le mariage homosexuel a été autorisé, et un couple homosexuel marié possède les
mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un couple hétérosexuel. Les couples
homosexuels peuvent donc adopter des enfants et sont alors contraints de l’éduquer et
de subvenir à tous ses besoins matériels, moraux, et affectifs jusqu’à sa majorité. Il
s’agit là d’un compromis apparemment efficace : l’enfant garde son statut de
vulnérabilité et d’individu à part entière, et l’amour homosexuel est reconnu de la même
façon que l’amour hétérosexuel.
Le deuxième niveau de l’analyse traite de la reconnaissance de l’homosexualité comme
« forme d’amour » par la « globalité », par la masse. Dans ce cas précis, on touche à
l’influence encore très importante du catholicisme dans les pays latins. On le sait, et le
pape Benoît XVI nous l’a rappelé il y a peu, l’Eglise de Rome considère
l’homosexualité comme une dérive, comme un déséquilibre mental, comme un défit à
l’ordre établi par Dieu. Pourtant, si on considère que la Nature est la création de Dieu,
on ne peut pas affirmer que l’homosexualité est une déviance : on observe en effet des
pratiques homosexuelles dans de nombreuses espèces, notamment chez les singes
Bonobos.
Ce seul argument ne saurait pourtant pas défaire la thèse catholique. On trouve en effet
chez les catholiques une conception sacrée de l’amour. Que des primates de même sexe
entretiennent des relations sexuelles ne peut pas entrer en comparaison avec l’amour.
L’amour, pour les catholiques, ne peut s’effectuer qu’entre un homme et une femme,
avec comme point d’ancrage l’alliance éternelle devant Dieu et la relation sexuelle
associée systématiquement à la reproduction. On comprend ici qu’une comparaison
entre l’amour des hommes et l’amour des singes ne puisse pas toucher un catholique.
On peut s’opposer véritablement à la doctrine catholique en considérant que « l’état de
nature » n’existe pas chez l’homme, et qu’il est absurde de parler de déviance dans le
contexte anti-naturel de l’homme. La discussion est à ce point bloquée, et renvoie à
deux axiomes incompatibles : d’une part, le catholicisme et le caractère divin -et donc
naturel et évident - de l’amour, d’autre part, la thèse de l’homme social et du contresens
du mot « déviance ».
C’est donc encore la doctrine catholique qui reste très présente dans la mentalité de
masse de nos pays. En effet, ce n’est pas parce qu’un pays reconnaît l’union
homosexuelle que le peuple qui le constitue la reconnaîtra. L’exemple le plus probant
s’observe en Espagne : la loi reconnaît le mariage homosexuel tandis que la majorité des
Espagnols désapprouvent. La majorité des Français suit d’ailleurs l’exemple de ses
voisins latins : elle considère l’amour hétérosexuel exclusif comme seule véritable
incarnation de l’amour. Si on observe un rejet de l’amour homosexuel aussi massif,
c’est qu’un couple homosexuel n’est pas reconnu comme incarnation de l’amour. On
associe l’homosexualité à une image sociale du vice sexuel, de la drogue, et encore de
nos jours, du sida. L’homosexualité est pour une majorité d’hétérosexuels un écart par
rapport à la norme, qui serait le seul amour véritable. On retrouve alors cette équation :
l’homosexualité n’est pas reconnue comme amour parce qu’elle est en marge de la
norme amoureuse. Peut-on alors penser que l’amour n’existe que dans la norme ? Peut-
on considérer l’homosexualité comme amour, alors qu’il s’écarte de la norme ?
Il est bien évidemment impossible d’écarter l’homosexualité du cadre de l’amour ; car si
elle se construit effectivement en marge de la société et de ses normes, elle instaure de
nouvelles normes dans une nouvelle société où de nouvelles valeurs peuvent prendre de
l’ampleur. On peut donc bien parler d’amour homosexuel. La question de la possibilité
d’un amour loin des normes n’a cependant toujours pas été réglée, puisque