Rich Text Format RTF

publicité
L’Europe et les rapports Nord/Sud en Méditerranée
Dominique RIVIERE, Université de Paris XIII
Compte rendu de la conférence du 7 avril 2004,CDDP du Havre
Notes de B. Lisbonis
Madame Rivière explique que ses travaux concernent la construction européenne et la place
de l’Etat-nation dans l’organisation du territoire aujourd’hui, en particulier dans le cas de
l’Italie. Elle utilise ici un ouvrage récent : D. RIVIERE, L’Italie, des régions à l’Europe, A.
Colin, collection « U », 2004, ainsi qu’une contribution à un ouvrage collectif D RIVIERE,
A-M MONTENEGRO dans J LIEUTAUD, La Méditerranée, Paris, 2001, Ellipses
Sa conférence utilise également un ouvrage de P. BECKOUCHE, Y. RICHARD, Atlas d’une
nouvelle Europe, éd. Autrement, 2004.
Madame Rivière justifie en premier lieu la problématique retenue par le programme de
terminale en géographie : l’espace méditerranéen une interface Nord/Sud. Déjà en 1990,
Michel DRAIN* constatait « la Méditerranée est devenue le Rio Grande du vieux continent »
et établissait donc un parallèle avec Texamérique. De fait, il s’agit bien d’un espace de
discontinuité Nord/Sud s’intercalant entre des pays dans l’ensemble riches et des pays, non
pas pauvres, mais intermédiaires : il y a un rapport de 1 a 5 entre le PIB/ hab PPA de pays
comme la France et l’Algérie. Cet espace de discontinuité, certes relativement étendu
(distance Nord/Sud Marseille-Alger environ 750 km), présente cependant des points de
passages remarquables : 14 km pour le détroit de Gibraltar et Istanbul est une ville
transcontinentale. La problématique de l’interface est donc pertinente
Madame Rivière précise qu’elle envisage la question sous l’angle de la construction
européenne, qui a finalement concerné assez tard l’Europe méditerranéenne : 1981, la Grèce,
1986 l’Espagne et le Portugal (hors étude), 2004 la Slovénie, Chypre, Malte. On peut se
demander dans quelle mesure la construction européenne organise ou non cet espace. La
référence à l’Union européenne (UE) est en fait complexe : « forteresse Europe » pour
l’immigration, ou pôle fédérateur, synonyme de richesse, gage d’intégration et de stabilité ?
Madame Rivière commente une carte sur l’intégration interne et externe de l’UE en
Méditerranée (Source RIVIERE, 2004, d’après UE, programme Meda, rapport Europe 2000)
Cette carte montre une politique d’intégration sur les rives Sud et Est du Maroc à la Turquie,
Libye exclue, notamment avec le processus de Barcelone lancé en 1995. Le rapport Meda vise
en fait à envoyer un signal fort aux pays voisins au Sud, qui ont le sentiment d’une mise à
l’écart avec l’extension de l’UE vers l’Est de l’Europe.
La conférence s’articulera donc autour de 2 axes et s’appuiera sur de nombreux documents, en
particulier des cartes, photocopiés ou rétroprojetés :
- Sur quelles bases repose cette interface, comment s’observe-t-elle à partir d’indicateurs ?
- L’Europe, et en particulier lUE est-elle facteur d’intégration ou au contraire
d’éclatement ?
Madame Rivière précise d’emblée qu’il n’y a absolument pas de consensus sur l’existence
d’un espace Euro-Méditerrannée, c’est la thèse défendue par les auteurs d’un atlas récent*.
Pour Bernard KAYSER, la Méditerranée révèle au contraire une fracture**.
* M DRAIN dans BEAUJEU-GARNIER J., GAMBLIN A., La CEE méditerranéenne, Paris,
SEDES-CDU, 1990
**B. KAYSER, Méditerranée, une géographie de la fracture, 1996.
I. La Méditerranée une interface, une fracture.
La fracture Nord/Sud se présente comme une série de « poupées russes ». Il existe un gradient
Nord/Sud à l’échelle internationale de cet espace mais aussi à l’échelle de la façade
méditerranéenne de l’Europe, notamment en Italie, pays dont le niveau de vie est comparable
à la France et où on observe un fort gradient Nord/Sud. Madame Rivière cite les propos du
président italien lors des négociations pour le passage à la monnaie unique qui constatait que
certains pays du Nord européen considèrent « la Méditerranée comme un appendice ou pire
une appendicite de l’Europe ».
a. Si l’on considère l’IDH qui combine le PIB/hab PPA, le niveau d’alphabétisation ou de
scolarisation et l’espérance de vie, on peut distinguer trois grands ensembles :
Le premier ensemble peut se subdiviser en deux sous-ensembles :
- France, Italie, Espagne plus de 0,9
- Portugal, Grèce, Israël, Chypre, Malte de 0,860 à 0,9
Un premier fossé ici avec un deuxième ensemble :
Ex-Yougoslavie, Turquie, Albanie, Jordanie jusqu’au palier inférieur de 0,7.
Un deuxième fossé s’observe pour le troisième ensemble :
Maroc, Algérie, Tunisie… moins de 0,7.
C’est en fait le PIB/hab qui joue le rôle essentiel et qui fait les ruptures majeures. Au début
des années 1960, seule l’Italie se rapprochait de la moyenne de la richesse communautaire,
pour l’Espagne indice 60, pour le Portugal et la Grèce moins de 40.
Il y a eu un fort rattrapage pour les pays européens de la rive Nord et pour l’Italie le niveau
moyen européen a été atteint dans les années 1980.Même si actuellement (juste avant
l’élargissement à l’Est), la Grèce (avec le Portugal) reste le pays plus pauvre de l’Union, le
PIB de la Grèce (10 millions d’hab) est équivalent à ceux de l’Egypte, de la Jordanie, du
Liban, de la Syrie cumulés (86 millions d’hab), selon le rapport Meda.
On a de plus l’impression que l’écart s’accroît entre l’Europe et la rive Sud, par exemple en
un quart de siècle entre la France et l’Algérie le rapport pour le PIB/hab est passé de 1/10° à
1/20° (mais en SPA –standard de pouvoir d’achat- c’est à peu près stable).
Les deux autres critères de l’IDH présentent eux aussi un net gradient Nord-Sud et Ouest-Est
mais ils sont somme toute moins marquants. Pour l’espérance de vie il n’y a pas de ruptures
nettes, pour l’alphabétisation/scolarisation de même. Ainsi, pour le niveau d’alphabétisation,
Malte ou Chypre sont mieux placés que le Portugal, la Slovénie est au même niveau que la
France, en Turquie le niveau de scolarisation est faible . On remarque surtout une
hétérogénéité au Sud pour l’alphabétisation ou la scolarisation, par exemple la situation au
Maroc est mauvaise, en comparaison de l’Algérie et de la Tunisie.
Les césures sont donc essentiellement économiques mais il reste malgré tout difficile de tracer
une limite claire dans cet espace.
b. Madame Rivière s’intéresse ensuite aux dynamiques démographiques et à la mobilité
des hommes.
Même s’il y a un fort gradient Nord/Sud, un rééquilibrage se profile, ce que montrent les
cartes de l’Atlas d’une nouvelle Europe. Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe
comptait cinq fois plus d’habitants que les pays voisins de la rive sud et est de la
Méditerranée, vers 2050 il devrait y avoir parité (si l’évolution actuelle perdure).
Le taux de mortalité infantile est en baisse rapide, ce qui est un indicateur révélateur de la
transition démographique en cours. Par exemple, la fécondité en Tunisie est proche de celle
de l’Europe mais les générations jeunes sont nombreuses.
Peut-on parler d’une « forteresse Europe » ? Cette image est souvent utilisée à propos de l’UE
à propos de son attitude vis-à-vis de la mobilité des hommes, et en particulier elle « colle » à
ses rivages méditerranéens, comme un résumé des rapports Nord-Sud mondiaux.
Mais la situation est en fait complexe.
Tout d’abord, plus qu’un avant-poste de l’Europe du Nord, l’Europe du Sud a en quelque
sorte joué le rôle d’une « zone tampon », avec une articulation entre émigration et
immigration : ces pays (Espagne, Portugal, Grèce, Italie) sont passés très tard et très
rapidement du statut de pôles d’émigration, ce qu’ils ont été durant un siècle, à celui de
réceptacles de l’immigration. L’émigration marque encore en profondeur des régions entières
(intérieur du Mezzogiorno italien, îles grecques…) avec les « remises » des émigrés, etc. Du
fait aussi de cette longue tradition d’émigration, en Europe du Sud le terme immigrés
(« immigrati »)., désigne classiquement les nationaux et non des étrangers, par exemple, les
régions industrielles de Barcelone ou Turin, qui se développent assez tôt, ont été des pôles
d’immigration des méridionaux. Si en Espagne et en Italie du Sud il y a encore des départs
aujourd’hui, ce sont plutôt des diplômés.
De plus, si on considère les flux actuels, qui sont avant tout des flux d’immigration, la
Méditerranée n’est bien sûr pas négligeable comme zone de départ vers l’Italie, la Grèce ou
l’Espagne, mais elle n’est absolument pas une échelle de référence unique et auto suffisante
dans l’étude de ces mouvements. En effet, les migrations en provenance de la rive Sud de la
Méditerranée concernent aussi les pays pétroliers du Golfe, à partir de l’Egypte notamment.
En outre, les pays d’Europe du Sud ne sont nullement des « avant-postes » d’une Europe qui
ferait face « d’un bloc » à la rive sud méditerranéenne, car d’une façon générale, en Europe du
Sud l’immigration est éclatée et mondialisée, beaucoup plus que pour la France ou
l’Allemagne, pays de tradition d’immigration ancienne. Par exemple, en Italie, les premières
filières d’immigration, fin des années 1970- début des années1980, concernent les Philippines
et la Pologne (pays catholiques) et depuis lors, les origines des filières d’immigration
changent en fait fréquemment (Chinois, Marocains, ex-Yougoslaves, etc.). En outre, la
« pression » des réfugiés s’exerce beaucoup plus fortement sur les pays d’Europe du Nord
(Royaume-Uni, Allemagne) et les Etats-Unis, que sur ceux d’Europe du Sud.
Donc, même si les media et la publicité ont insisté sur les bateaux chargés de réfugiés arrivant
à Brindisi, il ne faut pas s’exagérer l’importance finale de la migration de proximité. Il faut ici
se défier de représentations cartographiques parfois simplistes et aussi se garder de donner à
l’espace méditerranéen plus de cohérence qu’il n’en a réellement.
En fait, si l’expression de forteresse est plutôt adaptée à l’espace Schengen, c’est dans le sens
où les pays d’Europe du Sud s’alignent sur les marchés de l’emploi international des grands
pays industriels du Nord. On assiste aussi à un développement des migrations temporaires,
également encouragées par les Etats, comme l’Italie ou le Royaume-Uni.
Pour les migrations touristiques, le processus d’intégration euro-méditerranéenne est plus
marqué (BECKOUCHE, RICHARD, 2004). En 10 ans en Egypte les pays européens sont
passés de 30 à 56% de la fréquentation touristique de ce pays, avec parallèlement une baisse
de la fréquentation américaine amorcée lors de la première guerre du Golfe. Pour le tourisme,
l’aire méditerranéenne est davantage sous influence européenne.
Le processus de Barcelone (voir infra) ne prend pas en compte les aspects migratoires, qu’ils
soient touristiques ou « résidentiels », ce qui constitue une lacune politique indéniable.
c. Madame Rivière étudie ensuite les fractures à l’échelle régionale : les Sud des Nord.
Les rapports européens sur les régions sont très riches et très utiles et l’appareil statistique est
très complet.
L’UE considère qu’une région est « en retard de développement » (région dite d’Objectif 1,
voir infra) quand l’indice du PIB/hab est inférieur à 75 par rapport à la moyenne (indice 100.
Dans l’UE à 15, les régions « en retard » sont essentiellement méditerranéennes, pour la
Grèce c’est l’ensemble du pays, même Athènes, pour l’Espagne c’est le Centre-Sud, pour
l’Italie le Mezzogiorno.
Pour l’Italie, qui est un cas extrême en terme de disparités inter-régionales, la Calabre et la
Lombardie ont un rapport de 1 à 2 pour le PIB/hab. Mais en revenu par hab, l’écart est
moindre, de 1 à 1,5, ce qui reflète une norme de niveau de vie nationale et aussi l’existence
d’un Etat-Providence avec la redistribution des richesses qui s’ensuit. L’échelle nationale est
donc essentielle, elle « contient » les disparités. Donc finalement, il y a certes des écarts mais
il n’y a pas de rupture franche comme France/Algérie par exemple… et il ne faut donc pas
abuser de l’image des Suds européens comme « zone de transition » Nord-Sud.
Par ailleurs, en Europe du Sud, il y a peu de régions très riches à l’échelle européenne et
mondiale, sauf l’Italie du Nord, vaste ensemble régional (niveau de richesse supérieur à la
région lyonnaise). De plus, en Europe du Sud, ce sont les régions industrielles qui sont assez
riches, comme en Italie (Lombardie par exemple) ou en Espagne (Catalogne…), ce qui est
différent de l’Europe du Nord où ces régions industrielles sont souvent en difficulté.
L’industrie reste ici avant tout un marqueur de richesse.
Les régions les plus pauvres de l’Europe du Sud sont parfois qualifiées -à tort- de régions
« agricoles » ou « rurales ». Certes il y a une sur-représentation agricole, mais c’est 10 à 15%
de la population active. ce sont plutôt des régions urbaines agro-tertiaires privées
d’industrialisation. Le chômage est aussi un trait marquant de ces régions pauvres, c’est
encore plus net pour le chômage implicite, c’est-à-dire non déclaré (sur-emploi dans
l’agriculture), en particulier pour les femmes.En outre, le marché de l’emploi manque de
fluidité, l’Italie du Nord contrairement au Sud connaît le plein emploi.
II. Un modèle de développement original et le rôle des politiques d’intégration de l’UE
a. L’Europe fait-elle le développement ? Les sources européennes ont souvent tendance à le
considérer. Toutefois, il ne faut pas oublier que si ces pays sont entrés dans l’UE c’est parce
qu’ils montraient des signes de développement économique et social. C’étaient avant tout les
critères politiques qui freinaient leur entrée. Le premier accord avec la CEE de la Turquie date
de 1962. La Slovénie, le pays le plus riche de l’ancienne Yougoslavie, Chypre et Malte
n’offraient pas d’obstacle d’un point de vue économique.
Ce qui est caractéristique de l’Italie, l’Espagne, le Portugal c’est le type de développement
industriel dans des créneaux particuliers laissés par les pays du Nord. Par exemple dans le
textile, dès les années 1950 le Nord-Pas-de-Calais délocalise vers le Maroc ou Taiwan, au
même moment se développent les petites villes textiles de la « troisième Italie » comme
Carpi, connaissant une forte croissance dans les années 1970-80. Des traditions artisanales
s’industrialisent et parviennent à pénétrer les marchés, avec sous-traitance et fabrication justin-time. (ex. Benetton). Cette industrialisation tardive s’appuyant sur un artisanat préexistant
s’est appliquée dans différentes branches : appareillage de la maison, matériaux pour le BTP
(carrelage, robinetterie…). En revanche la part de la recherche-développement est faible dans
ces pays méditerranéens, c’est ce qui fait défaut, même en Italie. De plus ces activités de
recherche sont très fortement concentrées dans les grandes métropoles : en Espagne environ
70 % de la R-D à Madrid et Barcelone, en Italie, une recherche surtout privée dans les
métropoles du Nord et surtout publique à Rome. Les villes de la « troisième Italie » restent à
l’écart.
Si elle ne « fait » pas le développement, cependant l’Europe a orienté le développement en
tant que Marché commun. C’est surtout vrai pour les flux commerciaux, l’UE étant le 1°
partenaire commercial, y compris à l’extérieur comme le Maroc. Les investissements
européens ont également joué un rôle important, surtout dans la péninsule ibérique.
L’Espagne a attiré 14 % des flux d’investissement entre Etats de l’UE, l’Italie seulement 6 %.
Mais c’est une intégration asymétrique (l’Espagne reçoit plus qu’elle n’envoie d’IDE dans le
reste de l’Europe). En 1999, Carrefour-Promodès contrôlait 22% de la grande distribution en
Espagne. Il y a donc eu une européanisation massive de l’économie de la péninsule ibérique,
qui a d’ailleurs précédé l’entrée dans la CEE mais s’est accentuée ensuite. Ce sont là encore
les grandes métropoles qui ont capté l’essentiel des IDE européens et mondiaux.
L’Europe n’a donc pas fait le développement au Sud mais il y a eu une accélération et une
véritable structuration des flux vers l’Europe.
b. La politique régionale européenne et le processus de Barcelone
Le premier objectif de la politique régionale de l’UE est un rééquilibrage entre régions
avancées et en retard. Cette politique régionale apparaît en 1975 avec la création du FEDER,
mais elle a longtemps été le « parent pauvre » du budget européen. Le véritable point de
départ est donc 1988 avec la réforme des fonds structurels (FSE, FEDER, FEOGA…). Mais
actuellement, la politique régionale marque le pas : en 2000 une limite a été fixée à 0,45 % du
PNB européen, ça reste quand même un budget notable dans l’absolu.
Les 2/3 des fonds ont été dirigés vers les régions d’Objectif 1, « en retard » (indice de
PIB/hab.inférieur à 75, pour 100 = moyenne européenne). Pour certains auteurs, cette
redistribution, synonyme d’une solidarité entre régions riches et pauvres, c’est une possibilité
d’amorce d’une Europe sociale. Les fonds injectés sont importants, pour 2000-2006, 127
milliards d’euros, pour l’objectif 1(Espagne 37, Grèce ou Italie du Sud 20).
L’objectif 2, moins important pour l’Europe du Sud, concerne les reconversions industrielles
et depuis 2000 il englobe aussi l’aide au développement rural (ex-Objectif 5b), les quartiers en
crise,.
A travers cette politique régionale, et en particulier l’Objectif 1, l’Europe se construit donc sur
ses marges, en particulier méditerranéennes… jusqu’à présent. L’Union européenne a ici un
effet d’entraînement, car le partenariat avec les acteurs nationaux et locaux est la règle. Par
exemple, pour le désenclavement de l’Espagne, on estime que la longueur du réseau
autoroutier a triplé entre 1987 et 1994, 40 % du financement étant pris en charge par la CEE.
De même pour les équipements hospitaliers, universitaires, le réseau téléphonique au
Portugal. Mais il ne faut pas surestimer cet effet d’entraînement de la politique régionale
européenne. Les Etats ont parfois freiné la mise en ouvre de cette politique européenne, par
exemple l’Italie davantage préoccupée par l’obligation de remplir les critères de l’entrée dans
l’euro que par les problèmes du Mezzogiorno. En outre, au niveau de l’Union européenne
elle-même, le principe d’une solidarité interrégionale connaît actuellement une véritable
crise. L’entrée des pays d’Europe centrale et orientale s’est faite à « petit budget » . Or à
terme, elle change les conditions d’attribution de ces fonds de l’objectif 1 (depuis l’été 2004,
les ex-PECO touchent l’Objectif 1), plaçant les pays méditerranéens en situation de
concurrence Sud/Est.
Madame Rivière évoque aussi plus rapidement les autres axes de la politique européenne :la
PAC, les transports ( en particulier le réseau TGV) et le problème de l’accessibilité. La carte
des clientèles accessibles en 8 heures projetée montre que, malgré les efforts de rattrapage,
cette carte reste dans l’ensemble le décalque de celle du PIB /hab.
Le processus de Barcelone, avec le programme Meda lancé en 1995, a de son coté pour
objectif de construire un espace euro-méditerranéen. Mais le budget est très réduit : 5
milliards d’euros pour 1995-1999, le même montant pour la période actuelle. Le programme
était pourtant ambitieux : mettre en place une zone de libre échange d’ici 2010. Peu d’experts
y croient. Les crises du Moyen-Orient, les difficultés économiques des pays du Sud et de l’Est
de la Méditerranée, le problème des tarifs douaniers ont été des obstacles à ce processus. Il
reste surtout des aides à la santé, l’éducation, l’environnement, le patrimoine.
Les questions migratoires, pourtant politiquement au centre du processus, pour le travail ou le
tourisme, ne sont pas vraiment prises en considération. Le bilan du programme Meda est donc
très mitigé.
Conclusion. La Méditerranée est une zone d’interface, mais surtout sous la forme d’une
coupure, d’une discontinuité. Il y a peu de relations entre Espagne et Maroc (les IDE
espagnols au Maroc ont baissé récemment), de même entre l’Italie et la Tunisie. Par exemple
le grand port récent de conteneurs de Gioia Tauro en Calabre a un trafic mondial, peu tourné
vers la rive Sud.
Les questions de l’assistance portent sur le rôle des Etats-Unis en Méditerranée
(investissements au Maroc notamment), sur le peu de pertinence de l’expression arc
méditerranéen ou latin…, sur les marges de cet espace : la mer Noire n’est pas comprise dans
la question du programme, sur l’autre coupure Nord /Sud fortement marquée au niveau du
Sahara, séparant l’espace euro-méditerranéen de l’Afrique subsaharienne.
Téléchargement