INTRODUCTION A L’HISTOIRE DES RELATIONS INTERNATIONALES – LE MARS
Chapitre IV
L’impossible
restauration (1815-1848)
INTRODUCTION – LE XIXE SIECLE
La première partie du XIXe siècle se distingue par divers traits :
La gestion de l’héritage révolutionnaire. Ce dernier est multiforme : idées,
nouvelle carte européenne, le réveil du nationalisme de certaines régions, mais
aussi gestion politique de cet héritage par une tentative de restauration contre-
révolutionnaire. Ainsi, en France, une monarchie est mise en place, le roi est
Louis XVIII, frère cadet de Louis XVI. Mais dès le début cette restauration
n’est pas complète : Louis XVIII doit accepter l’octroi d’une charte, avec des
élections, un parlement, sur la base d’un suffrage très réduit.
L’essor des nationalités : Italie, Allemagne, nationalités des empires… bougent
tout au long du siècle.
Le romantisme, qui a pu soutenir à la fois la restauration, l’essor des nationalités
et, après 1848 surtout, même la démocratie.
Les progrès de la science : tout au long du XIXe siècle, la science permet des
avancées jusqu’alors inimaginables. Accompagne l’industrialisation de l’Europe
de l’Ouest, des États-Unis. A des conséquences sur le fait religieux (épopée de
Gilgamesh : récit du déluge antérieur à la Bible) et l’essor du positivisme, mais
aussi sur le domaine des idées.
Le XIXe siècle est aussi le siècle de l’essor des idéologies : autour de Hegel,
Marx, du socialisme utopique, nationalisme, libéralisme… La réflexion sur la
question sociale est importante.
L’Europe continue de découvrir le reste du monde, en est, jusqu’en 1919, le
centre.
I. L’EUROPE DE LA SAINTE ALLIANCE
Congrès de Vienne : septembre 1814-juin 1815. Le but est d’affaiblir la France sans trop
la diminuer et de répondre aux ambitions rivales des vainqueurs. Le Congrès ne prend aucun
compte des aspirations nationales. Volonté de réaction : revenir sur la Révolution française par
une restauration de l’ancien régime. La traduction internationale de cette volonté de Réaction est
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la « Sainte Alliance » : maintenir les trônes, assistance mutuelle des princes contre les tentatives
révolutionnaires. Le penseur de ce système est le chancelier autrichien Metternich. Le système
fonctionne jusqu’en 1823 et se gâte par la suite.
1. L’action du Congrès de Vienne
Idée de reconstruction :
Tourmente révolutionnaire a détruit les cadres territoriaux et les structures
sociales de l’Europe,
Une Restauration pure et simple de l’ordre d’avant-1789 semble impossible car :
Révolution et Empire ont fait naître en Europe des États modernes
dont l’efficacité est bien meilleure que celle des entités antérieures,
Émergence du principe de nationalité, d’abord contre les Français,
désormais risque de se retourner contre les Monarchies réactionnaires,
Les souverains vainqueurs espèrent engranger des conquêtes
territoriales.
Les décisions du Congrès de Vienne sont prises essentiellement par quatre hommes : le
tsar Alexandre, Metternich, Castlereagh (Foreign Office), et le représentant prussien Hardenberg.
Opposition entre Russie et Angleterre : la première rêve d’un ordre européen qu’elle pourrait
dominer, l’Angleterre entend assurer son hégémonie dans le domaine maritime, impliquant la
notion d’équilibre européen. La Prusse soutient la Russie, l’Autriche l’Angleterre. Le Français
Talleyrand évite à son pays de faire trop les frais de ces rivalités entre vainqueurs.
Le Congrès de Vienne forge une nouvelle carte de l’Europe, l’Angleterre ayant
globalement imposé ses vues avec quelques concessions aux Russes et Prussiens :
Un grand royaume des Pays-Bas est créé (équivalent des Pays-Bas et de la
Belgique) pour mettre Anvers à l’abri de la puissance française,
L’Angleterre obtient Helgoland(île au large du Danemark et de l’Allemagne), et
des points d’appui coloniaux : Guyane, Antilles, Maltes, les îles Ioniennes, Le
Cap, Ceylan, île Maurice.
Russie : Finlande est enlevée à la Suède (qui obtient la Norvège), ce qui permet
au tsar de contrôler la Baltique, annexion de la Bessarabie (lui permet de se
rapprocher des Détroits, aujourd’hui Moldavie et Ukraine), les deux tiers de la
Pologne dont Varsovie.
Prusse : Poméranie, Posen, partie de la Saxe, annexion de la plus grande partie
de l’Allemagne rhénane. Elle est désormais une grande puissance à part entière.
Autriche devient la clé de voûte de ce nouvel ordre européen : renonce à des
possession trop éloignées du cœur de son territoire (Belgique, enclaves
allemandes). Regroupe géographiquement son territoire : Tyrol, Lombardie,
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Venise, Dalmatie : bloc compact dominant partie sud de l’Europe centrale et
l’Adriatique. L’empereur d’Autriche préside la Confédération germanique,
reliquat du Saint Empire dissout.
France perd ses conquêtes révolutionnaires et impériales. Prusse n’a pu réaliser
son abaissement, Angleterre et Russie n’en voulant pas. Mais doit payer une
lourde indemnité de guerre, occupation militaire jusqu’en 1818. Est entourée
d’États-tampons : Pays-Bas, Prusse rhénane, Confédération helvétique,
Royaume du Piémont. La diplomatie française ne peut désormais avoir pour
but que la destruction de l’ordre du Congrès de Vienne.
La France utilise alors l’argument des « nationalités brimées » : Schleswig allemand est
incorporé au Danemark, Belges catholiques soumis à un roi protestant, Norvégiens deviennent
suédois sans être consultés, peuples chrétiens des Balkans sous autorité du sultan ottoman,
Pologne, Italie… Cette dernière reste morcelée, sous domination autrichienne.
Le Congrès de Vienne assure à l’Europe 40 ans de paix, jusqu’en 1848 et la mise en place
quelques années plus tard du Second Empire en France. Mais la volonté d’ignorer les nationalités
est à l’origine de multiples secousses (1830, 1848, etc).
Cet ordre européen est contre-révolutionnaire :
La Russie reste un pays fondé sur le servage, la parole du tsar tient lieu de
loi : régime qui reste absolutiste. Développement de sociétés secrètes, autour
d’officiers et intellectuels qui aimeraient importer certaines idées politiques de la
Révolution française, prônant développement de l’instruction du peuple, fin du
servage, etc. D’où, à la mort du tsar Alexandre en 1825, une agitation
révolutionnaire se développe mais est rapidement et brutalement réprimée.
Cependant, Russie tend à s’isoler hors de l’Europe, considérée comme ayant
civilisation différente.
L’Autriche : garante de la pérennité de l’ordre européen. Metternich raisonne
comme au XVIIIe siècle, en termes d’équilibre européen. Se défie des idées
révolutionnaires et du romantisme. Respect tradition. Préserver l’ordre social
existant. Correspond aux intérêts du royaume : éviter toute remise en cause de
l’ordre européen par le principe des nationalités, qui affaiblirait l’Autriche,
composée de nombreuses nationalités. Allemands, Magyars, Slaves (Slovaques,
Croates, Serbes), Roumains. Entraîne administration lourde et complexe, pas de
contrôle du pouvoir par système représentatif. Large place à l’arbitraire.
Décisions prises par l’Empereur qui choisit ses conseillers. Inertie
administrative. Autonomie des provinces. Le tout débouche sur un régime
anarchique tempéré par un despotisme policier.
Allemagne : Metternich entrave toute proposition d’unification, même vague,
de l’Allemagne. 38 États sont réunis dans une vague Confédération germanique.
Diète à Francfort, présidée par l’Autriche, sans ressources propres. Autriche
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impose ses décisions. Prusse y joue le rôle le plus réactionnaire. Absolutisme
centralisateur de Frédéric-Guillaume III (1797-1840). Allemagne du Sud :
bourgeoisie émergente, oasis libérale, avec octroi de constitutions et suffrage
censitaire. Professeurs, fonctionnaires et étudiants font émerger l’idée d’une
unité allemande, liée à des revendications libérales.
Italie : les souverains des sept royaumes italiens mettent en œuvre une vive
politique réactionnaire. En conséquence, association du libéralisme et de l’unité.
Autriche influence prédominante, suscite cette politique de réaction. Police
omniprésente, peu de corps représentatifs. Forte réaction également dans l’État
le plus indépendant de l’Autriche : le Piémont-Sardaigne, cœur de la future
unité. Toutes les lois inspirées par la Révolution sont annulées. Réaction forte
également dans les États du Pape (renvoi des Juifs dans leurs ghettos). Ailleurs,
politique réactionnaire est mâtinée d’une politique de conciliation (Les Deux-
Siciles).
Europe de l’Ouest : comme dans l’Allemagne du Sud et en Italie, la Bourgeoisie
est suffisamment influente pour entraver la réaction. Angleterre industrialisée et
dont le régime n’est plus depuis longtemps absolu : impossible retour à l’ordre
du XVIIIe siècle. Les conservateurs qui se sont imposés pendant les guerres
impériales, qui ont fait voter les Corn Laws qui engendrent renchérissement du
coût du pain sont contestés, doivent réprimer la contestation qui se développe
de 1815 à 1822. Mais ont l’intelligence d’introduire au gouvernement des
réformateur à partir de 1822 (Canning) : Angleterre prend alors ses distances
avec la Contre-Révolution et l’ordre du Congrès de Vienne, première faille dans
le système de Metternich.
2. La Sainte Alliance
Ambiance contre-révolutionnaire se traduit par la Sainte Alliance. Tentative
d’organisation d’un concert contre-révolutionnaire entre les souverains européens de 1815 à
1823. Trois démarches différentes :
Traité de la Sainte-Alliance : 26 septembre 1815, à l’initiative du tsar Alexandre :
tsar, Prusse et Autriche. Rester uni, faire triompher principes chrétiens sur la
Révolution. Traduction concrète de ce traité :
Pacte de Chaumont du 20 novembre 1815 : réunions régulières des vainqueurs
de Napoléon pour éviter reprise révolutionnaire en France. Série de Congrès de
1818 à 1822.
Metternich impose idée selon laquelle le premier principe de la Sainte Alliance
est « le maintien de toutes les institutions existant légalement » : système
Metternich : implique intervention militaire d’une Puissance en cas de
mouvement révolutionnaire. Va bien au-delà de la France.
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En 1818, la France des Bourbons restaurés est intégrée à ce système de Sainte Alliance.
Les congrès suivants permettent répression d’un mouvement libérale se développant en
Allemagne du Sud qui permet à l’Autriche d’imposer épuration universitaire, arrestations
d’intellectuels, censure de la presse en Allemagne du Sud. En 1820, intervention à Naples ou le
frère du roi d’Espagne est renversé, pour le rétablir. Soutien autrichien à une intervention
militaire française (Chateaubriand) en Espagne pour soutenir la monarchie espagnole bourbon
qui vacille à cause d’un mouvement libéral et de la perte des colonies sud-américaines.
Cette intervention provoque la méfiance des Britanniques. France prête à rétablir autorité
espagnole en Amérique du Sud : veto anglais, soutenu par les États-Unis (doctrine Monroe). La
Sainte Alliance a vécu. Cette faille ouvre la voie aux mouvements nationaux et libéraux.
II. LA REPRISE DE LEXPANSION COLONIALE EUROPEENNE
Indépendance des colonies espagnoles et portugaises d’Amérique latine de 1818 à 1824.
Colonialisme ancien, mercantiliste et esclavagiste, est attaqué en Europe pour des raisons
humanitaires et économiques. Expansion européenne reprend, d’un caractère modéré sur la
période étudiée pour le moment (Inde et Algérie). Traite des Noirs est interdite par l’Angleterre
en 1807 et confirmée par le Congrès de Vienne en 1815. Première vague de décolonisation, à
l’exception d’Haïti, ne concerne cependant que des colons européens. Esclavage est
progressivement aboli : 1833 dans les colonies britanniques, 1848 dans les colonies françaises
(seconde abolition : celle de la Révolution a été annulée par Napoléon). Il y a aussi des raisons
économiques à ce recul du colonialisme : paix et accroissement des échanges internationaux
semblent désormais plus importants que le colonialisme, qui crée des entraves à ces échanges.
Déclaration Monroe en 1823 semble confirmer désuétude du colonialisme, en tout cas en
Amérique.
Angleterre : possède Canada, possessions en Amérique du Sud et dans les Antilles
(Honduras et îles), possessions en Afrique occidentale, Inde, Australie (colonie pénitentiaire).
Politique coloniale n’est pas cohérente, mais par le biais de fonctionnaires coloniaux, de
marchands, de missionnaires, de sociétés d’émigration, des initiatives locales sont prises
agrandissant cet empire, avalisées après coup par le Parlement et le gouvernement : Nouvelle
Zélande (1840), développement de comptoirs en véritables colonies en Afrique occidentale,
extension de l’Afrique du Sud, extension des possessions indiennes, acquisition de Singapour
(relations commerciales avec la Chine et la Malaisie) et Hong-Kong (première guerre de l’opium
en 1842).
Libéralisation du commerce colonial, fin du régime de l’Exclusif. Abolition de l’esclavage
suivie d’une politique de lutte contre la traite clandestine. Politique d’administration plus libérale
dans les colonies « blanches » (Canada, Océanie). Différent en Inde : reste gérée par une
compagnie commerciale, la « Compagnie des Indes orientales », dont les privilèges sont pour
partie abolis en 1833, mais qui garde la main sur l’administration jusqu’en 1858. Mais ruine
commerciale de l’artisanat indien par la vente de produits industriels britanniques.
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