Alceste le provocateur
«Le Misanthrope » de Molière mis en scène par Antoine Vitez
Prix national du Théâtre 87 pour l'ensemble de
son oeuvre, Antoine Vitez savoure encore Fini- Dominique Blanc -- la Suzanne du "Mariage de
Figaro" —est une jeuneveuve, jeveuxlui donner
toute sa dignité. Ce
n'est
pas véritablement une
coquette : elle n'a que deux "amants", Alceste et
Oronte, que joue Philippe Romans en homme
déchiré... De même, je ne vois pas en Arsinoé
(I2urence Roy) une bonne femme aigrie, mais
au contraire une sorte de femme fatale, qui
précipite la catastrophe, une image du destin, de
la mort
«J'ai pensé à beaucoup de choses en travaillant
sur ce "Misanthrope", aussi bien à la vie de
Molière qu'à l'Ibsen d'Un ennemi du peuple",
où il est dit que "l'homme le plus fort, c'est
l'homme le plus seul". Et ne peut-on pas compa-
rer la comédie de Molière à "Tùnon d'Athènes",
de Shakespeare ? "Le Misanthrope" est une
pièce mythologique...
«Je voudrais dire encore qu'avec les mêmes
comédiens je donne à la mi-février "Anacoana",
pièce d'un auteur inconnu, Jean Métellus, un
neurologue d'origine haïtienne, qui évoque,
dans une langue magnifique, le génocide des
premiers habitants d'Haïti, ceux qu' on nommait
"les Indiens". C'est une véritable tragédie, tout
en discours indirect, qui rappelle Eschyle. "Ana-
coana" sera donné en alternance avec "le Misan-
thrope". A côté de l'oeuvre la plus connue, un
véritable ovni théâtral. »
Propos recueillis par Guy Dumur
Théâtre national de Chaillot (47-27-81-15).
mense succès du « Soulier de satin », qui ter-
mine provisoirement sa carrière en Belgique :
il
pense le reprendre en 89... Mais il donne à
présent « le Misanthrope » qu'il avait déjà
monté dansune série Molière,i
l
ya dix ans. Cette
fois, le propos est différent
« Monter une oeuvre que tout le monde connaît
par coeur, c'est être comme un chef d'orchestre
qui
dirige pourla centièmefoisunesymphonie...
Ce qui m'attire en premier, c'est l'aspect auto-
biographique du "Misanthrope". Comment
réagissaient les spectateurs de la première lors-
qu'ils voyaient Molière en scène, avec Armande
Béjart en Célimène, alors qu'ils savaient tout de
sa vie ? Molière, c'est Alceste,
innis
c'est aussi
Philin.te. Je les fais s'avancer fun après l'autre au
bout d'un couloir tout noir. L'un et l'autre
provoquent le public. Le décor de Yannis Kok-
kos revêt une grande importance : une scéno-
graphie en profondeur. Et si le décor
est
noir,
c'est que j'ai découvert que la couleur noire peut
avoir quelque chose de comique... Car enfin, on
entend toutes les déclarations d'Alceste, et puis
on le découvre
non seulement amoureux mais
victime de contretemps perpétuels. C'est là
l'élément comique, étant entendu que le fond de
la pièce est tragique, comme le voyait Jean-Jac-
. ques Rousseau.
« PahiceKerbratseraurtAlcested'âge mûr. Etsi
5
2
1 Dominique Blanc (Célimène) et Patrice Kerbrat Weeste
Cyrielle Claire dans le rôle d'Hélène
autre guerre — attitude
ambiguë quand Hitler
était l'ennemi —, on
aurait tort de ne pas
vibrer au discours aux
morts d'Hector ou à son
dialogue avec Ulysse.
Et si j'insiste sur ce point,
c'est que la
représentation de la
Comédie-Française
If
est
pas bien belle à voir.
Décor sans intérêt et mal
éclairé, costumes d'une
laideur agressive. Maître
d'ceuvre trop timide,
Raymond Gérôme s'est
contenté de se fier au
talent des comédiens —
François Beaulieu, Simon
Eine, Yves Gascq,
Martine Chevallier,
Geneviève Casile... —
sans leur imposer aucune
direction. Curieusement,
ce sont deux nouveaux
venus, Cyrielle Claire,
Hélène pareille à une star
des années 30, et Bruno
Shaar, Pâris bellâtre et
insouciant, qui ont le
mieux compris l'humour
léger de Giraudoux. Les
autres se rattrapent
comme ils peuvent aux
morceaux de bravoure.
Comédie-Française
(40-05-00-15).
G. D.
AVOIR
LA GUERRE DE
TROIE N'AURA
PAS LIEU
de Jean Giraudoux
Jamais jouée à la
Comédie-Française —
pour des raisons qui
restent mystérieuses —, la
plus célèbre pièce de
Giraudoux (mise en
scène par Raymond
Gérôme) y est de plein
droit. N'est-il pas le
dernier auteur qui ait
manié notre langue
comme on le faisait aux
siècles passés ?
Normalien, plus
rhétoriqueur que, poète, il
agace bien des gens par
ses digressions, par son
humour très littéraire,
ses jeux de miroir entre
théâtre classique et
théâtre de boulevard.
Pour d'autres — dont je
suis —, c'est cette
dichotomie qui fait le
charme de cette parodie
homérique que Jouvet
avait créée en 1935. Et
s'il faut
faire
effort pour
comprendre qu'Hector et
les Troyens sont
d'anciens combattants de
14-18 qui refusent une
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LE NOUVEL OBSERVATEUR /GUIDE
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