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En français, l'inversion a tendance en général à être considérée comme une pratique de l'écrit.
Même pour ce qui est de l'inversion de sujet clitique qui est jugée pratiquement obligatoire
après certains éléments temporels placés en tête de phrase, comme à peine, l'oral peut sans
grand mal ne pas appliquer la règle d'inversion:
(5) A peine il reconnaît son voleur, il l'allume sans sommation !
La non-application de la règle est également de mise pour ce qui est de l'inversion concernant
le sujet clitique dans les constructions interrogatives. Les formes d'interrogation totale non
inversées sont jugées tout à fait naturelles et à l'oral, tendent même à supplanter les formes
interrogatives de type inversé
. Dans la corrélation hypothétique, l'inversion dans la protase
n'a pas à être d'assimilée à celle d'une phrase interrogative, elle peut tout simplement être
analysée comme l'expression d'une non-assertion, (4) ci-dessus, mais on retrouve là la même
tendance à ne pas observer l'inversion, (4'), à l'oral encore plus qu'à l'écrit, (6) :
(4') On lui parle de crise économique, il hausse les épaules
(6) On te botte la fesse gauche, tu tends la fesse droite
2) L’emploi du mode conditionnel conjugué à l’inversion sujet-verbe. Ces deux indices
formels peuvent être réunis dans la même proposition, sans que cette combinaison apporte
une véritable modification à l’effet que le conditionnel présent arriverait à produire par lui-
même, sans l'inversion du sujet. On a l’impression que l’ajout de l’inversion donne un tour
plus recherché, plus littéraire à la phrase, même si sur le plan de l’interprétation, on ne perçoit
pas de différence nette entre les énoncés :
(7) On le menacerait, on ne tirerait rien de lui
(7') Le menacerait-on, on ne tirerait rien de lui
Cependant, avec l'inversion, il est plus facile d'interpréter P1, la protase, dans un sens dit
adversatif, sens qui est donné explicitement lorsque elle apparaît sous forme de subordonnée
introduite par même si + l'indicatif : [même si p, q]
(8 ) Même si on le menaçait, on ne tirerait rien de lui
Ce sens adversatif est obligatoirement produit par l'introduction d'un conditionnel passé dans
P1, et de ce fait, p prend une valeur contrefactuelle - non p:
(9) L'aurait-on menacé, on ne tirerait rien de lui
(non p = "on ne l’a pas menacé")
De son côté, P2, l'apodose, peut rester construite avec un conditionnel présent, comme on le
voit en (8) et (9)ci-dessus, et garder ainsi l'indécidabilité de q, liée à une réalisation qui reste
située dans le futur
. Mais elle peut également se construire au conditionnel passé, et dans ce
cas, q se trouve investi d'un sens véritablement assertif:
(10) L'aurait-on menacé, on n'aurait rien tiré de lui
( q = "on n'a rien tiré de lui")
Là aussi, dans ce type de construction au conditionnel, l'inversion semble assez peu pratiquée
à l'oral :
(11) Tu m'aurais dit de mourir, je serais mort sans hésiter.
(12) On m'aurait payé, je ne l'aurais pas fait
Mais autant que l'on puisse en juger, il est possible que le conditionnel sans inversion soit lui-
même concurrencé par l'emploi d'un marqueur de subordination, si ou même si, en fonction
du sens hypothétique ou contrefactuel qui est donné à la protase. L'emploi de même si laissant
en plus la possibilité d'inverser protase et apodose :
(13) Même si on m'avait payé une fortune, je ne l'aurais pas fait
(13') Je ne l'aurais pas fait, même si on m'avait payé une fortune
Si avec ces différentes structures conditionnelles de forme parataxique, le lien d'articulation
corrélative se matérialise à l'écrit par la présence de la virgule, il se traduit à l'oral par un
Les exemples de discours oral qui seront proposés ici sont extraits de dialogues pris dans Frantext – ce qui, il
faut bien l'admettre, est un choix un peu biaisé
D'autant que pour éviter l'inversion, il y a le recours aux interrogatives de type Est-ce que P ? qui semblent
elles aussi largement attestées à l'oral.
D'ailleurs, le temps du futur peut remplacer le conditionnel : L'aurait-on menacé, on ne tirera rien de lui