Chapitre 4 : L’interaction verbale
A. Les actes de langage :
Un locuteur accomplit simultanément quatre actes en parlant :
1. la représentation
2. l’illocution
3. l’expression affective
4. la perlocution
Ex : Un chef de service dit : « Dans ce service, certains ne donnent pas le meilleur
d’eux-mêmes. » Cette personne a construit une phrase, en bougeant les lèvres et en
faisant vibrer ses cordes vocales, ou avec des gestes… Acte locutoire. Tout
d’abord, le locuteur accomplit un acte locutoire dans la mesure il prononce une
combinaison de mots puisés dans un vocabulaire, conformément aux règles d’une
grammaire.
1. La représentation
Par ces mots, le locuteur évoque un fait, il représente une réalité à ses
interlocuteurs. C’est-à-dire qu’il se réfère à certains objets, certains êtres et qu’il
dit quelque chose à propos de ces référents. Réalité absente à ce moment-là. La
plupart du temps, nos paroles servent à évoquer des choses absentes. Mais un acte
locutoire une phrase prononcée n’implique pas nécessairement une
représentation. De même, on peut très bien évoquer qqch sans parler, par le mime
par exemple mais il faut d’abord avoir appris à parler.
2. L’illocution
L’allocutaire, à son tour, va essayer de reconnaître l’usage conventionnel qui est fait
de cette expression, autrement dit il va essayer de reconnaître les règles
d’intonation, de posture appliqués par le locuteur dans les circonstances typiques de
l’énonciation. Car tout énoncé est un comportement. Et l’on ne se comporte pas de la
même manière selon qu’on veut affirmer ou regretter quelque chose, menacer
quelqu’un, s’excuser etc. Le ton est différent.
On appelle acte illocutoire, ou illocution, l’acte conventionnel qu’on accomplit en
disant quelque chose (promettre, annoncer, demander…) et qui consiste à rendre
manifeste pour l’autre comment les paroles doivent être comprises. Il faut agir
conventionnellement pour que les autres comprennent bien.
Ex : « T’inquiètes, je viendrai dem1 » -> promesse
« Je te dis que je l’ai déjà rendu à la bibliothèque » -> affirmation
« Maintenant, tu vas ranger ta chambre ! » -> Ordre
Si la représentation concerne ce qui est dit (le « contenu »), l’illocution, elle,
concerne ce qu’on veut dire, comment l’énoncé doit être compris. Il arrive que
l’illocution soit explicite ; la phrase contient la mention de l’acte réalisé. Dans ce
cas, donc, l’énoncé comporte en quelque sorte deux parties : la représentation
elle-même et l’usage qu’on fait de cette représentation. Le plus souvent, cependant,
cet usage est implicite et c’est le contexte qui permet à l’allocutaire de le
reconnaître. Explicite ou implicite, l’illocution est l’accomplissement d’un acte
conventionnel vis-à-vis d’autrui.
Par des actes illocutoires s’affirment et se reproduisent les règles de l’interaction
et, plus généralement, les rôles sociaux.
Parfois, soit la représentation, soit l’illocution peut ne pas être claire confusion
et ambiguïté.
Ex : - Tu sors encore ?
- Ben je peux bien quand même…
- Ho mais c’était une simple question !
=>> Illocution pas claire.
3. L’expression affective
Le locuteur réalise aussi un acte expressif, une expression affective, c’est-à-dire
qu’il manifeste intentionnellement un certain état affectif. Aux mots prononcés, au
rythme de la voix, à l’intonation et la mimique, les allocutaires comprennent que le
locuteur entend leur manifester son agencement, sa colère, sa rancœur etc.
En deçà de l’usage conventionnel d’un énoncé s’exprime nécessairement un état
affectif qui nous éclaire sur l’intention du locuteur. On parle ici des sentiments
exprimés intentionnellement et qui, en tant que tels, participent de la
communication. Bien sûr, nous devons distinguer le sentiment exprimé et le
sentiment éprouvé, celui-ci pouvant différer de celui-là. L’expression d’un sentiment
est généralement une réaction à un état affectif éprouvé.
Il y a donc deux niveaux de compréhension d’une expression affective :
a) la compréhension de l’acte expressif lui-me, c’est-à-dire du message que
l’on communique à propos du sentiment qu’on éprouve
b) la compréhension de l’état affectif qui a suscité cette intention de
communication
La 1re compréhension participe directement au processus de communication, pas la
2ème.
Une émotion est une certaine manière de se rapporter à un objet (une personne,
une situation etc.). Dans la communication cet objet peut être l’objet représenté ou
la personne à qui on s’adresse.
L’expression affective peut « imprégner » :
a) la représentation
b) l’illocution
a) Expressivité de la représentation : il n’existe pas de représentation
affectivement neutre. On ne peut décrire qqn, faire un portrait dénudé de
toute expressivité. Même l’indifférence est un état affectif.
b) Expressivité de l’illocution : toute acte de langage exprime une certaine
disposition affective envers l’interlocuteur. Pour une même illocution, on peut
avoir beaucoup expressions affectives.
Ex : on donne un ordre gentiment ou méchamment, différentes façons de dire
qu’on est désolé : l’illocution ne change pas mais l’expression affective est
différente.
Clairement, l’expression affective est à distinguer de l’illocution même si les deux
sont ordinairement liés.
4. La perlocution :
Parler, c’est agir sur autrui. On parle dans l’intention de provoquer certains effets
sur les pensées, les sentiments, les actes des auditeurs. Cette visée intentionnelle,
nous l’appelons l’acte perlocutoire ou perlocution. On ne parle pas tjs dans le but
d’obtenir qqch mais on s’attend à ce qu’on nous écoute. .
La différence entre l’acte illocutoire et l’acte perlocutoire doit être bien comprise.
L’acte illocutoire a un caractère conventionnel. En principe, un acte illocutoire peut
toujours être remplacé par un énoncé tel que son énonciation est l’accomplissement
de l’action qu’il évoque. (Je te promets, je te reproche que…c’est ce qu’on appelle un
performatif). Ceci est impossible pour l’acte perlocutoire. Il en résulte que la
réussite de l’acte perlocutoire n’est jamais assurée. Par exemple, on peut ne pas
nous écouter.
Si l’acte illocutoire dépend avant tout de la volonté de son auteur, l’acte
perlocutoire, quant à lui, dépend, pour réussir, de la réaction de l’allocutaire : de sa
compréhension, son obéissance, son bon vouloir, etc.
Répétons que l’acte perlocutoire est la visée intentionnelle d’un effet chez autrui,
non pas la réaction effective d’autrui qui peut être très éloignée de ce qu’attendait
le locuteur.
Dans l’acte perlocutoire il faut distinguer entre :
a) l’influence directe : l’action sur l’action d’autrui
b) l’influence indirecte : l’action sur les dispositions cognitives et affectives
d’autrui, c’est ce qu’on appelle les états intentionnels.
a) Dans le cas de l’influence directe, le locuteur tente explicitement d’obtenir
une réaction déterminée d’autrui. Quant à l’expression affective, elle va
conférer à l’illocution sa validité sa « force » - en donnant à l’ordre son
urgence, à la prière sa gravité, à la promesse sa sincérité, etc. On le
comprend, la réussite de l’acte perlocutoire dépend ici du fait que
l’allocutaire reconnaisse clairement l’intention du locuteur, ce que celui-ci
cherche à obtenir. Et qu’il accepte la demande dont il est l’objet.
b) Dans le cas de l’influence indirecte, l’émetteur tente seulement d’agir sur les
dispositions cognitives et affectives de l’auditeur en sorte d’accroître les
chances que ce dernier se décide lui-même à agir conformément aux attentes
de l’émetteur.
Dans ce deuxième cas, la réussite de l’acte perlocutoire ne requiert pas
nécessairement que l’allocutaire reconnaisse l’intention effective du locuteur.
On parle de manipulation lorsque l’intention d’obtenir quelque chose d’une
personne se dissimule derrière une autre intention qu’on lui manifeste en sorte
d’amener cette personne à prendre elle-même la décision souhaitée tout en lui
donnant l’impression qu’elle a agi en toute liberté.
Reconnaître l’acte perlocutoire ne suppose pas seulement de comprendre ce que
l’autre exprime, mais de reconnaître le but que, ce disant, il poursuit à notre égard.
On peut comprendre le message sans comprendre la perlocution ou alors hésiter
entre 2 perlocutions.
Ex : - Est-ce pour me faire plaisir ou pour obtenir qqch qu’il me complimente ?
- Qqn nous dit « je déménage demain ». Veut-il que je l’aide ?
Une perlocution peut aussi en cacher une autre.
Ex : - Ton aspirateur fonctionne-t-il encore ?
- Oui pourquoi ?
- Juste pour savoir.
-> La personne veut par exemple savoir s’il pourrait lui en offrir un en cadeau.
Depuis notre plus jeune âge, nous utilisons l’expression affective.
Ensuite viennent tour à tour les gestes olfactifs, l’illaction (presque illocution :
l’enfant apprend la réciprocité. Quand il veut un biscuit, il tend la main), l’illocution
(au lieu de mimer, il parle) et enfin la représentation (l’enfant apprend à se
contenter d’un mot à la place d’un objet).
B. Message et communication :
Une communication verbale peut s’analyser comme la combinaison de quatre actes
simultanés qui constituent autant de formes de réduction de l’incertitude.
On doit établir une différence principielle entre les trois premiers actes et le
dernier. Celle-ci correspond en gros à la différence entre l’intention de signifier
quelque chose et l’intention d’agir sur autrui.
Reconnaître l’intention de signifier, c’est reconnaître la combinaison d’une
représentation, d’une illocution et d’une expression affective ; nous appelons
message ou discours une telle combinaison.
Le message = représentation + illocution + expression affective
Reconnaître l’intention d’agir sur autrui, c’est reconnaître sa « fonction », ce à quoi
sert ce message ou ce discours, l’usage auquel il est destiné. Nous appelons acte de
communication toute action sur autrui qui se réalise au moyen d’un discours.
La communication = le message + la perlocution
Rappel : la différence entre le fait de comprendre un message, donc comprendre la
signification d’un message et le fait de comprendre l’action réalisée au moyen de ce
message, donc de comprendre le sens d’une communication.
C. La genèse des expressions verbales :
Les messages les plus élémentaires sont les expressions affectives : attitudes,
postures, mimiques, gestes etc. Tout message contient une expression affective.
Une expression affective est la manifestation intentionnelle d’une certaine
affection, elle doit être distinguée de l’état affectif qu’une personne laisse
involontairement transparaître.
Le concept d’expression affective est donc circonscrit au champ de la
communication, non à celui plus étendu de la compréhension. De plus, l’expression
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