
RAFFINEMENT  ET  PERFECTION 
 
Je préfère abandonner le terme d'évolution à la biologie et parler de 
raffinement  pour  qualifier  le  résultat  du  développement  mental  de 
notre être singulier, d'autant plus que celui-ci ne présuppose aucun 
trajet déterminé mais peut se déployer en diverses directions. C'est ce 
que  nous  montrent  les  grands  maîtres  du  passé.  Nous  pouvons 
considérer  qu'  Epicure,  Confucius  et  Lao-tseu  ont  atteint  le  même 
degré de raffinement, pourtant ils ne se ressemblent pas car ils n'ont 
pas cultivé leur esprit dans les mêmes directions. 
De nombreux courants spirituels utilisent un concept qui affirme qu'il 
existe  un  état  idéal  qui  réunirait  toutes  les  qualités  possibles  sans 
montrer le moindre défaut, même Confucius parle de perfection de la 
sagesse.  C'est  le  danger  de  la  dénomination  qui  présuppose 
l'existence non prouvée d'une chose et nous invite à nous égarer dans 
des fantasmes et des mythes. Toutes les personnes qui croient en la 
perfection seraient surprises de constater et d'admettre après l'avoir 
constaté que ce concept implique logiquement l'idée d'une limite qui 
ne  pourrait  être  dépassée,  et  que  si  le  sens  de  ce  parfait  est 
difficilement  définissable  et  donc  mentalement  complètement  flou, 
celui de limite  est lui bien net et d'une grande clarté et de ce fait 
domine et transforme ce concept au point de le rendre en grande 
partie  obsolète  ou  du  moins  de  le  réduire  à  quelque  chose  de 
beaucoup moins séduisant qu'il n'y paraissait au premier abord. 
Le courant bouddhiste est sans doute celui qui s'est le plus enferré 
dans  cette  idée  de  perfection  en  plaçant  au  centre  de  ses 
préoccupations et de son cadre conceptuel ce qu'il désigne comme la 
suprême illumination parfaite du Bouddha, et en a tiré en partie du 
moins les conséquences en concevant cet éveil parfait comme une 
extinction,  c'est  à  dire  qu'au  delà  il  n'y  a  non  seulement  plus  de 
progression  possible  mais  tout  simplement  plus  rien.  Cette 
conception est la conséquence de l'influence de la culture indienne