DES MAINTENANT EN EUROPE
« Aller à l’idéal et comprendre le réel », Jean Jaurès
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Samedi 10 septembre 2005, 10h-17h
L’Estran 10, rue Ambroise Thomas, Paris IXe
Population carcérale et « numerus clausus » débat autour
d’un concept incertain
Sous la présidence de Jacques Floch, député (PS) de Loire-Atlantique
Animé par Pierre V. Tournier
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Contributions au débat et documents
Pages
1. Population sous écrou au 1er septembre 2005 par Pierre V. Tournier
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2. Extraits du Rapport Mermaz (L), Floch (J), Rapport fait au nom de la commission
d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Tome I, Rapport, Tome II, Auditions
Assemblée nationale, n°2521, 28 juin 2000
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3. Textes du Conseil de l’Europe, extraits
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4. Usage barbare ?, par Liliane Chenain
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5. Responsabiliser les acteurs, par Sylvie Stankoff
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6. Expérience du parquet, par Olivier Guérin
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7. En prison comme en milieu ouvert, par Jean-Louis Daumas
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8. Faut-il libérer Barabbas ? par Godefroy du Mesnil du Buisson
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9. Trop, c’est trop, par Bernard Bolze
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10. Par défaut de définition, par Michaël Faure
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11. Le placement sous main de Justice en France, quelles capacités ? comment ne pas les
dépasser ?, par Pierre V. Tournier
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"Déviances Et Socialisme Maintenant en Europe", c/o M. Pierre V. Tournier
43, rue Guy Môquet 75017 PARIS, Tél. Fax Rép. 01 42 63 45 04
pierre-victor.to[email protected]
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« DES MAINTENANT » ?
Club de réflexion, fondé à Paris le 28 octobre 2004, dans la mouvance de la social-démocratie,
« Déviances & Socialisme, Maintenant en Europe» (« DES Maintenant ») a vocation à faire travailler ensemble
adhérents et sympathisants du Parti Socialiste et des autres partis de la gauche française, qui pour des
raisons professionnelles et/ou militantes s'intéressent à la question des "déviances" et de leur "contrôle"
et ressentent le besoin impérieux d'un débouché politique, résolument progressiste, à leur réflexion, à leur
action sur le terrain, à leur engagement militant.
* Se fondant sur les travaux scientifiques les plus pertinents, réalisés dans le champ criminologique en
France et à l'étranger,
* s'appuyant fortement sur la "société civile organisée" (syndicats et autres organisations
professionnelles, associations et ONG internationales de défense des droits de l’homme),
* situant, évidemment, ses travaux dans un cadre européen (Union Européenne et Conseil de
l’Europe), et cherchant à développer son action au delà de nos frontières…
"DES Maintenant" a pour objectif premier d'être une force de propositions vis-à-vis des instances de
toutes les composantes de la gauche sur les questions de sécurité, de prévention et/ou de répression de la
délinquance et de la criminalité et sur les transformations structurelles à entreprendre dans les institutions
pénales (au sens large du terme).
"DES Maintenant" se veut aussi ouvert au débat républicain, sur les questions de sa compétence, avec
les mouvements alternatifs ou alter-mondialistes, les organisations d’extrême gauche, et tous les partis
républicains, à condition qu’ils manifestent, en toutes circonstances leur engagement dans le combat
contre l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie et tous les ségrégationnismes.
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I. Population sous écrou au 1er septembre 2005
Extrait d’Informations Criminogiques Hebdo, ICH n°104, 12 sept. 2005
Par Pierre V. TOURNIER
pierre-victor.tournier@wanadoo.fr
Au 1er septembre 2005, l’effectif de la population sous écrou est de 57 582 (métropole et outre-
mer). En excluant les 755 condamnés placés sous surveillance électronique et les 232 condamnés
placées à l’extérieur sans hébergement, on obtient une densi carcérale de 56 595 pour 51 129
places opérationnelles, soit 111 détenus pour 100 places.
6 établissements ou quartiers ont une densité égale ou supérieure à 200 p. 100., 42 ont une densité
comprise entre 150 et 200, 72 entre 100 et 150.
On notera les densités des maisons d’arrêt de Béziers (235 p. 100 places), de Lyon Montluc (223
détenus pour 100), du Puy (211 p . 100), de La Roche sur Yon (207 p. 100), de Lyon Perrache -Saint
Paul et Saint Joseph (202 p. 100),
La proportion de prévenus, parmi l'ensemble des personnes écrouées, est de 35 %.
Des chiffres essentiels que l’on cite rarement
a- Population des centres de détention (CD), maisons centrales (MC) et quartiers CD ou MC des
centres pénitentiaires : 16 869 personnes détenues pour 18 018 places opérationnelles, soit 1 149
places inoccupées (6,5 % de ce parc).
b- Population des Centres de semi-liberté (CSL) autonomes : 385 personnes détenues pour 638
places, soit 253 places inoccupées (40 % de ce parc)
c- Population des maisons d‘arrêts (MA) et CSL non autonomes et des quartiers MA des centres
pénitentiaire : 39 341personnes détenues pour 32 473 places. Il manque donc 6 868 places (soit 21 %
du parc existant).
On y recense 20 228 prévenues et 19 113 condamnés. Ainsi, il y a pratiquement autant de
condamnés que de prévenus dans les maisons d’arrêt
1
.
Dit d’une autre manière, il y a 6 868 condamnés de trop en maison d ‘arrêt.
Attention : ce raisonnement devrait être affiné en prenant en compte séparément chaque
établissement (il existe des maisons d’arrêt avec une densité inférieure à 100 : Mont de Marsan, Pau,
Châlons-en-Champagne, Nevers, Arras, Aurillac, Ajaccio, Versailles, etc.)
1
On a pu lire, dans un essai récent, que l’on trouvait, en maison d‘arrêt, le 1/3 des détenus. En fait la proportion
est d’environ 70 % ! 1/3 c’est, en gros, la proportion de prévenus dans l’ensemble de la population carcérale.
Que de confusion dans les esprits !
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II. - Rapport Mermaz (L), Floch (J), Rapport fait au nom de la commission
d’enquête sur la situation dans les prisons françaises, Tome I, Rapport, Tome II, Auditions
Assemblée nationale, n°2521, 28 juin 2000.
« Instaurer un numerus clausus » / Chapitre V. C. p. 277 et suivantes.
« La proposition d'instaurer un numerus clausus fixant un nombre maximum de personnes
incarcérées implique une révolution complète de la gestion de l'administration pénitentiaire ; il s'agit
de ne plus considérer la capacité des établissements pénitentiaires comme infiniment adaptable et
ajustable mais de l'imposer, au contraire, comme une constante invariable.
Cette proposition n'a pas recueilli l'unanimité de la commission, le groupe RPR ayant fait connaître
son opposition sur cette question.
Il est vrai qu'elle exige ainsi un bouleversement de la pratique des magistrats, qui devront désormais
intégrer, non plus uniquement les considérations sur le crime ou le délit, mais également les données
sur les capacités pénitentiaires.
Le taux d'incarcération est actuellement de 84,2 détenus pour 100 000 habitants (en métropole
seule) ; il était en 1975 de 50 pour 100 000. Il faut s'interroger sur ce que signifient ces chiffres ;
l'inflation carcérale est-elle la traduction de résultats probants en matière de lutte contre la criminalité
? les exemples étrangers démontrent si besoin était que toujours plus de prison ne dissuade pas le
criminel : le taux d'incarcération constaté aux États-Unis, de l'ordre de 2 millions de détenus n'a pas
ainsi contribué à juguler la violence de la société américaine (rappelons, comme repère, que le taux
d'incarcération américain appliqué en France conduirait au chiffre de 400 000 détenus dans les
prisons françaises) ; à l'inverse, la baisse sans précédent de la population pénale en Allemagne n'a pas
eu pour conséquence une recrudescence de la criminalité.
L'inflation carcérale ne doit plus être envisagée comme une fatalité qui répondrait à une exigence
croissante de sécurité ; il faut faire savoir que cette logique exige toujours plus de crédits pour
accroître les capacités d'accueil des établissements, sans que son efficacité soit réellement démontrée.
Si chacun s'accorde pour dire que la surpopulation carcérale est insupportable, force est de constater
la timidité des réflexions pour faire cesser cette dynamique sans fin.
L'administration pénitentiaire se trouve ainsi contrainte de gérer les prisons par les effets des
réductions de peine, des mesures de grâce ou d'amnistie. Cette régulation n'est pas satisfaisante dans
la mesure son automaticité nuit à l'individualisation de la peine ; les visites des établissements ont
montré que les détenus considéraient désormais ces mesures comme un véritable dû. Cette pratique
démontre de plus que l'on n'hésite pas à libérer, lorsque la pression carcérale s'en fait sentir, un
nombre important de détenus sans que soient évaluées, à aucun moment, la personnalité du détenu et
sa dangerosité (même si restent exclus des mesures de décrets de grâces les auteurs d'actes
limitativement énumérés, tels que terrorisme, trafics de stupéfiants, crimes ou délits sur un mineur de
moins de quinze ans).
Un renversement de la logique s'impose : la gestion de la population pénale ne saurait se contenter
de mesures ponctuelles, apportant un soulagement certes immédiat mais néanmoins temporaire. Il est
nécessaire de raisonner en ayant une vision globale et prospective de la population pénale.
Il faut avoir le courage de considérer que la capacité actuelle des établissements pénitentiaires
constitue une limite indépassable s'imposant aux autorités judiciaires et pénitentiaires. Il reviendra
aux magistrats la responsabilité de gérer cette limite en décidant d'incarcérer tel délinquant et, pour
incarcérer ce délinquant, d'en libérer un autre.
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Beaucoup, parmi les personnes auditionnées par la commission d'enquête se sont déclarées
favorables au numerus clausus ou ont du moins considéré qu'il s'agissait d'une piste de réflexion
intéressante.
Le premier président de la cour de cassation, Guy Canivet, répondait à la question du rapporteur sur
le numerus clausus :
« Peut-on introduire une nouvelle logique ? Je le crois. Il faudrait confronter localement les
impératifs de gestion de l'administration pénitentiaire, les considérations d'ordre public, le niveau de
la délinquance, les ressources en matière de peines de substitution et déterminer, en considération de
l'ensemble de ces facteurs, les conditions pertinentes de la décision d'emprisonnement. C'est une
approche qui n'existe pas mais qui mériterait d'être tentée. »
Monsieur Gilbert Bonnemaison qui préconisait un tel système dans son rapport a renouvelé avec
force cette proposition :
« Je vous dirai en préambule ma conviction, forte hier, plus forte encore aujourd'hui, que vider les
prisons de leur trop-plein et créer les moyens d'interdire la reproduction de celui-ci par le numerus
clausus est le seul moyen de résoudre le problème des prisons. »
La CFDT a également déclaré :
« Notre fédération, depuis sa constitution en 1982, a essayé de mettre en exergue sa volonté de voir
se réaliser le numerus clausus pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il s'agit de permettre une meilleure maîtrise des flux. » [...]
[...] « En second lieu, si le numerus clausus est inscrit dans nos revendications, c'est parce que nous
considérons que les magistrats doivent regarder véritablement la situation telle qu'elle est. »
Monsieur Jean-Louis Daumas, directeur du centre de détention de Caen, énumérant ses réflexions
sur la prison, a indiqué :
« La première piste consiste à étudier toutes les voies législatives et réglementaires qui pourraient,
dans ce pays, imposer enfin la règle du numerus clausus. »
L'OIP a également insisté sur l'intérêt du numerus clausus :
« Le second élément d'une politique réductionniste tient dans le numerus clausus, c'est-à-dire une
intolérance absolue au surencombrement des prisons. [...]
« Pratiquée aux Pays-Bas ou en Finlande, la formule fonctionne très bien. En France, ce système
présenterait beaucoup d'avantages dont celui d'instaurer une collaboration entre l'administration
pénitentiaire et les magistrats qui, pour l'heure, travaillent séparément et s'ignorent superbement. »
[...]
« Dans le cas d'un numerus clausus, des clignotants préviennent lorsqu'on approche de la cote
d'alerte d'occupation dans un établissement pénitentiaire. Dès lors, le directeur de la prison informe
les magistrats du ressort qui sont ainsi incités à recourir à des dispositifs alternatifs à la détention,
notamment au contrôle judiciaire, et qui sont invités à examiner toutes les situations en attente de
décisions concernant les détenus incarcérés : les demandes de mise en liberté, les libérations
conditionnelles, les détentions provisoires trop longues, etc.
Les magistrats gardent la maîtrise de la mise en détention, mais les directeurs de prison sont en
situation d'alerte et surtout de gérants responsables de leur établissement. Plusieurs directeurs de
prison sont favorables à ce numerus clausus et tous les instruments de sa gestion existent. »
Monsieur Robert Badinter a émis des réticences en considérant que le principe du numerus clausus
irait à l'encontre de la liberté de juger. Il est indéniable que la solution préconisée va à l'encontre de la
culture des magistrats, qui ne se sentent pas responsables de la surpopulation et peu concernés par le
problème des capacités pénitentiaires. Le réflexe actuel dominant est encore, dans ce contexte, celui
de la détention.
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