C’est malheureusement ce système qui continue de définir aujourd’hui les logiques
commerciales de l’agroalimentaire, fondées sur la recherche des prix les plus bas pour fournir
le secteur des produits transformés, avec une multiplication des opérateurs qui facilite les
fraudes, ainsi que l’a rappelé ma collègue Annick Girardin. Négociants, abattoirs, traders,
sociétés commerciales, usines de transformation, marques généralistes de grande distribution :
la filière agroalimentaire s’enrichit sans cesse de nouveaux intermédiaires entre l’étable et la
table, entre la terre et notre assiette.
La viande de cheval n’aura servi que de révélateur d’un système de plus en plus complexe
d’achat et de revente, avec la « profitabilité » pour seule logique.
Je reprendrai les mots d’un de mes collègues député européen : « En fait, quand on a acheté
une boîte Findus, on a alimenté un fond financier d’investissement privé, Lion Capital, et
derrière Comigel qui fournit Findus se cache un autre fond d’investissement, Céréa Capital.
Que leur importe de préparer des lasagnes industrielles à base de mélange de déchets de
muscles de cheval, de vaches, de mulets ou d’ânes, mélangés à de la mauvaise graisse et du
collagène ! Et personne ne parle de l’endroit d’où vient le blé qui a servi à faire les parts de
lasagne : du Mali, des plaines d’Ukraine ou du Kansas ! »
Nous pouvons d’ailleurs faire quasiment la même analyse avec des distances de transport
encore plus longues pour la filière des légumes, victime des mêmes agissements et des mêmes
dérives.
Voilà aujourd’hui la réalité de filières alimentaires laissées par choix politique aux mains de
la finance.
Mes chers collègues, si la traçabilité, qui a fait, et c’est heureux, un bond en avant suite à
l’affaire de la « vache folle », peut permettre d’identifier tous ces intermédiaires, elle ne lève
pas l’opacité sur l’origine et la qualité des productions en cause. Elle autorise manifestement
les supercheries commerciales les plus flagrantes et ne remet pas en cause les fondements du
système. Le pire serait de s’en remettre à la simple poursuite d’un feuilleton judiciaire ou aux
bonnes volontés des sociétés avec le renforcement des autocontrôles sur leurs pratiques.
Nous avons donc besoin de tracer de nouvelles pistes pour agir globalement sur le secteur
agroalimentaire, mais aussi, en amont, sur notre modèle agricole.
Nous avons besoin d’adopter des mesures concrètes et efficaces tout en renforçant les moyens
du contrôle public de la chaîne alimentaire, tant au niveau national qu’européen. C’est dans le
domaine particulier de l’information sur la qualité des produits et de leur origine que nous
pensons que notre pays peut agir le plus rapidement.
C’est l’objet de la proposition de loi que les députés du Front de gauche ont déposée avec
deux exigences fondamentales sur lesquelles je voudrais insister : celle de la mention
obligatoire de l’origine des ingrédients de tous produits alimentaires, qu’ils soient à l’état brut
ou transformé, et celle du renforcement des moyens du contrôle sanitaire et de la répression
des fraudes.
Depuis l’affaire de la vache folle, la viande bovine fraîche doit mentionner son pays d’origine.
Ce n’est pas le cas pour les produits transformés à base de viande, pour lesquels existe
seulement l’obligation de mentionner le type de viande utilisé. Il en est de même pour tous les
autres produits alimentaires qui ne bénéficient pas de ce dispositif d’identification.
L’article 3 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait pourtant introduit la
possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine « pour les produits agricoles et
alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé ». Mais cette disposition
facultative n’a jamais trouvé de traduction réglementaire.