Lemrabott - GED - Université de Bordeaux

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UNIVERSITE DE BORDEAUX IV
/
CHAIRE DE l’UNESCO
/
UNIVERSITE DE VERSAILLES-SAINT QUENTIN EN YVELLINES
Colloque international sur le thème :
Pauvreté et développement durable
(Bordeaux les 22 et 23 novembre 2001)
Aide Publique au Développement, théorie néoclassique de "l'altruisme" et lutte contre la pauvreté :
le cas de la Mauritanie.
Communication présentée par:
Mohamed Ali OULD LEMRABOTT
(Groupe Mauritanien de Recherche sur la Pauvreté et le Développement)
Nouakchott, novembre 2001.
1
SOMMAIRE
Avertissement
Résumé
I. Chapitre introductif (« débroussaillage » conceptuel )
1. Vue d’ensemble de la problématique de l’aide au développement
2. L’aide publique au développement, une manifestation de « l’altruisme impur » ?
II.Vers une application au contexte Mauritanien : une réduction rapide de la
pauvreté est tributaire de l’aide extérieure
III. Le commerce extérieur, un atout sous-exploité au regard de la croissance
durable et de la réduction de la pauvreté
IV. Un secteur minier hérité de la colonisation et maintenu sous perfusion
financière par l'aide extérieure . Peu intégré au reste de l’économie, il n’est pas
assez « pro-poors »
1. Historique et genèse de l’exploitation minière en Mauritanie: histoire d’un projet
conçu au regard des intérêts de la sidérurgie européenne et du capital financier
privé européen
2. Une "cathédrale dans le désert"
3. « L’hyène face à l’océan » : ou quand les retombées de quarante ans d’exploitation
minière se font attendre
4. Une activité minière génératrice de coût d’opportunité
V. Un contre-exemple pour nuancer le jugement: L’aide aux secteurs
sociaux comme forme « d’altruisme pur » au service de la lutte contre la pauvreté
humaine (et du développement durable du capital humain)
VI. Conclusion.
2
Avertissement
L'auteur de cette communication a participé intuitu personae au colloque
en question en tant que membre du groupe de recherche Mauritanien
"Pauvreté et développement."
A cet égard, ses frais de participation ont été entièrement pris en charge
par les organisateurs de cette manifestation, à savoir l'université de
Bordeaux et l'université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines, à
l'exclusion de tout autre organisme.
Par conséquent, les idées et opinions exprimées dans ce texte, qui se
situent en dehors de toute considération professionnelle, sont strictement
personnelles et n'engagent que leur auteur, bien qu'elles se veuillent
objectives et neutres car découlant d'une démarche purement scientifique.
3
Résumé
Le concept d’altruisme, proposé dans le cadre des tentatives récentes de prolongement
du cadre d'analyse néo-classique comme comportement procédant de la rationalité
économique, permet d’analyser cette transaction non marchande et aux mobiles
complexes qu’est l’aide au développement.
Néanmoins, une fois discuté, ce concept a révélé quelques limites qui portent
notamment sur les mobiles non économiques de l'aide.
Cependant, dans le cadre des tentatives de recherche des causes de l’inefficacité de
l’aide en général, le concept d'altruisme a pu être appliqué - sous ses deux dimensions
pure et impure - au comportement, du point de vue de leur appui
au
commerce
extérieur, des donateurs de la Mauritanie, un pays du groupe des PMA, pour lequel le
marché extérieur offre l’unique possibilité réelle d’un développement durable et
réducteur de pauvreté.
Ainsi, l’analyse des effets d’un grand projet d’exportation de produits miniers mis en
œuvre dans ce pays aux ressources financières limitées, a montré que cette activité a
peu contribué au développement du pays et à la réduction de la pauvreté.
A la lumière de ce projet d’exploitation du fer, mis en place du temps de la
colonisation par la volonté de ces principaux donateurs et maintenu en survie par leur
aide abondante, il est apparu que le comportement des donateurs, pour lesquels ce
projet présente un intérêt stratégique particulier, pourrait être assimilé à de l’altruisme
impur.
Toutefois, ce jugement mériterait d'être nuancé à maints égards notamment parce qu’il
inclut une part de procès d’intention au sens où l’entend la sociologie politique (R.G.
Schwarzenberg, M. Duverger, etc.)
D’autant plus que lorsqu’on examine l’action de ces mêmes grands donateurs en
direction des secteurs sociaux et les progrès réalisés par la Mauritanie dans ce
domaine, et quand on prend en compte leurs déclarations, en dehors de tout procès
d’intention, il apparaît, de ce point de vue, qu’ils ont plutôt fait œuvre d’altruisme
pur.
Enfin, la communication propose plusieurs prolongements du modèle dichotomique
altruisme pur-altruisme impur en particulier de lui intégrer la dimension temporelle.
Sous cet éclairage nouveau, l’altruisme impur, voire a fortiori l’égoïsme apparaissent à
l’échelle internationale comme irrationnels eu égard à l’imbrication ancienne et
croissante des intérêts des donateurs et des bénéficiaires au niveau du « village
planétaire. »
4
I. Chapitre introductif (« débroussaillage » conceptuel )
1. Vue d’ensemble de la problématique de l’aide au développement
Que n'a-t-on pas dit de l'aide au développement: "Potion calmante", "placebo", "argent
de poche des dirigeants du Sud", "de l'argent pris aux pauvres des pays riches et
transféré aux riches des pays pauvres" 1, "l'aide est gaspillée", "l'aide est inefficace",
"l'aide entretient une mentalité d'assistanat", "l'aide déprime l'épargne intérieure", "elle
aggrave le double déficit (twin gaps)", "elle engendre le surendettement", etc.
Et pourtant, il est un angle d'attaque quasiment inusité par ce foisonnement d'analyses:
c'est l'angle d'attaque microéconomique, comportemental.
La présente communication a précisément pour objet de contribuer à l'enrichissement
de l'analyse de l'aide à travers une approche microéconomique. Mais avant de décliner
le contenu de cette contribution, une vue d'ensemble du débat autour de l'aide au
développement s'impose.
Le survol de la littérature économique traitant de la problématique de l'aide montre que
les opinions négatives portées à l’endroit de cette transaction l’emportent largement sur
les opinions positives.
Que l’on se situe du côté du pays donateur ou du pays bénéficiaire, que l’on s’inscrive
dans l’un des deux paradigmes dominants de l’économie (le libéral et le néo-marxien)
ou dans l’autre, le même constat sceptique voire négatif s’impose2.
1
Expression aux accents Cartieristes citée, entre autres, dans le livre du Nobel d'économie d'Amartya
Sen: SEN Amartya, Ethique et économie, Economica, 1993.
2
Ce constat fait par les économistes converge avec l'état de l'opinion dans les pays du Nord, elle-même
globalement hostile à l'aide. Cette désaffection de l'opinion, dont il faut rechercher les origines dans le
mouvement Cartieriste des années 1950 dont le slogan "la Corrèze avant le Zambèze" est bien connu,
tient principalement à deux images popularisées du système d'aide: "l'aide est inefficace", "l'aide est
gaspillée". Sur ce dernier point, voir:
- Brunel S., Le gaspillage de l'aide publique, Le Seuil, 1993.
5
En effet, depuis qu’Adam Smith a consacré à l’aide aux colonies une vingtaine de
pages dans « La richesse des nations », ouvrage écrit en 1776, tous les libéraux ou
presque jugent que cette transaction est perverse3 car elle correspond, selon eux, à une
allocation de ressources hors marché. Ce dernier étant le seul mécanisme efficace de
coordination des actions des agents et d’allocation optimale des ressources4.
Ainsi, P.T. Bauer5 va jusqu’à prôner une suppression pure et simple de l’aide. Cette
dernière étant pour lui le seul point commun entre les différents pays du Tiers Monde.
« L’aide extérieure, (précise-t-il) est la source du conflit Nord-Sud et non sa solution.»
Et l’auteur d’ajouter: « A la vérité, aider les responsables sur la base de la pauvreté de
leur population a plus de chance d’encourager les politiques d’appauvrissement que
d’y faire obstacle »
Quant au courant néo-marxien6, son hostilité à l'égard du système actuel de l'aide est
bien connue. Analysée comme un élément du mode de reproduction global de rapports
Centre-Périphérie, caractérisés par l’exploitation, elle renforce selon eux « la
dépendance » des pays du Sud. Cette accentuation de la dépendance tient
principalement, explique Samir Amin7 , au fait que l’aide biaise l’allocation sectorielle
des investissements en privilégiant les activités qui renforcent l'insertion du pays
bénéficiaire dans la Division Internationale du Travail qui est de type impérialiste.
3
Et ce, malgré certaines contributions optimistes comme celle de Chenery et Strout pour qui l'aide doit
servir à combler un double déficit (Twin Gaps):
- Chenery H.B. et Strout A., Foreign Assistance and Economic Development, American Economic
Revue, septembre 1966.
4
Cette idée a été popularisée par la formule célèbre: "Trade but not aid" remise récemment au goût du
jour par l'administration Clinton.
5
Bauer P.T., Mirage égalitaire et tiers-monde, PUF, 1984. Voir aussi du même auteur:
Bauer P.T., The Harm that foreign aid does, Wall Street Journal, Je 9-1980.
Bauer P.T., et al., Foreign Aid What is The Stake? IN Public Interest, PP53-69, Summer 1982. Publié
par: National Affairs, Inc, Washington.
6
Karl Marx n'a pas évoqué directement la question de l'aide. Toutefois, sa position pourrait être
appréhendée essentiellement à travers ses analyses anti-colonialistes. Pour un survol de ces analyses,
nous recommandons de lire:
- Merle M., L'anti-colonialisme européen de Las Casas à Marx, Armand Collin, Collection U, 1969.
7
Amin S., L'accumulation à l'échelle mondiale, La Découverte, 1971.
D'autres critiques radicales qui se rattachent à ce courant sont également bien connues. On peut en citer:
- Jalée M., Le pillage du tiers-monde, Maspéro, 1979.
- Mende T., De l'aide à la recolonisation, Le Seuil, 1972. Ou encore notre celle de notre compatriote
Baba Miské:
- Baba Miské, La plus habile entreprise d'exploitation de l'Histoire, in Le Monde du 4 août 1973, P5.
6
Cette convergence de positions entre deux paradigmes souvent opposés a d’ailleurs
quelque chose d’intriguant8…
Hormis ces deux positions que nous pouvons qualifier d’idéologiques, certains auteurs
se sont interrogés sur le bien fondé même de l’aide9, sur sa capacité à engendrer le
développement, ce dernier étant avant tout un phénomène endogène. « Capital is made
at home » disait Ragnar Nurske10.
A l’inverse, d’autres contributions à ce débat, moins nombreuses, considèrent que
l’aide est utile et jugent que si elle n’a pas produit les effets escomptés c’est en partie à
cause de son faible volume. C’est pourquoi, de temps en temps, des voix s’élèvent ici
ou là pour réclamer un plan Marshall pour l’Afrique voire pour le Tiers-monde.
Si, dans leur ensemble, ces contributions justifient de manière différente leur
opposition au système actuel d’aide publique au développement, elles ont toutefois
deux points en commun.
Premièrement, elles soulignent presque toutes, d’une manière ou d’une autre, la
question de l’inefficacité de l’aide.
Deuxièmement, elles adoptent pratiquement toutes une approche « macro » qui traite
de l’aide comme d’une boîte noire où l’analyse ne pénètre pas mais se limite à ses
effets ex post.
Or, pour explorer les causes de l’inefficacité de l’aide et pour rendre compte de la
complexité d’une telle transaction qui se déroule en dehors de la sphère marchande,
8
Elle s'ajoute à celles déjà identifiées notamment dans:
-Courlet C. et Judet P., Industrialisation et développement: la crise des paradigmes, Revue Tiers Monde,
t XXVII, n°107, juillet-septembre 1986.
9
Comme à l'occasion du débat sur le "paradoxe des transferts" né de la controverse entre Keynes et
Ohlin, voir à ce propos:
- Berthelemy J.C., Endettement international et théorie des transferts, Revue d'Economie Politique, n°3,
juin 1987, Paris.
7
une « visite » à l’intérieur de cette boîte noire s’impose afin de compléter ces analyses
« macro » qui se placent ex post par une approche « micro »11 de type
comportemental qui rende compte, ex ante, des mobiles d’une telle action au niveau du
donateur12 et de la logique d’interaction qui intervient entre lui et le bénéficiaire, de la
logique de ce « jeu » (au sens de la théorie des jeux) auquel ces deux protagonistes
s’adonnent.
En effet, l’inefficacité de l’aide pourrait bien découler de l’ambivalence, voire de
l’ambiguïté des mobiles mêmes qui animent le donateur. Ceux-ci se situant à cheval
entre deux logiques. L’une non marchande, non utilitariste voire franchement antiutilitariste, est par essence désintéressée. Elle correspond à peu près au don du pélican
que François Perroux13 avait présenté comme modèle de « don parfait.»14 Elle n’est
pas « égocentrique » selon la terminologie du même auteur15. L’autre logique
comporte un certain contenu marchand ; elle a une « finalité sociale » avouée ou
non16 ; elle contient une dimension stratégique. C’est le cas par exemple lorsqu’un
pays ou groupe de pays, appelé A, qui dispensent de l’aide à un Pays en Voie de
Développement (PVD), appelé B, ciblent leur intervention au niveau de B sur des
activités ou secteurs qui ont la particularité d’être stratégiques pour l’économie de A.
“Il n’y aurait pas de mal” à cela si l’activité ou le secteur en question était également
profitable à A, c’est-à-dire n’engendrant pas pour lui, par exemple, de coût
d’opportunité significatif en terme d’investissement ou de réduction de la pauvreté. Ce
serait
l’exemple
même
d’une
externalité
positive
tirée
du
comportement
microéconomique d’un “Bienfaiteur.”17 Ce serait une situation « optimale » qu'on
pourrait appeler en anglais dans le jargon des affaires « Win-Win. » (« double-gain. »)
10
Nurkse R., Problems of capital formation in underdevelopped countries, Oxford, 1953.
Voir le débat sur les fondements microéconomiques de la macroéconomie (théorie du déséquilibre,
théorie de l’agrégation, etc.)
12
Mais aussi au niveau du bénéficiaire car cette action qu’est l’acte de don ou de transfert tout court
pourrait être qualifiée de synallagmatique comme diraient les juristes. Elle découle de deux volontés
non entachées de vice : celle de donner pour le donateur et celle de recevoir pour le bénéficiaire.
13
Perroux F., Le don : sa signification, en économie, in la revue DIOGENE, N°6, 1954.
14
Elle correspond aussi à peu près au « donner sans rien attendre en retour » que prêchent certaines
religions monothéistes…
15
Perroux F., Ibidem.
16
Perroux F., Ibidem.
11
8
Or, les projets de développement destinés à valoriser un produit d’exportation et
financés par l’aide publique au développement n’offrent pas toujours cette situation de
« double gain», d'utilité doublement positive pour les deux partenaires. Et ce, malgré
que l’ouverture sur le marché international, comme c’est bien souvent le cas au
niveau des PVD, soit le seul moyen de lutter efficacement contre la pauvreté ne
serait-ce qu’en raison de l’exiguïté de leur marché intérieur.
C’est le cas, par exemple, de l’exploitation du minerai de fer en Mauritanie. Un projet
initié au début des années 1950 par des intérêts privés, par définition intéressés. Les
promoteurs privés du projet étaient d’abord Canadiens ensuite Français (Groupe
Rothschild.) Par la suite, il a été repris en main, à l’avènement de la Loi Cadre, par ce
qui ne s’appelait pas encore le « Capitalisme Monopoliste d’Etat » (CME) européen (le
BRGM, et les grands sidérurgistes européens comme USINOR, FINSIDER, British
Steel, Thyssen, etc.) et soutenu, après l’indépendance de la Mauritanie par le système
d’aide publique au développement dans une sorte de mise sous perfusion quasipermanente. Ce « raccordement continu », au sens mathématique, entre investissement
privé et aide publique renforce d’ailleurs cette présomption « égocentrique » dont nous
venons de parler.
En effet, les principaux donateurs de ce projet ont été les pays et regroupements
multilatéraux de l'Europe de l'Ouest (zone à laquelle sont destinés plus de 90% des
exportations du projet.) Or, cette zone n’est pas la Suède. Elle accuse une dépendance
importante pour le fer18.
Un autre groupe de donateurs importants est constitué des créanciers du projet. Il s’agit
principalement de bailleurs de fonds bilatéraux arabes (presque tous actionnaires de la
SNIM19 depuis 1979) et de la Banque Mondiale (dont on sait par ailleurs que les pays
européens et l’Union Européenne figurent parmi ses principaux contributeurs.)
17
18
Au sens de Becker.
Voir à ce propos: Yachir F., Les enjeux miniers au Sud, Karthala, 1987.
19
Société Nationale Industrielle et Minière
9
Cependant, si la deuxième partie de l'hypothèse que nous cherchons à valider, à
savoir : « l’activité minière que l’aide a privilégiée par rapport aux autres activités
productives à vocation exportatrice n’a eu qu’un impact limité sur le développement
du pays et en particulier sur la réduction de la pauvreté » peut être démontrée aisément,
il n'en est pas de même de sa première partie qui concerne le mobile des donateurs de
ce projet.
En effet, la première partie de l’hypothèse que nous cherchons à valider et qui pourrait
être résumée par la proposition suivante : « en Mauritanie, l’aide publique au
développement a privilégié l’activité minière parmi les investissements productifs à
vocation exportatrice en partie parce que celle-ci profite aux donateurs eux-mêmes »
peut être difficilement établie de façon entièrement rationnelle car l’assertion n’est pas
totalement « falsifiable » au sens Popperien20 du terme.
En effet, elle pourrait comporter, nous le reconnaissons, une part de « procès
d’intention » intenté aux donateurs.
Aussi, eu égard à la difficulté du sujet, cette communication n’aura pas l’ambition
de résoudre la question ni même de l’épuiser. Tout au plus se bornera-t-elle à
poser des questions en vue de susciter, peut-être, des débats ultérieurs…
Pour rendre compte de cette dualité aide intéressée-aide désintéresée, nous avons fait
recours jusqu'ici à des concepts développés par F. Perroux.
Des apports plus récents et se rattachant à une autre école de pensée ont tenté de
« modéliser » le comportement du donateur à partir du cadre d’analyse néo-classique
(hypothèse de rationalité.) »
20
En référence au concept de « réfutabilité » développé par Karl Popper notamment dans :
- Popper K., La connaissance objective, Editions Complexe, Bruxelles, 1982.
10
2. L’aide publique au développement, une manifestation de « l’altruisme
impur » ?
Les apports dont nous venons de parler découlent notamment des travaux de Becker,
Andréoni, Akerlof, Mahieu, Rapoport, etc.21
L’ensemble de ces contributions procèdent à une analyse de l’altruisme. Elles ont
« pour caractéristique commune de présenter les comportements altruistes (des
donateurs comme des bénéficiaires) comme procédant de la rationalité économique. »
nous dit Rapoport22.
L’exemple le plus marquant de ce « mouvement de l’altuisme moral vers l’altruisme
stratégique »23 est incarné par le célèbre théoème du Rotten Kid énoncé par Becker24.
Ces développements ont abouti, entre autres, à une typologie des altruismes.
« On
parlera (alors) d’altruisme pur lorsque le bien-être d’autrui constitue un objectif central
dans les motivations du donateur, et d’altruisme impur lorsque le don n’est autre
qu’un moyen d’atteinte des objectifs strictement égoïstes.»25
En partant de l’approche développée par ce groupe d’auteurs, il s’agit pour nous de
tenter de situer l’aide publique au développement par rapport au cadre d’analyse néoclassique standard.
21
L’ensemble de ces apports ont été synthétisés dans :
- Mahieu F-R. et Rapoport H. (sous la direction de), Altruisme, 1998, Economica.
22
Rapoport H., Coordination, altruisme et développement in Mahieu F-R. et Raport H. (sous la
direction de), op cit.
23
Ibid
24
Le théorème s’énonce ainsi : « Chaque bénéficiaire quel que soit son degré d’égoïsme, maximise le
revenu familial de son bienfaiteur et internalise par là même les effets de sonaction sur d’autres
bénéficiaires. » Voir à ce propos :
- Becker G.S., Altruism, egoïsm, and genetic fitness : economics and sociobiology, Journal of Economic
Literature, Vol. V, 14, PP. 817-26.
25
Rapoport H., ibid
-voir aussi :
Andréoni J. Giving with impure atruisme : application to ricardian and equivalence, Journal of
Political Economy, Vol 97, n°6, PP. 1447-1458.
11
Une solution consisterait alors à définir ce phénomène comme une manifestation de
l’altruisme.
Dès lors, il s’avère que lorsqu’on prend en compte la dimension stratégique pour le
donateur, ses mobiles « égocentriques » (F. Perroux, 1966), fondés sur un faisceau
d’indices convergents, l’aide pourrait être assimilée à une manifestation de
« l’altruisme impur.»
Cependant, lorsqu’on s’en tient aux déclarations que font les donateurs « la main sur le
coeur », qui se disent mus uniquement par des « sentiments moraux » et que l’on prend
en compte leur soutien à des secteurs non directement liés à leurs intérêts comme les
secteurs sociaux, l’aide se rapprocherait plus de « l’altruisme pur » (Andréon26i,
1990 ; Hilshleifer27, 1985.)
Néanmoins, le concept « d’altruisme impur », au-delà des critiques adressées au cadre
d’analyse néo-classique standard en général, présente en lui-même des limites
intrinsèques attachées à son contenu même.
En particulier, ce concept exclut tout déterminant anti-utilitariste à l’action humaine
qui s’exprimerait dans le champ économique. Ce qui fait de l’Homme un sujet
« essentiel » et « non existentiel » comme le dirait Henri Guitton28.
Or, les mobiles de l’action économique ne sont pas réductibles à une axiomatique
purement économique (Keynes, Schumpeter, etc.)29
C’est pourquoi, ce concept pourrait s’avérer réducteur au regard de la complexité du
phénomène de l’aide au développement.
26
Andréoni J., ibid..
Hirshleiffer J. The expanding domain of economics, Amer.Eco. Rev., Vol.75, n°6, PP. 321-350.
28
Guitton H., l'Economique, in Encyclopaedia Universalis, 1982.
29
Voir également les travaux du courant éthique dopés ces dernières années par le prix Nobel
d'économie obtenu par l'un de leur chef de file Amartya Sen dont l'apport en la matière est résumé dans:
- Sen A., Ethique et économie, Economica, Paris, 1993.
27
12
Ainsi, il apparaît nécessaire d’élargir ce cadre d’analyse afin d’accroître son pouvoir
explicatif au regard de cette réalité complexe en l’enrichissant par d’autres approches.
A cet égard, l’angle d’attaque anthropologique pourrait s’avérer fécond à travers la
notion de don (Marcel Mauss30, etc.) et de contre-don (Batifoulier, Zenou et alii31, etc.)
En outre, assimiler l’aide publique au développement à de l’altruisme impur
conduirait en quelque sorte à intenter un procès d’intention aux gouvernements du
Nord, lesquels se défendent bien de vouloir tirer profit de leur aide aux PVD.
C’est précisément à ce niveau que se situe la nécessité d’un second élargissement du
cadre d’analyse en faisant recours à la notion de « procès d’intention » au sens de la
science politique et plus précisément la sociologie politique (M. Duverger, R.-G.
Schwarzenberg, etc.)
Il va de soi que l’hypothèse : « l’aide publique au développement est une forme
d’altruisme pur » ne peut être testée empiriquement sur un seul pays bénéficiaire. Il
faudrait un échantillon de pays beaucoup plus large et une période d’analyse autrement
plus longue.
Toutefois, à partir de l’exemple pratique de la Mauritanie, il s’agit de nuancer cette
dichotomie « altruisme pur – altruisme impur »32 en montrant, sur la base de données
empiriques objectives (indices convergents, chiffres), qu’il existe de médiations de
chacun de ces deux concepts au niveau de l’autre et que l’aide se situerait donc à
cheval entre ces deux concepts.
30
Mauss M., Essai sur le don, in Sociologie et Anthropologie, PUF, 1966 PP145-279
Batifoulier, Zenou et alii, l’emprunt de la théorie économique à la tradition sociologique. Le cas du
don contre-don, in Revue Economique, novembre 1992. P924 et suivantes.
32
Sur un plan purement académique, cette dichotomie n’est d’ailleurs pas aussi « étanche.» En effet,
Andréoni (op. cit ;) caractérise l’altruisme pur en y décelant « un effet d’aise » (« warm-glow giving
effect. ») engendré par le fait même de donner. Or, cet effet est aussi présent lorsqu’il s’agit
d’altruisme pur. En outre, il s’agit d’un sentiment, d’une utilité non quantifiable en termes de prix.
Alors que la distinction pur-impur appliquée à l’atruisme est définie précisément par rapport à une
utilité « quantifiable » positive ou négative.
31
13
II. Vers une application au contexte Mauritanien : une réduction rapide de la
pauvreté est tributaire de l’aide extérieure
Avant de décrire l’aide publique au développement (APD) dont bénéficie la
Mauritanie, une présentation de l’environnement économique de ce pays s'avère
nécessaire.
Par souci de commodité, nous consacrons ci-après un encadré à cette présentation de
l’économie Mauritanienne.
Ce qu’il y a lieu d'en retenir c’est que la Mauritanie fait partie du groupe des PMA
(Pays les Moins Avancés.) Son Produit National Brut par habitant, soit $380 par an,
est faible. Plus de 50% de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté. En 2001,
son Indice de Développement Humain (IDH) est de 0,437 et correspond au 139è rang
sur les 162 pays classés par le rapport 2001 du PNUD. La faiblesse de ses ressources
internes est comblée en grande partie par le recours à l'aide extérieure.
Entre 1960, année de son accession à l’indépendance et 1999, la Mauritanie a reçu,
selon les données du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE, 6.087
milliards de dollars US d’APD en termes de flux bruts et 5.454 milliards de dollars US
de flux nets.
Ces flux d'aide présentent un fort degré de concentration en termes de donateurs. En
effet, l'aide met en jeu un grand nombre de donateurs, 75 au total, dispersés sur les 5
continents mais seul un petit nombre parmi eux, situés essentiellement en Europe et au
Moyen-Orient, en fournissent l ’essentiel.
Ainsi, la faible dispersion en termes de valeur de cette aide permet de vérifier la loi
statistique des 20-80. En effet, 5 donateurs (UE, France, Japon, l’IDA, le SNU), soit
14
20% de l’effectif total des donateurs encore actifs durant la période allant de 1990 à
1999, apportent 80% de l’aide.
Cette loi des 20-80 se trouve également vérifiée lorsqu’on étend l’analyse à l’ensemble
de la période des 40 ans (1960-1999.) Comme le montre la courbe de Lorentz qui
figure plus loin (page 19) et qui permet de calculer un indice de Gini de 0,80,
conforme à cette loi statistique.
l ’Union Européenne et la France, qui sont les deux principaux bailleurs de fonds de la
SNIM et pour qui, nous l’avons déjà dit, l’extraction du minerai de fer présente un
intérêt stratégique, ont fourni à eux deux, de 1990 à 1999, plus de 50% de l’aide totale.
Cette concentration de l’aide renforce la vulnérabilité de l’économie Mauritanienne
vis-à-vis de chocs financiers qui proviendraient de cette zone. Elle montre également à
quel point le secteur minier en étant la principale destination-en termes d’activités
productives- des ressources provenant de ces deux grands donateurs, génère un effet
d’éviction en direction des autres activités de production à l’export et leur « ôte en
quelque sorte le pain à la bouche. »
Par ailleurs, la Mauritanie accuse une importante dépendance vis-à-vis de l’aide
extérieure en termes de revenu. Ainsi, entre 1973 et 1999, la Mauritanie a reçu en
moyenne106$ par habitant et par an (1960-1999: 86$.) De 1973 et 1999, l ’APD nette
a représenté 28% du PNB, soit près du tiers. En outre, l’APD représente l’essentiel
(plus de 95 %) du financement extérieur du développement en Mauritanie (les
investissements directs étant insignifiants) et a fortiori
du financement extérieur
public. C’est pourquoi cette communication se limite à cette composante de l’aide
extérieure.
C’est dire qu’une réduction rapide de la pauvreté comme la Mauritanie s’en est fixé
l’objectif ne peut être réalisée sans un rôle actif de l’aide extérieure.
15
Evolution des structures de l’économie Mauritanienne
Située sur la façade atlantique entre l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb, la Mauritanie est un vaste pays
peu peuplé. Son territoire qui s'étend sur environ un million de km 2 est à 90% désertique. Il n’abrite que
2,5 millions d’habitants. La Mauritanie fait partie du groupe des PMA (Pays les Moins Avancés.) Son
Produit National Brut par habitant, soit $380 par an, est faible. Plus de 50% de sa population vit en
dessous du seuil de pauvreté. En 2001, son Indice de Développement Humain (IDH) est de 0,437
correspondant au 139è rang sur les 162 pays classés par le rapport 2001 du PNUD. La faiblesse des
ressources internes est comblée en grande partie par le recours à l'aide extérieure qui a représenté
$218 millions de versements nets en 1999, soit environ 23% du PIB.
A l’indépendance acquise en 1960, la population Mauritanienne était structurée en une société
essentiellement nomade. Plus de 95% de la population vivait en milieu rural et près de 70% des
Mauritaniens étaient des nomades. L’économie reposait alors sur le secteur primaire, principalement
l’élevage, qui assurait la subsistance de la population.
Avec le démarrage au milieu des années 1960 de l’exploitation des mines de fer, l’émergence de petits
centres urbains dotés d’administrations et de services sociaux, un secteur moderne, tiré par les activités
secondaires va émerger peu à peu au niveau de l’économie nationale.
Les cycles de sécheresse intervenus à partir des années 1970, allaient entraîner un exode sans
précédent des populations rurales qui sont venues gonfler les grands centres urbains. En 2000, 56% de
la population vivent en milieu urbain alors que les nomades ne représentent plus que moins de 5%.
La prédominance du secteur primaire dans l’économie va cesser au profit de celle du secondaire. Bien
qu’occupant toujours 60% de la population active, le secteur rural ne fournit désormais moins du quart
du PIB ce qui traduit la faible productivité du secteur, qui demeure néanmoins vital pour l’économie.
Cependant et malgré le développement de la pêche industrielle qui a culminé au milieu des années
1980, on assiste depuis une dizaine d’années à une tertiarisation de l’économie, sous l’effet du
développement du commerce, des administrations et d’autres services à caractère urbain comme le
transport et les télécommunications.
En effet, en 1999, le PIB aux prix constants du marché était généré pour environ 44% par les services
soit presque autant que les deux autres secteurs réunis: primaire (22,6%) et secondaire (24,5%.)
L’économie Mauritanienne s’est toujours caractérisée par un haut degré d’ouverture. Ainsi, en 1999,
son commerce extérieur, soit $668 millions ($333 millions d’exportations FOB et $305 millions
d’importations), a représenté plus de 70% du PIB.
Cependant, les exportations sont concentrées sur deux produits seulement : le fer et le poisson. Ce qui
fragilise l’économie en l’exposant aux effets des fluctuations observées sur ces deux marchés. En effet,
la conjoncture qui prévaut sur ces deux marchés, ainsi que les variations pluviométriques qui peuvent
affecter l’agriculture, soumettent souvent l’économe à des chocs exogènes déstabilisateurs.
Toutefois, la politique d’ajustement structurel dans laquelle la Mauritanie s’est engagée depuis 1985, et
qui a abouti au rétablissement des grands équilibres macroéconomiques et au retour de la croissance,
a permis une relative stabilisation des performances globales de l’économie depuis 1994.
La Mauritanie a été le premier pays au monde à être déclaré éligible à l’initiative de réduction de la
dette renforcée PPTE II. C’était en janvier 2000. Dans le cadre du processus de mise en œuvre de cette
initiative, le Gouvernement Mauritanien s’est engagé dans la préparation d’un Cadre Stratégique de
Lutte contre la Pauvreté pour les horizons 2010 et 2015. Ce document a été approuvé par les instances
dirigeantes des institutions de Bretton Woods en février 2001.Cet ambitieux programme repose sur un
scénario volontariste de croissance à plus de 6% en moyenne sur la période 2001-2015. Ce taux devant
atteindre 7% dès 2004 alors que le trend actuel de croissance est de 4%. En outre, il est prévu de
16
ramener l’incidence de la pauvreté dans la population de 50,6% à 16,9% en 2015. Ce qui revient à dire
que la pauvreté devra être réduite de moitié en moins de 15 ans.
En effet, la Mauritanie a été le premier pays au monde à être déclaré éligible à
l’initiative de réduction de la dette renforcée PPTE II33 . C’était en janvier 2000. Dans
le cadre du processus de mise en œuvre de cette initiative, le Gouvernement
Mauritanien s’est engagé dans la préparation d’un Cadre Stratégique de Lutte contre la
Pauvreté pour les horizons 2010 et 2015.
Ce document a été approuvé par les instances dirigeantes des institutions de Bretton
Woods en février 2001.
Cet ambitieux programme repose sur un scénario volontariste de croissance à plus de
6% en moyenne sur la période 2001-2015. Ce taux devant atteindre 7% dès 2004 alors
que le trend actuel de croissance est de 4%. En outre, il est prévu de ramener
l’incidence de la pauvreté dans la population de 50,6% à 16,9% en 2015. Ce qui
revient à dire que la pauvreté devra être réduite de moitié en moins de 15 ans.
De même que l’avenir de la pauvreté dépend en grande partie des scénarios futurs de
l’aide extérieure, l’ évolution passée de ce fléau ne peut avoir été indépendante du
contenu de ces importants flux d’aide.
Ainsi, il apparaît clairement que la durabilité du processus de croissance, de l’offre de
services sociaux, et partant de la réduction de la pauvreté sont dans une large mesure
tributaires des performances de l’aide extérieure.
C’est pourquoi, la forte prévalence de la pauvreté en Mauritanie- qui atteignait 50,5%
de la population en 1996- est au moins partiellement une conséquence cumulée des
politiques d’aide mises en œuvre à l’intention de ce pays depuis plusieurs décennies
bien que le primat des politiques nationales sur les autres déterminants du
développement économique et social ne soit plus à démontrer.
33
Pays Pauvres Très Endettés.
17
A contrario, le recul timide de la pauvreté observé entre les deux Enquêtes sur les
Conditions de Vie des Ménages (EPCV) de 1990 et de 1996, l’incidence de la pauvreté
étant passée entre ces deux dates de 56,6% à 50,5%, ne peut avoir été atteint sans une
inflexion significative en faveur des secteurs sociaux opérée au niveau de l’aide
extérieure. C’est ce que nous tenterons de démontrer plus loin.
18
Courbe de Lorentz et indice de Gini: vers une mesure de la concentration de l'aide par
donateur (flux bruts 1960-1999).
(Données OCDE, etc.)
100
90
Montant de l'APD: Distribution
des fréquences cumulées en %
du total
80
Indice de GINI = 0,80
70
60
Montant
cumulé A
en %
50
40
Y=X
30
20
10
0
1
4
7
10
13
15
18
21
24
27
30
32
35
38
41
44
46
49
52
55
58
61
63
66
69
72
75
77
80
83
86
89
92
Distribution des fréquences cumulées des effectifs de donateurs classés par ordre croissant en % du total
19
94
97 100
III. Le commerce extérieur, un atout sous-exploité au regard de la croissance
durable et de la réduction de la pauvreté
L’économie Mauritanienne se caractérise par un haut degré d’ouverture. Le
volume de son commerce extérieur représentant sur la période 1990-1999 plus de
80% du PIB.
C’est que la Mauritanie a de tout temps été une nation commerçante et ouverte. Si
bien qu'il ne serait pas immérité d'en dire, sans jeu de mots, qu'elle possède un
avantage comparatif dans le domaine proprement dit du commerce. En effet, sa
culture et son histoire la prédisposent à cette activité.
Le commerce est une activité considérée comme noble par la plupart des ethnies
composant la société Mauritanienne. Cette valeur puise sans doute ses origines
dans la tradition commerçante de l'Arabie du VIe siècle et son commerce
caravanier bien connu: l'été avec le la Syrie, la Turquie et la Palestine au nord,
l'hiver avec le Yémen et l'Ethiopie au sud. Le Coran avait même décrit ce
commerce qui assurait l'approvisionnement de cette Arabie désertique. C'est qu'à
l'époque le Hejaz importait presque tout lui aussi…
En fait, l'ouverture extérieure de la Mauritanie est bien antérieure à l'épisode des
comptoirs européens pré-coloniaux de la Renaissance. Déjà, peu avant le début
de l’ère chrétienne, le cuivre extrait à Akjoujt et à Bouhdida (centre de la
Mauritanie) était acheminé en Europe via des intermédiaires Carthaginois et
Romains.
Plus tard, le commerce trans-saharien allait permettre l'échange de métaux
précieux en provenance des contrées aurifères des empires du Mali eu du Ghana
contre les étoffes
européennes et autres verroteries de Venise. Les cités
anciennes de Mauritanie qui en constituaient les étapes sont actuellement le
témoignage vivant de ce commerce entre le Soudan et l'Europe via la Mauritanie
et le Maghreb…Certains historiens comme Hubert Deschamps34 rappellent que
c'est l'or qui provenait de l'empire du Mali -ce dernier s'étendait jusqu'aux
20
contrées sud-est de la Mauritanie actuelle- qui servait à battre la monnaie
Vénitienne de l'époque: le ducat.
A la Renaissance, le développement de l'armement maritime européen,
annonciateur de la Révolution industrielle, allait avec l'apparition des navires au
long cours, engager la Mauritanie et le Vieux Continent dans une nouvelle ère
d'échanges commerciaux intenses.
Les Portugais furent les premiers au début du 16e siècle à découvrir les côtes
Mauritaniennes et à y installer leurs comptoirs, puis vinrent les Hollandais puis
les Français et enfin les Anglais. Les produits échangés étaient l'or, la gomme
arabique, les plûmes d'autruche contre tissus et produits manufacturés européens.
En particulier, le commerce de la gomme allait durer plusieurs siècles…
A son indépendance en 1960, la Mauritanie allait poursuivre cette tradition
d'ouverture en basant son économie sur l'exportation du minerai de fer. Le pays
n'a jamais succombé, en effet, comme certains de ses voisins ( le Mali de Modibo
Keita ou l'Algérie de Boumedienne ) à la tentation du collectivisme et de l'autocentrage économique…
Au début des années 1980, l'exploitation de l'autre importante ressource du pays,
la ressource halieutique, allait à son tour confirmer la vocation internationale de
cette économie et être entièrement orientée vers le marché international ( Japon et
Europe)…Si bien que la pêche des céphalopodes, plus rémunératrice, allait
considérablement se substituer à celle plus traditionnelle du poisson à écailles,
traduisant ainsi la capacité de réponse des producteurs nationaux aux incitations
par les prix internationaux.
C’est dire que malgré sa longue tradition d’ouverture sur le marché extérieur, la
Mauritanie moderne n’a pas su valoriser cet atout en n’y entrant pas par la bonne
porte.
34
Deschamps H., Le commerce des esclaves, Le Seuil, 1971. Ces courants commerciaux sont
confirmés également par Fernand Braudel dans: Braudel F., Civilisation matérielle et capitalisme,
Armand Collin, 1979.
21
IV. Un secteur minier hérité de la colonisation et maintenu sous perfusion
financière par l'aide extérieure . Peu intégré au reste de l’économie, il n’est
pas assez « pro-poors»
1.Historique et genèse de l’exploitation minière en Mauritanie: histoire d’un
projet conçu au regard des intérêts de la sidérurgie européenne et du capital
financier privé européen
L’histoire de l’exploitation minière en Mauritanie se confond ou presque avec
celle de l’extraction du fer. En effet, hormis la brève exploitation du cuivre sur le
site d’Akjoujt, les autres activités minières (or et gypse) ont été insignifiantes en
termes de chiffre d’affaires par rapport à celui réalisé par la société qui exploite le
fer.
Depuis 1975, année d’arrêt de la production des concentrés de cuivre, la SNIM a
réalisé en moyenne plus de 95% du sous-secteur des industries extractives. C’est
pourquoi nous nous bornerons dans cette communication à parler uniquement de
l’exploitation du fer.
Le gisement de fer de la Kédia d’Idjil (près de Fort Gouraud, actuel F’Dérick) a
été identifié en 1935 au moment où la Mauritanie était une colonie Française.
Un consortium privé international , la MIFERMA (Mines de Fer de Mauritanie),
a été constitué en 1952 en vue de son exploitation.
Le contrôle du consortium par les capitaux privé Français (groupe Rothschild) est
acquis en 1957 après le rachat des parts détenues par l'actionnaire Canadien.
Commença alors l’histoire d’un long dialogue et d’un long processus de
persuasion entre ce groupe et le Gouvernement Français en vue d’amener ce
dernier à apporter tout l’appui nécessaire en vue d’un démarrage rapide et
d’une exploitation rentable du projet.
Les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce dialogue mettent en lumière la
logique des processus de décision au sommet d’un Etat donateur lorsqu’il
s’agit pour lui d’enjeux économiques majeurs.
22
Elles mettent également en évidence la “synergie” (la collusion?) qui se met
en place entre l’Etat et le capital privé en situation d’expansion vers
l’étranger du capîtal national.
Ce que nous cherchons à démontrer à ce stade c’est que sans “l’attitude
bienveillante” de l’Etat Français à l’égard de ce projet privé, celui-ci
n’aurait probablement jamais vu le jour.
En effet, le mimerai Mauritanien disposait, certes, d’atouts considérables comme
sa bonne teneur, sa proximité géographique de l’Europe et ses facilités
d’exploitation à ciel ouvert mais dans le même temps, il faisait face à beaucoup
de contraintes.
C’est que le contexte mondial du marché du fer était porteur de grandes
incertitudes au milieu des années 1950.
« La fin de la guerre de Corée en était la cause tout comme les pressions
qu’exerçaient sur lui de nouveaux et importants producteurs (l’Australie, le
Brésil, le Canada, l’Afrique du Sud.)35
En plus de la conjoncture sur le marché, il y a avait le problème de l’éloignement
du site d’extraction par rapport à la mer ce qui imposait de construire ex nihilo un
ensemble d’infrastructures lourdes qui obéraient les perspectives de profit pour
les
investisseurs
privés.
Ces
besoins
d’investissement
concernaient
essentiellement : la construction d’un chemin de fer de plus de 600 km de long et
d’un tunnel sous la montagne de Choum , un port minéralier, etc.
De plus, les promoteurs du projet nourrissaient quelques craintes liées à
l’insécurité qui prévalait dans la zone Sud du Sahara.
23
Aussi, les investisseurs privés du projet ont demandé à ce que l’appui du
Gouvernement Français s’attache à lever l’ensemble des contraintes qui
pouvaient l’être parmi celles qui viennent d’être énumérées.
L’Etat français devait accorder l’indépendance à la Mauritanie afin de permettre à
celle-ci de cautionner le prêt de 60 millions de dollars contracté en 1960 auprès
de la Banque Mondiale36.
Il devait aussi subventionner une partie des investissements d’infrastructures, en
l’occurrence le tunnel de Choum pour plus de 2 milliard de francs de l’époque.
Il fallut aussi que le Gouvernement Français encourageât les établissements
publics miniers français à entrer dans le capital de la MIFERMA et d’y être
même majoritaires car le groupe Rothschild en voulait ainsi.
Les efforts de persuasion engagés par une MIFERMA sous le contrôle de
l'influent groupe Rothschild commença dès 1956 avec le gouvernement socialiste
de Guy Mollet.
Voici ce qu’écrivait alors Jean Audibert, DG de la MIFERMA de 1955 à 1974,
Monsieur Ramadier, ancien Président du Conseil et ministre des finances et des
affaires économiques du cabinet Guy Mollet :
« (…) Fort Gouraud représente une véritable aubaine, puisque son exploitation
est rentable, même s’il exige la construction la construction d’une voie ferrée et
d’un port (…) S’ils escomptent un profit, les capitalistes sont capables de
prouesses(…) et voilà qu’ils ont peur de quelques tribus que la faim promène à
travers les sables (…) Les capitalistes soutiennent que ce n’est pas leur rôle de
construire un chemin de fer, un port et deux cités (..) Je suis persuadé
qu’aujourd’hui les industriels se lanceraient sans hésiter dans la mise en valeur de
35
36
Serfaty C. (Daure), A la rencontre de la Mauritanie, l’Harmattan, 1993. P159.
Cette thèse est défendue par plusieurs auteurs dont on peut citer:
24
Fort Gouraud s’ils étaient aussi les maîtres absolus dans le domaine de la
politique et pouvaient créer un Etat indépendant (…) »37
Toujours selon Monsieur Audibert, le retour aux affaires du couple de GaullePompidou facilita beaucoup les choses et dès 1958-1959 l’ensemble de ces
mesures furent engagées, ce qui permit le démarrage du projet38.
2. Une "cathédrale dans le désert"
Ainsi donc, ce gigantesque projet, au regard de la taille modeste de l’économie
Mauritanienne, fut lancé malgré que sa rentabilité était incertaine dès le départ et
ce grâce à l’imbrication des intérêts stratégiques publics et privés se situant en
dehors de la Mauritanie.
Une fois lancé, le projet ne cessera de manifester un besoin permanent de
financement.
Ainsi, le projet absorba à fin 2000 près de 2 milliards de dollars
d’investissements, soit plus de deux fois le PIB de la Mauritanie en 2000 et 83%
de l’encours de la dette extérieure du pays à la même année.
Ce besoin d’investissement culmina en 1979, lorsque la première génération de
gisements riches était épuisée et qu’il fallut en assurer le relais en mettant en
place une usine d’enrichissement à sec du mimerai de fer qui ressembla vite à
une cathédrale dans le désert, à un éléphant blanc. Surdimensionnée et utilisant
une technologie mal maîtrisée par la SNIM, cette usine avait coûté au moment
de son démarrage environ 500 millions de dollars, soit 80% du PIB de la
même année.
C’est qu’au départ, tout comme lors de la création de la MIFERMA, le projet a
été conçu avec « une certaine facilité », un relâchement de la discipline financière
- Assidon E., La guerre du Sahara Occidental, l'Harmattan, 1977.
37
Audibet J., MIFERMA: Une aventure humaine et industrielle en Mauritanie, 1991.
38
Ibid.
25
manifestés par les bailleurs de fonds du projet : principalement les partenaires
arabes 39, la Banque Mondiale, les partenaires européens, etc.
D’ailleurs, il y a lieu de dire que les partenaires arabes eux non plus n’étaient pas
totalement désintéressés. Ils visaient aussi à récupérer leur mise initiale ce qui ne
peut être assuré que par la survie de la SNIM. Ils ne dédaignaient pas non plus,
affirment certains écrits40, la perspective de production de pellettes à partir de
cette usine destinées aux unités sidérurgiques de réduction directe installées dans
quelques pays du Golfe. Des mobiles politiques ont été attribués en outre à cette
« sollicitude » arabe. Il s’agissait selon certains auteurs41 de renforcer le pouvoir
militaire issu du coup d’Etat du 10 juillet 1979 qui était d’obédience nationaliste
arabe (plutôt Baathiste que Nassérienne.)42
C’est pourquoi une étude de l’OCDE avait souligné que:
« Les questions que soulève cet investissement, encouragé par les clients
traditionnels de la SNIM et financé par les banques de développement concernent
(essentiellement) la logique industrielle d’un investissement décidé sur la base de
considérations géopolitiques. »43
A cet égard, un débat national sur l’économie organisé par le journal indépendant
« Mauritanie Nouvelles » avait donné une appréciation très négative de la
conduite du projet Guelbs. Les participants affirmant même que « cette
exploitation malheureuse des Guelbs mériterait à elle seule une conférence
nationale, tant sa conception, sa mise en oeuvre et son exploitation à perte ont
coûté un argent fou et relèvent du crime économique. »44
C’est ce que soutient Olivier Bomsel dans :
- OCDE (sous la direction d’O. Bomsel), l’investissement minier et métallurgique dans le tiers
monde : la fin des grands projets ?, Paris, OCDE, 1990. P71.
40
Bomsel O., op cit.
41
Divers articles du journal le Monde, du Calame, idée reprise aussi par Bomsel O., op cit.
42
Cette réalité n’est pas l’apanage des seuls donateurs européens et arabes, le Japon, désormais
l’un des plus grands bailleurs de fonds de la Mauritanie, cible beaucoup son intervention en
Mauritanie sur le secteur de la pêche et pour cause car 60% de la valeur des exportations de ce
secteur son destinées au marché Nippon.
43
: Bomsel O., op cit.
44
Mauritanie Nouvelles numéro spécial économie du 21 septembre 1992. P19
39
26
Malgré ce passé « dispendieux », l’usine des Guelbs continue aujourd’hui de
bénéficier d’investissements additionnels en vue de sa mise au point technique
malgré l’univers de rareté financière qui prévaut en Mauritanie.
A ce propos, il convient de souligner le rôle des instruments financiers
spécifiques mis au point par l’Union Européenne dans le cadre des conventions
de Lomé. Ces instruments sont destinés, selon certains auteurs comme Aghiri
Emmanuel45, à encourager les ACP à poursuivre leur spécialisation primaire
(régressive ?) et à maintenir au niveau de ces pays des capacités de production
excédentaires en vue de peser sur les cours disent certains analystes.
Le Stabex puis le Sysmin, mécanismes au déclenchement automatique, ont fourni
des ressources faciles à la SNIM qui ont grandement contribué à cet effort
démesuré d’investissement et qui se sont combinés aux financements bilatéraux
de la France (Agence Française de Développement) et aux efforts de l'Etat
Mauritanien pour assurer la survie de la SNIM.
Le dernier en date de ces investissements est un « atelier à spirales » mis en place
en juin 2001 et destiné à l’enrichissement par humidification du minerai. Il est
financé comme c’est souvent le cas par l’Union européenne sur les fonds du
SYSMIN II.
Quelques mois seulement auparavant un autre grand investissement était réalisé
dans la même usine et portait sur un atelier de rebroyage d’une valeur de 30
millions de $ fournis à 50% par la Banque Européenne d’Investissement (BEI.)
Au total, l’usine a absorbé à elle seule plus de 700 millions de dollars au bas
mot.46
45
Emmanuel A., Le système de stabilisation des recettes d'exportation, in Revue Tiers-monde,
1986.
46
Je dis « au bas mot » car les chiffrages du projet initial divergent suivant les sources et
pourrqit qtteindre des montqnts beucoup plus importqnts…
27
En dépit de ce coût élevé pour la collectivité nationale et des remises au point
techniques répétitives, l’usine ne produit actuellement, soit 16 ans après son
démarrage que 3,5 millions de tonnes de fines pour an pour une capacité installée
de 6 millions.
Ainsi donc, nous voyons que l’exploitation du fer en Mauritanie a ressemblé en
quelque sorte à une fuite en avant financière orchestrée par un pays qui n’avait
plus le choix que de continuer cette production sous peine de coûts irrécupérables
élevés et des bailleurs de fonds mus par des mobiles stratégiques.
Pourtant, cette activité si onéreuse n’a pas diffusé d’effet d’entraînement vers le
reste de l’économie et n’a pas généré la rente escomptée.
Paul Balta disait qu’à son indépendance, la Mauritanie dans l'esprit de l'européen
«c'était le fer»47. Dans le même ordre d'idées, Jean Arnaud écrivait que la
Mauritanie était censée devenir « un Koweït pour le fer .»48 Mais il n’en a rien
été ce qui a autorisé Christine Daure-Serfaty à parler de « faux pactole du fer.49 »
3. « L’hyène face à l’océan » : ou quand les retombées de quarante ans
d’exploitation minière se font attendre
Une métaphore utilisée par un journal Mauritanien indépendant, se référant à une
fable locale, résume assez bien l’état « d’ alanguissement » dans lequel se trouve
l’économie Mauritanienne par rapport aux retombées de l’exploitation minière
qui tardent à venir.
Ainsi, écrivait « le Calame »50 :
47
Balta P., le Grand Maghreb, La Découverte, 1990.
Arnaud J., La Mauritanie, Le Livre Africain, 1972. P53.
49
Serfaty (Daure) Ch., op cit.
50
« Recherche minière en Mauritanie : Mythes et réalités » in Le CALAME du 12 novembre
1998, P6.
48
28
« "Une quantité d’eau aussi importante recèle forcément de l’eau de viande",
disait à propos des eaux de l’océan notre légendaire et gourmande hyène (..) Cette
phrase pourrait bien résumer l’état d’esprit du Mauritanien face au potentiel
minier du pays(…) Mais un demi-siècle après la découverte du fer et du cuivre
dans le nord du pays, on est toujours au même stade : celui de l’hyène face à
l’océan. »
Peu intégré au reste de l’économie nationale, le secteur des mines ne génèrent pas
assez d’effets restructurants amont-aval car il importe de l’extérieur la quasitotalité de ses intrants (environ 73% des recettes retournent à l’étranger sous
forme d’achats directs)51.
Cette extraversion explique le blocage de l’effet d’entraînement attendu de cette
activité qui ne transmet pas la croissance internationale mais plutôt la crise (
comme lors des crises sidérurgiques de la fin des années quatre-vingt et du début
des années quatre-vingt-dix, etc.)
En effet, si elle rend l’économie nationale vulnérable vis-à-vis de la conjoncture
internationale, ce pôle de croissance se caractérise lui-même par une certaine
fragilité, se traduisant par des crises cycliques qui obligent l’Etat à lui venir
directement ou indirectement en aide (avance de trésorerie, consolidation des
arriérés de dettes en capital, suspension de la taxe unique, renoncement aux
dividendes, etc.) ce qui, en quelque sorte, ôte le pain à la bouche des pauvres
par un phénomène d’effet d’éviction vis-à-vis de dépenses ( d’investissement
ou de consommation) qui auraient mieux profité aux groupes les plus
vulnérables. C'est là
une forme du
"Dutch
Disease"
(syndrome
Hollandais)52…
51
Ould Lemrabott M.A., Les déterminants de la demande de devises en Mauritanie, étude réalisée
pour le Ministère du Plan, Cellule de Réflexion endogène, 1995, Nouakchott.
52
Phénomène identifié aux Pays-Bas où le secteur des hydrocarbures a exercé un effet d'éviction
en direction des autres activités.
29
C’est là une autre cause ( qui s’ajoute à la contrainte extérieure ) à l’atonie de la
politique budgétaire observée durant ces dernières décennies malgré les efforts
accomplis en matière de dépenses sociales (voir plus bas l’analyse des
performances des secteurs sociaux ).
En outre, force est de constater que cette activité exportatrice, même par temps de
croissance, n’est pas créatrice d’emplois du fait de sa haute intensité
capitalistique.
Ainsi, il a été observé sur la longue période une diminution sensible des effectifs
qui semblent se stabiliser depuis une dizaine d’années à un niveau inférieur aux
4000 travailleurs comme l’indique le graphique ci-après :
EFFECTIF PERMANENT A LA SNIM
7000
6050
6000
Effectif
5000
3780
4000
3000
2000
1000
0
1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999
Année
30
Le graphique ci-haut, qui porte sur une période de seize (16) ans, permet de
visualiser bien l’effritement par paliers des effectifs de la Snim depuis sa
restructuration intervenue en 1985-1986 dans le cadre du PASEP (Programme
d’Ajustement du Secteur Para-public.)
Il indique également, qu’en dépit du démarrage du projet M’Haoudatt, mis en
service en 1994 et de l’amélioration de la situation financière enregistrée ces
dernières années par la Snim, celle-ci ne crée plus d’emplois nouveaux en termes
de flux net (recrutements-départs). Sa participation modeste au programme
d’urgence de réduction de la pauvreté de 1999 est, à cet égard, éloquente
puisqu’elle n’a admis en stage, en vue d’une probable intégration, que moins de
dix diplômés chômeurs.
En outre, les derniers investissements réalisés dans le cadre du SYSMIN ou sur
fonds propres de la Snim vont dans le sens d’une plus grande substitution du
capital ( technique ) au travail.
Ainsi par exemple, l’acquisition en 1998 de nouvelles roues-pelles pour le port
minéralier de Nouadhibou et les sites d’extraction à Zouérate a conduit à la
suppression de plusieurs centaines d’emplois journaliers
au niveau de la
manutention. La mise en service d’un nouveau culbuteur électronique à
Nouadhibou participe également de la même logique "capital intensive" qui
aboutit à une croissance sans emplois (jobless growth).
4. Une activité minière génératrice de coût d’opportunité
D’autre part, il paraît légitime de se demander si l’impact sur le développement
économique et social de la Mauritanie, en général, et de la réduction de la
pauvreté en particulier n’aurait pas été plus grand si le montant de 2 milliards de
dollars investis dans le fer avait été alloué à des projets plus « progressifs » sur le
31
marché international et/ou plus ancrés directement dans la sphère économique des
pauvres ?
Une question similaire, relative au coût d’opportunité du projet minier au regard
d’activités plus intégrées au reste de l’ économie nationale (encore que l’autocentrage ne soit pas une fin en soi) avait été posée déjà au cours des années 1970
par certains auteurs comme Vergara F.53 qui ajoutait : « le secteur minier
Mauritanien ressemble à un monstre qui dévore tout sur son passage. »54
D’autant plus que d’autres activités à vocation exportatrice traditionnelle comme
l’industrie manufacturière ou l’élevage, mais qui ne sont pas aussi stratégiques
(voire même anti-stratégiques) pour les donateurs, n’ont que peu bénéficié des
ressources de l’APD.
En effet, l’élevage, quoique délaissé par l’aide, constitue la principale activité en
Mauritanie (16% du PIB en 1999.)
De plus, sa croissance aurait été plus diffuse et plus distributive du fait de sa
moindre concentration sur les propriétaires de cheptel (bien qu’un mouvement de
concentration du capital animalier soit en cours depuis la sécheresse) et de son
mode de production spécifique.
Il en va de même de l’industrie manufacturière qui aurait pu mieux faire profiter
le pays des dividendes de l’ouverture commerciale extérieure et qui ne reçoit que
la portion congrue de l’aide financière (0,4% entre 1990 et 1999.)
Ainsi donc, du point de vue des activités financées par l’aide publique au
développement, nous pouvons affirmer, eu égard au développements précédents,
Vergara F., l’économie Mauritanienne in CNRS, Introduction à la Mauritanie, éditions du
CNRS, 1979.
54
Vergara F., ibid.
53
32
que les donateurs en prenant en compte leurs intérêts stratégiques bien compris
ont adopté un comportement assimilable à de l’altruisme impur55.
Cependant, cette « accusation » comporte une part de procès d’intention car, et là
que réside l’une des limites du concept d’altruisme impur, la preuve dune
intention stratégique chez un donateur ne peut être établie formellement.
La sociologie politique (R.-G. Schwarzenberg56, M. Duverger, etc.57) explique
bien comment ce comportement embarrasse celui à qui on l’intente et comment
aussi il devient un élément du « jeu » politique.
Cette approche, une fois empruntée à la sociologie politique, pourrait permettre
d’enrichir l’analyse de l’échange non onéreux en général et de l’aide au
développement en particulier.
Le concept de procès d'intention renvoie aussi à la notion de "complot de
l'occident" dont certains auteurs africains, comme Axelle Kabou58 , en dénoncent
la facilité comme argument aux difficultés économiques rencontrées par les pays
du Sud.
En outre, lorsqu’on prend en compte les déclarations faites par les donateurs, la
main sur le cœur, en dehors de tout procès d’intention, on serait tenté de déceler
un mobile altruiste pur voire affectif dans leur action.
Qui ne se souvient pas de la déclaration de Jacques Chirac en 1991 à un magazine
économique où il disait sur un ton affectif: « Moi, j’aime l’Afrique ! (..)
Aujourd'hui une aide à l'Afrique sous la forme d'un plan Marshall
s'impose(…)D'abord parce qu'il est profondément immoral de laisser un continent
A l’image de ce que déclara un jour l’administrateur de l’ECA : « le plan Marshall représente
strictement une affaire pour les USA. » cité par F. Perroux, op. cit.
56
Schwarzenberg R.-G., la politique mensonge, Odile Jacob, 1998. Mais aussi: Schwarzenberg
R.-G., Sociologie politique, 4e édition, Odile Jacob, 1991.
57
Duverger M., introduction à la sociologie politique, Dalloz, 1982.
58
Kabou A., Et si l'Afrique refusait le développement?, l'Harmattan, 1991. P71
55
33
et des hommes s'enfoncer dans la misère(..)Pour ces raisons de morale et de
stabilité, on doit aider l'Afrique.»59
Une autre déclaration allant dans le même sens est celle, aux accents très tiersmondistes, faite par François Mitterrand à Cancun (Mexique) en octobre 1981.
Un autre exemple est fourni par la phrase prononcée par E. Balladur, Premier
ministre français en exercice, au moment de la dévaluation du franc CFA
lorsqu’il affirma: « La France a le devoir moral d’aider l’Afrique ne serait-ce que
parce qu’elle l’a colonisée. »60
Toujours en lien avec cette dimension affective de l’aide, l’auteur de cette
modeste communication avait analysé dans un texte antérieur61 le contenu affectif
de la relation qui lie la Mauritanie à son principal partenaire au développement, la
France, qui se trouve être aussi son ancien colonisateur. En faisant l'analogie
entre la dynamique d’accumulation du capital relationnel entre les deux pays au
régime d’accumulation du capital en économie de marché, l’auteur montre que le
« jeu amoureux » qui se met en place entre les deux partenaires, rythmé par la
succession d’idylles et de disputes, comme entre Alceste et Célimène dans Le
Misanthrope de Molière, participe en définitive du mode de régulation et de
perpétuation de la relation entre les deux pays. L’enthousiasme de l’aide62
française étant, par ailleurs, fortement corrélé à la « côte d’amour » du moment…
Cette dimension affective qui lie la France à l’Afrique en général ressort assez
bien dans un ouvrage collectif qui a eu entre autres auteurs Eric Orsenna et Eric
Fottorino63. Le livre explique cette dimension affective par un « besoin
d’Afrique» permanent fortement ressenti par la France.
59
Jeune Afrique Economie d'août 1991.
A l’émission de télévision l’Heure de Vérité de février 1990 (France 2.)
61
Ould Lemrabott M.A., Le couple France-Mauritanie: Alceste et Célimène? Une approche
régulationniste, in Les Nouvellles de Nouakchott N°00 du 25 mars 2000.
62
L’expression « enthousiame de l’aide » doit être entendue au sens du discours prononcé par le
chef de l’Etat français lors du sommet France-Afrque de la Baule de 1990.
63
Orsenna E., Fottorino E. et al, Besoin d’Afrique, Fayard, 1992.
60
34
En outre, il est un fait historique indéniable que certains parmi les principaux
donateurs de la Mauritanie contre lesquels certains intentent ce procès d'intention,
ont joué un rôle déterminant dans la formation de la nation Mauritanienne et la
pérennisation de la Mauritanie en tant que nation souveraine.
En effet, le rôle de la France appuyée par ses autres partenaires européens pour
imposer l'indépendance de la Mauritanie et son adhésion à l'ONU, en dépit des
prétentions Marocaines soutenues par la plupart des pays arabes, a été
déterminant. Quel Mauritanien en s'en réjouit pas aujourd'hui?
Plus tard, lorsque la Mauritanie était menacée dans sa propre survie pendant la
guerre du Sahara occidental, c'est encore la France et l'Union Européenne qui ont
volé à son secours en combinant leur aide économique et financière64. La France
dépêchant ses tout nouveaux Jaguars et l'Union Européenne déclenchant pour la
première fois le mécanisme du Stabex.
Quiconque a vécu ces faits en 1977 et 1978 sait à quel point ils ont été salvateurs.
Dès lors, comment ces "amis" de la Mauritanie peuvent-ils être insensibles à son
sort?
Par ailleurs, cette « accusation » d’altruisme impur paraît d’autant moins méritée
lorsqu’on examine les avancées réalisées par la Mauritanie en matière sociale
notamment en termes d’éducation.
64
Voir à ce propos:
-Ould Lemrabott M.A., Impact des Politiques d'aide au développement. Le cas des conventions
ACP-CEE. Un exemple de pays bénéficiaire: la Mauritanie, Mémoire de DEA, Université de
Grenoble II.
35
V. Un contre-exemple pour nuancer le jugement: L’aide aux
secteurs sociaux comme forme « d’altruisme pur » au service de
la lutte contre la pauvreté humaine (et du développement durable
du capital humain)
Si les politiques d’aide au développement qui ont appuyé les projets
d’exportation, notamment celui du fer, n’ont eu qu’un effet très limité sur la
réduction de la pauvreté monétaire (à travers leurs effets directs, indirects et
induits), force est de constater cependant qu'elles ont eu un impact plus positif en
termes de pauvreté humaine.
En effet, l’amélioration des performances globales des secteurs sociaux,
notamment au niveau de l’éducation, est en grande partie le fait de l’aide
extérieure.65
Cette avancée s’est traduite par une amélioration timide de l’indice de
développement humain qui est passé de 0,303 en 1990 à 0,493 en 1998. Ce
progrès a été rendu possible grâce notamment à la part de plus en plus grande
accordée aux secteurs sociaux dans l’APD, comme le montre le graphique qui
suit66 :
Malgré l’effort propre engagé par le Gouvernement Mauritanien lui-même (qui consacre 25%
des dépenses publiques de fonctionnement à l’éducation), mais n’est-ce pas là une condition
précisément à l’efficacité de l’aide comme l’ont souligné plusieurs apports théoriques? Voir à
propos du nécessaire effort propre: Moussa P., Les nations prolétaires, PUF, 1963..
ainsi que Nurkse R., op. cit.
- Gabas J.J, l’aide contre le développement ?, Economica, 1988.
66
(Source: Données brutes de l’ OCDE traitées par nous.)
65
36
Répartition sectorielle de l'APD globale acordée à la
Mauritanie. Cumul de 1990 à 1999.
35
32
27
30
En % du total
25
20
20
13
15
8
10
5
0
INFRAST. &SCES
SOCIAUX
PRODUCTION
AUTRES (Assist.Progr.,
etc.)
INFRASTR. &SCES
Eco.
MULTISECTORIELLE
Le graphique montre que 32% de l’APD, soit presque le tiers, sont désormais
accordés aux secteurs sociaux à partir de 1990.
Ceci est d’autant plus paradoxal que la Mauritanie est sous ajustement structurel
depuis 1985. Mais il est vrai qu’elle a bénéficié très tôt, dès 1986, d’un
programme « Dimension Sociale de l’Ajustement » (DSA.)
La performance relative des secteurs sociaux concerne presque tous les grands
partenaires au développement de la Mauritanie qui ont ainsi infléchi leur aide
notamment à partir du début des années 1990.
37
Le secteur qui illustre mieux cela est celui de l’éducation où interviennent
notamment la Banque Mondiale, la France, la BAD, le système des Nations Unis.
La France intervient dans le cadre des projets Education dont le chef de file est la
Banque Mondiale mais aussi et surtout à travers ses deux grands projets
PARSEM (Programme d’Amélioration et de Renforcement du Système Educatif
Mauritanien) et CRESEM qui agissent à l’amont sur la qualité de l’enseignement
et sur la formation des formateurs. Elle fournit depuis longtemps une assistance
technique en termes d’enseignants qui ont formé l’élite du pays ainsi qu’un grand
nombre de bourses de hauts niveaux et ce depuis des décennies.
Cette action de fond a sans doute contribué à rendre possibles les performances
quantitatives actuelles du système éducatif Mauritanien, qui au niveau du
primaire, y compris en termes d’éducation des filles, a réalisé un rattrapage
prodigieux par rapport aux pays d’Afrique de l’Ouest et soutient la comparaison
avec ceux des pays du Maghreb.
Par ailleurs, à partir de 1985, ont été élaborés, une série de projets dits « Projets
Education » dans le cadre d'un Programme de restructuration du système
d'enseignement et de formation qui avait pour objet de construire des classes, de
recruter des enseignants, de réunir du matériel pédagogique et d'améliorer
l'efficacité du système éducatif national.
Sur l'ensemble de la période 1985-1996, les investissements réalisés ont atteint
3,4 milliards d'ouguiyas (environ 40 millions de $). Ainsi, l’évolution du système
éducatif au cours de ces dernières années est marquée par une amélioration très
nette des taux de scolarisation.
Au niveau fondamental, le taux brut de scolarisation atteint 87% en 1998/99 (
garçon : 87,6% ; filles : 83,5% ) alors qu’il n’était que de 46% en 1989/90. Le
taux moyen d’accroissement des effectifs a été supérieur à
11%, les filles
représentent 47% des effectifs, soit un peu moins que leur proportion dans la
38
population globale du pays ( 50,31% en 1998) ce qui traduit les progrès
considérables réalisés par la Mauritanie au cours de la décennie 1990-1999 en
matière d’éducation des filles.
VI. Conclusion :
Le concept d’altruisme permet d’analyser cette transaction non marchande, et aux
mobiles complexes, qu’est l’aide au développement.
Néanmoins, une fois discuté, ce concept a révélé quelques limites qui portent
notamment sur les mobiles non économiques d’une telle action.
Cependant, ce concept, sous ses deux dimensions pure et impure, a pu être
appliqué au comportement des donateurs de la Mauritanie, un pays du groupe des
PMA, pour lequel le marché extérieur offre l’unique possibilité réelle d’un
développement durable et réducteur de pauvreté.
Ainsi, l’analyse des effets d’un grand projet d’exportation de produits miniers
mis en œuvre dans ce pays aux ressources financières limitées, a montré que cette
activité a peu contribué au développement du pays et à la réduction de la
pauvreté.
A la lumière de ce projet d’exploitation du fer, mis en place du temps de la
colonisation par la volonté de ces principaux donateurs et maintenu en survie par
leur aide abondante, il est apparu que le comportement des donateurs, pour
lesquels ce projet présente un intérêt stratégique particulier, pourrait être assimilé
de ce point de vue à de l’altruisme impur.
Toutefois, ce jugement est à nuancer à maints égards notamment parce qu’il
inclut, au-delà de la non prise en compte de la dimension affective de l’aide, une
part de « procès d’intention » au sens où l’entend la sociologie politique.
39
D’autant plus que lorsqu’on examine l’action de ces mêmes grands donateurs en
direction des secteurs sociaux et les progrès réalisés par la Mauritanie dans ce
domaine, et lorsqu’on prend en compte leurs déclarations, en dehors de tout
procès d’intention, il apparaît donc que ces donateurs pourraient, de ce point de
vue, avoir plutôt fait œuvre d’altruisme pur.
En fait, cette dichotomie altruisme pur - altruisme impur s'avère être un modèle
atemporel. Elle est opérante surtout lorsque l’analyse se limite au court terme.
Or, le développement des nations est un phénomène au long cours.
Il s’agit d’un processus de longue maturation et d’interactions mutuellement
avantageuses où, sous cet éclairage, les intérêts des uns et des autres apparaissent
comme inextricables.
En effet, ne pas aider le Sud, ne pas l’aider assez, ou l’aider à dessein pourraient
générer à terme un effet boomerang sur le Nord. Cet effet, pourrait se manifester
dans la sphère économique ( absence de débouchés, moratoires sur la dette, etc.)
mais il est à craindre aussi qu’il ne se traduise en dehors de cette sphère, si cela
n’a déjà commencé, par des effets beaucoup plus destabilisateurs pour les
sociétés du Nord comme la culture de la drogue, la pression sur l'environnement,
l’explosion démographique, l’immigration clandestine67, voire…la violence et le
terrorisme dans une sorte de prédation violente, de conflit acquisitif à la Girard68
dont la prégnance de l’instinct n’est plus à démontrer.
67
A propos de l'explosion démographique et de l'immigration clandestine, voici ce qu'en disait
François Mitterrand dans le livre de Christina Forsne paru récemment: "La volonté d'aider
l'Afrique croîtra lorsqu'on réalisera l'ampleur de de son explosion démographique. Alors, il n'y
aura plus de choix: ou aider les hommes et le femmes d'ici à se bâtir une vie décente ou voir
l'immigration virer à la catastrophe."
Forsne Ch., François, le Seuil, 1997.
68
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