité)
Soit, ils laissent la liberté aux élèves de se regrouper ou non dans telle ou telle activité
(généralement on aboutit à une non mixité de fait)
Soit, ils pratiquent une mixité formelle , G+ F mélangés mais l’objectif éducatif n’est
pas envisagé en tant que tel
Soit, au contraire, en groupes mixtes délibérés, en utilisant ce dispositif comme levier
émancipateur de leurs projets éducatifs (C. Le Goff, "Mixité, un tremplin pour réussir en
EPS", Revue EP.S n°295, mai/juin 2002).
Dans ce même ordre d’idée, J.Marsenach (Revue Contre Pied N°15) plaide avec d’autres
en matière de mixité pour « des contenus ambitieux » destinés à donner du pouvoir aux
élèves et leur offrir ainsi la possibilité de dépasser les stéréotypes sociaux . Elle fixe des
pistes de travail : étudier la façon dont les élèves investissent l’activité, inventer des
dispositifs astucieux, se demander comment traiter l’activité pour ne pas rebuter les filles,
effrayer les garçons…
Dans cette même Revue Contre pied n°15 P. 43 à 59 (déposée au CRD) ces
problématiques sont traitées et illustrées au travers de différentes expériences. En
particulier les articles portent sur : 1. l’entrée didactique dans l’activité. 2. Comment
concilier la logique de l’activité et celle des élèves 3. Comment faire entrer tout le monde
dans une même motricité sportive 4. Quelle danse ou quel rugby pour faire vivre le
masculin et le féminin à tous les élèves.5. Comment offrir en gymnastique un mode
d’entrée qui permette à chaque élèves d’exprimer sa différence sans s’enfermer dans des
catégories toutes faites. 6.Quelle A.S pour quelle culture associant filles et garçons.
2. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES
LES COPIES :
1. L'entrée en matière s'appuie sur des incitations institutionnelles (mixité oui à condition
de respecter les différences), mais on oublie de situer l'intérêt du sujet dans le « contexte »
politique, social...
2. L'étude des notions évoque l'hétérogénéité et quelques différences sans envisager
explicitement les problèmes sous-jacents (options éducatives, regard positif ou méfiant/
hétérogénéité…)
3. Nombreux ont paraphrasé le sujet (c'est le problème avec ce genre de sujet qui est en
quelque sorte un sujet clé en main "problématique et plan sont offerts sur un plateau").
4. Le plan est le plus souvent classique et a du mal de se défaire de la structure du sujet,
soit en 3 parties : étude des avantages, des inconvénients et ensuite procédures. Soit en
deux : avantages et inconvénients. A nouveau les parties de plan ne sont pas assez
explicites des intentions portées sur la stratégie de sa démonstration.
5. Dans le développement, les références professionnelles dominent au détriment des
arguments scientifiques. Les exemples prennent toute la place au détriment de la réflexion
préalable (sur les grandes thématiques culture commune, rapport au savoir,
discrimination…) La dimension didactique (contenus) demeure allusive. Les différents
points de vue sont le plus souvent juxtaposés. Il en va de même pour les transitions dont la
fonction n'est pas encore comprise.
6. Les conclusions paraissent moins anodines que dans les devoirs précédents. Le rappel
de l'hypothèse de travail apparaît plus souvent. L’ouverture est souvent sacrifiée.
Axes de traitement :
Une lecture attentive du sujet mettait en avant l’originalité du libellé : partir de ce que les
élèves vivent concrètement « en » EPS dans le domaine de l’enseignement mixte. Ainsi, il
ne fallait pas se contenter d’ évoquer « un enseignement idéalisé » de la mixité, avec tous
les avantages possibles sur le vivre ensemble, l’ouverture culturelle , l’égalité des sexes…
(choses intéressantes mais que les élèves vivent rarement) mais un enseignement réel,
multi forme de la mixité en EPS, avec ses différentes facettes, ses pratiques diversifiées,
un enseignement « situé » de la mixité ( voir les cm sur cet aspect qui donnaient des
informations sur les différentes manières de s’y prendre). Il fallait alors être capable pour
chacun d’eux d’en pointer les avantages et en cibler les inconvénients. En effet, il n’existe
pas de procédures idéales en matière d’enseignement, chaque tentative contient des points
forts et des faiblesses. La mixité en est un exemple flagrant : avec ses errances, ses
contradictions, ses dérapages, ses frustrations, au point d’ailleurs que nombreux se
refusent à la prendre en compte dans leur cours. C’est cet aspect « compliqué » de la
mixité qu’il fallait faire ressortir quels que soient les choix opérés. En fonction de cette
analyse (bénéfices/inconvénients) il fallait alors montrer votre capacité à tirer les
conséquences de vos observations (c’est à dire préciser, réorienter, infléchir les choix
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