Table ronde 29/05/08 Intervention : L’étiquetage de l’alimentation et la réglementation Introduction Définition de l’étiquetage : cf Directive CE/2000/13 du 20 mars 2000 : Ensemble des mentions, indications, marque de fabrique et de commerce , images ou signes se rapportant à une denrée alimentaire et figurant sur tout emballage, document, écriteau, bague ou collerette accompagnant ou se référant à cette denrée alimentaire. Paradoxalement la population n’a jamais été aussi informée et intéressée par l’information sur ce qu’elle mange mais aussi perdue et mal nourrie : selon une enquête récente de l’Association CLCV (Consommation logement et Cadre de vie), si + 60 % des consommateurs se déclarent sensibles au contenu nutritionnel de ce qu’ils mangent, ils sont seulement 30 % à lire et comprendre l’étiquetage des produits qu’ils achètent. Le droit français réglemente l’étiquetage notamment dans le Code de la Consommation qui précise à l’article 1 que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de services doit mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». A l’instar des autres législations nationales européennes, il a largement évolué ces 15 dernières années et ses dispositions sont aujourd’hui pour l’essentiel des transpositions de la réglementation européenne en vigueur – sauf sur les contrôles et sanctions. Celle-ci, on va y revenir, est passée d’une préoccupation de sécurité du consommateur à une préoccupation de nutrition : l’idée n’est plus seulement de faire en sorte que le consommateur achète des produits sans risques –on y reviendra peut être avec la multiplication des incidents sur les importations outre atlantique- mais surtout qu’il ait accès à une alimentation présentant une certaine qualité nutritionnelle. Le propos sera d’ailleurs limité aux denrées alimentaires préemballées qui sont l’objet de cette réglementation et de la table ronde de ce jour. Ce souci tout à fait légitime a conduit au développement d’une réglementation visant à ce que l’étiquetage fournisse des informations considérées comme indispensables et renseigne sur certains apports ou aspects nutritionnels des produits. Cependant force est de constater avec la Commission que l’effort réglementaire a paradoxalement induit une désorientation du consommateur confronté à un étiquetage toujours plus complexe et pas forcément clair. Il est donc certain que la réglementation actuelle va encore évoluer dans les prochaines années, pour tenter de renforcer et de simplifier l’information du consommateur. I / La réglementation en vigueur Pour rappel : Les instruments juridiques que sont la directive et le règlement européens. -Règlement : adopté par le Conseil ensemble avec le Parlement ou par la Commission seule, le règlement est un acte général et obligatoire dans tous ses éléments. À la différence des directives qui sont adressées aux États membres et des décisions qui ont des destinataires bien déterminés, le règlement s’adresse à tous. Il est directement applicable, c’est-à-dire qu’il crée du droit s’imposant immédiatement dans tous les États membres au même titre qu’une loi nationale, et sans aucune autre intervention de la part des autorités nationales. -Directive : adoptée par le Conseil ensemble avec le Parlement ou par la Commission seule, la directive s’adresse aux États membres. Son principal objectif est de rapprocher les législations. La directive lie les États membres en ce qui concerne le résultat à atteindre, mais leur laisse le choix de la forme et des moyens qu’ils adopteront pour réaliser les objectifs communautaires dans le cadre de leur ordre juridique interne. Si la directive n’est pas transposée dans la législation nationale par les États membres, ou si elle est transposée de façon incomplète ou avec retard, les justiciables peuvent invoquer directement la directive en question devant les tribunaux nationaux. a. La Directive CE/90/496 du Conseil du 24 septembre 1990, relative à l'étiquetage nutritionnel des denrées alimentaires Cette Directive précise que l'étiquetage nutritionnel est facultatif, mais qu’il devient obligatoire lorsqu'une allégation nutritionnelle figure sur l'étiquette, dans une présentation ou bien dans une publicité. Par allégation nutritionnelle il faut comprendre « toute représentation qui énonce, suggère ou implique qu’une denrée alimentaire possède des propriétés nutritionnelle particulières de par l’énergie ou les nutriments » – donc assez restrictif. 2 Néanmoins la Directive limite les allégations nutritionnelles admises qui sont celles : -relatives à la valeur énergétique et aux nutriments (protéines, glucides, lipides, fibres alimentaires, sodium, vitamines et minéraux énumérés dans l'annexe de la directive), -et celles relatives aux substances qui appartiennent à l'une des catégories de ces nutriments ou qui en sont des composants. La Directive précise encore : Nature et présentation des informations fournies : La déclaration de la valeur énergétique et de la teneur en nutriments qui doit se présenter sous forme numérique, avec des unités de mesure spécifiques. Les informations sont exprimées par 100 g, 100 ml ou par emballage. La teneur en vitamines et en sels qui doit être exprimée en pourcentage de l'apport journalier recommandé (AJR), et qui peut également être indiqué sous la forme d'un graphique. Visuel et intelligibilité des informations : Celles-ci doivent figurer en un seul endroit bien visible, en caractères lisibles et indélébiles, dans un langage facilement compréhensible pour l'acheteur . b. La directive CE/2000/13 du 20 mars 2000 : Les grands principes applicables aux messages de l’étiquetage et les données obligatoire à renseigner PRINCIPES L'étiquetage, la présentation des denrées alimentaires ne peuvent pas être de nature à: induire l'acheteur en erreur sur les caractéristiques ou les effets de l'aliment ; Attribuer à une denrée alimentaire des propriétés de prévention, de traitement et de guérison d'une maladie humaine MENTIONS OBLIGATOIRES DE L'ÉTIQUETAGE L'étiquetage des denrées alimentaires doit comporter les mentions obligatoires suivantes pour lesquelles la Directive fixe diverses modalités d’application. 3 o La dénomination de vente Il s'agit de la dénomination prévue pour la denrée dans les dispositions communautaires qui lui sont applicables, ou par défaut, dans les dispositions législatives ou les usages de l'État membre de commercialisation. La dénomination de vente propre à l'État de production est aussi admise, sauf si, malgré les autres mentions obligatoires et l'ajout d'autres informations descriptives, elle prête à confusion dans l'État de commercialisation. o La liste des ingrédients Précédés d'une mention "Ingrédients", ceux-ci doivent être énumérés dans l'ordre décroissant de leur importance pondérale (sauf exception pour les mélanges de fruits et de légumes) et désignés par leur nom spécifique, sous réserve de certaines dérogations prévues. o La quantité des ingrédients ou des catégories d'ingrédients exprimée en pourcentage Cette exigence s'applique lorsque les ingrédients qui figurent dans la dénomination de vente, sont mis en relief dans l'étiquetage ou sont essentiels pour caractériser un aliment déterminé; o La quantité nette des produits préemballés MENTIONS OBLIGATOIRES POUR LES DENRÉES TRÈS PÉRISSABLES o la date limite de consommation; o les conditions particulières de conservation et d'utilisation; o le nom ou la raison sociale et l'adresse du fabricant ou du conditionneur ou d'un vendeur établi à l'intérieur de la Communauté. o le lieu d'origine ou de provenance, dans le cas où son omission pourrait induire le consommateur en erreur; o le mode d'emploi, le cas échéant; c. La Directive CE / 89/2003 du 10 novembre 2003 sur les allergènes Cette directive supprime la règle des 25% (pour les ingrédients composés intervenant pour moins de 25% dans le produit fini, l'énumération des ingrédients qu'il contient n'est pas obligatoire), et établit une liste d'allergènes qui devront figurer obligatoirement sur l'étiquetage des denrées alimentaires. 4 d. Le Règlement (CE) n° 1924/ 2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé des denrées alimentaires Le règlement précise des allégations autorisées harmonisées ex « faible valeur énergétique », « sans sucres ajoutés », « allégé/light » et « riche en fibres »… Chaque allégation doit remplir certaines conditions pour être utilisée et est définie avec des valeurs précises et quantifiables : une substance (par exemple vitamines, fibres, etc.) doit être présente en quantité suffisante pour avoir des effets bénéfiques. L'étiquetage incluant une allégation de santé doit fournir certaines informations obligatoires: o l'importance d'une alimentation et d'un mode de vie sains; o la quantité de la denrée alimentaire et le mode de consommation assurant le bénéfice allégué; o les personnes qui doivent éviter cette substance; o une indication des risques pour la santé en cas de consommation excessive. Par ailleurs, le règlement interdit toute information: inexacte, peu compréhensible ou trompeuse (par exemple qui attribue, à tort ou sans que cela soit avéré scientifiquement, à la denrée des vertus médicinales) ; qui suscite des doutes concernant la sécurité ou l'adéquation nutritionnelle d'autres produits ; qui encourage ou tolère une consommation excessive d'un produit ; qui incite à consommer un produit en affirmant ou suggérant directement ou indirectement qu'une alimentation équilibrée ne fournit pas tous les nutriments nécessaires. qui essaie d'effrayer le consommateur en mentionnant des modifications des fonctions corporelles. Demande d'autorisation Pour autoriser une nouvelle allégation ou modifier la liste existante, le fabricant doit introduire sa demande auprès de l'État membre concerné qui la transmet à l'Autorité européenne de sécurité des aliments ( EFSA ). Sur la base de l'avis de l'EFSA, une décision relative à l'utilisation est prise par la Commission. Cette réglementation qui complète la Directive de 2000, a conduit les industriels à mettre en place un étiquetage complexe –et donc coûteux- dont le résultat semble être une désorientation du consommateur 5 II / Les perspectives de la réglementation : Une consolidation visant à la simplification et à la pertinence de l’étiquetage, dans un souci d’aider et de rassurer le consommateur dans ses choix La Direction Générale de la Santé et de la Protection des Consommateurs de la Commission Européenne a fait évaluer la législation relative à l’étiquetage. a. Il résulte de cette évaluation que la réglementation qui s’est développée : Est devenue très complexe donc difficile à mettre en œuvre notamment pour les PME, Comporte des règles subjectives et/ou peu claires : ex : étiquettes facilement compréhensibles, visibles et lisibles ; mention « e » du contrôle quantitatif pas comprise des consommateurs, Comporte des règles qui n’informent pas à la mesure des attentes des consommateurs : ex : mention du lieu de provenance ou de l’importateur ; dlc qui suggère périssabilité pour des produits de longue conservation ; procédés de pasteurisation ; sodium au lieu de sel, Laisse les contrôles, recours et sanctions de côté d’où des contrôles et sanctions relevant de dispositifs nationaux assez aléatoires : ex : d’un pays à l’autre la même mention prête ou non à discussion, l’apposition d’une information prête ou non à sanction, De façon pratique, la multiplication des informations requises (ex : allergènes) rend difficile voire impossible de les faire tenir toutes sur une étiquette sauf à réduire le format du lettrage, ce qui complique alors la lisibilité b. Des travaux sont engagés pour améliorer l’information de l’étiquetage La disparition de mentions non comprises par le consommateur : ex : le « e » ou « A consommer de préférence avant le » L’indication du mode et de la durée de conservation après ouverture de l’emballage et la définition de règles harmonisées L’obligation d’informations sur les fabricant des produits La définition harmonisée de certaines notions fondamentales pour les consommateurs comme le « frais » L’élaboration d’un système de codification européenne des aliments basée sur des couleurs ou des signes 6 Le renforcement des informations préventives s’agissant des allergènes qui devraient figurer sur la face avant des produits CONCLUSION Donc, même si la Commission imagine de supprimer certaines mentions, la plupart des pistes de réflexion actuelle tendent à imposer encore plus d’informations alors pourtant que la Commission dit vouloir simplifier l’étiquetage, le rendre plus clair et cohérent d’un pays à l’autre. C’est pourquoi l’on peut s’attendre dans les années qui viennent : d’une part à une consolidation des textes communautaires qui seront à l’évidence complétés pour prévoir des contrôles et sanctions, voire des rcours harmonisés, d’autre part à ce que la Commission impose une simplification des étiquettes et un déplacement d’une partie d’informations sur les points de vente. Le consommateur devrait à terme être moins noyé sous un flot d’informations mêlées de messages marketing, il devrait donc mieux comprendre ce qu’il lui est proposé de consommer. Cela ne signifie pas pour autant qu’il arbitrera mieux et fera des choix s’inscrivant dans une alimentation variée et équilibrée. D’autres facteurs rentrent en ligne de compte… 7