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Les entérocoques sont des bactéries commensales du tube
digestif chez l’homme et sont responsables d’infections urinaires,
de bactériémies, d’endocardites ou de suppurations de plaies.
L’utilisation massive de certains antibiotiques, notamment
les glycopeptides, a exercé une pression de sélection sur les
entérocoques et a induit l’émergence de souches résistantes
aux glycopeptides (1) dès 1987 en Angleterre et en France
puis à partir de 1990 aux Etats-Unis où elles représentent
aujourd’hui 28,5 % des souches d’entérocoques responsables
d’infections nosocomiales dans les services de réanimation (2).
Les entérocoques résistants aux glycopeptides (ERG) sont surtout
responsables de colonisations digestives asymptomatiques, mais
peuvent également être à l’origine d’infections dans environ 10 %
des cas (3) (infections urinaires, endocardites, bactériémies).
Les facteurs de risque d’acquisition d’ERG sont désormais
bien décrits dans la littérature : la pression de sélection
des antibiotiques, l’insusance rénale et l’hémodialyse, la
transplantation d’organe, l’hospitalisation en oncologie ou en
réanimation, la présence de cathéters centraux, le grand âge, les
durées longues d’hospitalisation (4-5).
Il apparaît indispensable de lutter contre la diusion des ERG, car
si le nombre des porteurs augmente, le nombre des infections
dues à cette bactérie ira lui aussi croissant, avec une morbi-
mortalité importante, le nombre d’antibiotiques restant actifs
sur cette bactérie étant limité. Autre danger : il persiste un
taux élevé de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline
(SARM) dans les hôpitaux français, même s’il a diminué au
cours de ces dernières années passant de 40 % en 1993-1994
(6) à 29 % en 2004 (7). La présence concomitante d’ERG et de
SARM expose au risque de voir émerger des SARM résistants
aux glycopeptides par transfert du gène de résistance Van A,
conduisant là encore à une impasse thérapeutique mais cette
fois avec une bactérie beaucoup plus fréquemment pathogène
que l’ERG. Ce phénomène a déjà été observé plusieurs fois aux
Etats-Unis (8-10) et au Japon (11).
Depuis 2004, plusieurs épidémies importantes à ERG sont
survenues dans des établissements français :
- celle survenue au CHU de Clermont-Ferrand (12) a été maîtrisée
grâce à la mise en place de précautions complémentaires de
type « Contact » associées à un dépistage ciblé des patients à
risque de colonisation ou d’infection à ERG,
- celle de l’AP-HP (13) a été maîtrisée grâce à la création de
secteurs de cohorting associée à des mesures de dépistage
systématique à l’admission des patients.
En réponse à ces épisodes épidémiques, le Comité Technique
des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins
(CTINILS) a rédigé, en octobre 2005, des recommandations (14)
reprises dans une che technique de la Direction Générale de la
Santé (DGS) et de la Direction de l’Hospitalisation et des Soins
(DHOS) datée de décembre 2006 (15).
Description de l’épidémie d’ERG survenue au CHU
de Nancy ; diusion secondaire du phénomène
Fin 2004, quatre cas d’infections urinaires à ERG sont repérés
dans le service de néphrologie-dialyse du Centre Hospitalier
Universitaire (CHU) de Nancy. L’alerte est donnée et des dépistages
sont réalisés. Ils permettent de mettre en évidence de nombreuses
colonisations digestives à ERG dans le service de néphrologie mais
aussi dans d’autres services de l’établissement. Malgré l’application
immédiate d’une première série de mesures dont le renforcement
des pratiques d’hygiène des mains puis le regroupement des
patients ERG positifs dans le service de Maladies Infectieuses, cette
première bouée épidémique a évolué sur plusieurs mois ; au total,
131 porteurs ont été identiés dans 15 services diérents.
En septembre 2005, l’épidémie a semblé stabilisée avec malgré tout
un fond endémique persistant avec 2 à 5 nouveaux cas détectés
chaque mois. Une seconde bouée épidémique a débuté en
novembre 2006 de manière plus explosive que l’année précédente
[jusqu’à 40 nouveaux cas dépistés par mois (16)]. Des mesures
supplémentaires ont alors été instaurées, tel que le cohorting des
patients porteurs d’ERG. Les transferts éventuels de patients ERG
positifs s’accompagnaient d’une information spécique.
Malgré cela, l’épidémie s’étendra secondairement à d’autres
établissements de la région Lorraine puis de façon beaucoup
plus limitée à une région limitrophe, la Champagne Ardenne.
Les premiers foyers épidémiques lorrains hors CHU ont été
découverts au cours des premières semaines de 2007.
Devant l’ampleur de l’épidémie, une mission d’appui, mise en
place sur ordre de Monsieur le Ministre de la santé, Monsieur
Xavier Bertrand, a été accueillie les 2 et 3 avril 2007 au CHU de
Nancy. Elle avait pour objectifs de décrire l’évolution de la situation
épidémiologique, d’analyser les mesures déjà prises et les moyens
mobilisés, et d’établir la nature des dicultés rencontrées. Elle a
formulé plusieurs recommandations (poursuivre le cohorting,
la politique de dépistage intensive, établir une liste des patients
porteurs, renforcer l’utilisation des produits hydro-alcoliques) (PHA))
et a demandé la réalisation d’une enquête régionale de prévalence
pour mieux appréhender la diusion du phénomène hors CHU.
I
Pour mieux comprendre la genèse de ce guide