conventions ennuyeuses, supposant un certain effort et déterminant un « beau » comportement
peut apparaître comme du mépris et de l’étroitesse d’esprit.
Les réactions de Philinte, enfin, peuvent tenir à une volonté de s’imposer comme parangon
du « bel esprit ». Systématiquement conciliateur, léger, préoccupé de faire rire, il exhibe des
qualités de conversation et d’élégance. Si Alceste fait preuve d’une revendication personnelle
écrasante, Philinte, en réalité, n’est pas en reste. Sous l’élégance, se fait sentir le préjugé
tenace, dont il ne démordra pas, d’autant plus qu’il a le public pour lui : public du théâtre,
mais aussi public des autres personnages qui le soutiendront sans cesse tout au long de la
pièce. Comme tout tenant d’un système en réalité fermé à toute négociation, il se montre
donc excessif, lui aussi, même si ses opinions en font un homme « raisonnable ». L’ambiguïté
de Philinte détermine celle d’Alceste : personnage excessif, à la limite de l’absurde, mais
courageux dans ses prises de position paradoxales.
3° Une revendication éthique omniprésente
Alceste considère l’action initiale de Philinte comme une « honte », une « faute », un
scandale, tous termes qui évoquent, de façon négative, la morale, celle de l’« homme
d’honneur ». L’attitude de Philinte est caricaturée par hyperbole (« accabler », « les dernières
tendresses », la « fureur des embrassements »). De plus, cette attitude est réduite à
l’apparence d’un spectacle : « je vous vois… », « témoigner ». En opposition, la question
d’Alceste est sobre et considère la réalité de l’homme, en dehors des apparences et de la
relation sociale établie par Philinte : « quel est cet homme ? ». Ainsi l’opposition se constitue
entre deux façons d’être : l’homme véridique et l’homme hypocrite.
1) De la politesse à la feinte
Le comportement de Philinte, entièrement fondé sur l’apparence, est traité et redéfinie
comme feinte (mise en valeur par l’opposition caricaturale « tombe » et « indifférent »). La
séparation qui seule importe dans le cadre social (on est poli en présence des autres) ne
signifie rien pour Alceste. L’accusation est ainsi reprise nettement fondée sur une faute
d’ordre moral : l’hypocrisie. Pour Alceste, une telle faute devrait provoquer une séquence
contrition-punition (regret-pendre). Il y a une faute morale fondée sur l’appréhension d’une
monde vrai où les apparences sont rejetées comme mensongères, feintes et indignes.
2) Violence de l’argumentation
Alceste – et en cela il est tout à fait fidèle à sa position – se place dans un système de
contrariété et/ou d’affirmation. Il ne répond pas (alors que Philinte est l’homme de toutes
les réponses) ; il énonce la théorie contraire ou il attaque de front. Et ce, à plusieurs reprises :
- il s’oppose à la conversation élégante (« non, je ne puis souffrir… »). La civilité,
supposant une conversation « ornée » n’est pas fondée sur l’échange, mais sur le
renchérissement, la parole s’ajoutant à la parole, comme dans un « combat » inutile et
frivole. Cette opposition est signifiée par le refus violent et par l’agressivité d’un
argument ad hominem visant, de façon générale les « diseurs d’inutiles paroles » avant
de prendre Philinte pour cible, personnellement : « puisque vous y donnez, dans les vices
du temps… ». Une dépréciation sous-jacente augmente la virulence du propos : la
mécanique de la politesse est mise en valeur par les déverbaux successifs : « faiseurs »,
« donneurs », « diseurs » ; la feinte est montrée toujours par un jeu d’opposition :
affable/frivole ; obligeant/inutiles.
- à la politesse, référence permanente de Philinte, Alceste oppose dans une relation de
contrariété : le choix. (On doit choisir/on ne doit jamais choisir). Au général, s’oppose de
façon contraire, l’exclusif : seulement quelques uns (Philinte le contredira : il y a des
moments où on ne peut pas ne pas…). Fidèle à sa valeur de vérité, Alceste fait l’apologie
du choix exclusif, montrant alors que les caresses sont alors une preuve, un témoignage