On aime ses parents, on aime ses amis, on aime son compagnon ou

On aime ses parents, on aime ses amis, on aime son compagnon ou sa compagne, on
aime la ville ou la campagne, on aime la vie ou l’alcool, Dieu ou les chocolats.
Parmi tous ces emplois, qui sont a priori une généralisation du sens du mot « aimer »
renvoyant finalement à un concept du goût, on peut toutefois différencier un groupe tout
à fait particulier. Ce dernier se distingue de façon empirique : chacun fait l’expérience
d’une « forme » d’amour particulière, qui prend sa source dans la relation sexuelle
choisie avec autrui.
La plupart du temps, cet amour est une relation exclusive entre deux personnes de sexe
opposé. Cependant, bien que cela soit considéré comme « une chose à part », voir
comme une déviance par certains, il semble que l’amour puisse également exister dans
d’autres contextes. Il apparaît alors que l’amour est soumis à une normalisation sociale ;
on considère comme seule possibilité de l’amour la relation hétérosexuelle exclusive.
On fait alors face à cette question : Peut-on aimer hors de la norme sociale ?
Nos discussions nous ont amenés à traiter trois principaux aspects de la question : en
premier lieu, l’appréhension de l’amour homosexuel face à l’amour hétérosexuel ;
ensuite, la frontière entre l’amour exclusif et l’amour collectif ou partagé ; enfin, la
possibilité de deux sortes d’amour parallèles : l’amour des consciences et l’amour des
identités.
La question de l’homosexualité est évidemment centrale dans la réflexion sur la
normalisation de l’amour. On y retrouve deux niveaux d’analyse.
Le premier traite de la reconnaissance de l’homosexualité par la loi. En France, l’amour
homosexuel n’est pas considéré comme un délit, et n’est sujet à aucune interdiction. On
pourrait penser alors que l’homosexualité est reconnue par la gislation comme
pratique amoureuse à part entière. Il existe également une reconnaissance officielle de
l’union homosexuelle avec le PACS : un couple homosexuel peut désormais être
considéré par la société comme un seul ensemble économique et civil, à l’instar d’un
couple hétérosexuel.
Cependant, on voit très nettement un gouffre se creuser entre l’amour hétérosexuel et
l’amour homosexuel lorsque l’on parle du mariage. Le mariage est la reconnaissance,
par la loi et par la société qu’elle régit, d’une union amoureuse dans le but de fonder une
famille. Et le mariage homosexuel n’est pas autorisé en France. C’est un débat d’ordre
éthique qui oppose les partisans du mariage homosexuel et les « conservateurs » ; à
savoir l’éducation des enfants. Certains pensent qu’il est indispensable qu’un enfant
bénéficie de la présence d’un père et d’une mère, tandis que d’autres revendiquent « le
droit à la parenté » de l’individu. D’un côté comme de l’autre, les arguments sont
discutables. Il semble en effet hypocrite de défendre l’éducation mixte de l’enfant quand
on sait qu’un couple sur deux en France est divorcé. Dans ce cas là, l’enfant n’est élevé
que par un seul de ses parents, et la mixité n’est pas respectée. De même, revendiquer le
droit de parenté revient à mettre entre parenthèse les droits de l’enfant : l’enfant se
retrouve en position d’objet possédé par les parents, et cela ouvre la voie à de terribles
dérives. Si on considère la parenté comme un droit, on donne la possibilité aux parents
de choisir d’avoir des enfants comme on choisirait d’acheter des habits (et pourquoi pas
de demander l’avortement pour un enfant qui n’aurait pas le sexe désiré, par exemple).
D’un côté, on voit une hypocrisie conservatrice cachant souvent une homophobie
notoire, de l’autre une libéralisation totale débouchant sur la désacralisation de l’enfant.
Quoiqu’il en soit, il s’agit de deux positions extrêmes, et c’est probablement à cause
de la radicalisation des discours que la discussion piétine dans notre pays. En Espagne,
le mariage homosexuel a été autorisé, et un couple homosexuel marié possède les
mêmes droits et les mêmes devoirs qu’un couple hétérosexuel. Les couples
homosexuels peuvent donc adopter des enfants et sont alors contraints de l’éduquer et
de subvenir à tous ses besoins matériels, moraux, et affectifs jusqu’à sa majorité. Il
s’agit d’un compromis apparemment efficace : l’enfant garde son statut de
vulnérabilité et d’individu à part entière, et l’amour homosexuel est reconnu de la même
façon que l’amour hétérosexuel.
Le deuxième niveau de l’analyse traite de la reconnaissance de l’homosexualité comme
« forme d’amour » par la « globalité », par la masse. Dans ce cas précis, on touche à
l’influence encore très importante du catholicisme dans les pays latins. On le sait, et le
pape Benoît XVI nous l’a rappelé il y a peu, l’Eglise de Rome considère
l’homosexualité comme une dérive, comme un déséquilibre mental, comme un défit à
l’ordre établi par Dieu. Pourtant, si on considère que la Nature est la création de Dieu,
on ne peut pas affirmer que l’homosexualité est une déviance : on observe en effet des
pratiques homosexuelles dans de nombreuses espèces, notamment chez les singes
Bonobos.
Ce seul argument ne saurait pourtant pas défaire la thèse catholique. On trouve en effet
chez les catholiques une conception sacrée de l’amour. Que des primates de même sexe
entretiennent des relations sexuelles ne peut pas entrer en comparaison avec l’amour.
L’amour, pour les catholiques, ne peut s’effectuer qu’entre un homme et une femme,
avec comme point d’ancrage l’alliance éternelle devant Dieu et la relation sexuelle
associée systématiquement à la reproduction. On comprend ici qu’une comparaison
entre l’amour des hommes et l’amour des singes ne puisse pas toucher un catholique.
On peut s’opposer véritablement à la doctrine catholique en considérant que « l’état de
nature » n’existe pas chez l’homme, et qu’il est absurde de parler de déviance dans le
contexte anti-naturel de l’homme. La discussion est à ce point bloquée, et renvoie à
deux axiomes incompatibles : d’une part, le catholicisme et le caractère divin -et donc
naturel et évident - de l’amour, d’autre part, la thèse de l’homme social et du contresens
du mot « déviance ».
C’est donc encore la doctrine catholique qui reste très présente dans la mentalité de
masse de nos pays. En effet, ce n’est pas parce qu’un pays reconnaît l’union
homosexuelle que le peuple qui le constitue la reconnaîtra. L’exemple le plus probant
s’observe en Espagne : la loi reconnaît le mariage homosexuel tandis que la majorité des
Espagnols désapprouvent. La majorité des Français suit d’ailleurs l’exemple de ses
voisins latins : elle considère l’amour hétérosexuel exclusif comme seule véritable
incarnation de l’amour. Si on observe un rejet de l’amour homosexuel aussi massif,
c’est qu’un couple homosexuel n’est pas reconnu comme incarnation de l’amour. On
associe l’homosexualité à une image sociale du vice sexuel, de la drogue, et encore de
nos jours, du sida. L’homosexualité est pour une majorité d’hétérosexuels un écart par
rapport à la norme, qui serait le seul amour véritable. On retrouve alors cette équation :
l’homosexualité n’est pas reconnue comme amour parce qu’elle est en marge de la
norme amoureuse. Peut-on alors penser que l’amour n’existe que dans la norme ? Peut-
on considérer l’homosexualité comme amour, alors qu’il s’écarte de la norme ?
Il est bien évidemment impossible d’écarter l’homosexualité du cadre de l’amour ; car si
elle se construit effectivement en marge de la société et de ses normes, elle instaure de
nouvelles normes dans une nouvelle société de nouvelles valeurs peuvent prendre de
l’ampleur. On peut donc bien parler d’amour homosexuel. La question de la possibilité
d’un amour loin des normes n’a cependant toujours pas été réglée, puisque
l’homosexualité instaure elle-même de nouvelles normes qui lui sont propres. C’est
pourquoi nous nous sommes penchés sur un autre thème : l’amour exclusif et l’amour
collectif ou partagé.
SUITE A VENIR, JE SUIS PARTI ACHETER DES CADEAUX POUR LA FAMILLE
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