HIRATA Helena
GERS-CNRS
Mondialisation et division sexuelle du travail : une perspective Nord-Sud
A partir d’une approche hommes-femmes et d’une approche Nord-Sud, nous voulons
interroger le concept de mondialisation, qui apparaît souvent comme un concept « fourre-
tout ». La réflexion sur la mondialisation est en effet inséparable d’une déconstruction de
cette notion, que nous voulons prendre en compte en tant que catégorie analytique, tout en
critiquant son usage en tant que modèle normatif. L’interdépendance croissante des marchés
nationaux vers la constitution d’un marché mondial unifié n’efface pas, en dépit de ses forces
homogénéisantes, la diversité, mais aiguise plutôt l’hétérogénéité des situations de travail,
d’emploi et d’activité des femmes et des hommes, du Sud et du Nord.
L’objectif de cette communication est d’analyser les conséquences différentielles du
processus de mondialisation sur l’emploi et le travail selon les sexes, dans une perspective
Nord-Sud. La libéralisation du commerce et l’intensification de la concurrence internationale
a eu pour conséquence, si l’on considère les résultats de recherches effectuées par des
économistes et sociologues du travail sur les années quatre-vingt-dix, une croissance au
niveau mondial, avec des rares exceptions, de l’emploi salarié et du travail rémunéré des
femmes. Cependant, et c’est un des paradoxes de la mondialisation, cet accroissement s’est
accompagné de la précarisation et de la vulnérabilité accrues de ces emplois. Les inégalités de
salaires, de conditions de travail et de santé n’ont pas été significativement amenuisées avec la
croissance de l’emploi féminin et le partage du travail domestique n’a pas changé
véritablement en dépit des responsabilités croissantes, au moins d’une partie des femmes,
dans le domaine du travail professionnel. Le rapport entre travail domestique et affectivité
semble être au cœur même de cette permanence.
Le modèle de travail précaire, vulnérable et flexible a pris, dans les pays du Nord, la figure du
travail à temps partiel et, dans les pays du Sud, la figure du travail informel, sans statut et sans
aucune protection sociale. L’opposition entre cette figure du salariat féminin et l’importance
prise ces dernières années par la féminisation de la catégorie des cadres et professions
intellectuelles supérieures est aussi à prendre en compte, dans la mesure où cette « bi-
polarisation », résultat en partie des processus qui se déroulent dans la sphère éducative, est
un point central de convergence entre les pays du Nord et du Sud.
Un des résultats de ces processus est l’exacerbation des inégalités sociales, entre hommes et
femmes et entre les femmes elles-mêmes, mais l’atomisation des travailleurs(ses), qui résulte
en partie de la mise au travail sur des modalités d’emplois précaires (contrats à durée
déterminée, intérim, contrats « aidés », etc.) ou isolés (travail à domicile, télétravail, etc.)
n’empêche pas et peut même être, paradoxalement, un cadre pour l’émergence de nouvelles
actrices et acteurs collectifs.
Ainsi, nous nous trouvons, pour la première fois, face à une apparition autonome des femmes
en tant qu’actrices collectives dans la Marche Mondiale des Femmes, autonomes par rapport
aux autres organisations anti- ou alter- mondialistes. Elles ne sont plus, comme pendant toute
la période précédente de luttes anti-capitalistes, une des composantes du pôle travail contre le
champ du capital mondialisé,. Les implications politiques de cette nouvelle position des
femmes dans les rapports des forces alter-mondialistes reste à analyser.