dossier sur quelques effets sociaux

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Dossier / Effets sociaux
Une onde de choc
qui accentue la fracture sociale
Par Francine Aizicovici et Marie-Béatrice Baudet
LE MONDE ECONOMIE, Edition du 06.01.09
C'est une litanie de mauvais chiffres. Le 3 décembre,
l'Irlande annonçait un taux de chômage à 7,8 %, du
jamais vu depuis 1998 ; le 5 décembre, on apprenait que
l'économie américaine avait détruit 533 000 emplois rien
que sur le mois de novembre, ce qui n'était pas arrivé
depuis trente-quatre ans ! L'Espagne et la France ne sont
pas en reste. La première devrait perdre, selon les
prévisions de la Fédération des promoteurs de Madrid,
900 000 emplois dans le bâtiment d'ici à 2010 ; en
France, les statisticiens sont obligés d'aller rechercher
jusqu'en 1984 pour retrouver la même envolée du
chômage (+ 64 000 personnes supplémentaires sur un
mois) enregistrée en novembre. Le Bureau international
du travail (BIT) et l'organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) ne s'y trompent
pas. L'un comme l'autre estimaient en octobre que la crise
risquait d'accroître entre 20 et 25 millions dans le monde,
le nombre de personnes sans travail d'ici à 2010.
Débutée à l'été 2007 avec la faillite de deux fonds
d'investissement de la banque américaine Bear Stearns,
la crise bancaire a commencé à contaminer l'économie
réelle en 2008. Le marché du travail étant un indicateur
conjoncturel décalé - les entreprises se mettent à réduire
la voilure une fois qu'elles perçoivent un réel
retournement de l'activité -, l'horizon de l'emploi s'est
véritablement assombri à l'automne et devrait se noircir
davantage en 2009.
On sait par expérience comment les directeurs des
ressources humaines (DRH) réagissent, en France ou
ailleurs, lorsque le péril économique est là. Pour ajuster la
force de travail à la baisse de la production, ils réduisent
d'abord, en principe, les heures supplémentaires ; mettent
fin ensuite aux missions d'intérim et aux contrats à durée
déterminée (CDD) ; ont recours au chômage partiel ; puis
enchaînent avec des plans sociaux. "Tout ce qu'ils
appellent le "gras" disparaît, confirme Philippe Askenazy,
directeur de recherche au CNRS, Ecole d'économie de
Paris. Et la file d'attente pour les recrutements, quand ces
derniers sont indispensables, se forme. Les demandeurs
d'emploi les plus qualifiés et les plus récents aux Assedic
passent devant les chômeurs de longue durée, souvent
les plus fragiles."
Un schéma classique, vécu par exemple lors de la
récession de 1993. Pour autant, dans plusieurs pays, la
crise actuelle semble innover, en faisant des emplois
précaires (CDD, intérim) un amortisseur beaucoup plus
important qu'à l'habitude, protégeant du coup davantage
le "noyau dur" du salariat : les "insiders". "Ce phénomène
est particulièrement sensible en France ou en Espagne,
par exemple, où les politiques menées depuis plusieurs
années ont conduit au développement d'un marché du
travail plus flexible", constate M. Askenazy. Selon
l'économiste, cela explique pourquoi le taux de chômage
grimpe actuellement plus vite en France et en Espagne
qu'en Allemagne, où la flexibilité est moindre. Au sein de
l'Hexagone, deux embauches sur trois se font aujourd'hui
en CDD.
Une analyse partagée par Eric Heyer. Le directeur-adjoint
à l'Observatoire français des conjonctures économiques
(OFCE) fait remarquer, s'appuyant sur les statistiques de
l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale
(Acoss), qu'après une légère baisse en août, le nombre
d'heures supplémentaires est reparti à la hausse en
septembre et en octobre, où il a atteint 46,8 millions pour
ce seul mois. Depuis la loi travail, emploi et pouvoir
d'achat (TEPA), votée en août 2007, les heures
supplémentaires bénéficient, il est vrai, d'exonérations
supplémentaires. "Ces chiffres montrent, insiste-t-il, que
les DRH ont préféré garder leurs salariés (et les
exonérations) pour se séparer des plus précaires, ce qui
confirme l'existence de la concurrence entre temps de
travail et emploi." Une réalité sur laquelle le syndicat des
professionnels de l'intérim (Prisme) décidait d'alerter,
annonçant à l'automne une baisse de 10 % du nombre
d'intérimaires en mission, ce qui se traduit par une "perte
de 50 000 emplois" depuis le début de l'année.
On connaît les premières victimes de ce grand nettoyage
dans les missions d'intérim : les jeunes, vivier privilégié du
travail temporaire. "Nous en voyons de plus en plus
franchir les portes de nos missions locales, remarque
Annie Jeanne, présidente de l'Association nationale des
directeurs de missions locales (ANDML). En plus des
jeunes qui cherchent à s'insérer et qui souffrent beaucoup
en cette période de crise, nous voyons des moins de 25
ans qui étaient parvenus à une situation professionnelle
quasiment stable grâce à l'enchaînement des missions
d'intérim - ce qui leur permettait de payer un loyer, d'être
autonome - et qui se retrouvent maintenant sans travail."
Pour Philippe Askenazy, "aujourd'hui, le gouvernement
devrait avoir plus peur des jeunes que des ouvriers. Et
réfléchir à ce qui s'est passé en Grèce".
Cette relative protection du noyau dur du salariat au
détriment des actifs qui sont à la périphérie ne doit pas
être une surprise. En septembre 1997, Henri Guaino,
alors commissaire général du Plan, s'inquiétait déjà de
cette structure du marché du travail français, évoquant le
développement inquiétant du sous-emploi et de la
précarité, estimant à l'époque que près de 7 millions de
personnes étaient directement et indirectement touchées
par les difficultés de l'emploi, la "gangrène du chômage".
Douze ans plus tard, la situation a empiré. Conseiller
spécial du président de la République, M. Guaino n'a pu
que le constater. "Les salariés en situation précaire sont
tellement nombreux que le nombre de chômeurs pourrait
remonter rapidement en France jusqu'à 3 millions", insiste
M. Askenazy. Une plaie sociale à laquelle pourrait
s'ajouter le mécontentement des salariés en emploi dont
le pouvoir d'achat s'érode en raison des restrictions de
rémunération que vont imposer les DRH.
Face à toutes ces menaces qui pourraient faire de 2009
l'année de la crise sociale, en France mais aussi dans
d'autres pays de l'Union européenne, les gouvernements
ont allumé des contre-feux (plans de relance, amplification
du traitement social du chômage, etc.). Certains à l'instar
de l'Espagne, décidant même de fermer leurs frontières,
qu'ils avaient pourtant grandement ouvertes en période de
croissance, aux travailleurs immigrés.
*****
De "nouveaux pauvres"
frappent aux portes des associations
Francine Aizicovici LE MONDE ECONOMIE, 06.01.09
Mi-novembre, des associations d'aide aux plus démunis
tiraient la sonnette d'alarme face à l'arrivée de nouvelles
populations dans leurs centres : retraités, salariés,
étudiants, petits patrons en faillite... Nombre d'entre eux
iront sans doute rejoindre la cohorte des 7,9 millions de
personnes pauvres en France (données 2006), celles
dont le niveau de vie est inférieur à 880 euros par mois.
Ce seuil de pauvreté monétaire correspond à la norme
européenne qui l'établit à 60 % du niveau de vie médian.
Le taux de pauvreté (13,2 % en 2006) est en progression
depuis 2004, alors qu'il n'avait cessé de baisser jusque-là.
Premiers publics touchés : les familles monoparentales
(près d'un tiers d'entre elles) ; les couples ayant trois
enfants ou plus (20 %) ainsi que les personnes seules
(16,7 %). Par tranche d'âge, la pauvreté vise
particulièrement les 18-24 ans, une population qui
rencontre des difficultés d'insertion sur le marché du
travail et n'est pas éligible au revenu minimum d'insertion
(RMI). Un véritable retournement au regard des années
1970 : "Entre cette période et aujourd'hui, le taux de
pauvreté des plus de 60 ans a été divisé par deux, tandis
que celui des 20-30 ans a, lui, été multiplié par deux",
souligne Julien Damon, professeur associé à Sciences Po
et rapporteur général du Grenelle de l'insertion. Autre
évolution : alors que pendant longtemps, la pauvreté était
liée à l'inactivité (personnes âgées ou handicapées,
mères de famille seules), elle s'est peu à peu rapprochée
du salariat. Selon Jean-Luc Outin, chercheur au CNRSCentre d'économie de l'université Paris-I et membre de
l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion
sociale, la France compte 1,7 million de travailleurs
pauvres (travailleurs appartenant à un ménage pauvre),
soit 7 % des actifs. Un phénomène lié, dit-il, "en partie à la
montée du temps partiel et de l'emploi instable".
Des chercheurs, à l'instar de Serge Paugam, directeur
d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales
(EHESS), mettent cependant en question cet indicateur
basé sur un seuil de pauvreté. Pour lui, cette définition ne
permet pas de définir "un statut social" des pauvres. Il lui
préfère le nombre de bénéficiaires des 9 minima sociaux
existants (RMI, allocation adulte handicapé, etc.). Ceux-ci
concernaient 3,3 millions de personnes en 2006 qui
percevaient entre 450 et 700 euros par mois (pour une
personne seule) et ont vu leur pouvoir d'achat stagner
depuis dix ans.
Jusqu'aux années 1980, la France a privilégié l'approche
des aides ciblées pour lutter contre la pauvreté. Le
minimum vieillesse apparaît en 1956 pour les retraités
n'ayant pas acquis assez de droits ; l'allocation adulte
handicapé en 1975 ; l'allocation de parent isolé (API) en
1976, face à la montée des divorces, etc. Puis, la forte
hausse des demandeurs d'emploi conduit à une réforme
de l'indemnisation du chômage (durée de versement des
allocations raccourcie, etc.) et pousse en 1984 à la
création de l'allocation de solidarité spécifique (ASS).
Cette année est aussi celle où apparaît "la première ligne
budgétaire spécifique de lutte contre la pauvreté, observe
M. Damon, pour prendre en charge ceux que l'on a
nommés alors les "nouveaux pauvres"" : les victimes des
plans de licenciements ou les jeunes qui ne parvenaient
pas à s'intégrer sur le marché du travail.
Ce cheminement aboutira à la prise de conscience de la
nécessité d'une politique plus globale contre la pauvreté,
qui donnera naissance au RMI, le 1er décembre 1988,
destiné aux personnes âgées d'au moins 25 ans. Et dix
ans plus tard, à la loi relative à la lutte contre les
exclusions. Même s'ils sont insuffisants, la France se
donne peu à peu des moyens ; en revanche elle ne se
fixe pas un objectif chiffré de recul de la pauvreté avant
2007, quand le président de la République, Nicolas
Sarkozy, a déclaré vouloir la réduire d'un tiers en cinq
ans.
En parallèle, le débat sur la "désincitation au travail" que
provoqueraient les minima sociaux, thèse pourtant
contredite par diverses études, n'a jamais cessé. Une des
réponses
à
ces
critiques
sera
la
mesure
d'"intéressement", qui permet de cumuler, pendant un
temps, RMI, API ou ASS et revenus du travail, et préfigure
le futur revenu de solidarité active (RSA). Le RSA
permettra-t-il, lui, de réduire la pauvreté ? La question
reste posée car d'une part, un certain nombre de
bénéficiaires du RMI, que le RSA va remplacer, ne
travailleront pas pour des raisons de santé ou d'âge, ou
faute de trouver un emploi. D'autre part, "le RSA peut
certes faire sortir de la pauvreté les quelque 3,5 millions
de personnes pauvres qui sont tout juste en dessous du
seuil si elles reprennent un emploi même très partiel,
souligne M. Outin. Mais il risque, dans le même temps,
d'encourager les entreprises à développer ce type
d'emplois".
POUR EN SAVOIR PLUS :
LA RÉGULATION DES PAUVRES, de Serge Paugam et
Nicolas Duvoux (PUF, coll. "Quadrige", 2008, 113 p., 10 €).
L'EXCLUSION, de Julien Damon (PUF, coll. "Que sais-je ?",
2008, 126 p., 8 €).
L'ECONOMIE DES INÉGALITÉS, de Thomas Piketty (La
Découverte, coll. "Repères", 2008, 126 p., 8€).
"MINIMA SOCIAUX, LE TEMPS DE LA RÉFORME", dossier
de la revue Problèmes économiques (La Documentation
française, 24 décembre, 48 p., 4,7 €).
L'ECONOMIE FRANÇAISE 2009, Fondation nationale des
sciences politiques et de l'Observatoire français des
conjonctures économiques (La Découverte, coll. "Repères
économie", 2008, 123 p., 8,5 €).
*****
Anthony Atkinson
"Des prestations solides
atténuent l'érosion des revenus"
Propos recueillis par Anne Rodier
LE MONDE ECONOMIE, du 06.01.09
Comment la crise financière va-t-elle changer la
répartition des revenus ?
Les conséquences de la crise financière sur la répartition
des revenus vont varier d'un pays à l'autre, en fonction
des systèmes de protection sociale et des évolutions
salariales récentes. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont
vu ces dernières années une forte augmentation des
hauts revenus, les inégalités s'y sont donc davantage
développées qu'en France ou qu'en Allemagne. Mais
avec le séisme financier et la chute des bourses, les plus
aisés ont perdu beaucoup d'argent. Tout comme les
retraités affectés directement par la chute des taux
d'intérêt anglais et américains. Le retrait de l'Etat du
financement des pensions les avait en effet conduits à
placer leurs épargnes, notamment dans l'immobilier. Ce
qui n'est pas le cas en France où le niveau de vie des
personnes âgées, qui vivent essentiellement de leurs
pensions, a progressé.
Les petits et moyens salaires, peu enclins à investir
financièrement, sont-ils les gagnants de la crise par
défaut ?
Non. Ceux qui pourraient bénéficier de la crise, c'est la
frange (1 %) des extrêmement riches sous réserve qu'ils
aient su sauvegarder leurs liquidités à l'instar du
multimilliardaire américain Warren Buffett, qui a pu
acheter une partie de Goldman Sachs au plus fort de la
crise. C'est ce qui s'est passé en tout cas à Singapour,
lors de la crise asiatique de 1998. Alors que les hauts
revenus y étaient restés quasiment inchangés durant la
croissance des années 1990, ils ont largement profité du
marasme économique d'alors.
Il est toutefois encore trop tôt pour savoir s'il y aura une
réelle modification en termes d'écart de salaire entre le
haut et le bas de l'échelle. Quoi qu'il en soit, le scénario
de 1929 ne devrait pas se reproduire car les hauts
revenus salariaux ne devraient pas subir de fortes pertes,
comme ce fut le cas en 1929, où ils avaient chuté de 25 %
à 33 % dans certains pays. Les hauts revenus seront
essentiellement affectés sur la part investie de leurs
biens. Les riches de 1929 étaient des rentiers, ceux de
2008 tirent principalement leurs revenus de leurs salaires.
Et ce, même si la part des salaires dans le revenu a
sensiblement baissé au profit de la part du capital, au
cours des deux dernières décennies, surtout en France et
en Allemagne.
Qui plus est, il ne s'agit pas d'une simple crise financière
localisée, mais d'une crise économique globale. La
dimension internationale doit être prise en compte. La
concurrence des compétences, notamment dans les
services et les hautes technologies, est de plus en plus
rude. Tous les salaires sont en concurrence. Les cadres
plus mobiles bénéficient de la globalisation, quand les
employés moins qualifiés en souffrent.
En France 169 000 suppressions d'emploi sont
attendues au premier semestre 2009, ce qui ne
manquera pas d'influencer l'évolution des salaires...
Avant les salaires, le premier impact attendu est, en effet,
sur l'emploi. Après la finance, les licenciements vont
frapper et ont déjà commencé à le faire dans de
nombreux secteurs : l'industrie, la construction, les
services... La hausse du chômage et de la précarité est
inéluctable. Mais contrairement aux années 1930, nous
avons deux atouts : l'existence d'une couverture sociale
qui limite l'impact sur le niveau de pauvreté et le fait qu'au
sein des ménages il y ait souvent deux salaires.
Il y a déjà en France 2 millions de ménages de
travailleurs pauvres. Quels sont les leviers de la
redistribution les plus efficaces pour affronter la crise
?
Le meilleur levier est celui de l'impôt progressif qui, en
s'adaptant à la diminution des revenus, soutient la
demande. Mais également les allocations sociales.
L'allocation chômage est une sorte de stabilisateur
automatique, qui maintient le pouvoir d'achat et donc la
demande. L'expérience des années 1970 l'a démontré : la
hausse du chômage ne s'est pas accompagnée d'une
forte hausse du taux de pauvreté car la politique sociale
menée alors a joué à plein son rôle de filet de sécurité. Il
est indispensable de combattre le chômage à la fois par
les investissements et par les aides au retour à l'emploi,
comme le revenu de solidarité active.
CV Anthony Atkinson :
2008 : Anthony Barnes Atkinson est chercheur au Nuffield
College d'Oxford depuis 2005. Il avait auparavant
enseigné à l'université d'Essex, au Massachusetts
Institute of Technology (MIT), à l'Ecole normale
supérieure, à la London School of Economics.
2005: Directeur du Nuffield College d'Oxford depuis 1994.
1997-2001 : Il est membre du Conseil d'analyse
économique. Il a créé l'indice Atkinson, instrument de
mesure de l'inégalité des revenus.
QUESTIONS-RÉPONSES :
Exclusion
LE MONDE ECONOMIE, du 06.01.09
Quelles sont les prévisions en matière de chômage
sur le plan mondial ?
Le Bureau international du travail (BIT) avait, dès la fin du
mois d'octobre 2008, estimé que la crise économique et
financière risquait d'accroître de 20 millions au moins le
nombre de chômeurs dans le monde dès la fin de l'année
2009 et ainsi atteindre le seuil historique de 210 millions.
Les prévisions de l'Organisation pour la coopération et le
développement économiques (OCDE) rendues publiques
le 23 décembre 2008 ne sont guère plus optimistes : 20 à
25 millions de demandeurs d'emploi supplémentaires
pourraient être enregistrés d'ici à 2010, dont 8 à 10
millions au sein des trente pays que regroupe l'OCDE. La
zone euro devrait connaître la plus forte hausse du
chômage, dont le taux s'établirait à 9 % en 2010 contre
7,4 % en 2008.
Quels changements apportera la nouvelle convention
d'assurance- chômage si elle est signée ?
Actuellement seuls 48 % des demandeurs d'emploi
perçoivent des allocations Assedic, taux que les syndicats
voulaient augmenter grâce à la nouvelle convention, qui
devrait entrer en vigueur en janvier. Celle-ci prévoit
notamment d'unifier les quatre filières d'indemnisation
actuelles. La durée d'affiliation ouvrant droit à des
allocations est réduite à 4 mois sur une période de
référence de 28 mois. Auparavant, il fallait, par exemple,
avoir cotisé au moins 6 mois au cours des 22 derniers
mois pour être indemnisé 7 mois ; ou bien avoir cotisé au
moins 16 mois au cours des 26 derniers mois pour être
indemnisé 23 mois. Dans le nouveau système, un jour
cotisé égale un jour indemnisé, pour une durée maximale
de 24 mois.
Si le chômeur retrouve un emploi, il devra alors avoir
travaillé 6 mois sur une période de 12 mois pour pouvoir
de nouveau bénéficier d'une indemnisation. Les plus de
50 ans seront toujours indemnisés pendant 36 mois au
plus, mais à condition d'avoir travaillé 36 mois au lieu de
27 auparavant. L'ensemble de ces mesures permettrait,
selon l'Unedic, d'indemniser 70 000 à 98 000 demandeurs
d'emploi supplémentaires. Le Medef et la CFDT évoquent,
eux, les chiffres de 200 000 à 300 000. De plus, les
dispositions qui limitaient l'indemnisation des salariés
saisonniers sont abrogées.
Combien y a-t-il de SDF en France ?
Selon des statistiques publiées en janvier 2007 par
l'Insee, 14 600 personnes dormaient "dehors ou dans un
lieu non prévu pour l'habitation". Celles-ci ne constituent
donc qu'une partie de la population SDF dont l'Insee avait
estimé le nombre à environ 86 000 en 2001, sur la base
d'une enquête menée auprès de personnes se rendant
dans des lieux de distribution de repas chauds. D'autres
estimations provenant d'associations d'aide aux SDF
établissent leur nombre entre 100 000 et 400 000.
*****
La fragilité des petits entrepreneurs
du monde rural
Bruno-Serge Leroy LE MONDE ECONOMIE, du 06.01.09
AURILLAC CORRESPONDANT
Le sac à pain est pendu au volet. Des gouttes de glace
s'accrochent au portail de la maison. Quand la porte
s'ouvre, Danièle Deveize affiche un large sourire : "Entrez
vite vous réchauffer avec un café", lance-t-elle à ses
visiteurs. En ce début d'après-midi, Ydes, dans le nord du
Cantal, est plongé dans un brouillard diffus. Thomas
Tignon et William Loveluck embrassent leur hôtesse, puis
s'installent autour de la table de la cuisine. Les deux
hommes sont conseillers à l'Association pour le droit à
l'initiative économique (ADIE), spécialisée dans le
financement et la création de microentreprises par des
demandeurs d'emploi et des allocataires du revenu
minimum d'insertion (RMI). Mme Deveize a déjà fait appel
à leurs services à deux reprises. "La première fois que j'ai
rencontré un conseiller de l'ADIE, nous avons beaucoup
discuté. Enfin, il m'a surtout écoutée", explique-t-elle.
Le parcours de Mme Deveize ressemble à celui de
beaucoup de créateurs soutenus par l'ADIE, qui n'ont pas
accès aux banques compte tenu de la faiblesse de leurs
revenus. "Ils sont très attachés au fait que nous les
considérons comme des clients", soulignent les deux
conseillers. Mme Deveize n'imaginait pourtant pas devoir
un jour devenir elle-même un des "clients" de l'ADIE qui,
en 2007, étaient à 47 % allocataires des minima sociaux,
à 38 % des demandeurs d'emploi, et à 9 % des
travailleurs indépendants. Grâce à leur projet et au
soutien de l'ADIE, 61 % ont pu sortir des dispositifs
d'aides sociales.
Coiffeuse en région parisienne, Mme Deveize a fait le tour
de France en compagnonnage. Veuve avec trois enfants,
elle a été contrainte de cesser son activité, pour des
raisons de santé liées à une maladie professionnelle.
"C'est là que les ennuis ont commencé. Je me suis
retrouvée interdit bancaire à la Banque de France."
Fuyant la région parisienne, elle s'installe à Ydes où elle
refait sa vie, rencontre un compagnon. Mme Deveize
découvre l'ADIE sur Internet en cherchant des solutions
pour renouer avec son activité professionnelle. Le
deuxième rendez-vous avec l'association sera l'occasion
de signer son premier microcrédit qui lui permet de lancer
son activité de "relooking". Quelques mois plus tard,
nouvelle demande de la coiffeuse "pour créer un site
Internet et financer une campagne de publicité". Au total,
2 800 euros, qu'elle rembourse tous les mois. "Nous
cherchons toujours à nous adapter aux besoins de nos
clients, à flexibiliser au maximum le système", précise
Thomas Tignon, responsable du programme "Pilote Adie
de développement économique" (Padre), qui fait le choix
de s'intéresser aux territoires essentiellement ruraux et
oubliés par le développement économique. "Nous
sommes partis d'un constat, explique-t-il. Si dans les
villes, nous disposons de locaux pour accueillir les clients,
il est très souvent difficile, voire impossible pour certains
habitants des campagnes de se déplacer. Ils échappent à
l'oeil de l'Etat en zone rurale. Ils sont invisibles."
Danièle Deveize confirme : "Heureusement que les deux
conseillers sont venus à Ydes avec leur "bureau mobile",
je n'aurais pas pu aller à Aurillac pour les rencontrer."
Sans voiture et avec de rares moyens de transports
publics, les déplacements sont difficiles voire impossibles,
lorsque l'on ne dispose pas de ressources suffisantes.
L'ADIE a décidé de créer un bureau mobile, une sorte de
camping-car, disposant de chaises, d'une table, et d'un
chauffage. Le véhicule a commencé ce matin-là sa
tournée par Champs-sur-Tarentaine. Il ira à Murat puis
Riom-ès-Montagnes,
ou
encore
à
Egliseneuved'Entraigues, dans le sud du Puy-de-Dôme, pour
s'installer au milieu des étals sur le marché : "Il y a les
curieux qui demandent des explications, les clients qui
viennent nous saluer et passer un moment à discuter, ou
rembourser leur prêt", explique M. Loveluck.
M. Tignon a participé au déploiement de l'association
dans des secteurs où la densité de population est faible,
comme le plateau de Millevaches en Limousin et, depuis
janvier 2008, dans une zone comprenant le nord du
Cantal et le sud du Puy-de-Dôme. Sur ce territoire, le
programme est considéré comme pilote. Mis en place
pour trois ans, il devrait permettre d'atteindre "l'objectif de
cent ou de deux cents personnes soutenues
financièrement chaque année dans le département du
Cantal", précise M. Tignon. Fin 2008, les conseillers ont
déjà aidé une cinquantaine de projets à voir le jour sur ce
secteur. "L'ADIE est plutôt axée sur la création
d'entreprises, commente M. Loveluck, mais sur le nord du
Cantal, nous avons beaucoup de cas de maintien ou de
développement d'activité."
L'association finance essentiellement des projets
d'artisans, de commerçants et de quelques agriculteurs.
Danièle Deveiz est devenue une véritable ambassadrice
de l'ADIE : "Quand je coupe les cheveux à mes clientes,
je leur explique comment j'ai pu m'en sortir grâce à
l'association", raconte-t-elle, faisant glisser l'adresse de
l'une d'elles aux deux conseillers, sur la large table de la
cuisine.
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