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sociale de l’objet ne sont pas intégrés dans ce système explicatif puisque le
développement passe par une construction autonome du sujet en interaction avec le
monde. L’éducation constitue-t-elle alors un élément neutre ? Le développement
relève-t-il d’un déterminisme naturaliste, résultat de l’apprentissage de notions
logico-mathématiques et scientifiques, secondairement de valeurs ? Dans cette
perspective, le pôle enseignement reste un élément neutre, en quelque sorte un point
aveugle, c’est le pôle “ apprentissage ” qui domine, en tant que processus endogène.
L’interactionisme logique a été réinterprété (Brun, 1996 ; Vergnaud, 1996 ; Saada-
Robert & Brun, 1996 ) donnant une place explicative aux conditions
d’expérimentation ou d’appropriation des savoirs (Grossen, Liengme Bessire &
Perret-Clermont, 1997).
Pour Vygotski (Schneuwly & Bronckart, 1985), le développement n’est pas le
produit de processus endogènes, mais consiste en une intégration d’ “ œuvres ” de la
culture (au sens de Meyerson (1948/1995)), le langage, les connaissances
conceptuelles et techniques, les savoirs disciplinaires, les arts). Une telle intégration
est possible à travers un processus d’appropriation dans des contextes
communicatifs, sous l’influence des autres et des outils culturels médiateurs des
œuvres de la culture. De ce point de vue, l’apprentissage précède le développement
par intégration d’outils sociaux culturels réorganisant fondamentalement les
fonctions psychiques. L’éducation, plus particulièrement l’éducation formelle et
scolaire, portant sur les connaissances conceptuelles, disciplinaires, c’est-à-dire
l’enseignement, occupe dès lors une fonction explicative dans le modèle. Elle permet
le développement du sujet-élève. Les pôles “ apprentissage ” et “ enseignement ”
sont convoqués, au même titre que l’objet. Selon les auteurs, l’interaction sociale
prend le dessus, la négociation intersubjective étant étudiée avec une indifférence à
de la spécificité de l’objet.
L’anthropologie et l’éthnométhodologie priorise l’apprenticeship mis en
contraste, voire en opposition avec le learning. Le learning réfère au monde scolaire,
aux savoirs décontextualisés, aux formes scolaires de transmission de connaissance
qui seraient passives. De ce point de vue, l’accent est porté sur l’activité, car c’est
dans l’activité même que les connaissances sont mobilisées, l’activité ne se
distinguant pas de la connaissance elle-même. L’expérience, le concret, la
composante personnelle et la matérialité des éléments constitutifs de l’activité
deviennent des éléments déterminants de l’apprentissage. Il se conçoit alors comme
une acculturation progressive de l’apprenant par ajustement et par adaptation à des
normes, à des valeurs, par modification des modalités de participation à l’activité.
L’apprenant devient un membre à part entière d’une communauté. Dans cette
approche, le pôle enseignement, en tant que système institutionnellement et
socialement investi de l’acculturation à des objets de savoirs définis de manière
externe à la classe tend à disparaître aux profits d’objets de régulation de l’activité,
de la régulation entre pairs, entre membre d’une communauté agissante. Cette
approche se référant à la connaissance située indique clairement que le contexte, la
situation dans laquelle l’activité est produite devient un facteur explicatif décisif de
l’apprentissage.