La polysémie du mot glaucos fut reprise par le grand Sophocle dans sa pièce
« Œdipe à Colone » : « Là croit un arbre dont je ne sache pas qu’un pareil ait
jamais porté ni le sol d’Asie ni celui de la grande île dorienne de Créops ; un
arbre indomptable qui se régénère tout seul. Un arbre qui porte l’effroi dans
les lances ennemies et qui pousse en ces lieux mieux que partout ailleurs ;
c’est l’olivier au feuillage glauque dont les rameaux vigoureux ombragent le
berceau de nos enfants. L’arbre que les chefs ennemis, jeunes ou vieux, ni
personne ne pourront jamais détruire ou arracher. Car le regard vigilant de
Zeus ne le quitte pas, et pas davantage celui d’Athéna aux yeux pers qui
veillent sur leur arbre chéri. »
Œdipe, aveugle, est conduit par Antigone à son arrivée à Colone. Il y est
accueillit par Thésée qui lui offre un rameau d’olivier, comme porte-bonheur,
par ce don Thésée marque le lien entre la couleur des feuilles d’olivier et celui
des yeux, les yeux morts d’Œdipe.
Olivier et huile dans les cités grecques
Arbre éternel de la cité et même symbole politique quand Solon déclara que les
oliviers étaient le bien de la cité, à ce titre ils devenaient « arbres civiques »
et ne devaient jamais être coupés. Si l’on contrevenait à cette interdiction, le
châtiment était la mort. Des lois furent instaurées concernant la culture des
oliviers et la production d’huile d’olive. L’huile des oliviers civiques s’échangeait
contre le blé, nécessaire à Athènes pour nourrir les athéniens. Lors des
processions des Panathénées, on offrait l’huile des oliviers sacrés qui était
conservée dans des amphores particulières dites panathénaïques et les
participants à la procession des Panathénées, qui montait jusqu’à l’Acropole,
portaient des rameaux d’oliviers en l’honneur de leur déesse. Plus tard, lorsque
l’éphébie fut obligatoire, les éphèbes devaient prêter le serment de protéger
les cultures des oliviers et des figuiers. C’était rendre hommage à la Terre qui
avait donné aux hommes des arbres aussi généreux. C’était surtout une
manière de protéger des arbres, indispensables à la survie de la cité.
L'huile d'olive est partout
Car l’huile d’olive était omniprésente dans les civilisations méditerranéennes,
pour les dieux, pour le Gymnase (les athlètes oignaient leurs corps d’huile
avant les épreuves et les combats et la fourniture d’huile au Gymnase était une
charge dont s’acquittaient les plus riches), pour les citoyens (en tant
qu’aliments, éclairage, base de parfums et d’onguents), elle avait un rôle à la
fois, religieux, social, culturel et économique très important. Comme le vin,
d’ailleurs les oliviers et la vigne étaient complantés, les premiers servant de
tuteur au second. On trouve encore quelques arbres témoins de cette manière
de faire en Turquie et en Yougoslavie.
Il n’y avait pas qu’à Athènes que l’olivier était cultivé mais partout en Grèce,
on parlait de la mer d’oliviers à Delphes, et dans tout le bassin méditerranéen.
Les oliviers étaient plantés dans les champs en rangée ou en quinconces, aux
bords des chemins, dans les jardins. Chaque grande ville avait son champ
d’oliviers tout prés des murs comme le Mont des Oliviers à Jérusalem. L’olivier
avait une telle importance que le mot grec désignant l’olive : élaia a donné
élaion qui signifie l’huile, puis oleum en latin et une foule de mots dérivés dans
les langues indo-européennes.