Conjonctures N° 14
tirer. Nul doute que les principes et le souci de
légitimité constituent la plateforme la plus élevée à
partir de laquelle aborder les questions
internationales si l'on désire accorder le moindre
poids à l'opinion publique mondiale. Mais le recours
à l'éthique pose deux séries de problèmes. Existe-t-il
pour commencer un cadre de référence universel à
cette éthique? Rien n'est moins sûr. Et même si l'on
admet qu'un tel cadre existe, cela ne règle pas la
question de son application. Pour être
« opérationnel », un principe doit être appliqué de la
même manière partout où la communauté
internationale juge qu'il a été violé. Or, tant le
Conseil de sécurité que le gouvernement américain
n'ont fait preuve d'aucune rigueur dans leur manière
de réagir aux invasions et occupations étrangères
dont maints pays du tiers monde ont été victimes.
Les Palestiniens des territoires occupés auraient été
ravis de voir les Nations unies sanctionner le
comportement d'Israël avec autant de vigueur que
celui de l'Irak. La population du Tibet aimerait
beaucoup voir l'ONU s'impliquer dans le conflit
sino-tibétain... Bref, l'incohérence du Conseil de
sécurité mine la portée des principes qu'il est censé
faire respecter.
Le second type d'arguments constitue en
quelque sorte une extension du premier. Ce qui
légitimise l'option musclée contre Saddam Hussein,
c'est la nature immorale du régime, le danger qu'il
représente pour le peuple irakien et, au-delà, pour
tous les peuples de la région, voire pour le monde
entier si on le laisse acquérir l'arme nucléaire
(argument de Daniel Pipes dans le New York Times
du 22 octobre 1990). Mais là encore, il faut se de-