Cette question de la rationalité scientifique et technique concerne aussi notre foi. Nous sommes là devant
une question importante et dont l’importance doit être découverte. On peut la voir, on doit la voir, mais pour cela
il faut sortir de ce rêve religieux que nous prenons pour la foi. Pour beaucoup de gens, de chrétiens, qu’on soit
dans un monde technique ou pas technique, de rationalité ou pas, c’est pareil ! Mais non ! car c’est l’homme réel
qui croit et si l’homme réel est dans la rationalité technique, scientifique, il doit en faire quelque chose. Or, le
propre de la science – et ce n’est pas elle qui est en cause -, c’est qu’elle est domination de la nature, maîtrise de
la nature, y compris de l’homme, car il est, effectivement objet de science aussi. La science technique est
l’expression réelle de la domination de l’homme sur le monde… L’homme va être hypertrophié du côté de la
puissance. C’est ce qui arrive dans ce monde où l’influence de la rationalité technique est absolument massive,
quotidienne, inconsciente. On sera porté par la tentation de croire que toutes les questions humaines se résolvent
par la puissance, c’est-à-dire par le meurtre… Et nous y sommes : du meurtre, il y en a partout et
quotidiennement…
Je redis que le monde de la rationalité doit être compris dans le monde de la foi, c’est-à-dire dans
l’intelligence totale de l’existence telle qu’on la connaît dans la lumière de Dieu, « l’admirable lumière du
Royaume de Dieu », où Dieu nous fait accéder. » (ch. 3)
La foi comme liberté critique
«Dire que la foi est un mouvement critique, cela veut dire que c’est un mouvement de liberté, que c’est
l’émergence d’une personne. Celui qui s’approche du Christ investit son espérance en lui, et celle de tous parce
que l’espérance est toujours collective, même si elle est vécue personnellement… J’investis mon espérance dans
le Christ et alors je me libère des idoles, des messianismes à la noix qui pullulent dans le monde, des fausses
espérances. Sans cette critique des idoles, il n’y a pas de foi possible, il n’y a pas de liberté non plus, on est mûr
pour toutes les aventures…
La foi, c’est « deviens toi-même, sois toi-même ». C’est quelqu’un qui me dit : « Deviens toi-même », et, dans
la réponse que je fais, il y a le passage, justement, de la croyance à la foi, de la lettre à l’esprit, le passage du
langage – car tout groupe humain a son langage, c’est un phénomène universel – à sa parole personnelle, la parole
qu’on peut donner – parce que l’homme du langage n’a pas de parole, il a celle de son groupe. Mais ce passage