On compte aujourd’hui 232 millions de migrants internationaux dans le monde et 740
millions de migrants internes. Le sud attire de plus en plus et, d’ici quelques années, il y aura autant
de migrants se dirigeant vers le sud (sud-sud et nord-sud, soit quelques 110 millions aujourd’hui)
que de migrants allant vers le nord (nord-nord et sud-nord, soit 120 à 130 millions aujourd’hui).
Au nord comme au sud, les migrants façonnent les villes : cosmopolitisme dans un contexte
d’urbanisation galopante de la planète et villes mondes (mais pas toujours villes globales, au sens
où l’entend Saskia Sassen car ce ne sont pas toujours des centres de décision mondiaux). De
nouveaux espaces urbains voient le jour, sans cesse réinventés, comme les banlieues urbaines,
les centre villes, mais aussi les friches urbaines ghettoïsées, les lieux d’habitation improvisés au
sud par les catastrophes environnementales, les camps qui deviennent des villes dans le cas des
migrations forcées ou les bidonvilles.
Plutôt que d’analyser ces nouvelles formes de villes, on se penchera sur les causes
structurelles qui sont à l’origine des nouvelles configurations migratoires dans les pays de
départ et de transit : exode rural, attraction des modes de vie occidentaux grâce à la circulation
de l’information, transferts de fonds (400 milliards de dollars envoyés en 2012), individualisation
des modes de vie et désir de réaliser son projet d’existence, fixation des prix agricoles et
des matières premières à l’échelle mondiale qui font préférer la ville car la vie rurale permet
difficilement d’accéder à la monétarisation de l’économie, progrès de l’éducation, refus du
fatalisme consistant à rester là où l’on est né, crises politiques. Cette migration liée à des causes
structurelles est à la fois à l’origine d’une migration interne, d’une migration de transit pour ceux
qui accèdent difficilement aux réseaux internationaux de passage, mais aussi d’une économie
de la frontière régie par les passeurs et d’une migration internationale. De nouvelles villes de
transit apparaissent au sud, avant la traversée de la frontière vers le nord, au Maroc, en Turquie,
au Mexique. Des villes frontières sont aussi des lieux de migration, comme Istanbul, Tijuana et
bien d’autres. Mais la ville est aussi la source de nouveaux liens transnationaux commerçants,
entrepreneuriaux, affectifs, culturels, fruits d’une économie du voyage et de l’échange.
Un aperçu de l’état des travaux sur les facteurs structurels de la migration du sud au
nord et du sud au sud, qui prend sa source dans les villes du sud mais se déploie dans d’autres
villes sera présenté ici. La première partie sera consacrée aux causes du départ dans plusieurs
régions migratoires du monde (Amérique latine, Afrique, Proche et Moyen orient, Asie) en
mettant l’accent sur le caractère structurel de ce mouvement dans les sociétés du sud et mettra
en lumière les liens qui sous-tendent cette mobilité : espaces migratoires, systèmes migratoires
régionaux, régimes migratoires institutionnels qui facilitent ou entravent ces mouvements. Une
seconde partie sera consacrée aux espaces de transit, souvent liés aux contrôles de frontières
qui transforment des villes du sud en espaces urbains provisoires et clandestins, ou aux camps
qui s’urbanisent dans la durée. Une troisième partie sera centrée sur les villes du nord et du
Catherine Wihtol de Wenden
Les facteurs structurels des migrations et leur ancrage urbain