HIV : un médicament un jour, un médicament toujours
Emmanuelle Ollivier1,5, Sophie Brouillet2,5, Laurent Marsan3,5, et Anne Vanet4,5
1 Laboratoire Génome et Informatique CNRS/Université d’Evry Val d’Essonne, 523 Place des Terrasses de l’Agora,
91034 EVRY Cedex, France
2 Équipe Structure et Dynamique des Génomes, Institut Jacques Monod, 2 place Jussieu 75251 PARIS, France
3 Equipe Algorithmique et Optimisation Combinatoire, PRiSM, Université de Versailles St Quentin, 45 avenue des
Etats-Unis, 78035 VERSAILLES Cedex, France
4 Institut de Biologie Physico-Chimique, UPR CNRS 9073, 13 rue Pierre et Marie Curie, 75005 PARIS, France
5 Atelier de BioInformatique, 12 rue Cuvier, 75005 PARIS, France
Résumé : Les médicaments luttant contre HIV sont fonctionnels tant qu’ils peuvent interagir fortement
avec les acides aminés des protéines sur lesquelles ils doivent se fixer. La résistance aux médicaments se
développe lorsqu'un ou plusieurs des acides aminés concernés sont mutés. L’interaction médicament-
protéine cible est alors perdue. Nous avons développé une méthode d’étude des évènements mutationnels
qui, doublée d’une étude des distances entre acides aminés, permet de décrire des sites sur lesquels il
faudrait préférentiellement docker les nouveaux médicaments.
Mots-clés : covariant négatif, anti-protéase, docking, HIV1.
L'épidémie non enrayée du SIDA est principalement due à un fait: la polymérase du virus HIV fait
cent fois plus d'erreurs qu'une polymérase d'eucaryote ou de bactérie. Il est difficile de trouver un
médicament pour lequel le virus ne développe pas de résistance. Le virus ne peut cependant pas muter sur
toutes ses positions sans, à un moment, altérer son bon fonctionnement. D'autre part, un médicament efficace
doit pouvoir continuer son action quelles que soient les mutations présentes dans le virus. Pour cela, il faut
que les interactions entre le médicament et la cible restent le plus stable possible et impliquent donc
préférentiellement des acides aminés non mutés. Dans le but de fournir aux concepteurs de médicaments un
outil d'aide au docking, nous avons recherché des groupes de positions proches dans l'espace et ne mutant
jamais ensemble.
La protéase est une des cibles principales des médicaments existants. De plus, elle est largement
représentée dans les banques de données. Nous l'avons donc choisie pour notre étude. Nous avons ainsi
sélectionné un ensemble de 14012 séquences de protéases du sous-type B alignées (cf. notre autre poster
« Des données pour HIV »), que nous comparons ensuite à une séquence de référence : la séquence
ancestrale calculée par phylogénie. Pour chacune des positions de la protéase, nous retenons tous les couples
de positions ne mutant jamais ensemble. Un couple de positions répond à la relation « ne mute jamais
ensemble » si le χ2 calculé à une probabilité associée de moins de 5%, et si l’effectif des couples muté-muté
observé est inférieur à celui qui est attendu.
Lorsque l’on veut mettre au point un nouveau médicament se liant à une protéine, on cherche à mettre en
place un certain nombre d’interactions entre cet inhibiteur et certains acides aminés (AA) de la protéine cible.
Ces interactions impliquent certaines contraintes de proximité dans l'espace. Parallèlement à la relation « ne
mute jamais ensemble » nous avons donc établi une relation de proximité entre acides aminés, calculée à
partir d'une structure 3D extraite de la PDB. Nous avons pris comme référence la structure 1hsg de la
protéase HIV liée à l'Indinavir. Nous avons considéré que deux positions étaient proches si la distance qui
sépare leurs carbones alpha était inférieure à 10 A°. Nous avons ensuite croisé le graphe de relations «ne
mute jamais ensemble» et le graphe des distances entre positions. Cela nous a permis de distinguer quatre
groupes d’acides aminés proches dans l’espace et qui, selon nos résultats, ne peuvent pas muter ensemble.
On peut suggérer que la mutation d'un acide aminé à une position est possible sans perte totale d’activité,
mais que des mutations effectuées sur les deux positions simultanément soient létales pour le virus. Les
autres positions sélectionnées sont de bons candidats au docking, le fait qu'elles ne mutent jamais ensemble