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pour que l'individu présente le phénotype qui y est lié. « On peut trouver le gène et les mutations qui sont
responsables d'un phénotype par l'étude du génome entier grâce à des programmes d'analyses statistiques
qui permettent de localiser ces caractères », indique Carole Charlier. « Pour des maladies récessives, ce
type de programme est au point et nous voulions développer ce même type d'analyses pour des caractères
dominants », poursuit-elle. Or les Blanc-Bleu Belges présentent un phénotype dominant au niveau d'une
coloration particulière de leur robe. Celui-ci se traduit par des flancs colorés et une raie blanche sur la ligne
dorsale et est appelé « blanc-dos ». « Nous espérions ainsi pouvoir identifier de nouveaux gènes impliqués
dans la couleur du pelage des bovins car bien souvent ces gènes ont d'autres effets sur des caractères qui
sont plus importants. Par exemple, chez la souris certains gènes qui jouent un rôle dans la couleur de la robe
de ces rongeurs sont aussi associés à des effets sur la fertilité ou sur l'obésité », précise Carole Charlier.
Un premier round peu concluant
Pour trouver le gène qui contient la mutation responsable dudit phénotype, les chercheurs de l'Unité
Génomique animale, dirigée par Michel Georges, sont donc partis à la recherche d'un morceau de
chromosome ancestral, un segment de chromosome où la mutation s'est produite à l'origine, commun à toutes
les vaches qui présentent ce phénotype. « Nous avons comparé le génome de bovins présentant le phénotype
« blanc-dos » et celui de bovins contrôles qui ne présentaient pas ce phénotype de robe. Et nous avons
trouvé une région commune aux vaches qui présentent le phénotype qui nous intéresse sur le chromosome
29 », révèle la scientifique. Malheureusement cette région était connue pour ne contenir qu'un seul gène,
sans intérêt pour cette recherche. En effet, ce dernier n'est pas exprimé au niveau des mélanocytes. « Nous
sommes restés bloqués à ce stade pendant près de deux ans », se souvient Carole Charlier.
C'est tout à fait par hasard que ce projet est remonté à la surface par la suite : « Keith Durkin, un post-
doctorant irlandais qui a rejoint notre laboratoire, travaillait sur un autre projet visant à établir un catalogue de
tous les variants structuraux au niveau du génome bovin », reprend la chercheuse. Les variants structuraux,
ou polymorphismes structuraux, sont tous types de variations que l'on peut observer au sein du génome
des individus d'une même espèce telles que des délétions, duplications, translocations, inversions, insertions
de fragments d'ADN. « Pour effectuer sa recherche Keith a utilisé les données produites par le laboratoire
au cours des dernières années. Ce sont des données de génotypage du génome entier effectuées à partir
du génome de 6000 à 7000 bovins de races différentes », indique Carole Charlier. Au sein de ces données,
le chercheur irlandais recherchait plus précisément des polymorphismes de type structuraux que l'on appelle
« copy-number variation », c'est-à-dire qui se traduisent par la délétion, duplication ou multiplication de sections
d'ADN.
Sur les milliers de variants de ce type décelés, Keith Durkin en a sélectionné certains, soit parce qu'ils avaient
une taille importante, soit parce qu'ils contenaient des gènes potentiellement impliqués dans des phénotypes
intéressants. « Parmi ces variants structuraux, l'un d'eux contenait le gène KIT connu pour engendrer un
phénotype de robe particulier lorsqu'il est muté », révèle la scientifique. « Et à partir de là, nous nous sommes
également rendu compte que le génome d'un certain nombre d'animaux de notre base de données contenait
ce gène dupliqué et qu'ils partageaient tous le phénotype de robe « blanc-dos » ! ».