Jean-Pierre BRARD
Député de la composante communiste, républicaine,
citoyenne et du parti de gauche
Département de Seine-Saint-Denis
Groupe de la gauche démocrate et républicaine
Séance d’initiative parlementaire – Groupe SRC
Taxation des transactions financières
mardi 14 juin 2011 – 1ère séance
Explication de vote
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen de ce
texte, la semaine dernière, nous nous serions crus revenus trois ans en arrière, au moment où
la banque Lehmann Brothers faisait faillite, victime de sa propre folie spéculative, menaçant
d’entraîner dans sa chute l’ensemble de l’économie mondiale. Sur tous les bancs de cet
hémicycle, on s’accordait alors sur un même constat : la toute-puissance des marchés plaçait
le monde au bord du gouffre ; l’édifice capitaliste devait être régulé et le secteur financier
moralisé.
Jeudi dernier, de Pierre Lequiller à Nicolas Perruchot en passant par Marietta Karamanli ou
Noël Mamère, nous avons revécu ces moments heureux où l’esprit de concorde règne sur le
palais Bourbon. Mais, malgré cette belle unanimité retrouvée de la représentation nationale,
depuis trois ans, rien n’a changé. Ou plutôt si, monsieur le président : maintenant, vous nous
interdisez de faire de la pédagogie. (M. Brard brandit la même affichette qu’utilisée par les
députés du groupe SRC lors des questions au Gouvernement, qu’un huissier vient aussitôt lui
retirer.)
Vous auriez tort, monsieur le président. Je vais continuer mon propos, car on ne bâillonne pas
des parlementaires.
Depuis trois ans, donc, rien n’a changé : les banques et les marchés continuent d’imposer leur
loi d’airain aux peuples et le casino mondial se poursuit en dehors de toute réglementation.
Le Président de la République et les dirigeants européens ont beau nous promettre, à chacune
de leurs interventions, une régulation de la finance et une moralisation du capitalisme, ils ne
nous présentent qu’une réduction des politiques publiques conforme aux attentes des marchés.
La crise financière a pourtant démontré le rôle négatif joué par la spéculation croissante et la
recherche de profits selon une logique à très court terme.
Mes chers collègues, vous connaissez les chiffres comme moi, puisqu’ils sont dans le rapport
de notre excellent collègue Pierre-Alain Muet. Ils sont vertigineux. Depuis l’examen de ce
texte, la semaine dernière, 20 000 milliards de dollars ont transité sur le marché des changes.
La machine s’est emballée et le système est en surchauffe. Pour paraphraser l’économiste
Patrick Artus, « nous sommes dans un monde qui se gave de liquidités jusqu’à l’overdose ».
Comme l’écrivent fort justement les « Économistes atterrés » dans leur manifeste de
septembre 2010 : la crise de 2008 « s’est chargée de démontrer que les marchés ne sont pas
efficients, et qu’ils ne permettent pas une allocation efficace du capital. Les conséquences de
ce fait en matière de régulation et de politique économique sont immenses. […] La place
prépondérante occupée par les marchés financiers ne peut donc conduire à une quelconque
efficacité. Plus même, elle est une source permanente d’instabilité… ».