© La Revue de Gériatrie, Tome 35, N°6 JUIN 2010 378
Polyamines et cancer : bases scientifiques et potentialités thérapeutiques
Les polyamines sont intimement liées aux mécanismes
impliqués dans les processus de transformation (27-28), de
prolifération cellulaire normale et néoplasique, ainsi que
dans la différenciation cellulaire (1, 29-30).
Dans les cultures de cellules cancéreuses, l'inhibition
spécifique et irréversible de l’ODC provoquée par
adjonction de difluorométhyl-ornithine (DFMO) inhibe
totalement leur prolifération, et inversement l'adjonction
de putrescine - et à un moindre degré celle de spermi-
dine, la restaure (Figure 4). In vitro la prolifération cellu-
laire cancéreuse est donc polyamine-dépendante. Ceci
démontre qu’intervenir sur ce métabolisme présente un
indéniable potentiel thérapeutique en cancérologie.
Les cellules tumorales (31), ainsi que les cellules transfor-
mées par des carcinogènes chimiques ou des virus
oncologiques (28), contiennent des taux intracellulaires de
polyamines plus importants que les cellules normales.
L’étroite association entre l’induction de l’ODC, l’accu-
mulation intracellulaire des polyamines et la croissance
cellulaire a été suggérée par de nombreuses études
concernant divers cancers (31). En effet, elles sont étroi-
tement liées aux différentes étapes permettant la trans-
formation en cellule néoplasique :
l’intermédiaire des composés membranaires tels les
polysaccharides, ou indirecte, par l’intermédiaire de ses
produits de sécrétion tels les polyamines ou les acides
gras à chaîne courte (15).
Chez l’adulte, on dénombre environ 1014 bactéries au
niveau de l’intestin. Elles constituent une source quanti-
tative et qualitative importante de polyamines
puisqu’elles sont en mesure de les produire en quantité
considérable in vivo et dans des proportions différentes
en fonction du type de bactérie (16-17). La putrescine, la
spermidine et la cadavérine sont les trois amines prin-
cipalement produites par la microflore bactérienne, la
spermidine étant majoritaire.
2. Polyamines d’origine alimentaire
Tous les aliments contiennent des polyamines (18-20), mais en
quantité différente selon leur degré de fermentation (21), leur
mode de préparation ou de cuisson (22). Les polyamines
constituent un apport important de polyamines, qu’il est
possible de quantifier en tenant compte des aliments
consommés. L’analyse détaillée de plus de 40 aliments par
Bardocz et al. (19-20) a permis d’estimer qu’une alimentation
humaine typique anglaise contribue à l’apport journalier de
300 à 500 µmol de polyamines. En France, elle est esti-
mée à environ 600 µmol/jour (résultats non publiés).
Dans des conditions physiologiques normales, les poly-
amines naturelles sont en mesure de couvrir nos besoins
journaliers, et permettent le renouvellement ainsi que la
croissance cellulaire, puisqu’elles sont rapidement
captées au niveau de l’épithélium intestinal (19,23) et
qu’une grande partie est distribuée à l’ensemble de l’or-
ganisme via la circulation sanguine (18, 24-25), épargnant à
l’organisme le coût d’une synthèse de novo.
Les polyamines alimentaires ne sont pas uniquement
utilisées sous leur forme originelle, dans la mesure où
elles sont métabolisées au niveau de la sphère intesti-
nale, en polyamines (25), en certains acides acétylés ou
encore catabolisés (acides aminés ou succinate) (24, 26).
Les aliments ingérés sont la principale source luminale
de polyamines chez les mammifères, dans des condi-
tions physiologiques normales.
POLYAMINES ET CANCER _____________________
Implication des polyamines dans le processus de
prolifération maligne
a) Rôle des polyamines dans la prolifération
tumorale :
L'importance des polyamines en cancérologie découle
de leurs rôles décisifs au cours de la prolifération cellu-
laire maligne et de leur forte production intratumorale
(Figure 3).
Figure 3 : Immunoréactivité de coupes de biopsies de
prostate humaine incubées en présence de l’Ac Spm 8-2.
Figure 3: Immunoreactivity of sections obtained from human prostate
biopsies incubated with Ac Spm 8-2.
A: Acini prostatiques normaux (noyau marqué) ; B: Hypertrophie prostatique
bénigne (noyau marqué); C: Adénocarcinome prostatique à cytoplasme faible-
ment marqué (noyau non marqué) ; D: Adénocarcinome prostatique à cyto-
plasme fortement marqué (noyau non marqué).
Delcros JG, Moulinoux JP. Molecular requirements for polyamines binding to the
Anti-Spermine monoclonal Antibody Spm8-2. Hybridoma 1996 ; 15 : 177-183.
AB
CD