Le mal, c’est aussi le brouillard, et c’est peut-être le seul qui soit vrai. Dans Les Misérables, de Victor Hugo, il y
a un personnage qui résume son expérience de la vie en disant : « La terre est une grosse bêtise. Oh ! l’affreux
vieux monde, on s’y dévertue, on s’y destitue, on s’y prostitue, on s’y tue et on s’y habitue. » On ne saurait mieux
dire, mais le plus grave de tout, c’est qu’ « on s’y habitue ».
Il est donc important de nous déshabituer. Se déshabituer, c’est ce qu’on appelle la foi…
Il faut nous déshabituer parce que la vie, elle, est toujours nouveauté. Le grand caractère du Christ, c’est la
nouveauté, la nouveauté absolue, le monde nouveau, la création nouvelle, l’alliance nouvelle…
1c Le monde du meurtre
« Ce meurtre qui est au commencement, qui est à l’origine, est toujours la solution aux problèmes humains, c’est
toujours la solution qui s’impose, quels que soient les problèmes, qu’ils soient de type national, international ou
autre. Pour résoudre les problèmes, on commence toujours par tuer l’autre, parce que l’autre, c’est le bouc
émissaire ! On ne s’entend pas ? les hommes ne s’entendent pas ? ils ne veulent plus vivre ensemble ? Que faire ?
Eh bien il faut tuer ! Et cela n’étonne plus personne, cela devient presque naturel ! On s’émeut un peu devant les
massacres, puis on les oublie ! …
Multiples façons de tuer : tuer le père personnel ou collectif, violence physique ou meurtre, « interruption
volontaire de grossesse », élimination par la langue, relégation, exclusion, marginalisation, racisme, calomnie,
médisance, envie, réduire à la famine ou laisser mourir, refus de la responsabilité, disculpation, c’est la faute de
l’autre. Ce que le Christ fait, justement, c’est de refuser ce monde fondé sur le meurtre. Il l’a refusé et il a
refusé d’engager un avenir sur le meurtre, quel qu’il soit. Et il y oppose le don libre.
Dans la logique dont je parlais, il y a un trio diabolique : tuer, mentir, juger. Il faut se libérer de cette sinistre
trinité, car il est dit : « tu ne tueras pas, tu ne mentiras pas, tu ne jugeras pas. » Cette perversion a beaucoup
d’aspects, mais son aspect central est justement de tuer le côté prophétique des sacrements, de l’eucharistie en
particulier, c’est-à-dire de tuer l’avenir, l’avenir humain possible avec le Christ… (ch. 1)