TREIBER-LEROY Johanna DEA – septembre 2002
INTRODUCTION
Dans un précédent travail
nous avons observé un atelier de philosophie dans une classe
de CM 1, donc avec des enfants de neuf ans environ. Alain Delsol
, leur enseignant, reprenait le
dispositif des cafés philosophiques pour l’adapter, par touches successives, aux élèves de cet âge.
Nos analyses cliniques longitudinales concernaient d’une part la mise en place de ce dispositif
spécifique et les différentes dynamiques qu’il engendre. D’autre part elles portaient sur les
échanges interpersonnels dans le groupe classe et éclairaient, à l’aide de trois monographies, le
rôle de l’atelier philosophique dans l’évolution intrapersonnelle.
Nous résumons brièvement nos résultats. Suivant la modélisation du dispositif, nous avons
pu constater une relation directe entre la qualité du dispositif et la qualité du débat philosophique. La
mise en situation spécifique, notamment par l’organisation spatiale et par l’instauration de rôles, en
rotations régulières, a des effets multidimensionnels : engagement personnel de l’enfant,
apprentissage de l’écoute de l’autre, développement des outils linguistiques par la reformulation
d’une pensée d’autrui, développement de la capacité de décentration. Le débat développe
également l’écoute, encourage à la mise en mots de sa propre pensée (et la mise en pensée de ses
propres mots) et invite à l’implication. La réflexion philosophique enfin, oblige à une exigence de
pensée, à laquelle tous ont répondu, indépendamment du niveau scolaire. Enfin, la discussion
philosophique permet à chaque enfant de se sentir à la fois personne et groupe. Les élèves
élaborent ‘in vivo’ les valeurs essentielles et expérimentent le vivre ensemble. Précisons, que ces
exigences, loin de décourager, ont stimulé les enfants qui participaient chaque fois avec un grand
plaisir.
À partir de cette expérience, qu’on peut qualifier de positive, on peut conclure qu’il faut
amener les enfants à la pensée réflexive le plus tôt possible. Mais qu’est-ce le plus tôt ? Pour cette
recherche, nous avons choisi d’observer une classe de grande section de maternelle (GS), c’est à
dire de travailler avec des enfants de cinq ans environ au départ et de les accompagner pendant un
an et demi.
Philosopher avec de très jeunes enfants oblige à tenir compte de leur spécificité. Comment
concilier leur lenteur et leur impatience ? Comment articuler leur pensée intermittente et une
discussion suivie ? Quelle est la spécificité de cette pensée ? Comment se développe-t-elle ? Est-il
possible de favoriser son développement ? Comment ? Par quelle mise en situation ? En quoi une
procédure (forme) peut-elle favoriser le processus de développement (fond) ? Mais aussi comment
l’enfant passe-t-il d’une activité communicationnelle, sans prise de conscience et centrée sur le
contenu, à une activité cognitive, où l’enfant transforme en outil de réflexion la parole, la sienne ou
celle d’autrui ? Comment une pensée personnelle peut-elle émerger dans un groupe ? Comment
l’expérience de la pensée peut-elle influencer le vivre ensemble ?
: Philosopher avec des enfants du cycle III : Éveil à la pensée réflexive, Diplôme Universitaire en
Pratiques Sociales (DUEPS), Université de Perpignan, 2000.
Docteur en sciences d’éducation, chargé de cours à Montpellier III.