Avez-vous déjà pêché des macres ? La macre est une plante aquatique flottante qui pousse dans les étendues d’eau calme. Aujourd’hui presque disparue dans l’Erdre, elle y proliférait autrefois : dans les années 1960, elle couvre encore la moitié du plan d’eau de la Poupinière. Cultivée en Chine depuis au moins 3000 ans, on trouve aujourd’hui la macre dans le monde entier sous différentes formes. Dans notre région il s’agit de Trapa natans : le mot trapa vient de chausse-trape (arme destinée à arrêter la cavalerie) et natans signifie nageante. La macre est aussi appelée châtaigne d’eau, corne du diable, noix aquatique, marron d’eau, truffe d’eau, noix de jésuite (on se servait souvent de ses graines pour fabriquer des rosaires), etc. La macre sur l’Erdre en 1890 « La trapa natans, appelée vulgairement mâcre, envahit insensiblement le lit de la rivière. […] Savoir les manger est un art, tout comme savoir manger une figue. Je vous dis cela du plus grand sérieux. Si vous voulez faire l’expérience, vous trouverez assez de marchands qui vous en vendront un bon litre pour cinq centimes, un sou. Ce serait aussi intéressant d’aller faire la cueillette vous-mêmes ; mais je dois prévenir ces dames – en vertu du proverbe qui s’y frotte s’y pique – qu’elles feront bien de garder leurs gants pour ménager leur peau blanche. » Eusèbe de Mazoyer, Sur l’Erdre, 1890. A la fin du mois d’août on pratique alors la pêche aux macres : pour ne pas se piquer les pieds sur les cornes des macres, on embarque à bord d’un bateau afin de ramasser les fruits cachés sous l’eau. La graine au goût de châtaigne est ensuite consommée bouillie ou grillée. La pêche et la consommation des macres étaient des moments collectifs et festifs. Observez la macre ! La tige submergée mesure trois à six mètres de long, selon la profondeur du plan d’eau. A la surface de l’eau, les feuilles ovoïdes ou triangulaires sont groupées en rosettes. Les fleurs, aériennes, apparaissent à l’aisselle des feuilles au début de l’été. Elles ont quatre pétales blancs entiers. Le fruit est une sorte de noix globuleuse, portant quatre grosses pointes. Il s’immerge quelques heures après la pollinisation. Parvenu à maturité à la fin de l’été, il tombe et s’ancre au fond de l’eau où il pourra germer. La graine, unique, est riche en amidon et en fer. Pourquoi la macre a-t-elle presque disparu dans l’Erdre ? A partir du début du 20e siècle, le chenal de l’Erdre est faucardé pour éliminer les plantes aquatiques entravant la navigation (ici, le bateau coupe-macres en 1917). Mais la macre persiste sur les autres zones de la rivière. Sa disparition quasi complète est en fait due à la dégradation de la qualité de l’eau (eutrophisation et phytosanitaires) et aux espèces invasives (plantes comme la jussie, animaux comme le ragondin). Le renouveau de la macre dans l’Erdre serait donc le signe d’un meilleur équilibre écologique de la rivière.