Les structures de corrélation hypothétique en français selon le

publicité
Les structures de corrélation hypothétique en français selon le contexte de discours écrit ou oral
Les structures corrélatives qui tiennent une place assez bien établie en français à côté des structures de
coordination et de subordination, se prêtent bien, nous semble-t-il, à une étude comparative susceptible
de faire apparaître les diverses spécificités qui caractérisent, pour un même domaine, non seulement
les deux modes d'expression que sont l'écrit et l'oral mais également les genres de discours auxquels
renvoient les énoncés de type interactionnel, par comparaison avec des énoncés de type expositif,
argumentatif ou narratif.
Nous voudrions prendre l'exemple de la corrélation dite hypothétique dont la forme la plus courante en
français est celle d'un énoncé à deux termes - le premier (la protase) formulant ou sous-tendant une
hypothèse, qui trouve dans le deuxième (l’apodose) l'expression de la conclusion ou de la conséquence
censée découler de son éventuelle réalisation.
Naturellement, l’articulation entre protase et apodose peut s'effectuer à travers une relation de
subordination, la protase se présentant comme une conditionnelle en si P (mais aussi en même si P,
quand bien même P) dans laquelle l'hypothèse est présentée au présent mais aussi à un temps du passé,
(imparfait ou plus-que-parfait) qui marque un affaiblissement de la probabilité de sa réalisation et va
même jusqu'à exprimer un sens contrefactuel. Cependant, il existe d'autres types de construction qui
exploitent des modes différents de mise en relation corrélative pour rendre compte de l’articulation
protase et apodose.
Parmi ces nombreuses constructions corrélatives, il y en a un certain nombre qui apparaissent comme
spécifiques de l'écrit, et qui par là-même ont très peu de chances de se rencontrer à l'oral. Je
présenterai, dans un premier temps, quelques unes de ces constructions pour montrer en quoi, par
certains de leurs aspects, elles répondent mal aux particularités du discours oral. Je n'en citerai ici que
deux exemples, a) les formes dans lesquelles la dépendance entre protase et apodose se manifeste à
travers l'inversion du sujet et du verbe dans la protase :
(1) Lui parle-t-on de crise économique, il hausse les épaules
et b) celles marquées par l'emploi du subjonctif dans la protase, en couplage avec une proposition
assertive au présent ou au futur (avec possiblement l'ajout d'un marqueur entre les deux termes).
(2) Que survienne un coup dur (et) ils sont complètement paniqués
Cependant, d'une manière plus centrale, je voudrais axer mon étude sur les constructions de type
corrélatif qui, au contraire, ont toutes les chances de se rencontrer à l'oral parce qu'elles se présentent
sous des formes qui en exploitent au mieux les conditions énonciatives, par ex. le mode d'adresse
directe à l'allocutaire, la mise en oeuvre d'actes de langage sous forme directe ou indirecte, le recours
manifeste à la prosodie, etc. Par ce biais, il est assez facile de regrouper différents types de
construction en partant de certains facteurs marquants qui les caractérisent, concernant aussi bien la
protase que l'apodose. Je ne citerai ici que quelques uns de ces facteurs:
- le fait que locuteur et allocutaire constituent les protagonistes de la situation évoquée,
- le fait que l'hypothèse, dans la protase, se présente sous la forme d'un énoncé à l'impératif (à la forme
positive ou négative) ou à l'interrogatif :
(3) Fais-le, tu verras ce qu'il t'en coûte
N'approche pas, je te brise la carafe sur la tête
Tu ne me crois pas ? tu n'as qu'à demander à ta mère
- le fait que l'hypothèse apparaisse indirectement sous la forme d'expressions du type avoir beau,
vouloir, etc. au futur ou au conditionnel :
(4) Tu voudrais le faire (que) tu ne le pourrais pas
Tu auras beau crier et appeler, personne ne viendra à ton secours
- le fait que l'hypothèse soit représentée par le marqueur ou, sinon, sans ça, etc exprimant la valeur
inverse de la proposition p contenue dans la protase, dans laquelle soit un verbe performatif, un modal
ou un impératif traduit une force illocutoire d'injonction, de prospective, de souhait, etc.:
(5) Il faut que tu m'aides, sinon tout ira mal.
Tu feras bien d'obéir, sans ça je te ficherai une fessée
- etc.
A l'examen de ces types de construction, dont nous ne présentons ici que quelques échantillons, il est
facile de voir qu'il existe en français des différences assez nettes et assez caractéristiques entre d'une
part, les formes que nous dirons "classiques", qui appartiennent dans l'ensemble au registre de l'écrit
et qui sont abondamment décrites dans la plupart des manuels et des grammaires du français, et par
ailleurs, des formes qui, bien que connues et largement employées, sont généralement peu évoquées
ou étudiées, alors même qu'elles sont amplement attestées dans les discours oraux et plus
particulièrement dans les situations d'interaction et de dialogues spontanés.
Quelques références
Allaire, S. (1982). Le modèle syntaxique des systèmes corrélatifs, Thèse de doctorat, Lille, Service des
reproductions de thèse
Borillo A. (2001). "Le conditionnel dans la corrélation hypothétique en français ", Recherches Linguistiques, 25 :
231-250.
Corminboeuf G. (à par.) L'expression de l'hypothèse, entre hypotaxe et parataxe, thèse de doctorat, Université de
Neuchâtel
Deulofeu, H.-J. (2001). " La notion de construction corrélative en français : typologie et limites ", Recherches
sur le français parlé, 16 : 103-124.
Feuillet J (1993)." L’hypothétique" Travaux de linguistique du Cerlico 6: 67-95
.
Téléchargement