(plus de vingt-cinq ans) ayant un
bas niveau de qualification
demandeurs d'emplois longue
durée, femmes analphabètes, per-
sonnes étrangères ne maîtrisant
pas ou peu la langue française...
En mars 1990, la Direction Dépar-
tementale du Travail et de l'Em-
ploi émet la proposition d'un
fonctionnement en plateforme
(regroupement de plusieurs orga-
nismes jouant des rôles complé-
mentaires) et donne une informa-
tion sur un possible financement
d'actions expérimentales par la
Direction Régionale du Travail et
de l'Emploi. L'équipe de forma-
teurs dépose un projet d'antenne
«accompagnement et suivi» de
manière à prendre en compte un
certain nombre de difficultés des
stagiaires mises à jour au cours de
la formation : orientation inadé-
quate, manque de confiance en
soi, aide à la recherche d'emploi
pendant les six mois suivant la fin
du stage, souffrances psychiques
entravant à la fois les apprentis-
sages et l'élaboration d'un projet
professionnel.
L'antenne comprend donc un
accueil individualisé des candi-
dats, une aide à la recherche d'em-
ploi, un atelier théâtre et une per-
manence de psychologues. Les
formateurs souhaitaient que la
psychologue soit membre de
l'équipe, repérée comme telle par
les stagiaires. La psychologue cli-
nicienne intervient avec une com-
pétence particulière, compétence
qui se trouve de ce fait mise à la
disposition de l'équipe et des sta-
giaires.
L'entrée en formation apparaît
comme porteuse d'espoirs, de pro-
jets, de résolutions de problèmes.
La présence d'une psychologue,
en prenant en compte la souf-
france psychique, rappelle la com-
plexité de toute demande de chan-
gement (acquisitions cognitives
ayant pour objectif d'être négo-
ciables dans une recherche d'em-
ploi) et les conflits qu'elle
engendre au niveau de la réalité
psychique et qui vont se jouer sur
le terrain de la réalité sociale.
L'intervention de la psychologue
est double :
- interventions auprès de groupes
entrant en formation,
- entretiens individuels d'accom-
pagnement durant le stage.
Intervention
auprès de groupes
Les personnes socialement dis-
qualifiées interrogent les liens
entre leur histoire sociale (trajec-
toire sociale, culture et valeurs) et
le traumatisme de la perte de leur
place dans la société. Le travail
groupal amène toute une série
d'échos, de contrats narcissiques.
L'approche groupale ouvre à une
élaboration collective de manière à
passer d'une position d'objet de la
crise économique à une position
L'ENTRÉE EN
FORMATION
APPARAIT COMME
PORTEUSE
D'ESPOIRS, DE
PROJETS, DE
RÉSOLUTIONS DE
PROBLÈMES
de sujet avec l'étayage des autres
membres du groupe. Le groupe
permet à chacun un réinvestisse-
ment narcissique dans un lieu
socialisant. Je propose des sup-
ports pour faciliter la prise de
parole et l'implication de chacun.
Je me suis inspirée de la
démarche du Laboratoire de
changement social de Paris VII.
Je pars d'un thème général qui
articule les dimensions sociales,
culturelles et affectives de la
personne. Le groupe partage des
références communes ou
échange sur des pratiques
culturelles différentes (par
exemple autour de la scolarité et
des lieux d'apprentissage). Cha-
cun transmet ou non une parole
plus personnelle sur le sens que
prend l'entrée en formation.
Suivi
psychologique
durant la
formation
Un entretien individuel vient clore
le travail de groupe. Le stagiaire
peut y faire part d'une demande de
suivi ou l'émettre à tout autre
moment de la formation. Il a pu, au
sein du groupe, faire l'expérience
d'une écoute différente et avoir ainsi
une représentation d'un travail
psychique.
Les demandeurs sont des personnes
confrontées à une symptomatologie
antérieure à la formation
(dépression, conduites addictives,
troubles du sommeil...) ou qui pré-
sentent des difficultés directement
liées à la situation d'apprentissage
(manque de concentration, troubles
de mémoire). En tout cas, le
traumatisme de la perte de l'emploi
s'adjoint à d'autres traumatismes. Le
sujet en s'appropriant le traumatisme
social comme un traumatisme
personnel le rend compréhensible. Il
intégre le sentiment de pouvoir agir
sur lui et ses conséquences. Il réduit
ainsi la part du déterminisme mais
surtout ne s'y sent plus enfermé.
En conclusion, l'entrée en formation
de personnes socialement dis-
qualifiées signe le retour à une
rythmicité quotidienne. Le rythme
éveille à la pensée alors que se noue
un contrat narcissique entre le sujet
et l'équipe formatrice, le sujet et le
groupe de pairs. La personne, par
ces liens intersubjectifs, pourra
historiciser son parcours social.
Le psychologue en intégrant des
références plurielles (sociologique,
ethnologique, psychanalytique)
s'attache à l'émergence de la pensée
et en particulier à celle qui
accompagne les démarches de réin-
sertion dans la réalité quotidienne.
De Gaulejac V., La lutte des places, Hommes et
Perspectives, Marseille, 1994.
Goffman E., Stigmates - les usages sociaux des
handicaps, Editions de minuit.
Kaës R., « Pacte dénégatif et alliances incons-
cientes » in Gruppo, n° 8, nov 92.
LE JOURNAL DES PSYCHOLOGUES - AVRIL 97 - N° 146