Beaucoup, parmi les personnes auditionnées par la commission d'enquête se sont déclarées
favorables au numerus clausus ou ont du moins considéré qu'il s'agissait d'une piste de réflexion
intéressante.
Le premier président de la cour de cassation, Guy Canivet, répondait à la question du rapporteur sur
le numerus clausus :
« Peut-on introduire une nouvelle logique ? Je le crois. Il faudrait confronter localement les
impératifs de gestion de l'administration pénitentiaire, les considérations d'ordre public, le niveau de
la délinquance, les ressources en matière de peines de substitution et déterminer, en considération de
l'ensemble de ces facteurs, les conditions pertinentes de la décision d'emprisonnement. C'est une
approche qui n'existe pas mais qui mériterait d'être tentée. »
Monsieur Gilbert Bonnemaison qui préconisait un tel système dans son rapport a renouvelé avec
force cette proposition :
« Je vous dirai en préambule ma conviction, forte hier, plus forte encore aujourd'hui, que vider les
prisons de leur trop-plein et créer les moyens d'interdire la reproduction de celui-ci par le numerus
clausus est le seul moyen de résoudre le problème des prisons. »
La CFDT a également déclaré :
« Notre fédération, depuis sa constitution en 1982, a essayé de mettre en exergue sa volonté de voir
se réaliser le numerus clausus pour plusieurs raisons.
En premier lieu, il s'agit de permettre une meilleure maîtrise des flux. » [...]
[...] « En second lieu, si le numerus clausus est inscrit dans nos revendications, c'est parce que nous
considérons que les magistrats doivent regarder véritablement la situation telle qu'elle est. »
Monsieur Jean-Louis Daumas, directeur du centre de détention de Caen, énumérant ses réflexions
sur la prison, a indiqué :
« La première piste consiste à étudier toutes les voies législatives et réglementaires qui pourraient,
dans ce pays, imposer enfin la règle du numerus clausus. »
L'OIP a également insisté sur l'intérêt du numerus clausus :
« Le second élément d'une politique réductionniste tient dans le numerus clausus, c'est-à-dire une
intolérance absolue au surencombrement des prisons. [...]
« Pratiquée aux Pays-Bas ou en Finlande, la formule fonctionne très bien. En France, ce système
présenterait beaucoup d'avantages dont celui d'instaurer une collaboration entre l'administration
pénitentiaire et les magistrats qui, pour l'heure, travaillent séparément et s'ignorent superbement. »
[...]
« Dans le cas d'un numerus clausus, des clignotants préviennent lorsqu'on approche de la cote
d'alerte d'occupation dans un établissement pénitentiaire. Dès lors, le directeur de la prison informe
les magistrats du ressort qui sont ainsi incités à recourir à des dispositifs alternatifs à la détention,
notamment au contrôle judiciaire, et qui sont invités à examiner toutes les situations en attente de
décisions concernant les détenus incarcérés : les demandes de mise en liberté, les libérations
conditionnelles, les détentions provisoires trop longues, etc.
Les magistrats gardent la maîtrise de la mise en détention, mais les directeurs de prison sont en
situation d'alerte et surtout de gérants responsables de leur établissement. Plusieurs directeurs de
prison sont favorables à ce numerus clausus et tous les instruments de sa gestion existent. »
Monsieur Robert Badinter a émis des réticences en considérant que le principe du numerus clausus
irait à l'encontre de la liberté de juger. Il est indéniable que la solution préconisée va à l'encontre de la
culture des magistrats, qui ne se sentent pas responsables de la surpopulation et peu concernés par le
problème des capacités pénitentiaires. Le réflexe actuel dominant est encore, dans ce contexte, celui
de la détention.