Projet de nouvelle « Les mots pour le dire » - Collectif « Nos différences nous rassemblent »
Chapitre 10 – Etape 5 - Texte abouti
« Ça, c’est vraiment différent ! » Fatou repense à la vie dans son village. Chez elle, on ne
ramasse pas d’objets dans les poubelles. Juste à ce moment, un garçon à peine plus âgé
qu’elle la bouscule. Il traîne derrière lui un vieux sac de riz rempli de cartons, de papiers, de
plastique. En avançant un peu plus loin dans le bidonville, la fillette voit deux hommes
occupés à fabriquer minutieusement des objets avec des boîtes en métal. Ils découpent des
morceaux de vieilles canettes de soda pour les plier ensuite. Leurs mains sont agiles et
rapides. L’homme le plus âgé ramasse un fil de fer qui traîne à côté de lui. Au bout de
quelques minutes, la petite fille voit apparaître une moto. Elle ressemble drôlement à une
Harley Davidson. La voyant les observer avec intérêt, le deuxième homme interpelle Fatou :
- Eh, ça t’intéresse ce qu’on fait ? Tu veux nous aider ? On a besoin d’enfants pour aller
vendre nos jouets sur le marché.
Un peu effrayée par ces hommes qu’elle ne connaît pas, la fillette rejoint Théophile en
courant et lui demande : « Où sont les enfants qu’on voyait tout à l’heure ? A l’école ?
- Non, lui répond-il, ils sont certainement au feu rouge.
- Au feu rouge ? répète-t-elle intriguée.
- Oui. Viens, je vais te montrer.
Ils traversent alors le bidonville en direction des rues principales où résonnent les klaxons des
voitures. Le bruit de la grande ville étonne toujours Fatou : la circulation, les gens qui crient
pour vendre des fruits, de la viande, des objets pour la maison, et même des vêtements ! Sur le
chemin, elle regarde autour d’elle, et voit les poules qui courent partout. Ici, les habitants les
élèvent pour manger leurs œufs et vendre ceux qui restent. La petite fille voit aussi les
pêcheurs qui vendent des poissons pour préparer la tiéboudienne, le délicieux plat national fait
avec des légumes, de la sauce et du riz.
Oui, ici tout est vraiment différent de son village. Les voitures, les embouteillages, les
immeubles et les maisons sont bien éloignés de la tranquillité de son village. Ce qui frappe
surtout Fatou, ce sont ces centaines de personnes qui vont et viennent dans tous les sens. Elle
a l’impression d’être prise dans une colonie de fourmis affairées. Elle tousse à cause des gaz
qui sortent des vieux pots d’échappement des voitures, des motos, des camions ou des bus.
Cette odeur mêlée à celles des détritus qui jonchent la ville lui donne la nausée. Même les
arbres paraissent malades. Avec ces sacs plastiques multicolores accrochés à leurs branches,
ils ont l’air d’épouvantails tristes.
Et la mer ! En repensant à la première fois où elle est allée au bord de l’océan, ce qui a le plus
frappé la petite fille, c’est toutes ces choses qui n’ont rien à voir avec l’univers marin : des
papiers, des plastiques qui flottent et qui s’échouent sur la plage. Même les grands bateaux
qui envahissent l’espace paraissent inappropriés tellement ils sont grands.
La voix de Théophile la sort de sa rêverie. « Regarde, ils sont là. »
Fatou voit alors des enfants qui jonglent devant les voitures arrêtées au feu rouge. Quelques
secondes avant que la circulation ne reprenne, ils courent demander de la monnaie aux
conducteurs. Pendant ce temps, d’autres enfants vendent des chewing-gums, des bonbons et
des fruits.