Chapitre 6 : La monnaie dans la construction européenne
Histoire et géopolitique du monde
Mme SAMIR
La mise en circulation de l'Euro au premier janvier 2002 est l'acte le plus important de la
construction européenne aussi bien par ses effets sur la vie quotidienne des populations que
par l'ampleur de sa signification et de ses conséquences.
Pour une construction européenne dont on a souvent reproché le caractère lointain et la
lourdeur juridique, la création d'une monnaie unique a montré qu'une large majorité de la
population, au moins dans le noyau dur de l'espace européen, était prête à abandonner un
élément considéré comme un symbole fort de la souveraineté nationale. Mais cette initiative
révèle aussi avec netteté les lacunes du projet européen et les difficultés, notamment dans les
grands pays, à se plier aux disciplines consenties, surtout lorsque l'on souhaite infléchir les
évolutions économiques en direction des volontés politiques. On peut donc suivre les
dynamiques et les incertitudes du projet européen à travers les principales étapes de la
construction monétaire. Trois étapes principales sont identifiables :
Dans un premier temps, la construction monétaire est apparue comme un
accompagnement nécessaire à une construction fondée surtout sur l'union douanière.
Puis, à la suite notamment de l'effondrement du système de Bretton Woods elle est
devenue un instrument de la construction européenne.
Depuis la création de l'Euro elle constitue une réalité qui impose de nouveaux choix
politiques.
I. La monnaie, à la remorque de la dynamique européenne.
Jusqu'aux ébranlements monétaires des années soixante-dix, la monnaie n'a eu
qu'un rôle accessoire dans le projet européen.
Ce projet paraît alors plutôt porté par la dynamique de l'union douanière et la volonté
politique.
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Dès lors fixer les étapes d'une union monétaire pouvait paraître prématuré.
Une telle démarche entraînerait en effet la remise en cause d'un droit galien fondamental.
Dans les années cinquante, les défenseurs de l'idée européenne n'en sont pas là. En 1954
l'échec de la CED a bien montré, notamment en France l'impossibilité qu'il y avait alors
d'accepter l'abandon, même partiel, des instruments de la souveraineté nationale. Une
Europe des marchands certes mais qui reste une Europe des nations. Par ailleurs les accords
de Bretton Woods avaient établi un système de changes fixes. Dans ces conditions un
abandon des monnaies nationales n'était ni nécessaire ni envisageable.
3. Pourtant les progrès de la construction européenne rendent nécessaire une coopération
monétaire.
Le succès rapide du Marché Commun relance le projet d'harmonisation monétaire. C'est le
but du plan Triffin de 1960. L'idée d'une convergence progressive des politiques
économiques est relancée. Il faut alors harmoniser progressivement les politiques
budgétaires et monétaires pour parvenir à cette convergence, à moins que ce ne soit
l'inverse... Dans cette petite Europe de six pays, il y a une volonté de progresser.
IL L'instabilité monétaire des années 1970 conduit à l'ébauche d'une
politique monétaire commune.
.l. Elle met en évidence les difficultés créées par les variations monétaires au sein
de l'Europe des Six, notamment sur le plan agricole.
La PAC, politique agricole commune, a été réalisée autour du principe, non de l'union
douanière, mais du prix européen unique pour les grands produits agricoles. Une dévaluation
monétaire importante pourrait mettre en péril cette règle de base. C'est le cas en 1969 lorsque
la France dévalue sa monnaie après les événements de 1968 et le départ du Général De
Gaulle.
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En 1969 un mémorandum présenté par Raymond Barre, vice-président de la Commission
Européenne, est étudié au sommet de la Haye et adopté par le Conseil des Ministres en
janvier 1970. Il prévoit la réalisation par étapes d'une union économique et monétaire par les
voies de la coordination des politiques économiques des Etats membres et du soutien
monétaire sur la base de la solidarité à l'égard des partenaires connaissant des difficultés
passagères.
En 1971 le rapport Werner fixe les objectifs précis et les moyens de ce projet. Il s’agit ce
réaliser an «ensemble monétaire individualisé» à l'horizon 1980 par la stabilisation des taux
de change
.2. L'accélération de la crise du système de Bretton Woods rend inévitable la construction
monétaire européenne.
• La suspension de la convertibilité du dollar le 15 août 1971 puis sa dévaluation en
décembre met fin de facto au système monétaire international. Si la règle de la fixité des
parités est officiellement préservée c'est momentanément et au prix d'un élargissement des
marges de fluctuation tolérées : Elles passent de 1% à 2,25%. Mais en 1976 les accords de la
Jamaïque aboutissent à l'installation d'un système international de taux de change flottant qui
consacre la démonétisation de l'or.
Les accords de Bale en avril 1972 cherchent donc à fournir une solution. Les marges de
fluctuation entre les monnaies européennes sont réduites à +/- 1,125%, c'est le «serpent dans
le tunnel
En réalité cette tentative de coopération monétaire résiste mal à l'aggravation de la crise
internationale. Le flottement de la monnaie américaine n'empêche pas la poursuite des
attaques spéculatives et la deuxième dévaluation du dollar en 1973 aggrave les tensions entre
les principales monnaies d'Europe.
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Par ailleurs les lacunes de la construction européenne, l'euroscepticisme qui se propage, les
divergences en termes de politiques ,économiques, entretiennent les tentations spéculatives.
Tour à tour, la Livre en juin 1972, la Lire en février 1973, le Franc en janvier 1974 puis en
mars 1976, les principales monnaies sont contraintes de sortir du « serpent » Le serpent finit
par s'assimiler à une zone Mark. Cette période d'instabilité a néanmoins le mérite de mettre
en évidence les lacunes de la construction européenne. Elle confirme la
nécessité de construire une union monétaire pour pouvoir poursuivre l'intégration
européenne.
3. La mise en œuvre d'une politique monétaire devient alors le moteur principal de
la construction européenne.
• La création du SME le 13 mars 1979 sous l'impulsion de Valéry Giscard d'Estaing
et a Helmut Schmidt est une étape importante et riche de signification. Elle confirme d'abord
le rôle moteur du couple franco-allemand. Elle exprime d'autre part un choix déterminant en
matière de politique économique : c'est l'union monétaire qui détermine la convergence
nécessaire des politiques économiques et non l'inverse. Ce choix amènera notamment la
france à réviser de façon radicale, mais forcément progressive, ses habitudes en matière
économique : Pour un pays habitué depuis plus d'un demi-siècle à accepter la faiblesse du
Franc et les dérives qui en résultent, les contraintes du Franc fort seront dures à accepter et a
gérer, notamment pendant la décennie « miterrandienne » des années quatre-vingt.
Le SME repose sur quatre principes :
La création d'une unité de compte, l'ECU, European Currency Unit, dont la valeur est
déterminée par rapport à un panier de monnaies. Cela permet de se libérer de la référence
dollar, et aussi de l'or qui n'a plus de rôle monétaire depuis les accords de la Jamaïque de
1976. La pondération de chaque monnaie et revue tous les cinq ans et l'adhésion au SME
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devient un élément supplémentaire d'intégration pour chaque nouveau pays candidat à une
époque où les élargissements se multiplient.
. L'ECU devient une monnaie partielle, unité de compte utilisée par les banques centrales,
ancêtre direct de l'euro
Les fluctuations des parités sont limitées à +- 2, 25% (sauf pour la Lire ou parfois la
Livre), ce qui introduit un élément de stabili alors que se généralise la pratique du
flottement des taux de change.
Les banques centrales sont tenues à une solidarité dans leurs interventions pour préserver
la stabilité
Le SME a permis de sauver les acquis des politiques communes européennes ; il a assuré
une certaine stabilité dans un monde troublé par l'instabilité héritée des chocs pétroliers et
des dérives américaines.
Il a consacré un alignement sur les positions allemandes qui privilégient traditionnellement
la lutte contre l'inflation, et à ce titre il est jugé responsable d'un certain enlisement durant
deux décennies de croissance faible et de hausse du chômage. Il a préparé la mise en place
de l'Union économique et monétaire puis de l'Euro.
III. L'Union économique et monétaire met la monnaie au cœur de la nouvelle Europe.
1. L'UEM est cie par le trai de Maastricht qui est signé le 7 février 1992.
Elle est réalisée en trois phases :
*** La première entre le 1er juillet 1990 et le 1er janvier 1993 aboutit au rapprochement des
politiques économiques, monétaires et budgétaires, qualifiant ainsi les pays capables de
poursuivre les étapes prévues. Elle révèle les exigences à franchir pour réaliser l'intégration.
Ce sont:
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