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Fiche faite par Delphine Gret,
pour la question d’agrégation “ expliquer/comprendre
Année 2002-2003 Ens Ulm
INTERPRETER, SUR-INTERPRETER
Enquête, numéro 3, 1996
La question des limites cognitives et des difficultés méthodologiques de l'interprétation
est apparue clairement lors des descriptions de cultures étrangères qui ont conduit à faire par
exemple du "mana" une "substance spirituelle influente qui se répand comme l'électricité". Les
exemples de surinterprétation engendrée par une sous-évaluation des éléments interprétables
sont nombreux. A la suite de l'affirmation d'Umberto Eco (Interprétation et surinterprétation,
1996) posant le développement sans mesure des droits de l'interprète dans les dernières
décennies, on doit se demander dans quelles conditions les chercheurs en sciences sociales
peuvent soutenir que leur tâche consiste à interpréter et en même temps cohabiter avec des
théories ramenant tous les actes de l'interprétation à la seule conjecture ? Les contributions
exposées ici partagent l'idée selon laquelle la construction théorique des savoirs en sciences
sociales est marquée par un pari interprétatif qui doit éviter néanmoins les dérives de
l'interprétation libre. L'ambition poursuivie consiste à raccorder l'inévitable incomplétude de
toute interprétation visant à expliquer un phénomène social avec les opérations et les
évènements qui définissent les méthodologies de l'enquête.
Gérard Lenclud. La mesure de l'excès, remarques sur l'idée même de
surinterprétation.
La notion d'interprétation pose le problème de la relation entre activité d'interprétation
(attribuer du sens à des paroles, conduites, œuvres) et situation de compréhension. Les
conduites humaines, qu'on ne peut expliquer uniquement comme des évènements physiques, il
faudrait les comprendre ou les interpréter. Dans le domaine des considérations
épistémologiques compréhension et interprétation sont synonymes mais entretiennent un
rapport hiérarchique. On interprète autrui dans ses actes aux fins de le comprendre. Weber parle
d'une "compréhension du comportement humain obtenue par interprétation" dans les premières
lignes de l'Essai sur quelques catégories de la sociologie compréhensive , et évoque dans
Economie et société une "science qui veut comprendre par interprétation l'agir social". Mais
l'interprétation n'est pas seulement un instrument de la compréhension, elle y adhère
étroitement (la compréhension proposée par Weber de la formation du capitalisme tient à son
interprétation). L'objectif de l'interprétation du chercheur en sciences sociales est de parvenir au
résultat par la compréhension sans une interprétation supplémentaire c'est-à-dire une
surinterprétation. Mais cet idéal est-il réaliste ?
On peut se demander quelle est la nature de la procédure d'interprétation ? Weber écarte l'idée
que la sociologie compréhensive puisse constituer "une branche de la psychologie". C'est en
effet l'action elle-même qui est à interpréter moins que les motifs de son auteur. Par ailleurs,
l'interprétation est une procédure intellectuelle et non intuitive qui s'appuie sur un savoir
concernant le monde de l'acteur et pas seulement sur sa personnalité. Cependant, les faits à
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objectiver sont de nature psychique. Par conséquent on ne peut pas évacuer la dimension
psychologique de la méthode interprétative. Weber écrit d'ailleurs lui-même dans l'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme "il s'agit de découvrir les motivations psychologiques qui
avaient leur source dans les croyances et les pratiques religieuses qui traçaient à l'individu sa
conduite et l'y maintenaient". L'activité d'interprétation met bien en œuvre une psychologie
dans la mesure l'interprète a pour objectif de reconstruire les "motivations" (attribution
d'états mentaux) des auteurs des conduites étudiées. C'est de manière interprétative que l'on
saisit la relation entre l'esprit protestant et les conduites capitalistes, même si, par la suite,
Weber contrôlera le caractère causal de cette relation par les moyens de la comparaison
historique. En outre, le résultat de la méthode interprétative est logiquement indépendant des
procédures de vérification causale car ce qu'il y a à expliquer il faut bien le comprendre.
Mais cela ouvre la porte à la surinterprétation. En effet, si on considère que rendre compte d'un
comportement consiste à retranscrire les raisons que son auteur en donne, il y aurait
surinterprétation chaque fois que l'interprétation de l'interprète ne coïncide pas avec
l'interprétation de l'interprété ! Il est toujours concevable de commuer un événement (non
intentionnel) en action (intentionnelle) car il suffit d'y découvrir une conscience.
Sans soutenir la thèse absurde selon laquelle toutes les interprétations se vaudraient,
Gérard Lenclud essaie d'expliquer, en faisant valoir le principe de contextualité (un mot ne
prend son sens que dans le contexte d'une phrase, la phrase elle-même dans un énoncé…),
pourquoi il est impossible de tracer une frontière entre interprétation et sur-interprétation
(assignation d' un excédent de sens qui se manifeste par un déséquilibre entre indices et
conclusions). Il conclut son article en posant que les propositions interprétatives, celles qui font
état d'un phénomène de causalité mentale, manifestent à l'évidence un défaut intrinsèque
renvoyant à un mal dont la surinterprétation est le symptôme, nullement inquiétant. Ce texte
peut être lu comme une défense et illustration du devoir de surinterprétation dans les sciences
sociales dans le sens ou le "sur" enjoint le chercheur d'enrichir ses interprétations de départ.
Jean-Pierre Olivier de Sardan. La violence faite aux données, autour de
quelques figures de la surinterprétation en anthropologie.
L'auteur considère que bien qu'une délimitation incontestable de la frontière
interprétation/surinterprétation soit impossible, il est cependant possible de repérer et de
stigmatiser quelques foyers de surinterprétations qui sont autant de formes de "violence" faites
aux supports empiriques. Relèvent de la surinterprétation tous les cas apparaît une
contradiction significative entre les références empiriques et les propositions interprétatives. La
particularité des énoncés anthropologiques surinterprétatifs est qu'il est possible de les récuser
sur des bases empiriques, par la démonstration que des données ont été maltraitées ou mal
prises en compte. J-P.O. de Sardan soutient ici que dans un processus de recherche clairement
interprétatif, des étapes sous-interprétatives (au sens d'une stratégie du profil bas) sont
méthodologiquement nécessaires.
Les sciences sociales, dans un espace épistémologique à la fois totalement interprétatif et
empiriquement contraint, doivent légitimer leurs énoncés interprétatifs. Toutes les
argumentations ne se valent pas et chacune doit "rendre des comptes". On peut distinguer deux
pôles quant aux rapports interprétativité/empiricité. Certains énoncés sont "quasi réfutables"
empiriquement (ils sont alors descriptifs, cas de l'ethnographie, peu de prise de risque
interprétatif), d'autres non (énoncés hypothétiques, comparatifs, explicatifs, cas de
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l'anthropologie, de la sociologie, de l'histoire). Entre ces deux extrêmes circule la plausibilité.
En fait, empiricité et interprétativité sont ainsi toujours mêlés mais selon des dosages différents.
La projection excessive de préconceptions d'un côté, et la paresse méthodologique de l'autre,
fonctionnent comme les deux branches d'un "ciseau surinterprétatif". Cinq figures de la
surinterprétation, qui peuvent se combiner, sont ici examinées : la réduction à un facteur unique
(spécialistes de l'interprétation par l'ethnie, le"genre".), l'obsession de la cohérence
(l'exercice monographique gagne à s'interroger sur les différences plutôt qu'à les aplatir),
l'inadéquation significative (en raison d'une incompétence linguistique, attribuer à une pensée
"indigène" des motivations qu'elle n'a pas), la généralisation abusive, et le "coup du sens caché"
(l'invocation d'une "réalité cachée" suffit à fonder l'argumentation, cas du fonctionnalisme et du
holisme "il est dans la nature de l'habitus de permettre").
J.P.Olivier de Sardan prend l'exemple de l'Essai sur le don (Marcel Mauss, Sociologie et
anthropologie, 1950). Les préconceptions qui voient dans la version océano-maussienne du don
l'antithèse de la vénalité capitalistique ont certes rajouté en surinterprétation. Mais le travail de
Mauss lui même n'en est pas exempt. En effet, en Polynésie ou en Mélanésie, le mana n'est ni
une substance, ni l'âme du donateur enfermée dans une chose donnée, ni un concept
métaphysique, mais une notion populaire évoquant efficacité, pouvoir, capacité et renvoyant
aux ancêtres et aux esprits. On peut ainsi relever les figures de la surinterprétation : erreur de
traduction et durcissement de la métaphore, généralisation abusive avec l'acception erronée de
mana aux sociétés primitives dans leur ensemble, obsession de la cohérence qui transforme le
mana en principe général de la réciprocité. Claude Lévi-Strauss en critiquant Mauss ne
questionnait pas la validité des matériaux utilisés mais il l'accusait de s'être fait mythifier par les
conceptions indigènes en les reprenant trop à son compte.
Néanmoins, les pièges de la surinterprétation (ici vue comme un déficit en exigence
scientifique) ne doivent pas empêcher la prise de risque interprétatif empiriquement contrainte,
au cœur de toute activité de recherche en anthropologie. Comment faire alors ? Faute de
recettes, la critique empiriquement fondée (multiplication en anthropologie des "terrains
revisités") et la recherche des contre-exemples (plus efficace en début de recherche) invitent à
produire des modèles plus exigeants en plausibilité empirique et en véridicité. Il reste la
solution de l'enquête à plusieurs qui permet de fonctionner sur un va-et-vient permanent entre
hypothèses interprétatives et recherches de données vérifiant ou infirmant ces hypothèses.
Bernard Lahire. Risquer l'interprétation, pertinences interprétatives et
surinterprétations en sciences sociales.
Dans le champs des sciences sociales, toutes les interprétations ne se valent pas. Le
travail interprétatif s'y distingue en effet de l'herméneutique libre, c'est-à-dire des
interprétations sauvages, empiriquement non contraintes. L'enquête en sciences sociales est
ponctuée d'actes d'interprétation (d'indices, de corrélations statistiques, de discours,
d'opérations de sélection ou de codage,). La connaissance sociologique ne s'engendre et
n'avance que par un incessant travail d'anticipation des actes de recherche à venir et de retour
réflexif sur les actes antérieurs de recherche.
Les interprétations (au sens de "thèses") peuvent être qualifiées de scientifiques à plusieurs
conditions. Tout d'abord si elles s'appuient sur des matériaux empiriques. Puis, si sont livrés les
principes théoriques de sélection puis les modes de production de ces matériaux. Ensuite, si
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sont désignés les contextes spatio-temporellement situés de la "mesure" (de l'observation) et
enfin si sont explicités les modes de fabrication des résultats à partir des matériaux produits
(mode de traitement des données, choix du type d'écriture scientifique). Lorsque le sociologue
fait correctement son travail, la signification des évènements, des pratiques, des représentations
qu'il propose, constitue toujours un surplus par rapport à ce qui se dit ou s'interprète dans le
monde social. Interpréter c'est donc en quelque sorte surinterpréter par rapport au monde
ordinaire. Mais il ne s'agit pas ici de ces surinterprétations là. Une partie des interprétations
imprudentes ou inadéquates est constituée par trois types de surinterprétations.
Tout d'abord, on distingue celles dues aux décrochages interprétatifs par rapport aux
situations interprétées. Cela est du à l'insuffisance de qualité, de richesse des matériaux utilisés.
Les interprétations sont trop lourdes par rapport à l'information sur laquelle le chercheur
s'appuie. L'interprétation doit s'appuyer sur des exemples variés tirés d'interactions verbales
récurrentes ou sur une interaction verbale confirmée par des propos tenus lors d'un entretien. La
société de consommation de Jean Baudrillard constitue un exemple idéal-typique de ce type de
surinterprétation. En effet, l'auteur multiplie les références à des lieux, objets, situations
sociales réelles (le drugstore, le centre commercial Parly 2, le téléspectateur relaxé devant les
images de la guerre du Vietnam, la machine à laver), l'usage de données chiffrées (taux de
mortalité par CSP,), mais ces exemples ne constituent pas un corpus dont on connaîtrait les
principes théoriques de sélection. L'auteur illustre ses interprétations mais n'enregistre pas des
faits empiriquement attestés (datés, localisés).
Un exemple différent est constitué par l'ouvrage d'Olivier Schwartz, Le monde privé des
ouvriers, qui est au contraire animé de l'esprit d'enquête et par la flexivité sur la méthode
d'observation employée. Cependant, dans certains passages, l'auteur décrit l'impression de
saturation de l'espace par les images et les sons des émissions télévisées dans une poussée
d'emphase herméneutique ("fonction nourricière" de la télévision laissée allumée toute la
journée sans que l'on regarde une émission, métaphore de la "divinité"). Cela peut être au
contraire vécu par les habitants du foyer sur le mode d'une consommation nonchalante (cf. le
"savoir en prendre et en laisser" que Richard Hoggart observait dans les classes populaires
anglaises - La culture du pauvre : Etude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre,
1970).
Enfin , on peut évoquer la théorie de l'écriture énoncée par Claude Lévi-Strauss dans Tristes
tropiques, chapitre "leçon d'écriture", 1955. L'ethnologue profite d'une scène chez les
nambikwara (un "incident extraordinaire" selon lui) pour énoncer une théorie qui n'est pas
fondée sur des données ethnographiques. En effet, alors qu'il distribue des feuilles de papier et
des crayons aux indigènes, seul le chef de bande communique ses réponses à l'ethnologue par
l'intermédiaire de la feuille en traçant des lignes qu'il feint de lire. Alors pour Lévi-Strauss le
"scribe est celui qui a prise sur les autres", et voit dans la lutte contre l'analphabétisme dans les
pays européens du XIXème siècle un élément de renforcement du contrôle des citoyens par le
pouvoir. Jacques Derrida écrira à ce propos que la "pointe de l'incident supporte un énorme
édifice théorique" (De la grammatologie, 1967).
Un deuxième type de surinterprétation est constitué par celles produites par le décalage
entre la situation du chercheur face aux matériaux étudiés et la situation des enquêtés. Le
chercheur oublie alors les conditions réelles dans lesquelles les acteurs étaient amenés à agir,
penser, voir... Il projette le rapport qu'il entretient avec l'objet de connaissance dans la tête de
ceux qu'il étudie (cf. P.Bourdieu "introduire dans l'objet le rapport intellectuel à l'objet", Le
sens pratique,1980). Par exemple, il existe nombre de surinterprétations dans les exégèses
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contemporaines des textes philosophiques grecs ignorantes du fait que les grecs écrivaient sans
intervalles entre les mots rendant la lecture à haute voix nécessaire, la lecture faisant partie du
texte (cf. J.Svenbro, Anthropologie de la lecture en Grèce ancienne, 1988). Les poèmes oraux
en Grèce ancienne ne constituaient pas un genre littéraire mais étaient orientés vers des
fonctions sociales pratiques ( paroles de banquet invitant aux libations et à l'amour).On peut
donc aujourd'hui faire parler les textes grecs à travers d'autres intérêts culturels que ceux des
philosophes grecs, mais aussi à travers le prisme d'autres représentations de l'acte de lire et
d'autres techniques intellectuelles de travail sur les textes. Le problème de surinterprétation
réside donc bien ici dans les conditions dans lesquelles se trouvaient insérés les protagonistes de
l'époque considérée.
Un dernier type de surinterprétation exposé par B.Lahire est constitué par la
combinaison de deux éléments : la sur-abondance de preuves pour prouver la pertinence du
modèle théorique utilisé et la nature "littéraire" (par emploi de procédés d'écriture) de la
production d'effets de preuve avec la profusion d'exemples sur mesure (opposés aux exemples
et contre-exemples engendrés ordinairement par l'enquête empirique). Il prend l'exemple de La
distinction de P.Bourdieu et s'appuie sur les travaux d'Oswald Ducrot qui a constaté que
Bourdieu passe de l'usage ordinaire du langage (un plat est "nourrissant" et "substantiel") à
l'usage philosophique et, ici, sociologique, du concept de "substance" (Le Dire et le dit, 1984).
On retrouve cela dans les oppositions conceptuelles suivantes : nature/culture ("il est nature"),
être/paraître ("sans chichis", "à la bonne franquette"), matériel/symbolique ("nourritures
terrestres", "terre à terre", "matérielles"). On ne distingue plus les différents registres de
langage et on finit par se demander si la preuve de la pertinence de l'interprétation sociologique
n'est pas produite par les glissements sémantiques. Bourdieu décrit des scènes observées mais
qui ne sont pas tirées d'un travail d'observation systématique des comportements et ne font pas
partie d'un corpus théoriquement et méthodologiquement construit (quelle construction de
l'objet pour quel type d'observation ?). Les scènes sont décrites pour exemplifier le schéma
théorique et produisent un "effet de el" (R.Barthes, in Communications, n°11, 1968). Les
observations ont un air de parenté avec des scènes littéraires telles que l'on peut les trouver dans
les romans de Flaubert (un auteur cher à Bourdieu) : " dans les situations ordinaires de
l'existence bourgeoise, les banalités sur l'art, la littérature ou le cinéma ont la voix grave et
bien posée". Chaque exemple se livre comme la quintessence d'un habitus de classe. De même,
Bourdieu utilise des photographies mais qui ne sont pas accompagnées de commentaires alors
que la production d'un effet de connaissance sociologique supposerait l'analyse d'un corpus de
photographies prises dans des conditions relativement similaires, dans des familles socialement
variées et clairement situées.
Toute interprétation est potentiellement surinterprétation car elle prend des risques que
l'on peut néanmoins limiter lorsque le travail interprétatif est contrôlé par les données,
comparées avec d'autres, dans d'autres conditions, etc.Pour aller au-delà des analyses
poussives et autres descriptions plates en gime de sous-interprétation, toute interprétation
sociologique pertinente pourrait être définie comme une surinterprétation contrôlée. Bernard
Lahire conclut en posant que l'épistémologie, lorsqu'elle est leçon tirée du travail de recherche
et invitation à retourner sur le métier, n'a rien d'un préalable incontournable et un peu terroriste
à l'enquête. Elle est guide, outil, appui, mais jamais droit de passage ou préalable.
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