dissertation

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DISSERTATION
Ouvrages consultés :
Diderot, Paradoxe sur le comédien
P. Larthomas, Le langage dramatique PUF
M.C. Hubert, Le théâtre Armand Collin
M. Lioure, Lire le théâtre moderne Dunod
P. Brook, oublier le temps Seuil
Sujet
On a pu dire que le théâtre était parmi les genres littéraires, le plus conventionnel. Après avoir
précisé quelles sont les conventions essentielles que le théâtre impose, vous chercherez les
raisons pour lesquelles, selon vous, le spectateur se soumet volontiers à ces conventions et
accepte sur scène les fantaisies les plus débridées qu’il refuserait dans la vie réelle.
I) En quoi le théâtre est-il conventionnel ?
1) Historiquement, le théâtre a toujours connu des conventions
- Dès la Grèce antique, le théâtre apparaît comme un genre fortement codé.
Ex : les acteurs masqués portant des cothurnes + le plan des théâtres avec des espaces réservés
pour le chœur, les acteurs, l’arrivée des dieux, etc.
- Au fil des siècles et selon les pays, les conventions se modifient mais elles continuent
d’exister.
Ex1 : le théâtre classique français et la règle des trois unités (lieu2, temps3, action) + règle de
bienséance. A l’époque, le théoricien Boileau présentait ces conventions comme une nécessité
pour rendre le spectacle théâtral “ vraisemblable ”.
2) Ces conventions sont liées à la nature même du théâtre dont la finalité est la
représentation
- Le fait de la représentation dans un espace physique clos rend inévitable l’existence de
conventions.
Ex : dans les théâtres occidentaux (bâtiments fermés le plus souvent) on est confronté au
problème de la disposition de la salle et de la séparation des acteurs (la scène mais aussi les
coulisses, les loges) avec les spectateurs (les sièges mais aussi le hall d’entrée, le foyer, etc.)4.
- Sur la scène, les conventions sont également nombreuses (même si elles ont elles aussi évolué
au fil des siècles).
Ex : le décor5. Celui-ci est censé représenter un élément réel, alors que chacun voit bien qu’il est
fictif. Les spectateurs (mais aussi les acteurs) feignent de croire à la réalité de morceaux de
carton, de bois, de tissu. De même, ils feignent de croire que les éclairages sont ceux du soleil,
du clair de lune etc.
3) Enfin, les conventions au théâtre sont inévitables du fait de la situation de
communication
[Introduction] La communication au théâtre est rendue complexe parce que l’auteur (locuteur)
choisit de parler au spectateur (destinataire) par l’entremise d’acteurs. Cette situation, au
moment où la pièce se déroule, conduit chacun à passer un accord tacite (une convention)
indispensable.
- Tout d’abord, l’auteur (ne pouvant recourir à un narrateur) utilise des artifices de langage que
chacun accepte comme s’ils allaient de soi. Ce sont d’abord les monologues sans lesquels on ne
saurait rien des pensées du personnage6. Autre artifice du même ordre : l’aparté qui oblige à
croire que le personnage présent physiquement sur la scène n’a pas entendu.
Ex extrême de monologue délibératif, les stances du Cid.
- Concernant l’acteur, personne ne s’étonne du fait qu’on l’ait vu mourir à l’acte V et qu’il se
relève pour les applaudissements. On ne s’intéresse à lui que lorsqu’il est sur scène. Personne
ne se demande ce qu’il peut bien faire pendant qu’il est dans les coulisses.
- Le spectateur quant à lui est conduit à tenir le rôle de voyeur. Il n’agit pas et les acteurs font
comme s’il n’était pas là7. Et si parfois, un acteur prend soudain à parti le public, l’effet de
surprise qu’il crée, montre bien à quel point il s’agit d’une transgression des conventions. Selon
les cas, cela produit un effet comique ou un malaise.
Ex : L’Avare III, 7 Harpagon s’adresse au public pour savoir qui lui a volé sa cassette (effet
comique) 8.
[Transition] Le spectateur sait que le théâtre ne peut exister en dehors de toute convention. Il sait
que par nature le théâtre est “ artifice ”. Il semble d’ailleurs difficile de remettre en cause les
conventions qui touchent à la communication et (dans une moindre mesure) celles qui renvoient
aux conditions matérielles de représentation. Mais il est un autre type de conventions qui
peuvent nous conduire à nous interroger sur l’acceptation et l’approbation du spectateur : ce
sont les conventions liées à une époque, une esthétique.
II) Pour quelles raisons le spectateur accepte voire sollicite ces conventions ?
1) Le spectateur accepte ce qui lui semble conforme à son époque
- Certains codes culturels véhiculés par le théâtre existent parce qu’ils sont ceux qu’une société
donnée a produits. Ils appartiennent à une époque, un temps donné de l’histoire. Le spectateur
les accepte tout simplement parce que lui aussi appartient à cette époque et que le théâtre lui
semble alors le reflet du monde tel que lui le perçoit.
Ex : au milieu du XVIIe siècle, en réaction aux fantaisies baroques, des auteurs et théoriciens
revendiquent des codes nouveaux. Boileau dans son Art poétique justifie la règle des trois
unités et celle de la bienséance, au nom de la vraisemblance9. Et à ceux qui font remarquer que
parfois dans la “ vraie vie ” des éléments incroyables surgissent, il répond “ Ce qui est vrai peut
n’être point vraisemblable ”.
- L’esthétique dont Boileau s’est fait le porte parole pense gommer “ l’artifice ” du théâtre.
Cette conception est sans doute appropriée au regard du siècle qui l’a instituée. Mais lorsque le
monde aura changé et les goûts évolué, ces contraintes auront perdu leur justification voire leur
signification. Viendront alors de nouvelles conventions qui, pour un temps, sembleront plus
“ vraies ” parce qu’en accord avec leur époque.
Ex : le théâtre romantique a voulu révolutionner le théâtre classique.
2) Le spectateur sollicite les conventions qui génèrent une émotion
[Transition] Ce qui fait que le spectateur du XVIIe adopte les conventions de son temps comme
le spectateur du XIX adopte les siennes, c’est qu’à chaque fois ces conventions visent un même
but : susciter une émotion10. Mais de quelle émotion est-il question au juste ? 11
- Il s’agit d’une émotion esthétique. Le plaisir du théâtre passe par celui du langage12. P.
Larthomas écrit dans Le langage dramatique p.175 “ un bon langage dramatique peut être très
proche ou du langage parlé ou du langage écrit, il ne se confond jamais avec eux ”. L’émotion
esthétique liée au langage est donc tout à fait spécifique au théâtre. Ici encore, chaque époque
construit ses canons (ses conventions) esthétiques en matière de langage dramatique.
Ex : On connaît l’exemple le plus extrême qui est celui de la pièce en alexandrins. Mais on
pourrait aussi évoquer le lyrisme de Claudel ou le langage précieux de Giraudoux.
3) Mais le spectateur tend parfois aussi à “ s’engluer ” dans ces conventions ; il répugne à
les dépasser
- Au-delà du plaisir esthétique légitime chez le spectateur, il faut aussi mentionner une tendance
propre à l’homme qui préfère ce qu’il connaît déjà. En matière d’art, il est évident que les
conventions subsistent par conservatisme (sans nuance péjorative). C’est vrai en peinture13 et
c’est vrai aussi au théâtre.
Ex : la bataille d’Hernani opposant la Jeune France aux classiques pour imposer le théâtre
romantique. Ou bien, l’échec des premières représentations de En attendant Godot auquel le
spectateur ne “ comprend ” rien.
- Dans l’écriture des pièces elles-mêmes, on retrouve ce conservatisme, ce goût pour les
“ standards ” les passages obligés14. Les auteurs (parfois de peu de talent) entretiennent la
“ frilosité ” du spectateur et lui donnent à voir ce qu’il a déjà vu, une façon de s’assurer un
succès financier immédiat.
Ex : dans le théâtre comique, la facilité consiste à utiliser toujours les mêmes ressorts15 : le
quiproquo (qui culmine dans le vaudeville Cf. Le chapeau de paille d’Italie, puis dans le théâtre
de boulevard), ou la scène de reconnaissance qui permet de mettre fin au quiproquo.16
[Transition] Vient un moment où ces conventions, au lieu de donner naissance à une émotion
esthétique, sclérosent le théâtre. Les créateurs se retrouvent prisonniers d’un système qui n’a
plus rien à apporter. C’est le moment pour un homme (auteur ou théoricien) de “ donner un
coup de pied dans la fourmilière ”, de faire voler en éclats toutes les certitudes, de jeter aux
orties la marquise et sa pendule arrêtée à cinq heures.
III) Dans quelle mesure le théâtre au XXe a-t-il cherché/est-il parvenu à rompre ces
conventions ?
1) Il s’agit d’abord d’en finir avec la notion de “ réalisme ”
- A la fin XIXe, le théâtre est à l’image de la société qui le produit17. D’une part, on a le
Vaudeville (ou le Boulevard) d’autre part on a les expérimentations d’un théâtre naturaliste18.
- En fait, ce sont deux facettes d’un même fantasme : le théâtre qui serait une copie du réel. Et
c’est cette idée que quelques auteurs (Jarry, Apollinaire19, Vitrac) puis surtout le théoricien
Antonin Artaud dénoncent.
- Ex : dans Le théâtre et son double Artaud “ condamn[e] la tradition du théâtre écrit, fondé sur
le langage et la psychologie, [il] plaide pour un “ Théâtre de la Cruauté ”, propre à frapper
violemment les sens et l’imagination des spectateurs par le recours à tous les moyens de la mise
en scène ” (Lire le théâtre moderne, p.158)
2) En un siècle s’opère un total bouleversement
Le XXe, par phases successives, renouvelle le théâtre dans toutes ses pratiques.
- Ce sont d’abord les thèmes qui changent. Le théâtre n’ayant plus à “ copier ” une réalité, sa
thématique s’éloigne et s’élargit.
Ex : la première moitié du siècle recourt fréquemment au mythe antique. Cf. Les Antigone
(Cocteau, Brecht, Anouilh)
- Le théâtre renouvelle aussi le langage et cette fois, il ne s’agit plus de trouver de nouveaux
codes esthétiques. C’est la fonction même du langage, sa faculté ou son incapacité à engendrer
la communication.
Ex : La Cantatrice chauve de Ionesco
- C’est enfin la mise en scène et la scénographie qui sont repensées. On s’interroge sur le travail
de l’acteur20 (Stanislavski) et le rôle du metteur en scène mais aussi sur tous les éléments
matériels, les décors, les accessoires21 (v. Ionesco, notes et contre-notes manuel Hatier p.22), le
bâtiment lui-même.
Ex : Peter Brook a passé trois ans avec une troupe, sillonnant le monde pour repenser son
approche du théâtre. Quand il s’est senti prêt, il s’est mis à chercher un lieu dans lequel lui et sa
troupe pourraient enfin mettre à l’épreuve de la scène leurs découvertes. Ce lieu, ce sont les
Bouffes du Nord (Paris), un théâtre ravagé par les incendies mais pour lequel il éprouve un
enthousiasme immédiat :
“ […] nous avions devant nos yeux une carcasse délabrée dont je pressentis aussitôt qu’elle répondait à
tous les besoins découverts pendant nos voyages : un espace intime où le public a le sentiment de
partager la vie menée sur scène par les acteurs ; un espace caméléon, car il permet à l’imagination de se
donner libre cours. Il peut devenir coin de rue pour une bagarre ou lieu sain pour une cérémonie. Il est un
espace intérieur et extérieur, tout en un. ” (Oublier le temps p.232)
3) Un théâtre en quête de sens
Une fois remises en cause les pratiques, les conventions, il faut redonner un sens à la notion
même de théâtre. Ainsi se pose la question : qu’est-ce que le théâtre ?
- Nous avons vu que le théâtre contemporain a définitivement abandonné l’idée d’un théâtre
réaliste22. Il n’est pas le reflet d’une société, ni d’une idéologie. Plutôt que de s’occuper du
“ réel ”, il s’interroge sur le “ vrai ”. Au-delà des artifices, de “ l’accessoire ” il tente d’atteindre
une vérité plus large.
Ex : Le Roi se meurt constitue une interrogation universelle sur le sens de la vie et de la mort.
- Dans la Grèce antique, le théâtre avait une dimension sacrée qui depuis s’est perdue23. D’une
certaine façon, c’est ce sens que l’on tente de retrouver au XXe siècle. Restituer la pleine
symbolique de chaque élément du théâtre. Certes, on ne cherche plus à honorer les dieux,
comme dans la tragédie antique mais on n’en est pas moins en quête d’une dimension
universelle : celle de notre humanité.
Ex : En attendant Godot, vision pessimiste de la condition humaine qui attend en vain un dieu
éternellement absent.
Notes :
1 Autres
exemples : la commedia dell arte, le théâtre kabuki, etc.
http://japonline.free.fr/Encyclopedie-Kabuki-Historique.htm
2 Dans le théâtre classique, on privilégie deux décors : “ la palais à volonté ” et “ la place de ville ” 
lieux propices aux rencontres. On trouve aussi l’antichambre (Polyeucte), le cabinet (Bérénice). Chez
Molière le lieu peut être une maison bourgeoise, le salon d’une coquette ou une place de ville. Dans Dom
Juan les lieux sont multiples mais ont une fonction symbolique.
3 Cette règle conduit à un resserrement dramatique. Les auteurs sont contraints de ne garder que qq elts
jugés essentiels (car tout doit de dérouler en un jour)
4 Au cours du XVIIe siècle sont également apparus des éléments qui, progressivement, sont passés du
statut de convention à celui de symbole : le rideau, les “ trois coups ”. Ces derniers sont frappés avant le
lever du rideau par un préposé, à l'aide du brigadier (bâton de 1 mètre de haut, souvent garni de velours
et de clous dorés). Cette coutume permet essentiellement aujourd'hui d'établir le silence dans la salle et
annonce au public l'imminence de la représentation. Mais la vocation de cet usage était tout autre sous
l'ancien régime. Chaque coup possédait sa signification propre. Le premier coup était frappé en
l'honneur du Roi, le deuxième en l'honneur de la Reine, et enfin le troisième honorait le public. Ils
étaient précédés de 11, 12 ou 13 coups rapides suivant le type de pièce. Il semble aussi qu’au XVII°, à la
Comédie française, issue de la fusion de la troupe de l'Hôtel de Bourgogne et de celle de l'Hôtel
Guénégaud, on frappait 6 coups, trois pour Bourgogne, trois pour Guénégaud.
5 Au XVIIe on avait un décor simultané qui, par trois toiles peintes, représentait trois lieux proches. Une
toile au fond et deux sur les côtés + des issues ménagées entre les toiles qui permettaient les entrées et
sorties On l’appelait décor à “ aire de jeux convergente ”. Il était peu propice à l’illusion, tout comme
l’absence de rideau. L’abandon de ce décor au profit d’un décor unique ou de plusieurs successifs a
transformé la dramaturgie.
6 Certains monologues sont de véritables “ morceaux de bravoure ” cf. Le Mariage de Figaro, V, 3 est le
plus longe du théâtre français.
7 Le guignol dont les enfants sont friands sollicite les spectateurs et le conduit à prendre une part active
au spectacle.
8 Autre ex. : Le prologue de l’ Antigone d’Anouilh qui mêle vie des acteurs et des personnages (tend à
briser l’illusion du théâtre).
9 La vraisemblance dans la tragédie vient d’abord du fait que les récits sont issus de l’histoire ou de la
mythologie  elle prend appui sur qqch qui préexiste (même légendaire). Racine, lui, tente de résoudre
la difficulté de la vraisemblance étant donné la courte durée de la tragédie. C’est pourquoi il situe son
action très peu de temps avant la catastrophe finale. “ Le plus bel artifice est d’ouvrir le théâtre le plus
près possible de la catastrophe afin d’employer moins de temps au négoce de la scène et d’avoir plus de
liberté d’étendre les passions et les autres discours qui peuvent plaire ”.
10 Il y a qqch de curieux dans le fait que le faux (les conventions) permette d’atteindre le vrai de
l’émotion.
11 Il ne s’agit pas de “ s’identifier ” aux personnages. C’est un cliché qui n’a pas de sens pour l’œuvre
théâtrale : la distance (entre l’acteur et le spectateur) imposée par les conventions est bien trop grande.
Pourtant le spectacle peut nous toucher. On peut avoir le sentiment que ce qui se dit nous est destiné.
Cela se situe donc sur un autre plan.
12 ou plutôt “ des langages ”. On pourrait produire un argument similaire en évoquant le plaisir visuel
suscité par la gestuelle, la mise en scène, les éclairages, les costumes, etc.
13
À la fin XIXe les impressionnistes ont eu de grandes difficultés pour être reconnus de l’académie et
appréciés du public. Voir à ce sujet L’œuvre de Zola par ex.
14 Le goût peu aventureux des spectateurs est bien connu des directeurs de théâtre qui savent que monter
un auteur contemporain conduit souvent à un flop financier. C’est pourquoi nombre de théâtres ou
compagnies équilibrent leur programmation entre les nouveautés et le répertoire avec lequel ils sont sûrs
de faire recette. Autrement dit, il suffit de monter un Molière pour apurer ses dettes !
15 Chez Molière, les coups de bâton sont un ressort comique récurrent. Ils se situent à mi-chemin entre
guignol qui tape sur le gendarme et la grosse dame du cinéma muet (ou le gendarme !) qui prend une
tarte à la crème dans la figure.
Les scènes de reconnaissance dans l’Avare ou Les fourberies sont particulièrement peu
vraisemblables. D’où vient que nous les acceptons si facilement ? Le dénouement d’une comédie étant
forcément heureux, on sait que cette fin heureuse arrivera sans aucun doute. Dans ce cas, l’intérêt n’est
pas la fin. Aucun spectateur n’est inquiet pour savoir si Elise et Cléanthe pourront épouser ceux qu’ils
aiment. On voit (et revoit) la pièce parce que le personnage d’Harpagon fascine, amuse et donne à
réfléchir sur un travers humain.
17
C’est une pratique sociale : un lieu où l’on se fait voir (dans “ sa ” loge), où l’on se rencontre, où les
messieurs se dissipent en compagnie d’actrices ou de danseuses “ à la cuisse légère ” (Cf. avoir une
danseuse). Le théâtre, l’opéra sont des lieux qui révèlent le triomphe de la bourgeoisie.
18
Le théâtre n’a pas échappée à l’évolution intellectuelle de la 2ème moitié du XIXe. Il subit lui aussi
l’influence de la pensée positiviste. Cela passe d’abord par le roman (cf. Zola, Le roman expérimental)
avant d’arriver sur les planches. Le Théâtre-Libre d’Antoine en est l’une des formes les plus
intéressantes.
19
Alfred Jarry ou Apollinaire sont morts trop jeunes pour continuer leur “ entreprise de sape ”. C’est la
première guerre mondiale qui met fin à l’idéologie bourgeoise du XIXe. Le surréalisme peut enfin
prendre son essor.
20
Au Living Theatre, Julian Beck, connu par le public français dès les années 1960, faisait naître une
série d'images archétypales fortes du seul corps de l'acteur, sans utiliser ni costume ni décor.
21
Pour Jarry : “ Toute partie du décor dont on aura un besoin spécial, fenêtre qu'on ouvre, porte qu'on
enfonce, est un accessoire et peut être apportée comme une table ou un flambeau.”. Paul Claudel affiche
un pareil mépris pour le réalisme : “Dans le fond, la toile la plus négligemment barbouillée, ou aucune,
suffit, dit-il dans la préface du Soulier de satin. Les machinistes feront les quelques aménagements
nécessaires sous les yeux mêmes du public pendant que l'action suit son cours. Au besoin, rien
n'empêchera les artistes de donner un coup de main. Les acteurs de chaque scène apparaîtront avant que
ceux de la scène précédente aient fini de parler et se livreront aussitôt entre eux à un petit travail
préparatoire. Les indications de scène, quand on y pensera et que cela ne gênera pas le mouvement,
seront ou bien affichées ou lues par le régisseur ou les acteurs eux-mêmes qui tireront de leur poche ou
se passeront de l'un à l'autre les papiers nécessaires. [...] Il faut que tout ait l'air provisoire, en marche,
bâclé, incohérent, improvisé dans l'enthousiasme! [...] L'ordre est le plaisir de la raison ; mais le désordre
est le délire de l'imagination.”
22
Un nouveau courant s'est dessiné depuis les années 1970. La contestation politique de Mai 68 et des
années qui ont suivi a suscité l'apparition d'un théâtre engagé, avec des auteurs dramatiques comme
Aimé Césaire, Roger Planchon, Kateb Yacine, Armand Gatti... en même temps qu'un retour à un certain
réalisme. C'est un “ théâtre du quotidien ” que prônent des auteurs comme Michel Vinaver ou
Jean-Claude Grumberg ; mais ce nouveau réalisme, qui caractérise partiellement aussi des auteurs
comme Bernard-Marie Koltès, Philippe Minyana ou Botho Strauss, allie constamment au réalisme un
onirisme débridé. Même s'il est impossible d'imaginer quelles voies empruntera le théâtre dans les
décennies à venir, on peut affirmer avec certitude que le réalisme pur est bel et bien mort.
Yahoo encyclopédie pour les notes 20 à 22
23 Dans d’autres cultures, le théâtre a conservé cette dimension sacrée Cf. le théâtre japonais
16
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