Dialogue euro-arabe/ allocution de M. Driss El Yazami
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Troisième rencontre euro-arabe des institutions nationales des droits de l’Homme
Migration et droits humains
Rabat au 6 au 8 mai 2008
Allocution de M Driss El Yazami, Président du Conseil de la communauté marocaine à l’Etranger
Messieurs les présidents des institutions nationales des droits de l’Homme,
Mesdames et messieurs, chers amis,
C’est pour moi un honneur et un privilège que de participer à la séance d’ouverture de cette
importante conférence consacrée au thème : migrations et droits de l’Homme.
Cette conférence est en effet importante à plus d’un titre.
Elle l’est d’abord parce que la question migratoire est devenue, malgré sa relative faiblesse
démographique -les migrants ne constituent après tout que 3 % de la population mondiale-une des
questions essentielles de l’agenda politique et social international, mais aussi national. Dans des pays
de plus en plus nombreux, la migration est perçue comme hostile, incontrôlable, et dénoncée
comme une menace ou une anomalie. Régulièrement, elle est instrumentalisée lors des
consultations électorales. Ainsi, d’ici la fin de l’année en cours, la migration est inscrite à l’ordre du
jour de la présidence française de l’Union européenne, qui souhaite établir un pacte européen sur
l’immigration ; elle figure à l’agenda euro-africain avec la tenue à la fin de l’année d’un sommet qui
fait suite au premier sommet de Rabat. Elle est enfin à l’honneur avec la réunion à Manille fin
octobre de la deuxième conférence intergouvernementale, organisée à la suite des travaux du
groupe de Haut niveau mis en place en son temps par M. Kofi Annan.
Cette montée en puissance de la migration dans les agendas international et nationaux et reflète en
fait les mutations radicales du phénomène migratoire de ces dernières décennies. Désormais
mondialisée, la migration s’amplifie de jour en jour, révélant les fractures et les crises du monde, les
inégalités qui le traversent, les transformations sociales et culturelles à l’œuvre dans tous les pays
comme l’urbanisation des pays en voie de développement, l’autonomie grandissante des femmes,
qui constituent aujourd’hui la moitié des migrants du monde, l’apparition d’un imaginaire migratoire,
lié au développement de l’information, des moyens de transport, …
La mondialisation de l’immigration qui se manifeste par l’extension géographique des mobilités
humaines (les périples des migrants sont de plus en plus longs et de plus en plus dangereux) se
heurte à la tendance généralisée des Etats à légiférer pour limiter l’entrée sur leur territoire des non-
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nationaux et renforce la traite des êtres humains et le trafic, devenu désormais une industrie
lucrative et de plus en plus élaborée.
C’est donc sous l’angle de la méfiance que la question des migrations est trop souvent abordée, alors
que toutes les analyses scientifiques et sereines montrent qu’elle est incontestablement source de
richesses.
D’abord par l’importance des transferts, estimés en 2004 à 150 milliards de dollars, soit près de 3 fois
le montant de l’aide publique au développement. Ces remises sont non seulement importantes pour
les balances de paiement de nombreux pays, mais constituent souvent un facteur essentiel de lutte
contre la pauvreté et en faveur de l’amélioration de la condition des familles de migrants. Ainsi, elles
jouent un rôle important pour la scolarisation des filles dans de nombreux pays.
Dans les pays d’accueil, notamment développés, la migration contribue de manière de plus en plus
forte à combler les déficits démographiques, mais aussi à créer directement de la richesse
économique. Ainsi, dans son rapport de 2006, la banque mondiale estimait que l’augmentation de
3% de la main d’œuvre totale des pays industrialisés, due à l’immigration, a dégagé un revenu
supplémentaire de 160 milliards de dollars, soit davantage que les gains réalisés grâce à la
libéralisation du commerce des marchandises.
Comme le rappelle un rapport récent de la Direction générale de coopération internationale et du
développement du ministère français des affaires étrangères, « la migration contribue, par l’afflux
de cotisations, au rééquilibrage des budgets sociaux dans les pays développés, tout en permettant
d’élargir et de populariser l’idée et la pratique de la protection sociale au sein des pays en
développement ».
La migration contribue enfin à a mondialisation du savoir, au bénéfice du Nord industrialisé (86 000
chercheurs étrangers sont accueillis aux Etats-Unis chaque année), souvent au détriment des pays
d’origine. Néanmoins, cette ressource peut être aussi mobilisée, sous certaines conditions, en faveur
d’un développement plus soutenu des pays émergents, dès lors, souligne le rapport cité ci-dessus,
que « le contact n’est pas interrompu entre le migrant et son pays d’origine ».
Mesdames et Messieurs
Votre conférence intervient ainsi dans ce contexte rapidement évoqué ci-dessus. D’où aussi son
importance.
Les travaux les plus récents concordent pour souligner l’importance d’une mobilisation du maximum
d’acteurs, publics et privés, nationaux et internationaux, pour une nouvelle gouvernance mondiale
de la question des migrations, au bénéfice des migrants, des pays d’origine et des pays d’accueil.
Ainsi, un nouvel élan devrait être donné à la mobilisation des Etats d’origine. C’est dans cette
perspective que le Royaume du Maroc s’est engagé dans plusieurs chantiers dont celui de créer un
cadre adéquat pour ses ressortissants établis à l’étranger et qui constituent aujourd’hui près de 10%
de sa population totale.
Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger a été établi en décembre dernier par Sa
majesté le Roi Mohamed VI suite à un large processus de concertation avec ces communautés mené
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par le Conseil consultatif des droits de l’Homme. Etabli auprès de Sa Majesté comme un organe
consultatif et de prospective, il a notamment pour missions de resserrer les liens de coopération
entre le Maroc et les pays d’accueil, tant au niveau des sociétés qu’au niveau gouvernemental.
Engagés dans un processus d’enracinement dans les sociétés des pays de résidence, mais soucieux de
garder des liens très forts avec leur terre d’origine, ces Marocains du Monde, dont notamment les
jeunes générations nées et socialisées dans les pays d’accueil, peuvent constituer des ambassadeurs
de premier plan au profit des deux sociétés.
Toujours Marocains et déterminés à le rester, mais de plus en plus citoyens à part entière des
sociétés ils vivent, notamment en Europe, ils constituent une ressource formidable pour
l’élargissement de la coopération entre ces deux espaces d’appartenance. Notre Conseil entend
notamment réunir dans les prochains mois l’ensemble des conseils d’émigrés qui existent au niveau
international pour en faire un réseau de coopération et d’une force de proposition sur la question
globale des migrations.
C’est aussi dans cette même perspective que je salue votre initiative. Les institutions nationales des
droits de l’Home, dans leur diversité, peuvent aussi constituer un réseau irremplaçable et un acteur
important dans le débat mondial sur les migrations. Constituées d’éminentes personnalités, chargées
de la défense des droits de l’Homme, partout et pour tous, et ces institutions ont un poids moral
primordial et une capacité d’influence politique importante.
Situées à la frontière de l’action publique et de la mobilisation des ONG, leur intervention dans le
débat mondial sur les migrations peut contribuer de manière significative à la délibération
internationale devenue de plus en plus nécessaire sur cette question.
C’est une raison de plus pour vous souhaiter plein succès dans vos travaux.
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