de la science et de la technique, la domination du monde, la société sans classe, le triomphe de
la race, ou une vision religieuse totalitaire
.
Enfin, la mort donne une saveur d’inquiétude, de précarité, à tous les biens dont
l’homme jouit naturellement dans sa vie (notamment à l’amitié) ; et elle le marque de
l’angoisse, car c’est une catastrophe métaphysique. Elle s’attaque à la substance même de
l’être humain, qui comporte la matière dans son essence : être-mort, c’est n’avoir plus sa
raison d’être, ne plus exister comme personne. La mort brise l’inclination la plus
fondamentale de tout être : persévérer dans son être. Elle atteint l’homme comme le malheur
suprême.
B. Dieu appelle l’homme à une béatitude qui le dépasse.
L’originalité fondamentale du christianisme, c’est cette vérité que, dès le début de
l’histoire, Dieu appelle l’homme à dépasser les limites de sa nature pour devenir participant
d’une béatitude infinie. Un Père a dit : « l’homme est un être qui a reçu l’ordre de devenir
dieu par grâce ». Cette béatitude, qui prend toutes les dimensions de l’homme, est appelée par
l’Ecriture la vie éternelle. Elle intègre la vision béatifiante de Dieu (l’homme est un esprit), et
la victoire totale sur la mort par l’immortalité – dans le plan primitif –, ou la résurrection
glorieuse (l’homme est composé d’âme et de corps). Nous nous méprenons pas sur ces mots
de vie et d’éternité :
« L’éternité n’est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque
chose comme le moment rempli de satisfaction dans lequel la totalité nous embrasse et dans
lequel nous embrassons la totalité. Il s’agirait du moment de l’immersion dans l’océan de
l’amour infini, dans lequel le temps – l’avant et après – n’existe plus […] Ce moment est la
vie au sens plénier, une immersion toujours nouvelle dans l’immensité de l’être, tandis que
nous sommes simplement comblés de joie. » (Benoît XVI, Spe salvi, n° 12)
La béatitude surnaturelle a sa source dans la vision « face à face » (1 Co 13, 12) du
« seul vrai Dieu » (Jn 17, 3), « tel qu’il est » (1 Jn 3, 2), c’est-à-dire en son mystère intime.
(On ne peut aimer selon une certaine qualité que ce que l’on connait selon une lumière
proportionnée à l’être aimé : un chien ne peut amer son maître comme une épouse aime son
époux !) La vision de l’abîme de la Beauté divine entraîne un amour et une joie immenses,
indescriptibles en langage humain : « Nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille
n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour
ceux qui l’aiment. » (1 Co 2, 9)
.
Pour vivre cette béatitude qui le fait entrer dans la vie trinitaire, l’homme doit être
transformé, rendu semblable à Dieu et capable de saisir et de goûter, par une connaissance et
une affectivité spirituelles, le mystère incréé. La lumière de gloire, épanouissement céleste de
la grâce sanctifiante, et la charité parfaite qui découle de la vision, opèrent une véritable
divinisation
: l’homme devient, par participation, ce que le Fils est par nature
.
« La décadence tourne le dos à toute grandeur et à toute générosité, la tyrannie veut obliger l’homme à se
dépasser, faisant appel à son énergie en piétinant systématiquement ses aspirations légitimes au bonheur. Seule la
recherche de la béatitude nous délivre du cercle infernal qui condamne l’homme à tourner sans cesse entre
l’orgueil du vice et l’orgueil de la vertu. » (M.-D. Molinié, Un feu sur la terre, vol. IV, p. 15, n. 8)
« Il y a plénitude de joie devant ta face, des délices éternelles dans ta droite » (Ps 15, 11) ; « Les souffrances du
temps présent sont sans proportion avec la gloire à venir qui sera manifestée en nous. » (Rm 8, 18).
« Les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été données, afin que vous deveniez ainsi participants de
la divine nature » (2 P 1, 4). « Le vœu de l’indivisible Trinité, cette source de vie, cette substance de toute bonté,
est le salut de toute créature intelligente, qu’elle soit homme ou qu’elle soit ange. Or le salut ne se trouve que
dans la déification des sauvés, c’est-à-dire dans l’assimilation et l’union à Dieu. » (Denys, Hiérarchie
ecclésiastique, I, 3). « Quasi Deus factus participatione » (S. Thomas, IV Sent., dist. 34, q. 1, a. 3).
« Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été
manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel