Cours stratification sociale/ Fabrice Plomb
Weber n’a pas été très systématique dans son analyse des divisions sociales de la société. Et pourtant, sa
pensée est restée très importante pour aborder aujourd’hui encore la question de la stratification sociale.
Je m’appuie en particulier sur John Scott (1996) pour reconstituer sa pensée sur ce thème.
Trois remarques préalables sont nécessaires avant d’aborder la manière dont Weber traite de la
stratification sociale pour dresser un premier portrait conceptuel de l’auteur :
1. Weber affirme que la distribution du pouvoir à l’intérieur de la société est inégale et qu’elle se
fait au travers de trois critères : le status, la classe et le parti.
2. Pour Weber, le pouvoir est la capacité, la chance dont bénéficie chaque individu pour réaliser
son destin personnel, ce qu’il souhaite faire de sa vie. C’est donc un potentiel, des ressources
que les individus peuvent mobiliser dans leurs actions concrètes. Ce potentiel est déterminé et
limité par des aspects contingents (des événements particuliers) mais surtout par des éléments
structurels qui contraignent et enserrent le pouvoir d’action des individus. Tout le monde n’a
donc pas le même accès dans la société à l’ensemble des possibles.
3. Le pouvoir est ainsi structuré dans des rapports sociaux stables, réguliers et qui se répètent au
quotidien. Weber parle alors de structures de domination pour désigner des rapports sociaux qui
mettent au prise des individus dominés et des individus dominants de façon durable (p.ex.
capitalistes et prolétaires dans l’exemple de Marx qui sont pris dans des rapports de production
dans lesquels ce sont toujours les capitalistes qui sortent gagnants).
En résumé, on peut dire que pour Weber, la stratification s’explique par une distribution inégale du
pouvoir. La distribution est fonction de structures de domination stables à l’intérieur de la société que
l’on peut approcher au travers de trois critères : la situation de classe, la situation statutaire et la situation
de commandement. Nous allons développer tour à tour ces trois composants des divisions sociales qui
cvorrespondent également à des sphères d’activités différentes dans la société (l’ordre économique,
l’ordre social et l’ordre politique).
La situation de classe
Pour Weber, contrairement à Marx, la situation de classe n’est qu’une dimension de la stratification
sociale parmi d’autres. Cette situation de classe correspond à la situation occupée par les individus sur le
marché. Le pouvoir que les individus sont en mesure d’exercer dans le monde du travail ou sur le
marché des capitaux est dépendant des types de biens et de services (force de travail p.ex.) qu’ils
possèdent et qu’ils peuvent apporter sur le marché dans le but de générer un revenu. Autrement dit, c’est
la propriété (ou l’absence de propriété) qui détermine les situations de classe, c’est-à-dire les
opportunités d’exercer un pouvoir dans la sphère économique (qui prend la forme du marché dans la
société capitaliste du XIXème siècle). Ces situations de classes constituent ainsi un déterminant
important des chances des individus face à la vie. Le degré de pouvoir que l’on est en mesure d’exercer
sur le marché donne lieu en effet à des conditions de vie et des expériences différentes. Les gens
occupent des situations de classes similaires lorsqu’ils ont les mêmes habilités et les mêmes ressources
pour atteindre leurs buts économiques (ils ont les mêmes “ chances typiques ”).
A l’objection que les situations de classe ainsi définies existaient déjà dans toute société où la propriété
est inégalement répartie, Weber répond que c’est uniquement dans la société capitaliste que le marché et
la sphère économique a pris tant d’ampleur dans la détermination de la vie et des chances de vie des
individus. L’économie de marché contraint les individus à générer un revenu au travers d’un réseau
d’échange de contrat où se distribue le pouvoir économique. Ceux qui ont des propriétés ont un avantage
certain dans ces transactions.
La différenciation des situations de classe est à considérer d’une part selon le type de possession dont on
tire des bénéfices : selon cette première distinction, on trouve d’un côté les rentiers (classes possédantes)
qui possèdent des terres, des gens, des minerais, des navires, des maisons, etc. et de l’autre, les
entrepreneurs qui mettent leur capital au travail pour produire de nouvelles richesses (classes
d’acquisition). A ce premier critère de différenciation des situations de classe, Weber ajoute celui du