Mais comment instaurer un numerus clausus

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DES MAINTENANT EN EUROPE
« Aller à l’idéal et comprendre le réel », Jean Jaurès
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Samedi 10 septembre 2005, 10h-17h
L’Estran 10, rue Ambroise Thomas, Paris IXe
Population carcérale et « numerus clausus » débat autour
d’un concept incertain
Sous la présidence de Jacques Floch, député (PS) de Loire-Atlantique
Animé par Pierre V. Tournier
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Contributions au débat et documents
Pages
1. Population sous écrou au 1er septembre 2005 par Pierre V. Tournier
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2. Extraits du Rapport Mermaz (L), Floch (J), Rapport fait au nom de la commission
d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Tome I, Rapport, Tome II, Auditions
Assemblée nationale, n°2521, 28 juin 2000
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3. Textes du Conseil de l’Europe, extraits
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4. Usage barbare ?, par Liliane Chenain
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5. Responsabiliser les acteurs, par Sylvie Stankoff
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6. Expérience du parquet, par Olivier Guérin
17
7. En prison comme en milieu ouvert, par Jean-Louis Daumas
19
8. Faut-il libérer Barabbas ? par Godefroy du Mesnil du Buisson
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9. Trop, c’est trop, par Bernard Bolze
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10. Par défaut de définition, par Michaël Faure
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11. Le placement sous main de Justice en France, quelles capacités ? comment ne pas les
dépasser ?, par Pierre V. Tournier
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"Déviances Et Socialisme Maintenant en Europe", c/o M. Pierre V. Tournier
43, rue Guy Môquet 75017 PARIS, Tél. Fax Rép. 01 42 63 45 04
[email protected]
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« DES MAINTENANT » ?
Club de réflexion, fondé à Paris le 28 octobre 2004, dans la mouvance de la social-démocratie,
« Déviances & Socialisme, Maintenant en Europe» (« DES Maintenant ») a vocation à faire travailler ensemble
adhérents et sympathisants du Parti Socialiste et des autres partis de la gauche française, qui pour des
raisons professionnelles et/ou militantes s'intéressent à la question des "déviances" et de leur "contrôle"
et ressentent le besoin impérieux d'un débouché politique, résolument progressiste, à leur réflexion, à leur
action sur le terrain, à leur engagement militant.
* Se fondant sur les travaux scientifiques les plus pertinents, réalisés dans le champ criminologique en
France et à l'étranger,
* s'appuyant fortement sur la "société civile organisée" (syndicats et autres organisations
professionnelles, associations et ONG internationales de défense des droits de l’homme),
* situant, évidemment, ses travaux dans un cadre européen (Union Européenne et Conseil de
l’Europe), et cherchant à développer son action au delà de nos frontières…
"DES Maintenant" a pour objectif premier d'être une force de propositions vis-à-vis des instances de
toutes les composantes de la gauche sur les questions de sécurité, de prévention et/ou de répression de la
délinquance et de la criminalité et sur les transformations structurelles à entreprendre dans les institutions
pénales (au sens large du terme).
"DES Maintenant" se veut aussi ouvert au débat républicain, sur les questions de sa compétence, avec
les mouvements alternatifs ou alter-mondialistes, les organisations d’extrême gauche, et tous les partis
républicains, à condition qu’ils manifestent, en toutes circonstances leur engagement dans le combat
contre l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie et tous les ségrégationnismes.
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I. – Population sous écrou au 1er septembre 2005
Extrait d’Informations Criminogiques Hebdo, ICH n°104, 12 sept. 2005
Par Pierre V. TOURNIER
[email protected]
Au 1er septembre 2005, l’effectif de la population sous écrou est de 57 582 (métropole et outremer). En excluant les 755 condamnés placés sous surveillance électronique et les 232 condamnés
placées à l’extérieur sans hébergement, on obtient une densité carcérale de 56 595 pour 51 129
places opérationnelles, soit 111 détenus pour 100 places.
6 établissements ou quartiers ont une densité égale ou supérieure à 200 p. 100., 42 ont une densité
comprise entre 150 et 200, 72 entre 100 et 150.
On notera les densités des maisons d’arrêt de Béziers (235 p. 100 places), de Lyon Montluc (223
détenus pour 100), du Puy (211 p . 100), de La Roche sur Yon (207 p. 100), de Lyon Perrache -Saint
Paul et Saint Joseph (202 p. 100), …
La proportion de prévenus, parmi l'ensemble des personnes écrouées, est de 35 %.
Des chiffres essentiels que l’on cite rarement
a- Population des centres de détention (CD), maisons centrales (MC) et quartiers CD ou MC des
centres pénitentiaires : 16 869 personnes détenues pour 18 018 places opérationnelles, soit 1 149
places inoccupées (6,5 % de ce parc).
b- Population des Centres de semi-liberté (CSL) autonomes : 385 personnes détenues pour 638
places, soit 253 places inoccupées (40 % de ce parc)
c- Population des maisons d‘arrêts (MA) et CSL non autonomes et des quartiers MA des centres
pénitentiaire : 39 341personnes détenues pour 32 473 places. Il manque donc 6 868 places (soit 21 %
du parc existant).
On y recense 20 228 prévenues et … 19 113 condamnés. Ainsi, il y a pratiquement autant de
condamnés que de prévenus dans les maisons d’arrêt1.
Dit d’une autre manière, il y a 6 868 condamnés de trop en maison d ‘arrêt.
Attention : ce raisonnement devrait être affiné en prenant en compte séparément chaque
établissement (il existe des maisons d’arrêt avec une densité inférieure à 100 : Mont de Marsan, Pau,
Châlons-en-Champagne, Nevers, Arras, Aurillac, Ajaccio, Versailles, etc.)
On a pu lire, dans un essai récent, que l’on trouvait, en maison d‘arrêt, le 1/3 des détenus. En fait la proportion
est d’environ 70 % ! 1/3 c’est, en gros, la proportion de prévenus dans l’ensemble de la population carcérale.
Que de confusion dans les esprits !
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II. - Rapport Mermaz (L), Floch (J), Rapport fait au nom de la commission
d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Tome I, Rapport, Tome II, Auditions
Assemblée nationale, n°2521, 28 juin 2000.
« Instaurer un numerus clausus » / Chapitre V. C. p. 277 et suivantes.
« La proposition d'instaurer un numerus clausus fixant un nombre maximum de personnes
incarcérées implique une révolution complète de la gestion de l'administration pénitentiaire ; il s'agit
de ne plus considérer la capacité des établissements pénitentiaires comme infiniment adaptable et
ajustable mais de l'imposer, au contraire, comme une constante invariable.
Cette proposition n'a pas recueilli l'unanimité de la commission, le groupe RPR ayant fait connaître
son opposition sur cette question.
Il est vrai qu'elle exige ainsi un bouleversement de la pratique des magistrats, qui devront désormais
intégrer, non plus uniquement les considérations sur le crime ou le délit, mais également les données
sur les capacités pénitentiaires.
Le taux d'incarcération est actuellement de 84,2 détenus pour 100 000 habitants (en métropole
seule) ; il était en 1975 de 50 pour 100 000. Il faut s'interroger sur ce que signifient ces chiffres ;
l'inflation carcérale est-elle la traduction de résultats probants en matière de lutte contre la criminalité
? les exemples étrangers démontrent si besoin était que toujours plus de prison ne dissuade pas le
criminel : le taux d'incarcération constaté aux États-Unis, de l'ordre de 2 millions de détenus n'a pas
ainsi contribué à juguler la violence de la société américaine (rappelons, comme repère, que le taux
d'incarcération américain appliqué en France conduirait au chiffre de 400 000 détenus dans les
prisons françaises) ; à l'inverse, la baisse sans précédent de la population pénale en Allemagne n'a pas
eu pour conséquence une recrudescence de la criminalité.
L'inflation carcérale ne doit plus être envisagée comme une fatalité qui répondrait à une exigence
croissante de sécurité ; il faut faire savoir que cette logique exige toujours plus de crédits pour
accroître les capacités d'accueil des établissements, sans que son efficacité soit réellement démontrée.
Si chacun s'accorde pour dire que la surpopulation carcérale est insupportable, force est de constater
la timidité des réflexions pour faire cesser cette dynamique sans fin.
L'administration pénitentiaire se trouve ainsi contrainte de gérer les prisons par les effets des
réductions de peine, des mesures de grâce ou d'amnistie. Cette régulation n'est pas satisfaisante dans
la mesure où son automaticité nuit à l'individualisation de la peine ; les visites des établissements ont
montré que les détenus considéraient désormais ces mesures comme un véritable dû. Cette pratique
démontre de plus que l'on n'hésite pas à libérer, lorsque la pression carcérale s'en fait sentir, un
nombre important de détenus sans que soient évaluées, à aucun moment, la personnalité du détenu et
sa dangerosité (même si restent exclus des mesures de décrets de grâces les auteurs d'actes
limitativement énumérés, tels que terrorisme, trafics de stupéfiants, crimes ou délits sur un mineur de
moins de quinze ans).
Un renversement de la logique s'impose : la gestion de la population pénale ne saurait se contenter
de mesures ponctuelles, apportant un soulagement certes immédiat mais néanmoins temporaire. Il est
nécessaire de raisonner en ayant une vision globale et prospective de la population pénale.
Il faut avoir le courage de considérer que la capacité actuelle des établissements pénitentiaires
constitue une limite indépassable s'imposant aux autorités judiciaires et pénitentiaires. Il reviendra
aux magistrats la responsabilité de gérer cette limite en décidant d'incarcérer tel délinquant et, pour
incarcérer ce délinquant, d'en libérer un autre.
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Beaucoup, parmi les personnes auditionnées par la commission d'enquête se sont déclarées
favorables au numerus clausus ou ont du moins considéré qu'il s'agissait d'une piste de réflexion
intéressante.
Le premier président de la cour de cassation, Guy Canivet, répondait à la question du rapporteur sur
le numerus clausus :
« Peut-on introduire une nouvelle logique ? Je le crois. Il faudrait confronter localement les
impératifs de gestion de l'administration pénitentiaire, les considérations d'ordre public, le niveau de
la délinquance, les ressources en matière de peines de substitution et déterminer, en considération de
l'ensemble de ces facteurs, les conditions pertinentes de la décision d'emprisonnement. C'est une
approche qui n'existe pas mais qui mériterait d'être tentée. »
Monsieur Gilbert Bonnemaison qui préconisait un tel système dans son rapport a renouvelé avec
force cette proposition :
« Je vous dirai en préambule ma conviction, forte hier, plus forte encore aujourd'hui, que vider les
prisons de leur trop-plein et créer les moyens d'interdire la reproduction de celui-ci par le numerus
clausus est le seul moyen de résoudre le problème des prisons. »
La CFDT a également déclaré :
« Notre fédération, depuis sa constitution en 1982, a essayé de mettre en exergue sa volonté de voir
se réaliser le numerus clausus pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il s'agit de permettre une meilleure maîtrise des flux. » [...]
[...] « En second lieu, si le numerus clausus est inscrit dans nos revendications, c'est parce que nous
considérons que les magistrats doivent regarder véritablement la situation telle qu'elle est. »
Monsieur Jean-Louis Daumas, directeur du centre de détention de Caen, énumérant ses réflexions
sur la prison, a indiqué :
« La première piste consiste à étudier toutes les voies législatives et réglementaires qui pourraient,
dans ce pays, imposer enfin la règle du numerus clausus. »
L'OIP a également insisté sur l'intérêt du numerus clausus :
« Le second élément d'une politique réductionniste tient dans le numerus clausus, c'est-à-dire une
intolérance absolue au surencombrement des prisons. [...]
« Pratiquée aux Pays-Bas ou en Finlande, la formule fonctionne très bien. En France, ce système
présenterait beaucoup d'avantages dont celui d'instaurer une collaboration entre l'administration
pénitentiaire et les magistrats qui, pour l'heure, travaillent séparément et s'ignorent superbement. »
[...]
« Dans le cas d'un numerus clausus, des clignotants préviennent lorsqu'on approche de la cote
d'alerte d'occupation dans un établissement pénitentiaire. Dès lors, le directeur de la prison informe
les magistrats du ressort qui sont ainsi incités à recourir à des dispositifs alternatifs à la détention,
notamment au contrôle judiciaire, et qui sont invités à examiner toutes les situations en attente de
décisions concernant les détenus incarcérés : les demandes de mise en liberté, les libérations
conditionnelles, les détentions provisoires trop longues, etc.
Les magistrats gardent la maîtrise de la mise en détention, mais les directeurs de prison sont en
situation d'alerte et surtout de gérants responsables de leur établissement. Plusieurs directeurs de
prison sont favorables à ce numerus clausus et tous les instruments de sa gestion existent. »
Monsieur Robert Badinter a émis des réticences en considérant que le principe du numerus clausus
irait à l'encontre de la liberté de juger. Il est indéniable que la solution préconisée va à l'encontre de la
culture des magistrats, qui ne se sentent pas responsables de la surpopulation et peu concernés par le
problème des capacités pénitentiaires. Le réflexe actuel dominant est encore, dans ce contexte, celui
de la détention.
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Dans le système préconisé, chaque juge de la détention se verrait attribuer un nombre de places de
prison dans son arrondissement ; il lui reviendrait alors de gérer ces places en fonction de l'état de ses
enquêtes, du nombre d'affaires en cours, de leur évolution, en coopération directe avec
l'administration pénitentiaire. Il est utile de rappeler que cette gestion de la population pénale n'est ni
plus ni moins l'organisation évaluée et réfléchie d'une pratique fondée actuellement sur les grâces, les
amnisties et les réductions de peine.
Le bouleversement qu'implique un tel système est apprécié à sa juste valeur. Il faut néanmoins se
persuader qu'en matière de procédure pénale, rien n'est inéluctable : la loi sur la présomption
d'innocence a ainsi réussi à faire accepter l'idée qu'une détention provisoire ne pouvait durer
indéfiniment en fonction de l'état d'avancement de l'instruction ; que les délais d'audiencement ne
devaient plus non plus être l'obstacle toujours brandi pour justifier les délais de la détention, que
l'encellulement individuel ne devait plus être un vœux pieux éternellement ressassé pour rester à
l'état des bonnes intentions.
Il faut, pour réussir cette réforme, une véritable volonté politique. Mme la garde des sceaux, lors
de son audition par la commission d'enquête, a déclaré qu'elle n'était pas favorable au système :
« Je ne pense pas que le numerus clausus, évoqué par Julien Dray, soit une solution. Il faut, à mon
sens, avoir un programme suffisamment ambitieux mais cela demande des financements. J'en ai
indiqué le chiffre : 13 milliards pour l'encellulement individuel des détenus que nous avons
aujourd'hui, sachant que nous allons avoir une baisse mécanique de leur nombre grâce à la réforme de
la détention provisoire.
Je ne suis pas favorable au numerus clausus parce que je pense que cela pourrait générer des
inégalités extrêmement fortes sur le territoire. Dans certains établissements, parce qu'il y aurait de la
place, on mettrait les gens en prison. Puis, dans la région voisine, ce ne serait pas le cas parce qu'il n'y
aurait pas de place !
Par ailleurs, cela pourrait générer des bizarreries dans la gestion des établissements.
Enfin, j'estime qu'à partir du moment où la loi est votée par le parlement de la République et que
des décisions judiciaires fixent un certain nombre de peines, aller à l'encontre, par une décision
administrative, de la loi et de son application par les tribunaux, serait vraiment curieux. Je préfère
donc que l'on s'y prenne autrement, mais nous poursuivons le même objectif : celui du sens et de
l'individualisation de la peine et, bien entendu, lorsque les gens sont en prison, des conditions de
détention dignes. »
La réussite de cette réforme repose bien évidemment sur la conjonction de plusieurs facteurs : la
diminution de la détention provisoire, le moindre recours à l'incarcération, avec des dispositions
pénales adéquates, notamment pour les étrangers, les détenus dépendants, les cas psychiatriques ou
les toxicomanes ; l'utilisation de tout l'éventail des mesures alternatives ; la construction
d'établissements pénitentiaires permettant d'accueillir dignement les personnes incarcérées ; et
surtout, la réforme de la carte pénitentiaire associée à une refonte de la carte judiciaire.
Madame la garde des sceaux invoque les inégalités que le numerus clausus pourrait induire sur
l'ensemble du territoire ; il ne faudrait pas effectivement qu'une telle réforme conduise à des
disparités d'incarcération, selon que la région pénitentiaire dispose ou non de places. Il est donc
indispensable de mener une réflexion sur la carte pénitentiaire afin que les régions pénitentiaires
soient dotées des mêmes capacités d'accueil.
Il paraît, de plus, curieux de repousser une réforme au motif des inégalités qu'elle serait susceptible
de créer, quand on connaît les inégalités qui existent actuellement dans les conditions de détention. Il
faut savoir entre deux maux choisir le moindre.
Ajoutons qu'une telle réforme permettra de donner à la politique pénale une réelle visibilité en
incitant les magistrats et les pouvoirs publics à définir des priorités dans la sanction des crimes et
délits. Elle constituerait une puissante incitation à la mise en œuvre des réformes préconisées par
ailleurs par le rapport.
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C'est donc par un appel à une véritable réflexion sur la réforme du système pénal actuel que se
concluent ces cinq mois de commission d'enquête.
La commission a été conduite, tout au long de ce rapport, à formuler un certain nombre de
propositions, fruit des observations suscitées par les visites d'établissement et les auditions auxquelles
elle a procédé qu'il convient ici de rappeler ».
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III. – Textes du Conseil de l’Europe
A. Conseil de l’Europe, Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale,
recommandation N°R (99) 22, adoptée par le Comité des Ministres le 30 septembre 1999 et
rapport élaboré avec l’assistance d’André. Kuhn, Pierre V. Tournier et Roy Walmsley,
coll. Références juridiques, 2000, 212 pages.
Recommandation 6. - Il convient, pour éviter des niveaux de surpeuplement excessifs, de fixer, pour
les établissements pénitentiaires, une capacité maximale.
R 18. - Dans l’application de la loi, les procureurs et les juges devraient s’efforcer de tenir compter
des ressources disponibles, notamment sur le plan de la capacité carcérale. A cet égard, une attention
permanente devrait être accordée à l’évaluation systématique des incidences, sur l’évolution de la
population carcérale, des structures existantes et des politiques envisagées en matière de prononcé
des peines.
R19. – Les procureurs et les juges devraient être impliqués dans le processus de conception des
politiques pénales, par rapport au surpeuplement des prisons et à l’inflation carcérale, en vue
d’obtenir leur soutien et d’éviter les pratiques de prononcé des peines susceptibles de provoquer des
effets pervers.
B.1 Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européenne, projet de texte consolidé,
Strasbourg, le 5 juillet 2005 / PC-CP (2004) 8 rev 7,
Attention : il s’agit d’un projet et non d’un texte adopté par le Conseil de l’Europe.
Règle 1. Les personnes privées de liberté doivent être traitées dans le respect des droits de l’homme.
Règle 4. Le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de
l’homme.
Règle 5. La vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à
l’extérieur de la prison.
Règle 8. Toutes les prisons doivent faire objet d’une inspection gouvernementale régulière ainsi que
du contrôle d’une autorité indépendante.
Règle 15. -1. Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de
leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.
Règle 15- 2. La répartition doit aussi prendre en considération les exigences relatives à la poursuite
et aux enquêtes pénales, à la sécurité et à la sûreté, ainsi que la nécessité d’offrir des régimes
appropriés à tous les détenus.
Règle 15 - 3. Dans la mesure du possible les détenus doivent être consultés concernant leur
répartition initiale et concernant chaque transfèrement ultérieur d’une prison à une autre.
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Règle 16. 1. Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent satisfaire les exigences de respect de la dignité humaine et, dans la
mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de
santé et d’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l’espace
au sol, le volume d’air, l’éclairage, le chauffage et l’aération.
Règle 16 - 4. Le droit interne doit prévoir des mécanismes garantissant le respect de ces conditions
minimales, même en cas de surpeuplement carcéral.
Règle 16 - 5. Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle,
sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus.
Règle 16 - 6. Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit
être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter.
Règle 16 - 7. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints
de partager une cellule pendant la nuit.
Règle 91. Les prisons doivent être inspectées régulièrement par un organisme gouvernemental, de
manière à vérifier si elles sont gérées conformément aux normes juridiques nationales et
internationales et aux dispositions des présentes Règles.
Règle 92. - 1. Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être
contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques.
Règle 92 - 2. Ces organes de contrôle indépendants doivent être encouragés à coopérer avec les
organismes internationaux légalement habilités à visiter les prisons.
***
B2. Conseil de l’Europe, Projet de commentaire Règles pénitentiaires européenne,
Strasbourg, le 17 juin 2005 PC-CP (2004) 9 rev 6.
Attention : il s’agit d’un projet et non d’un texte adopté par le Conseil de l’Europe.
Règle 16.
Cette Règle porte sur les conditions de logement des détenus. L’évolution de la législation
européenne en matière de droits de l’homme exige un renforcement des règles à ce propos. Les
conditions de logement en général, et le surpeuplement en particulier, peuvent constituer une forme
de peine ou de traitement inhumain ou dégradant allant par conséquent à l’encontre de l’article 3 de
la CEDH. Ce fait est aujourd’hui pleinement reconnu dans un certain nombre d’arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme (voir, par exemple, l’arrêt rendu dans l’affaire Kalashnikov c.
Russie - requête n° 47095/99 – 15/07/2002). Les autorités doivent en outre tenir compte des besoins
spéciaux des détenus : maintenir en détention une personne gravement handicapée sans lui fournir
certains équipements supplémentaires peut constituer une forme de traitement inhumain ou dégradant
(voir l’affaire Price c. Royaume-Uni – requête n° 33394/96 – 10/07/2001).
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[…] La Règle 16 contient quelques éléments nouveaux. Le premier, à la Règle 16.3, vise à obliger
les gouvernements à inscrire dans le droit interne des normes spécifiques et chiffrées en ce domaine.
Ces normes doivent tenir compte à la fois des exigences générales de respect de la dignité humaine et
des considérations pratiques en matière de santé et d’hygiène. Le CPT, dans son analyse des
conditions d’hébergement et de l’espace au sol disponible dans les établissements pénitentiaires de
divers pays, a commencé à définir des valeurs minimales. Elles sont de 4 m² par détenu dans un
dortoir et de 6 m² dans une cellule. Elles doivent cependant être modulées en fonction des résultats
d’analyses plus approfondies du système pénitentiaire ; il convient notamment de prendre en compte
le temps que les détenus passent effectivement dans leur cellule. Ces valeurs minimales ne doivent
pas être considérées comme la norme. Bien que le CPT n’ait jamais établi directement de telle norme,
il semble qu’elle pourrait être de l’ordre de 9 à 10 m² par détenu. Il s’agit d’un domaine dans lequel le
CPT peut continuer à apporter des éléments utiles en s’appuyant sur le travail déjà effectué à cet
égard. Il est nécessaire de procéder à un examen détaillé des dimensions des cellules pouvant être
considérées comme acceptables pour l’hébergement d’un certain nombre de détenus (voir, par
exemple, les conclusions du CPT au sujet du nombre de détenus dans des cellules de diverses tailles
en Slovaquie ; CPT/Inf (97) 2, paragraphe 86). Le nombre d’heures que les détenus passent enfermés
dans leur cellule doit être pris en compte dans la définition des dimensions appropriées. Même dans
le cas des détenus passant une grande partie de leur temps en dehors de leur cellule, il convient de
définir clairement un espace minimum conforme au respect de la dignité humaine.
La Règle 16.4, qui exige la mise en place de stratégies nationales, inscrites dans la législation, pour
faire face au surpeuplement des établissements pénitentiaires, constitue aussi une innovation
importante.
Le fait est, même si cela est parfois difficile à admettre, que la taille de la population carcérale est
déterminée tout autant par le fonctionnement du système de justice pénal que par l’évolution du taux
de délinquance. Ce fait doit être pris en compte à la fois dans les stratégies générales en matière de
justice pénale et dans les directives spécifiques concernant les mesures à prendre lorsque les prisons
sont menacées par un niveau de surpopulation risquant d’empêcher l’application des normes
minimales exigées par la Règle 16.3. La Règle 16.4 ne précise pas par quels moyens réduire la
surpopulation carcérale. Il convient, cependant, d’attirer l’attention sur la pratique d’un certain
nombre de pays qui consiste à restreindre ou même à interrompre les nouvelles admissions lorsque le
taux d’occupation maximum est atteint et à mettre en place une liste d’attente pour l’admission des
détenus dont le maintien en liberté ne pose pas de risques de sécurité graves. Une stratégie pour faire
face à la surpopulation des prisons nécessite au moins la définition claire d’un taux maximum
d’occupation de toutes les prisons d’un site particulier. La Recommandation (99) 22 du Comité des
Ministres concernant le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale doit être prise en compte à
la fois lors du développement des stratégies globales et de la définition des règles nationales
spécifiques visant à prévenir la surpopulation.
La Règle 16.5 maintient le principe de la cellule individuelle, laquelle devient souvent une
« maison » pour les détenus de longue durée ou condamnés à perpétuité, bien que ce principe
continue à être très largement enfreint en pratique. (La Règle 96 souligne que le même principe
s’applique aux détenus non condamnés.) La non application de ce principe est parfois un moyen de
faire face au surpeuplement des prisons et ceci est inacceptable en tant que solution à long terme.
L’architecture des prisons peut également compliquer l’accueil des détenus dans des cellules
individuelles.
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Toutefois, la Règle reconnaît qu’il peut être fait exception à ce principe dans l’intérêt du détenu. Il
importe de noter que cette exception porte uniquement sur les cas dans lesquels un détenu peut
clairement bénéficier de la cohabitation avec d’autres détenus. Cette condition est soulignée par la
Règle 16.6 qui stipule que seuls des détenus reconnus aptes à cohabiter peuvent être logés ensemble.
A titre d'exemple, les non-fumeurs ne devraient pas être contraints de cohabiter avec des fumeurs. En
cas de cohabitation, il convient d’éviter le développement de toute forme de brimades, de menaces ou
de violences entre détenus en mettant en place une surveillance adéquate par le personnel
pénitentiaire. Le CPT a indiqué (11e Rapport général, paragraphe 29, CPT/Inf (2001)16) que les
dortoirs de grande taille sont fondamentalement à éviter. Ceux-ci ne présentent généralement aucun
avantage par rapport aux cellules individuelles. L’hébergement des détenus en cellules individuelles
pendant la nuit n’implique pas de restriction particulière des contacts entre détenus pendant la
journée et l’avantage de la cellule individuelle durant les heures de sommeil est donc à mettre en
rapport avec le bénéfice procuré par les contacts humains aux autres moments (voir la Règle 48.1.).
Dans la nouvelle version des Règles, la nécessité d’assurer aux détenus des conditions
d’hébergement adéquates est soulignée par le fait que cette question est traitée conjointement avec
celle de la répartition des détenus. Les règles à ce propos ont été renforcées en indiquant clairement
et simplement les diverses catégories de détenus qui doivent être séparées les unes des autres.
La Règle 16.8.c de séparation des détenus jeunes des détenus plus âgés doit être lue conjointement
avec la Règle 10 qui exige qu’aucun mineur de moins de 18 ans ne soit détenu dans une prison pour
adultes. La séparation des jeunes détenus des détenus adultes est conforme à la norme impérative du
droit international, énoncée à l’article 37.3.c de la Convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant, sur la séparation des enfants et des adultes (est considéré comme enfant dans ce contexte
tout individu de moins de 18 ans). La Règle 16.8.c vise aussi à permettre la séparation des jeunes
détenus, parfois appelés jeunes adultes, qui ont plus de 18 ans mais ne sont pas encore prêts à
l’intégration avec les détenus adultes, conformément à la définition plus souple des mineurs contenue
dans l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour
les mineurs.
On admet aujourd’hui que la séparation entre les diverses catégories de détenus mentionnées dans
la Règle 16.8 ne doit pas toujours être comprise de façon stricte. Ce type de séparation, cependant, a
été introduit afin de protéger les détenus potentiellement plus faibles, qui demeurent vulnérables à
certains mauvais traitements. La Règle 16.9 permet de déroger à l’exigence de séparation stricte mais
seulement lorsque les détenus y consentent. Cette dérogation, en outre, doit s’inscrire dans le cadre
d’une politique délibérée des autorités pénitentiaires conçue dans l’intérêt des détenus ; elle ne peut
être envisagée comme un moyen de résoudre un problème pratique comme celui du surpeuplement.
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IV. - Usages barbares ?
Contribution de Liliane CHENAIN
[email protected])
« La pensée, le concept du droit se fit tout d’un coup valoir et le vieil édifice d’iniquité ne put lui
résister […]. Depuis que le soleil se trouve au firmament et que les planètes tournent autour de lui, on
n’avait pas vu l’homme se placer la tête en bas, c’est à dire se fonder sur l’idée et construire d’après
elle la réalité […]. C’était donc là un superbe lever de soleil. » Hegel.
La question du numerus clausus c’est avant tout la réaffirmation d’un principe de droit, comme le
stipule le Code de Procédure Pénale, à l’emprisonnement individuel (art.719-D.83.D.4) . Mais c’est
aussi et peut-être surtout, celui clairement établi par l’article 5 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme de 1948, repris par l’article 3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des
Droits de L’homme et des Libertés Fondamentales de 1950 : « Nul ne peut être soumis à la torture, ni
à des peines ou traitement inhumains ou dégradants ».
C’est pourtant bien ce qui se passe en France, principalement dans bon nombre des 115 maisons
d’arrêt françaises, lesquelles sont chargées de « garder » les 34 % des 58 033 personnes détenues en
France au 1er août 2005, soit 19 731 personnes. Sans oublier les personnes condamnées, lesquelles
constituent dans les maisons d’arrêt une partie presque équivalente à celle des personnes prévenues
(voir à cet égard les chiffres donnés par Pierre V. Tournier).
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes, (voir ceux donnés par Pierre V. Tournier dans ICH du 28 août
dernier) : au 1er août 2005, la densité carcérale est de 114 personnes détenues pour 100 places et
c’est ainsi que certaines maisons d’arrêt ont des taux d’occupation qui dépassent l’imagination :
maison d’arrêt de Lyon Montluc (265 détenus pour 100 places, maison d’arrêt du Mans 214 pour
100, de la Roche sur Yon (212 pour 100), de Béziers (227 pour 100 ) …
Si nous abandonnons les chiffres à leur sécheresse, la surpopulation carcérale signifie plus
concrètement pour les personnes détenues, une promiscuité excessive et imposée qui
entraîne
l’absence totale d’intimité et des tensions morales et psychologiques permanentes liées au manque
d’espace, au bruit, aux crises d‘insomnies des uns et des autres et aux pulsions incontrôlées, sans
parler de toutes les violences que cela provoque. Le calme relatif qui semble régner dans les
établissements pénitentiaires n’est dû qu’à l’usage immodéré de la camisole chimique, c’est à dire à
la consommation excessive de médicaments que les détenus les plus fragiles absorbent par désespoir,
en attendant des jours meilleurs. A défaut de pouvoir s’isoler, le recours aux drogues constitue une
méthode de survie. La télévision, quant à elle, demeure la camisole privilégiée, cette fois cathodique,
pour éviter de penser à sa vie, à celle d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Avec une telle
surpopulation, on nous expliquera comment les établissements pénitentiaires peuvent respecter le
droit au travail, au sport, aux activités éducatives et culturelles ? Les listes d’attente ne cessent de
s’allonger et certaines personnes détenues préfèrent créer des incidents pour pouvoir «jouir » du
calme du quartier disciplinaire. Enfin que dire de la situation des parloirs pour les familles épuisées
par les difficultés de prise de rendez-vous … ?
Cette situation est d’autant plus paradoxale lorsqu’elle concerne en majorité des prévenus, c’est à
dire des personnes n’ayant pas été encore jugées.
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Compte tenu de la situation, il n’y a plus qu’à espérer être libéré rapidement, bien évidemment ou
condamné sans trop attendre, à plus d’un an si possible, pour pouvoir bénéficier de conditions de
détention acceptables. On se souviendra que dans les établissements pour peine, les détenus sont
seuls en cellule.
Au XVIIIème siècle, Beccaria écrivait : « Il existe en France un usage barbare de punir les
coupables, lors même qu’ils ne sont pas encore déclarés ». Il semble de fait que les choses n’aient
guère changé….
Mais comment instaurer un numerus clausus ?
L’instauration d’un numerus clausus n’est sans doute pas aisée tant au regard des pratiques
professionnelles judiciaires, qu’au regard des dispositifs à créer. On peut toutefois penser qu’il peut
exister un numerus clausus tacite quand un magistrat s’inquiète des places disponibles dans
l’établissement de son ressort, notamment en province.
Quoi qu’il en soit, seule une volonté politique affirmée peut s’attacher à résoudre les problèmes liés
à une question si complexe et difficile.
Le numerus clausus, une partie immergée d’un grand débat
Un détenu, une cellule et la construction de places de prison supplémentaires ne sauraient
constituer des solutions satisfaisantes. La course arithmétique entre l’augmentation du nombre des
personnes incarcérées et le nombre de places est illusoire et sans fin. Malgré une logique apparente
simpliste, elle ne fait qu’évacuer la véritable question qui est de savoir : A quoi sert la prison ?
Le rôle des militants associatifs doit être d’informer et de convaincre leurs concitoyens que
l’incarcération et la longueur des peines causent plus de dommages qu’elles ne renforcent la sécurité
publique. Faute de réponses précises à apporter aux grands problèmes de société qui sont les nôtres,
nouvelle répartition du travail, inégalités et chômage, mondialisation, brouillage des codes et des
repères… on voit se développer des politiques sécuritaires répressives qui n’ont d’autres buts que de
détourner l’attention publique des véritables questions. Défendre l’idée d’un numerus clausus qui a
toute sa légitimité, c’est permettre quoi qu’il advienne, un nouveau débat sur la prison, ses fonctions
et le sens de la peine qui ne peut surgir et s’élaborer que dans le respect de la dignité.
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V. – Responsabiliser les acteurs
Contribution de Sylvie STANKOFF
[email protected]
Quelques éléments de réflexion suite à la réunion du 25 juin 2005 qui s’est tenue à l’Estran.
1. - L’idée d’un numerus clausus se défend parfaitement du point de vue du respect de la personne
(dignité et intimité) mais également du point de vue de l’efficacité de la peine (limitation du caïdat,
contexte plus propice à une prise en charge individuelle en vue d’une réflexion sur l’acte et d’une
préparation à la sortie). En revanche, elle est plus difficile à admettre du point de vue des politiques
publiques, si les contraintes matérielles devenaient le critère déterminant des politiques pénales.
2. - Les modalités pratiques sont assez difficiles à imaginer notamment en l’absence de toute
expérience européenne. Quelques questions :
Une contrainte en terme de prononcé ou de mise à exécution des décisions ?
Une contrainte absolue en terme de décision apparaît difficilement acceptable, le choix de la
réponse pénale se faisant avant tout au regard des circonstances de l’affaire et de la personnalité de
l’intéressé et aucune marge de manoeuvre n’existant pour certaines décisions. En revanche, il serait
intéressant d’inciter les magistrats avant le prononcé de leurs décisions à prendre en considération les
modalités d’exécution et notamment la capacité d’accueil des établissements. C’est la façon de
fonctionner des juges des enfants qui avant de prononcer un placement recherchent l’établissement
d’accueil.
Une contrainte en terme de mise à exécution des décisions est envisageable, l’exécution des peines
prononcées sans mandat de dépôt ou sans maintien en détention pouvant être différées. Cela
concernerait donc avant tout les courtes et moyennes peines d’emprisonnement qui d’ailleurs
actuellement ne sont pas toujours ramenées à exécution compte tenu du retard existant dans certaines
juridictions et de l’effet des décrets de grâce. La limite de cette solution est de ne pas avoir d’impact
direct sur la détention provisoire (sauf si une concertation se mettait en place au sein des juridictions
sur le nombre de places réservées à la détention provisoire et sur le nombre de places réservées à
l’exécution) et pourrait avoir pour effet pervers d’allonger excessivement les délais de mise à
exécution (déjà très longs dans certaines juridictions). Un délai maximum de mise à exécution au delà
duquel la décision ne serait pas mise à exécution ou serait automatiquement convertie devrait-il alors
être envisagé?
Quel nombre de places ?
Pour que le numerus clausus ait un véritable impact sur les pratiques et éviter une inflation des
places carcérales, un débat de fond devrait s’engager sur la pertinence de la prison dans un certain
nombre de situations (stupéfiants, étrangers, durée des peines en matière de délinquance sexuelle,
petite et moyenne délinquance, détention provisoire...) et sur les alternatives pouvant exister. Mais
cela posera nécessairement la question des moyens du milieu ouvert, celui-ci souffrant d’un manque
de crédibilité compte tenu du nombre de mesures prononcées et du suivi qui apparaît insuffisant dans
un grand nombre de situations.
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Cette situation poserait d’ailleurs également la question d’un numerus clausus en milieu ouvert qui
apparaît tout aussi légitime en terme de recherche d’efficacité de la mesure. Cela aurait pour intérêt
d’officialiser une situation de fait mais qui n’est pas assumée actuellement sur le plan politique.
Théoriquement la question du nombre de place devrait être précédée d’un état des lieux au niveau
local et régional (le numerus clausus ne devant pas remettre en cause le maintien des liens familiaux)
pour analyser l’état de la délinquance au niveau territorial, les réponses souhaitables en terme
judiciaire et les capacités de réponse. Actuellement, cette lisibilité n’existe pas et fait obstacle à la
définition d’une politique pénale pertinente et à tout début d’évaluation. Dans une perspective de
réponse à tout, on arrive à un système totalement engorgé, ineffectif en grande partie et très
insatisfaisant.
L’intérêt d’une telle démarche serait de responsabiliser les acteurs dans l’évaluation de leur
activité, de mettre en évidence le décalage entre les objectifs et les moyens et de poser clairement la
question des moyens que notre société veut mettre en place dans le fonctionnement de la justice et le
cas échéant les choix à effectuer.
- quelle force juridique à la règle posée et quelle sanction en cas d’inexécution ? Evidemment de
cette question, dépendra l’effectivité de son application.
3. - Dans une optique intelligente mais très optimiste (surtout dans le contexte actuel), le numerus
clausus pourrait avoir pour effet d’engager une véritable réflexion sur la justice pénale et de
repositionner la réponse pénale parmi l’ensemble des réponses sociales et de renforcer son sens. Dans
une optique moins ambitieuse, elle pourrait avoir pour effet de poser une limite au système carcéral à
condition d’admettre que la solution n’est pas la création de nouvelles places mais également pour
effet pervers d’accentuer les difficultés actuelles de fonctionnement et la “crise de sens” de notre
système.
La réflexion est à poursuivre ...
Bobigny, le 18 août 2005.
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VI. – Expérience du Parquet
Contribution d’Olivier GUERIN
[email protected]
A titre de contribution, voici ce que j’écrivais il y a plus de 11 ans, lorsque j’étais procureur à Lille,
au sujet de la maison d’arrêt de Loos. Le problème de la surpopulation est sans doute un angle
d’approche limité des problèmes pénitentiaires, mais il ne doit pas être négligé.
La surpopulation encore relativement tolérée risque de devenir rapidement insupportable, tant en
raison des difficultés de la vie en détention, que de l'approche des beaux jours... On peut craindre
d'ailleurs que les revendications des surveillants se conjuguent avec celles des détenus.
Aussi pour ne pas avoir à subir un mouvement grave, une mutinerie, me paraît-il nécessaire
d'examiner les mesures qui peuvent être prises.
Il ne paraît pas possible d'attendre, encore plusieurs mois, les grâces du 14 juillet qui deviennent un
mode de gestion habituel des effectifs de la détention ; leur portée est restée d'ailleurs limitée en
1993, les effectifs ayant diminué beaucoup moins qu'en 1992.
Sauf à adopter, au parquet, une politique criminelle très différente dans certains domaines (...).
Les libérations anticipées décidées dans le cadre légal peuvent difficilement être encore
augmentées.
C'est dans ces conditions que je me vois contraint de proposer un "numerus clausus", le nombre de
détenus de la maison d'arrêt ne pouvant être accru sans limite. Le nombre de détenus "acceptable"
devrait être fixé avec l'administration pénitentiaire, il devrait s'établir autour de 1050/1100 détenus,
ce qui représente un taux d'occupation de 200 % par rapport à la capacité théorique de
l'établissement.
Il me paraît difficile d'intervenir de manière plus contraignante pour limiter les entrées, et l'opinion
publique, comme la plupart des magistrats, comprendrait mal que des mandats de dépôt ne soient pas
mis à exécution du fait de l'insuffisance des places en détention. Aussi, faute de pouvoir agir sur les
entrées, il conviendrait d'intervenir sur les sorties, pour libérer des places pour les entrants.
Si le JAP y consentait, ce qui n'est pas sûr, ces sorties avant terme pourraient trouver un habillage
juridique dans des décisions de suspension ou de fractionnement de peine, le reliquat de peine n'étant
pas mis à exécution. Mais elles pourraient éventuellement résulter d'une décision du parquet
interrompant la peine en demandant le retour d'extraits mis à exécution.
Il ne saurait s'agir d'une gestion trop rigide : la situation devrait être régulièrement examinée, au
moins une fois par semaine ; les critères de sortie devraient être déterminés avec attention, selon la
peine restant à subir, la nature des infractions. S'agissant de condamnés en maison d'arrêt, ne seraient
concernés que des condamnés à d'assez courtes peines d'emprisonnement, avec des risques limités, et
habituels, quant à la récidive à la sortie.
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Une telle proposition risque, bien sûr, de heurter et elle ne constitue qu'un expédient face à une
situation très préoccupante. Il convient cependant de rappeler que cette procédure est appliquée, et
acceptée, dans des pays proches. Un numerus clausus existe aussi en France, de fait, dans les
établissements pour peines qui ne sont jamais remplis au-delà de leur capacité théorique.
La gestion de la surpopulation pénitentiaire est par ailleurs une préoccupation de l'administration
pénitentiaire, et le décret de grâces, maintenant annuel a comme objectif principal la diminution du
nombre de détenus, il en est aussi, en partie, de même de la loi d'amnistie. Mais il n'est pas toujours
possible d'attendre un anniversaire, ou une loi tous les sept ans.
Compte tenu de la situation à laquelle je suis confronté, des risques, qui me paraissent importants,
de mouvements graves à la maison d'arrêt, c'est la proposition qu'il me paraît nécessaire de vous faire.
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VII . - En prison comme en milieu ouvert
Contribution de Jean-Louis DAUMAS
[email protected]
Le numerus clausus ! On en parle depuis 20 ans…
Directeur de la Maison d’arrêt de Loos il y a (déjà) quelques années, je gérais régulièrement avec
l’aide d’Olivier Guérin, Procureur de la République de Lille et d’autres autorités judiciaires les
conséquences désastreuses du surencombrement chronique qui entraînait agressions, suicides,
oisiveté, conditions de travail pénibles. Alors que 1 200 détenus, en avril 1995 s’entassaient dans
un établissement de 575 places théoriques, nous étions quelques professionnels de la justice à
marteler : « une cellule, une place, une personne.
Aujourd’hui, je pense qu’il faut évidemment élargir le propos et ne pas oublier que le milieu ouvert
prend en charge à peu près deux fois plus de personnes que le milieu fermé et que les travailleurs
sociaux ont, en moyenne, 120 personnes placées sous main de justice à accompagner.
Les récents (incessants ?) débats sur la « récidive » et l’efficience désormais régulièrement mise en
cause du travail effectué hors les murs imposent que la question du numerus clausus soit traitée
globalement : ce sont les normes, les capacités des services mandatés par l’autorité judiciaire qu’il
convient de revoir. Il faut définir les moyens que l’administration donne, dans chaque arrondissement
judiciaire, aux magistrats du siège et du parquet qui ont le pouvoir de décider ou requérir des mesures
privatives ou restrictives de liberté dans leur ensemble : en prison, en milieu ouvert, sous surveillance
électronique.
Réduire la question de l’élaboration d’un numerus clausus au milieu fermé serait une grave erreur :
elle ouvrirait, d’une part, le champ de la critique à celles et ceux qui nous feraient le reproche
démagogique d’être uniquement animés par le souci d’éviter la sanction (comme si l’enfermement
était la seule sanction possible…) et d’autre part, elle renoncerait à traiter cette question pour les
travailleurs sociaux en milieu ouvert et… il faudrait tôt ou tard y revenir.
Il faut donc traiter la question des capacités, d’autant que pour d’autres raisons tout à fait
différentes (la mise en ouvre de la LOLF dans tous les départements ministériels à compter de
l’année 2006), l’Etat va devoir désormais organiser son activité, y compris lorsque celle-ci découle
d’une décision judiciaire, en la maîtrisant mieux.
Les professionnels (magistrats et fonctionnaires) doivent donc bâtir des outils sociodémographiques pour déterminer, d’abord un référentiel ET des capacités par service (prison, spip) et
ensuite une méthode pour ADAPTER périodiquement ces capacités, par exemple, annuellement, en
dialogue de gestion, dans le cadre de la préparation de la Loi de Finances.
Il faut que dans chaque Cour d’appel, chaque Tribunal de Grande Instance, l’administration soit en
capacité de dire aux magistrats : « pour votre activité, dans votre arrondissement vous disposez de X
places à la Maison d’arrêt, de X placements simultanés sous surveillance électronique, de X
placements sous main de justice (contrôle judiciaire, TIG, réparation, etc.) »
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Une fois ces normes établies, définies (c’est compliqué !), sur la base, bien évidemment non
seulement de l’activité judiciaire mais aussi de la connaissance du territoire concerné, de sa
population, il faut imaginer un dispositif de pilotage, de régulation qui ne soit pas une énième
instance du style « usine à gaz » ou chacun campe dans une posture corporatiste (ça vaut pour tout le
monde…)
On pourrait imaginer un dispositif léger qui regroupe bien sûr les chefs de juridiction avec leurs
« spécialistes » du pénal : substitut chargé du service pénal, VP instruction mais aussi leurs
homologues pour les mineurs, le directeur régional de l’AP et celui de la PJJ (ou leurs
représentants) ; ce groupe serait régulièrement informé des tableaux de bord présentant les effectifs
dans les différentes catégories (en détention provisoire, condamnés à une peine inférieure à un an,
condamnés à un TIG, placés sous PSE, sous contrôle judiciaire, etc.) et imaginer qu’il disposerait
d’un « pouvoir de régulation » en jouant sur les fluctuations des capacités entre elles : s’il y a des
places disponibles en milieu ouvert, il faut peut-être éviter trop d’écrous sur la maison d’arrêt voisine
ou à l’inverse, si l’effectif est bas, peut-être convient-il de mettre à exécution des extraits de
jugements non aménageables, etc.
Il va de soi que ce système, pour fonctionner, doit avoir, un caractère contraignant : la régulation
d’abord incitative doit hélas aboutir, si elle ne produit pas les effets « d’équilibre » attendus, à
l’obligation pour un magistrat de transformer la décision qu’il aura prise initialement.
Je pense que le plus difficile n’est pas de calculer les capacités de prise en charge du milieu ouvert,
du milieu fermé et du placement sous surveillance électronique mais bien d’imaginer la procédure de
régulation entre les trois : nombreux seront les magistrats qui n’accepteront pas qu’en raison d’une
capacité saturée, leur décision soit transformée….
Il faudrait d’ailleurs convenir que cette régulation puisse éventuellement jouer dans les deux sens et
qu’en l’absence de place disponible en milieu ouvert et sous PSE, l’auteur d’une infraction pénale
suffisamment grave pour voir sa liberté diminuée soit finalement privé de celle-ci, si…des places sont
disponibles à la maison d’arrêt du secteur… Serons-nous tous d’accord pour envisager cette
hypothèse ? !
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VIII. – Faut-il libérer Barabbas ?
Contribution de Godefroy du MESNIL du BUISSON
[email protected]
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le numerus clausus existe déjà en France : -dans les
établissements pour peine : tous les praticiens savent bien que l’on ne trouve aucune surpopulation
dans ces établissements et même, dans certains, une (relative) sous-population carcérale (ce qui
apparaît tout à fait choquant à une époque de surpopulation générale) ;
-en matière de peines d’emprisonnement s’exécutant hors les murs : dans bien des établissements,
le chef d’établissement a décidé du nombre de places de semi-liberté, ce qui limite drastiquement le
nombre de condamnés pouvant en bénéficier (ce qui est régulièrement contesté par les juges de
l’application des peines qui néanmoins, pour la plupart, s’y conforment) ; de même, en matière de
placement à l’extérieur sans surveillance continue, la capacité d’accueil des détenus est également
limitée par les possibilités financières des rares associations qui participent à ce dispositif
(conséquence de la faiblesse des subventionnements, l’administration n’ayant pas décidé de fixer un
prix pour cette mesure lié au prononcé de la décision par le juge de l’application des peines - à la
différence de ce qui existe dans des domaines aussi différentes que le contrôle judiciaire, les enquêtes
sociales, ou le placement de mineurs en foyer,... ce qui aurait considérablement favorisé l’essor du
placement à l’extérieur).
Le numerus clausus existe donc déjà; mais il bénéficie à une minorité de “privilégiés” (les
personnes les plus lourdement condamnées qui ont pu “avoir une place”, les semi-libres ou placés à
l’extérieur qui ont pu être affectés “parce qu’il y avait de la place”...), et il est un échec en ce qu’il
bloque totalement les affectations en établissement pour peine et les alternatives à la détention,
contribuant d’autant à la surpopulation dans les maisons d’arrêt.
Néanmoins l’indignité de la surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt, qui induit une
promiscuité extrêmement criminogène, justifie la mise en place d’une régulation efficace qui puisse
mettre fin à la réalité d’une prison sordide qui essaie péniblement de protéger le mythe que “mettre
des délinquants ensemble sans autre programme” pourrait être un moyen satisfaisant de répondre à la
délinquance dans notre pays.
Il apparaît dès lors nécessaire de s’interroger sur les modalités de cette régulation, en vue d’une
juste occupation des établissements pénitentiaires afin que puisse être défini par les professionnels un
“plan d’occupation des sanctions carcérales” (“p.o.s.c.” !). Mais ne faut-il pas d’abord préciser ce que
l’on entend par numerus clausus ?
Peut-être y a-t-il, derrière les discours, deux numerus clausus envisageables ?...
1- Un numerus clausus imposé par l’administration qui, en hôtelier soucieux du bien-être de ses
“clients” et de son personnel, afficherait “complet” en l’opposant à tous les décideurs de
l’incarcération : juges des libertés et de la détention, juges correctionnels, juges de l’application des
peines, procureurs de la République, magistrats et jurés de la cour d’assises, juges des enfants...,
arrêtant un numerus clausus dont la radicalité permettrait au moins de faire réagir les magistrats mais
qui entraînerait aussi des réactions de précipitation et donc contestables “dès que la saturation est
atteinte, cherchons en urgence qui libérer !...”, puisque rejoignant finalement le traitement de masse
des décrets de grâces collectives si critiqués;
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2- Un numerus clausus géré par les décideurs en matière d’incarcération (seul moyen de
responsabiliser effectivement les magistrats), en étroit partenariat avec l’administration pénitentiaire,
qui permettrait une triple prise en compte :
- qu’un volant de places conséquent soit toujours immédiatement disponible pour les incarcérations
immédiates (ordonnances du juge des libertés et de la détention, jugements du tribunal correctionnel
prononçant un mandat de dépôt à l’audience, jugements du juge de l’application des peines...);
- que les autres places disponibles, à court et à moyen terme, soient visibles en temps réel (selon des
indicateurs consultables en ligne sur l’intranet par les magistrats habilités) pour clarifier les
incarcérations pour exécution de peine, qu’elles fassent ou non l’objet d’une mesure d’aménagement
de la peine, afin de mettre en place un calendrier des incarcérations;
- que le rapport entre les entrants et les non sortants soit périodiquement évalué par les praticiens
judiciaires et pénitentiaires pour éviter (tentation d’un numerus clausus imposé sans réflexion) que
certains détenus restent trop longtemps en détention au détriment d’autres condamnés “qui n’ont pas
la chance d’avoir une place” (!), au risque de développer la récidive des libres en prolongeant la
désinsertion des détenus : les juges de l’application des peines vérifient périodiquement que moult
condamnations ont été bien souvent précédées de peines inexécutées - si bien que l’économie des
délits postérieurs aurait pu être faite. Il apparaît indispensable que soit provoquée la réflexion
concrète des praticiens sur une régulation carcérale qui satisfasse tant les objectifs judiciaires que les
équilibres pénitentiaires, avec une évaluation trimestrielle et un bilan annuel rendant compte de
l’exécution des peines sur l’année civile;
Sous la pression du peuple, du politique ou du chiffre, faut-il libérer Barabbas ? Certainement pas.
Mais réfléchir davantage aux peines qui doivent être abrégées et à quelles conditions et donc, en
conséquence, s’interroger sur le contenu de la peine susceptible de lui donner sens (en envisageant de
mettre fin à ce vague gardiennage abscons que constituent souvent la plupart des peines
d’emprisonnement).
Pour éviter de mettre en oeuvre trop vite des “Entrée interdite” et des “Sortie obligatoire”, ne
devrait-on pas prendre l’habitude d’évaluer le déroulement des peines (quantitativement et, dans
toute la mesure du possible, qualitativement), sans négliger leur son contenu explicite, quitte à
envisager que la question de l’évolution judiciaire - sinon administrative - de la peine soit au moins
systématiquement posée au tiers de celle-ci ?
L’avantage du numerus clausus est d’instaurer une vraie réflexion des décideurs judiciaires sur les
flux carcéraux dans la mise en oeuvre des décisions de justice, et, en résumé, de respecter au moins
un principe de cohérence : assurer l’effectivité de la mise à exécution des peines même si leur durée
doit être abrégée. Non que leur durée soit indifférente, bien évidemment. Mais en termes de priorité,
l’instauration d’un numerus clausus ne doit aucunement nuire au principe de la mise en oeuvre des
peines prononcées par les juridictions. La certitude de la peine importe plus que sa durée nous disait
le Traité des délits et des peines il y a plus de deux siècles.
Lors de la réflexion sur le numerus clausus, n’oublions pas Beccaria.
7 sept. 2005 à PAPEETE (8 sept. 2005 à PARIS).
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IX. – Trop, c’est trop
Contribution de Bernard BOLZE
[email protected]
Code de procédure pénale
Art. 719 - Les condamnés sont soumis dans les « maisons d’arrêt » à l’emprisonnement individuel de
jour et de nuit, et dans les « établissements pour peines », à l’isolement de nuit seulement, après
avoir subi éventuellement une période d’observation en cellule.
Il ne peut être dérogé à ce principe qu’en raison de la distribution intérieure des locaux de détention
ou de leur encombrement temporaire ou des nécessités d’organisation du travail.
Art. D. 83 - Le régime appliqué dans les maisons d’arrêt est celui de l’emprisonnement individuel de
jour et de nuit dans toute la mesure ou la distribution des lieu le permet et sauf contre-indication
médicale.
Art. D 84 - Dans les maisons d’arrêt cellulaires, ou dans les quartiers cellulaires de ces
établissements, il ne peut être dérogé à l’emprisonnement individuel qu’à titre temporaire, en raison
de leur encombrement ou, pendant la journée, en raison des nécessités de l’organisation du travail.
La notion de numerus clausus en matière de détention suggère un strict respect du code de procédure
pénale : chaque personne doit être détenue dans une cellule individuelle. La campagne en faveur du
numerus clausus en prison aura pour objectif que cette disposition soit inscrite, sans dérogation
possible, dans la loi.
Le bénéfice attendu
- améliorer de façon significative les conditions de détention si l’on considère qu’un nombre
important des difficultés rencontrées par les personnels de surveillance et par les personnes détenues
trouvent leur origine dans l’encombrement de certains établissements.
Les moyens proposés :
- limiter la durée de l’incarcération en obligeant à la mise en œuvre des mesures prévues par les
textes (demandes de mise en liberté, libérations conditionnelles, détentions provisoires trop longues,
peines de substitution, etc. )
- autoriser la libération anticipée d’un détenu en fin de peine pour permettre la mise en détention d’un
nouvel arrivant.
Campagne nationale en faveur du numerus clausus en prison : Automne 2005- été 2007
Après plusieurs travaux aux côtés d’associations préoccupées par les droits de la personne, je
m’apprête à soumettre à celles qui le souhaitent un projet de campagne nationale en faveur du
numerus clausus en prison.
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La notion de numerus clausus en matière de détention suggère un strict respect du code de procédure
pénale qui prévoit que chaque détenu doit avoir accès à une cellule individuelle. Cette disposition
inscrite, sans dérogation possible, dans la loi aura un double avantage :
- elle limitera la durée de l’incarcération en obligeant à la mise en œuvre des mesures prévues par les
textes (demandes de mise en liberté, libérations conditionnelles, détentions provisoires trop longues,
peines de substitution, libérations anticipées, etc.)
- elle améliorera de façon significative les conditions de détention si l’on considère qu’un nombre
important des difficultés rencontrées par les personnes détenues et par les personnels de surveillance
trouvent leur origine dans l’encombrement des maisons d’arrêt.
L’expérience de la création de l’Observatoire international des prisons (1990) et, parmi d’autres, de
la conduite de la Campagne nationale contre la double peine (septembre 2001- juillet 2003) m’ont
amené à travailler avec les principales organisations françaises préoccupées par les droits de la
personne.
Les étapes de la Campagne nationale en faveur du numerus clausus en prison :
Juin 2005- novembre 2005 : les travaux préparatoires
1. Un séminaire sur la question du numerus clausus, organisé par le Club « DES MAINTENANT,
animé par Pierre Victor Tournier, a réuni une quarantaine de personnes, samedi 25 juin 2005 à Paris.
Il est suivi, samedi 10 septembre, d’une deuxième rencontre destinée à la compréhension du
mécanisme et à préciser les termes de la plateforme qui sera soumise aux structures et aux personnes
désireuses de s’associer à la campagne.
2. Désignation d’un comité de pilotage de la Campagne, provisoirement issu du premier séminaire.
3. Création d’un site Internet dédié à la Campagne. (deux modes d’entrée suggérés : a. les acteurs ;
les objectifs ; les arguments ; les actions ; l’agenda ; les outils / b. La Campagne ; le numerus
clausus ; l’actualité ; agissez ; récits ; lois ; ressources documentaires ; liens ; contacter la Campagne)
- détermination des actions qui ponctueront la Campagne (premières suggestions : 1. le lancement ; 2.
Les actions urgentes ; 3 Le secteur associatif se mobilise ; 4. Un colloque national ; 5. Le public
répond à l’appel ; 6. Des personnalités s’engagent ; 7 La culture au service de la Campagne ; 8 Les
candidats aux élections présidentielles sont interpellés ; Grand meeting à Paris)
4. Donner un nom à la Campagne (suggestion : « Trop, c’est trop ») et création graphique du matériel
de la Campagne (identité visuelle, affiches, tracts/flyers, plaquette et autres…)
5. Recherche de financements (budget proche de 300 000 €).
6. Donner une dimension européenne à la Campagne
Année 2006-année 2007 : la Campagne
Début décembre 2005 : le lancement
Conférence de presse à Paris de lancement de la Campagne, à l’initiative de ses premiers acteurs.
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Dimanche 18 décembre : mobilisation de compagnies des arts du cirque et de la rue
Réunion à Lyon de responsables en France de compagnies à l’occasion de la création du spectacle
Tangentes aux Subsistances par la Cie Les mains, les pieds et la tête aussi. 13h : accueil et
restauration ; 15h : breefing par les animateurs de la Campagne ; 17h : spectacle ; 19h : soirée festive
avec Akosh, compagnon de route du groupe Noir Désir, auteur de la musique du spectacle et un DJ
de Sarajevo invité)
Samedi 14 janvier 2006 : le colloque national
Colloque national en faveur d’un numerus clausus en prison à l’Hôtel de Ville de Lyon. (réunion de
200 personnes environ / responsables et militants associatifs, parlementaires, élus locaux, avocats,
magistrats, syndicalistes…). La vocation éthique et scientifique de la rencontre sera entièrement
tournée vers l’action.
Publication à cette occasion, dans un quotidien national, d’une tribune en faveur du numerus clausus,
cosignée par Gérard Collomb, sénateur maire de Lyon et par d’autres élus d’autres formations
politiques.
Mise en œuvre, à leur rythme, des actions de la Campagne
a. les actions urgentes, adressées par tous les partenaires de la Campagne aux autorités et à la
presse selon les informations recueillies, informeront des difficultés souvent gravissimes
rencontrées par les personnes détenues dans les cellules surpeuplées.
b. La mobilisation du secteur associatif sera signifiée par le nombre des structures en tous
genres (éducatives, sociales, culturelles, syndicales, politiques, de solidarité, …) qui
rejoindront la plateforme. Obligation faite aux acteurs de la Campagne d’élargir le cercle,
d’expliquer, de convaincre. Leur nom est mentionné sur le site de la Campagne.
c. Le public répond à l’appel. Les acteurs de la Campagne, impliqués dans le réseau associatif
en France, font signer massivement par des individus l’appel en faveur de l’instauration d’un
numerus clausus dans les prisons.
d. Des personnalités s’engagent. Les acteurs de la Campagne invitent le plus grand nombre de
personnalités à signer l’appel. Leur nom est mentionné sur le site de la Campagne.
e. 1. La culture au service de la Campagne. Les compagnies de cirques et des arts de la rue font
la promotion de la Campagne jusqu’à son terme à l’occasion des spectacles qu’elles
présentent.
2. Un film (recherche en cours) accompagne les réunions publiques organisées dans les villes
par les acteurs locaux et nationaux de la Campagne.
f. Les candidats aux élections présidentielles sont interpellés. Un travail d’explication est
entrepris auprès de chacun(e) des candidat(e)s à l’élection présidentielle de 2007 et de leur
parti politique. Les parlementaires sont partout rencontrés par les acteurs locaux de la
Campagne.
g. Le grand meeting à Paris. Une réunion publique mêlant prises de paroles et arts du cirque
vient clore la Campagne peu avant les élections.
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X. - Par défaut de définition
Contribution de Michaël FAURE
[email protected]
Le numerus clausus c’est pas, la panacée
Mais faute de numerus clausus
La prison c’est la plaie dans la plaie
Le numerus clausus, c’est le couteau dans la plaie
C’est pas,
C’est peut-être ?
C’est peut-être assez…
Mais qui a osé jusque-là ?
Et qu’avons-nous à faire de mieux ?
C’est pas quatre personnes dans 9 m2, ni même 16, non pas personnes, mètres carrés père
Ubu.
C’est pas trois lits superposés et un matelas à même le sol.
Et quatre personnes pour meubler la cellule.
C’est profil bas pensez-vous ?
C’est donner un visage humain à la prison ?
Mais à quoi ressemble-t-elle pour l’instant ?
Et à quoi ressemblons-nous pour l’instant ?
Est-ce qu’elle nous ressemble ?
Se rassembler sur un dénominateur commun, dire « trop, c’est trop »,
Ce n’est pas être à minima, c’est aller vers un ailleurs que la prison, vers le dehors,
C’est déjà s’en sortir un peu, faire un pas.
C’est réunir un rein de quantitatif et un rien de qualitatif, c’est déjà quelque chose.
Le numerus clausus, ce minimum, jamais atteint jusqu’alors…
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XI. – Le placement sous main de Justice en France, quelles capacités ?
Comment ne pas les dépasser ?
Contribution de Pierre V. TOURNIER
Version provisoire.
[email protected]
Si
l’argumentation développée dans le rapport de la mission de
l’Assemblée nationale de 2000, sur la situation des prisons françaises, pour justifier
l’instauration d’un numerus clausus est convaincante, il en est tout autrement quand on passe
à la question « comment fait-on pratiquement ? ». Rappelons ce qui est dit à ce sujet :
a. - « Il reviendra aux magistrats la responsabilité de gérer cette limite en décidant
d’incarcérer tel délinquant (souligné par nous) et, pour incarcérer ce délinquant, d’en libérer
un autre ».
b. « Des clignotants préviennent lorsque l’on s’approche de la cote d’alerte (…) le directeur
de la prison informe les magistrats du ressort qui sont incités à recourir à des dispositifs
alternatifs à la détention, notamment au contrôle judiciaire, et qui sont invités à examiner
toutes les situations en attente de décisions concernant les détenus incarcérés : les demandes
de mis en liberté, les libérations conditionnelles, les détentions trop longues, etc. »
c. « Chaque juge de la détention se verrait attribuer un nombre de places de prison dans son
arrondissement ; il lui reviendrait alors de gérer ces places en fonction de l’état de ses enquêtes, du
nombre d‘affaire en cours, de leur évolution, en coopération directe avec l’administration
pénitentiaire »
1. - Quelques remarques préliminaires
Remarque 1. - Dans le (a) il suffit de refuser le recours au terme peu acceptable dans un état de
droit de « délinquant »2, pour s’apercevoir que les choses sont un peu plus compliquées. Cela
devient : « Il reviendra aux magistrats la responsabilité de gérer cette limite en décidant
d’incarcérer tel prévenu ou tel condamné et, pour incarcérer ce prévenu ou ce condamné de
libérer un autre prévenu ou un autre condamné » Quant aux magistrats en question, il peut
alors s’agir d’un juge de la détention, d’un magistrat de la chambre d’accusation, du parquet, d’un
juge siégeant dans une juridictions de jugement (de tel ou tel niveau) ou d’un juge de l’application
des peines – statuant seul ou de façon collégiale (de tel ou tel niveau)…
Remarque 2. – La définition de la « cote d’alerte » de chaque établissement nécessite de savoir
établir, rigoureusement et de façon contrôlée (contrôle extérieur à l’AP) sa capacité et ce sur des
critères analytiques homogènes sur tout le territoire national (avec sans doute, des distinctions à faire
par type d’établissement).
2
Selon les situations, on parlera de « mis en cause », de « gradé à vue », de « personne sous écrou », de
« détenu », de « prévenu », de « condamné », de « sortant de prison », d’ancien détenu, d’ancien condamné, etc..
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Remarque 3. – A la lecture de (b) on voit bien que poser la question du numerus clausus pour le
seul milieu fermé sans aborder la question des capacités d’accueil du milieu ouvert n’a pas de sens.
On peut effectivement éviter une mise en détention provisoire par un contrôle judiciaire ab initio, à
condition d’avoir un contrôleur disponible (et compétent). Ne pas se poser dans les mêmes termes, la
question des capacités du milieu ouvert, c’est discréditer les alternatives à la détention aux yeux des
magistrats et de nos concitoyens en général.
Remarque 4. – Ce qui est affirmé dans (c) et qui ne concerne que les prévenus montre une
nouvelle fois la nécessité de prendre en compte la catégorie pénale des individus concernés.
2. - La nécessité d’une approche à trois dimensions (P = E x d)
Rappel3
L’existence des populations humaines est régi par le mécanisme suivant : des individus entrent dans
la population, des individus sortent. Un laps de temps s’écoule entre l’entrée et la sortie d‘un
individu ; cette durée de vie ou temps de présence, différente selon les individus assure la coexistence
à tout moment d’un nombre variable de personnes qui constituent la population. Instrument d’étude
de ces modes de renouvellement des populations, l’analyse démographique dispose de modèles
élémentaires, fournissant des populations de référence, faciles à décrire, qui permettent par
comparaison de juger certaines situations concrètes. Le modèle le plus simple est celui de la
population stationnaire. Une population est dite stationnaire si les entrées annuelles dans la
population (E) sont constantes et si les sorties de chaque génération – au sens des individus entrés
une même année - se font selon le même rythme, selon le même calendrier. On peut alors démontrer
que l’effectif de la population, à un instant donné (P) est égal au produit du nombre des entrées
annuelles (E) par l’espérance de vie à la naissance, ou pour utiliser un langage plus général, par la
durée moyenne de séjour dans la population (d, exprimée en années) : P = E x d. Cette équation
implique qu’une population stationnaire a un effectif constant.
Quand, au début des années 1980, nous avons appliqué les techniques de l’analyse démographique
à la population des prisons françaises, l’Administration pénitentiaire disposait de données sur la
population détenue, à une date donnée, sur sa structure selon différentes caractéristiques sociodémographiques et pénales, sur les « mises sous écrou » (entrées en détention) et les libérations
(sorties de détention). Mais il faudra attendre le début des années 1990, pour disposer de statistiques
sur les durées de détention, individu par individu et donc de la moyenne exacte de ces durées. Aussi
a-t-on introduit ce que l’on a appelé l’indicateur de la durée moyenne de détention, obtenu en
divisant l’effectif moyen de détenus sur une année (stock) par le nombre d’entrées de l’année (flux) :
d = P / E. En pleine période d’inflation carcérale (depuis 1975), il pouvait paraître osé de se référer
ainsi au modèle de la population stationnaire. Si un tel indice ne permet évidemment pas de faire de
l’analyse de conjoncture, calculé sur dix ou vingt ans, il apporte des informations fort précieuses sur
les raisons de telle ou telle tendance. Ainsi avons-nous pu mettre en évidence que la période 19751995 de forte croissance du nombre de détenus (+ 100 %, contre 10 % pour la population globale de
la France métropolitaine) était en fait constituée de deux phases bien différentes. Au cours des années
1970, l’inflation était due à une augmentation des entrées en détention (96 955 en 1980 contre 72 491
en 1974), la durée moyenne étant stable (autour de 4,6 mois). A partir des années 1980, les entrées se
sont stabilisées, voire ont diminué, mais ce phénomène a été masqué par une croissance continue des
durées de détention (7,6 mois en 1995).
Tournier (P.V.), Les prisons sous les feux de l’analyse démographique, P = E x d, Hors Série de Tangente sur
les équations algébriques, x pages, à paraître.
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On conçoit aisément que les politiques à mener contre l’inflation carcérale ne sont pas de même
nature s’il s’agit d’une question d’entrées ou une question de durées.
Avoir cette équation sous les yeux « P = E x d », c’est se rappeler que l’on ne peut pas agit
efficacement sans s’occuper de deux fronts : les entrées et les durées.
L’enjeux du numerus clausus c’est de passer de la formule P = E x d à
C = E x d, où C représente la capacité.
3. - La nécessité de raisonner non sur la « prison », mais sur la « mosaïque pénitentiaire »
Ce concept de « mosaïque pénitentiaire »4 permet d’inclure, dans la même approche, le milieu fermé
et le milieu ouvert, mais aussi l’interface entre les deux, tout en précisant bien qui est qui (statut
pénale) et qui est où (conditions concrètes du placement sous main de justice).
La population placée sous main de justice et pour laquelle il faut pouvoir disposer du nombre de
places idoine est ainsi constitué de 8 catégories
P = [P1 + P2] + [P3 + P4 +P5 +P6] + [P7 + P8]
(voir schéma infra)
Soit P = [E1 x d1 + E2 x d2] + [E3 x d3 + E4 x d4 + E5 x d5 + E6 x d6 ]+[E7 x d7 + E8 x d8]
La « mosaïque pénitentiaire »
Milieu fermé – dans les murs
P1. - PRÉVENUS ÉCROUÉS
dans les murs
P2. - CONDAMNÉS ECROUÉS
dans les murs
Milieu fermé – hors les murs
P6. - CONDAMNÉS ECROUÉS
hors les murs, absence permanente et totale
(PSE…)
P5. - CONDAMNÉS ECROUÉS
hors les murs, absence permanente et partielle
(semi-liberté…)
P4. - CONDAMNÉS ECROUÉS
hors les murs, absence temporaire et totale
(PS, hospitalisation ext., UMD...)
P3. - PRÉVENUS ÉCROUÉS
hors les murs, absence temporaire et totale
(hospitalisation ext. , UMD…)
Milieu ouvert traditionnel
P7. - PRÉVENUS NON ÉCROUÉS
(contrôle judiciaire, AP – autres…)
P8. - CONDAMNÉS NON ECROUÉS
(SME, TIG, libération conditionnelle…)
4
Tournier (P.V.), Mosaïque pénitentiaire : une topologie mouvante, Actualité juridique. Pénal, Les Editions
Dalloz, n°9/2004, 333-334. 2004.
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Les deux premiers termes concernent le « milieu fermé dans les murs », les quatre termes suivant ce
que l’on a appelé le « milieu fermé hors les murs » et enfin les deux derniers termes, le milieu ouvert
traditionnel.
A cette équation en terme d’effectifs, correspond évidemment une équation en terme de capacités
idoines
C = [C1 + C2] + [C3 + C4 +C5 +C6] + [C7 + C8]
Il s’agit évidemment d’une formule simplifiée car certaines des 8 catégories rassemble des
sous-catégories à distinguer (par exemple C8 : « places » de TIG, de SME, de LC…).
4. - Vous avez dit « maîtrise des flux » ?
En partant du modèle précédent en 8 catégories (+1, P9 qui représente les personnes qui ne sont
pas placées sous main de justice), on obtient une « matrice de flux » mettant en évidence l’existence
de 59 types de flux.
- Arrivée -
Départ
P1
P1
P2
P3
F (1,2)
F (1,3)
P4
P5
P6
P7
P8
P9
F (1,5)
F (1,6)
F (1,7)
F (1,8)
F (1,9)
F (2,5)
F (2,6)
F (2,7)
F (2,8)
F (2,9)
P2
F (2,1)
P3
F (3,1)
F (3,2)
F (3,5)
F (3,6)
F (3,7)
F (3,8)
F (3,9)
P4
F (4,1)
F (4,2)
F (4,5)
F (4,6)
F (4,7)
F (4,8)
F (4,9)
P5
F (5,1)
F (5,2)
F (5,4)
F (5,6)
F (5,7)
F (5,8)
F (5,9)
P6
F (6,1)
F (6,2)
F (6,4)
F (6,7)
F (6,8)
F (6,9)
P7
F (7,1)
F (7,2)
F (7,5)
F (7,6)
F (7,8)
F (7,9)
P8
F (8,1)
F (8,2)
F (8,5)
F (8,6)
P9
F (9,1)
F (9,2)
F (9,5)
F (9,6)
F (2,4)
F (6,5)
29 / 35
F (8,9)
F (9,7)
F (9,8)
30
Sur la ligne de Pi et la colonne de Pj, on trouve le flux F (i , j), passage de Pi (départ) à Pj (arrivée).
Nous avons mis en gras les flux les plus significatifs, sur le plan statistique
- Considérons la 1ère ligne utile (P1). A l’origine, il est question de prévenus écroués, dans les
murs (en détention provisoire, attendant un 1er jugement, ou condamnés non définitifs)
Cas n°1 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une peine ferme dont le quantum
est supérieur à la durée de la détention déjà effectuée et maintenue en détention, sans
bénéficier d’un aménagement ab initio (semi-liberté, PSE,…) . C’est le Flux F (1,2) : il leur
faut une « place » en détention, pour purger le reliquat de leur peine.
Cas n°2 - Ces prévenus écroués peuvent être hospitalisés. C’est le Flux F (1,3) : ils libèrent
alors une place en détention (en maison d’arrêt), mais restent sous écrou. Encore faut-il avoir
une « place » pour les hospitaliser.
Cas n°3 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une peine ferme dont le quantum
est supérieur à la durée de la détention déjà effectuée et maintenue en détention, tout en
bénéficiant d’un aménagement ab initio (semi-liberté…). Ils restent sous écrou. C’est le Flux
F (1,5) : encore faut-il avoir une « place » de semi-liberté, ou en placement à l’extérieur…
Cas n°4 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une peine ferme dont le quantum
est supérieur à la durée de la détention déjà effectuée et maintenue en détention, tout en
bénéficiant d’un placement sous surveillance électronique ab initio (PSE fixe). Ils restent
sous écrou. C’est le Flux F (1,6) : encore faut-il avoir une « place » de PSE.
Cas n°5 - Ces prévenus écroués peuvent bénéficier d’une mise en liberté, avant jugement, en
étant placé sous contrôle judiciaire. L’écrou est alors levé. C’est le Flux F (1,7) : encore fautil disposer d’une « place » pour cela, en SPIP ou au sein d’une association habilitée.
Cas n°6 - Ces prévenus écroués peuvent être condamnés à une sanction alternative avec prise
en charge par le SPIP (SME, TIG). L’écrou est levé. C’est le Flux F (1,8) : encore faut-il
disposer d’une « place » pour cela, en SPIP.
Cas n°7 - Ces prévenus écroués peuvent faire l’objet d’une mise en liberté (levée d’écrou),
sans placement sous contrôle judiciaire, et sortir ainsi (temporairement ou définitivement) de
la population des personnes placées sous main de justice. Ils peuvent aussi, lors du jugement
avoir été relaxé ou faire l’objet d’une condamnation à l’emprisonnement ferme, mais sans
maintien en détention, ou d’une condamnation sans prise en charge en milieu ouvert (amende,
sursis simple, peine ferme couverte par la détention provisoire, sans SME. C’est le Flux F
(1,9) : pas de « place » à assurer (sic), sauf à devoir gérer socialement les conséquences de
cette incarcération.
(P2). A l’origine, il est question de condamnés (définitifs)
écroués, dans les murs. Ils purgent leur peine après avoir, éventuellement, exercé toutes les
possibilités de recours.
- Considérons la 2ème ligne utile
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Cas n°8 - Ces condamnés écroués peuvent, après avoir purgé leur peine, ne pas être libérés,
restant sous le coup d’un mandat de dépôt dans une autre affaire non encore jugée. C’est le
Flux F (2,1) : il leur faut une « place » en détention (maison d’arrêt), pour placement en
détention provisoire.
Cas n°9 - Ces condamnés écroués peuvent bénéficier d’une permission de sortir, d’une
hospitalisation. C’est le Flux F (2,4) : libèrent-ils une place en détention ? Cela dépend de la
longueur de l’absence hors les murs ; ils restent sous écrou. Encore faut-il avoir une place, en
cas d’hospitalisation, voire même en cas de permission de sortir (hébergement institutionnel).
Cas n°10 - Ces condamnés écroués peuvent bénéficier d’un aménagement en cours
d’exécution de la peine (semi-liberté…). Ils restent sous écrou. C’est le Flux F (2,5) :
encore faut-il avoir une place de semi-liberté, ou en placement à l’extérieur…
Cas n°11 - Ces condamnés écroués peuvent bénéficier d’un placement sous surveillance
électronique, en cours d’exécution de la peine (PSE fixe). Ils restent sous écrou. C’est le Flux
F (2,6) : encore faut-il avoir une place de PSE.
Cas n°12 - Ces condamnés écroués peuvent être libérés en fin de peine et être placés sous
contrôle judiciaire, pour une autre affaire. L’écrou est alors levé. C’est le Flux F (2,7) :
encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP ou au sein d’une association
habilitée.
Cas n°13 - Ces condamnés écroués peuvent être libérés en bénéficiant d’une libération
conditionnelle, ou en fin de peine, suivie d’une mise à l’épreuve (peine mixte), avec prise en
charge par le SPIP. L’écrou est levé. C’est le Flux F (2,8) : encore faut-il disposer d’une
« place » pour cela, en SPIP.
Cas n°14 - Ces condamnés écroués peuvent être libérés en fin de peine (peine non suivie
d’une mise à l’épreuve). C’est le Flux F (2,9), ils sortent ainsi de la population des personnes
placées sous main de justice. Ils doivent retrouver leur « place » de femme ou d’homme
libre.
[...] Cas n°15 à 53
- Considérons la 9ème ligne utile (P9). A l’origine, ces personnes sont « en liberté », c’est-à-dire
non placées sous main de justice.
Cas n°54 - Ces personnes sont écrouées sous le statut de prévenu, dans le cadre de procédures
diverses (prévenu signifiant « non condamné définitif »). C’est le Flux F (9,1) : il leur faut
une « place » en détention (maison d’arrêt).
Cas n°55 - Ces personnes sont écrouées sur extrait de jugement afin de purger leur
peine. C’est le Flux F (9,2) : il leur faut une « place » en détention (maison d’arrêt).
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Cas n°56 - Ces personnes condamnées à une peine d‘emprisonnement ferme d’un an ou
moins sont écrouées en bénéficiant d’un aménagement de peine ab initio (semi-liberté..). Ils
restent sous écrou. C’est le Flux F (9,5) : encore faut-il avoir une place de semi-liberté, ou en
placement à l’extérieur…
Cas n°57 - Ces personnes condamnées à une peine d‘emprisonnement ferme d’un an ou
moins sont écrouées en bénéficiant d’un placement sous surveillance électronique ab initio
(PSE fixe). C’est le Flux F (9,6) : encore faut-il avoir une « place » de PSE.
Cas n°58 - Ces personnes sont placées sous contrôle judiciaire C’est le Flux F (9,7) : encore
faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP ou au sein d’une association habilitée.
Cas n°59 - Ces personnes sont prises charge par le SPIP pour exécuter un SME ou un TIG
C’est le Flux F (9,8) : encore faut-il disposer d’une « place » pour cela, en SPIP.
***
Quand on sait qu’aujourd’hui l’administration pénitentiaire n’a pas les moyens d’évaluer, ne
serait-ce qu’une fois par an, les effectifs des 8 catégories sur lesquels repose le modèle, on
voit le travail qui reste à faire, avant de pouvoir construire cette matrice des flux, ne serait-ce
qu’à un niveau global (France entière).
Resterait ensuite à définir les différentes capacités en milieu fermé comme en milieu ouvert,
et évidemment à introduire la dimension spatiale !
« Bigre ! murmura Claude, un peu pâle » (Emile Zola)
Numerus clausus ?
Disputatio permanet !
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« DES MAINTENANT » en quelques dates
28 octobre 2004 - Création de « DES Maintenant en Europe ».
19 mars 2005 – 1ère réunion publique à L’Estran 10, rue Ambroise Thomas, Paris IXe, sur le
thème « La question pénitentiaire. Servitude et grandeur de la gauche au pouvoir (19972002) ».. Communication introductive de Pierre V. Tournier, directeur de recherches au
CNRS, débat animé par Alain Cugno, philosophe, membre du comité de rédaction de la revue
Projet.
22 mars 2005 - Appel aux parlementaires « Pour que la République ne s’arrête pas aux portes
des prisons : allez parler d’Europe aux citoyens et citoyennes détenu(e)s » :
« Réunis dans le cadre du Club politique "DES Maintenant", pour débattre de la question
pénitentiaire, le samedi 19 mars 2005, les 40 personnes présentes ont décidé d’appeler les
parlementaires, de gauche et de droite, à user du droit que la loi leur donne de visiter les
établissements pénitentiaires (art. 719 du Code de procédure pénale) pour y organiser des
débats contradictoires à propos du référendum sur le traité constitutionnel de l'Union
européenne avec les citoyen-ne-s détenu-e-s en maison d'arrêt ou en établissements pour
peine. Pour que la République ne s'arrête pas aux portes des prisons !
Les parlementaires qui souhaitent participer à cette initiative citoyenne sont invités à prendre
contact avec "DES Maintenant" afin que nous puissions assurer un minimum de coordination
et de communication.
Cet appel a reçu le soutien de Mme Marylise Lebranchu, ancienne Garde des Sceaux, députée
socialiste (pour le oui). Mme Adeline Hazan, députée européenne, secrétaire national du Parti
socialiste chargée des droits de l’homme (pour le oui), M. Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur
socialiste, vice-président honoraire du Sénat (qui ne fera pas campagne), Mme Alima
Boumediene-Thiery, sénatrice, les Verts (pour le non), et Mme Nicole Borvo, présidente du
groupe communiste au Sénat (pour le non) » . Le Garde des Sceaux s’est opposé à la
concrétisation de ce projet.
29 mars 2005 - Pétition contre la proposition de loi « Clément » sur le traitement de la
récidive des infractions pénales.
10 juin 2005 - Conférence débat à Belfort « Lutter contre le crime. Pour une alternative de
gauche à la démagogie sécuritaire ». Sous la présidence M. Michel Dreyfus-Schmidt, viceprésident honoraire du Sénat, sénateur du Territoire de Belfort, avec Pierre V. Tournier.
Réunion organisée avec le soutien du Parti Socialiste, section de Belfort à la Maison du
Peuple.
22 juin 2005 - Adhésion du Club « DES Maintenant » au Collectif « Octobre 2001 »
(Comment sanctionner le crime dans le respect des droits de l’homme ?).
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25 juin 2005 - Réunion publique sur « Le numerus clausus pénitentiaire, un concept
incertain », acte I. avec Bernard Bolze, fondateur de L’Observatoire international des prisons
(OIP) à l’Estran, Paris IXe.
10 septembre 2005 - Réunion publique de rentrée sur « Le numerus clausus pénitentiaire, un
concept incertain », acte II et sur les questions d’actualité, sous la présidence de Jacques
Floch député (PS) de Loire-Atlantique, à l’Estran, Paris IXe.
4 octobre 2005 – Réunion publique au Sénat « Proposition de loi sur le traitement de la
récidive : des représentants de la société civile confrontent leurs points de vue, sous le haut
patronage de Michel Dreyfus-Schmidt, sénateur, vice-président honoraire du Sénat.
5 novembre 2005 – Premiers Ateliers d’Automne : « Sécurité, justice, prisons », débat
public autour des propositions exprimées dans les contributions au congrès du PS (Le Mans
18-19-20 novembre 2005.
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1968
Dictionnaire Petit Robert / Déviance n. f. ; de déviant. DIDACT. Caractère de ce qui
dévie (FIG.) de ce qui s‘écarte d’une norme. – PSYCHOL. Comportement qui échappe aux règles
admises par la société.
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