Proposition de communication
(RT 2 – Axe 1)
VIDAL Dominique
Statut : Professeur de sociologie, Université Paris Diderot / URMIS
Titre : Pourquoi et comment étudier les migrations à l’échelle de l’individu ? Le cas de
l’immigration portugaise en France
Résumé :
À partir d’une recherche sur l’immigration portugaise en France, on montrera comment
étudier les migrations à l’échelle de l’individu pour dépasser certaines limites entraînées
par l’utilisation de catégorisations et de découpages spatiaux rigides. Bien qu’on ne
puisse toujours en faire l’économie, le vocabulaire habituel des études migratoires, s’il
permet d’assurer une descriptibilité des phénomènes migratoires entre le Portugal et la
France, ne permet en effet ni de saisir leur complexité, ni de mettre en évidence tout ce
que ces flux révèlent. Des termes aussi banals que « migrant de retour » ou « seconde
génération » laissent par exemple échapper ce qui caractérise une part notable des
trajectoires. De même, centrer la focale sur un lieu ou sur les seuls déplacements entre
plusieurs lieux ne suffit pas à faire apparaître des dimensions majeures de l’espace
concerné par ces migrations. Les travaux inspirés par le transnationalisme, tout en
établissant les conséquences des transformations de l’espace transnational sur les
espaces locaux, s’en tiennent ainsi à deux niveaux d’analyse distincts – celui des
processus généraux et celui des migrants comme individus – davantage mis en parallèle
l’un l’autre que reliés entre eux. Il en résulte alors fréquemment des récits de vie qui
mentionnent correctement les scansions biographiques liées à des transformations
structurelles, mais ne disent rien de nouveau sur ces dernières.
Loin de sous-tendre une vision atomiste du social et d’ignorer l’importance des
groupes d’appartenance pour comprendre les comportements individuels, étudier les
migrations à l’échelle de l’individu se donne par conséquent pour objectif de rendre
compte des processus structurels par lesquels l’individu est produit selon différentes
modalités dans un ensemble socio-historique formé par le Portugal et la France au sein
duquel les migrants portugais et leurs descendants ont fait leur vie, qu’ils se soient ou
non définitivement installés dans l’un ou l’autre pays. On le fera ici à partir de deux
prismes d’analyse – le village et le groupe de parenté – en mobilisant les acquis de
l’anthropologie sociale, de l’histoire et de la sociologie pour éclairer nos matériaux
d’enquête. On considèrera ainsi d’abord le village bien moins comme un espace statique
que comme un opérateur à partir desquels déchiffrer différentes déclinaisons des
migrations portugaises vers la France. On montrera ensuite que la perspective de
l’anthropologie de la parenté qui insiste sur les logiques collectives ne s’oppose pas
nécessairement aux approches de la sociologie de la famille qui se centrent davantage
sur l’individualisation des relations familiales.